M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 46 est présenté par MM. Courteau, Raoul, Botrel, Bourquin, Daunis, Guillaume et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Rainaud, Repentin, Teston, Bérit-Débat, Berthou et Besson, Mme Bourzai, MM. Fichet, Guérini, Jeannerot, Mazuir, Sergent et les membres du groupe Socialiste et apparentés.

L'amendement n° 147 est présenté par M. Danglot, Mmes Didier, Schurch et Terrade, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

Tous deux sont ainsi libellés :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Avant le 31 décembre 2010, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la qualité, la sécurité et le financement du réseau public de distribution d'électricité.

La parole est à M. Roland Courteau, pour présenter l’amendement n° 46.

M. Roland Courteau. Les élus que nous sommes ont pu constater combien la qualité des services rendus par les réseaux de distribution s’est dégradée depuis plusieurs années.

En mars 2010, un rapport d’étape de la CRE pointait les facteurs explicatifs de cette dégradation continue de la performance des réseaux. Au rang des principales causes figurait l’ouverture à la concurrence de la fourniture de l’électricité, qui a conduit à séparer les activités de distribution et de fourniture d’électricité, jusqu’alors exercées par la même direction au sein d’EDF. C’est dire si l’accroissement de la concurrence améliore les choses…

Le rapport soulignait notamment que « les organigrammes d’ERD, puis d’ERDF, issus de la nouvelle organisation, ont dilué la responsabilité de la qualité entre plusieurs entités, le plus souvent éloignées du terrain ». Pourtant, avec ce projet de loi, on continue d’appliquer aveuglément le dogme de la concurrence et de la libéralisation à tout crin.

La CRE avait également signalé la réduction excessive à la fois de la maintenance préventive et des investissements de modernisation des réseaux concédés à ERDF, filiale à 100 % d’EDF. Le rapport soulignait tout particulièrement que l’expansion internationale d’EDF s’était faite au détriment des investissements de renouvellement des ouvrages de distribution vétustes sur le territoire national. Or l’acquisition de British Energy à un coût gigantesque va alourdir encore l’endettement d’EDF.

Des choix semblent donc avoir été faits par EDF et ses actionnaires qui n’accordent pas la priorité à la maintenance du réseau de distribution. Sans doute, suggère toujours le rapport d’étape, est-ce parce que ce type d’investissement de nature à assurer la qualité du réseau n’est pas assez rentable…

Et les auteurs de ce rapport d’étape de recommander que l’on en revienne à une planification des investissements par le biais d’un programme pluriannuel d’investissements de distribution, avec un taux d’investissement qui serait fixé par le ministre de l’énergie. On est loin, très loin du marché...

Mais ils préconisaient également, entre autres solutions, d’ouvrir le capital d’ERDF à des investisseurs externes. C’est aller très vite en besogne… Cette solution ne nous paraît pas acceptable, car elle irait sans doute à l’encontre de l’objectif souhaité.

Il nous paraît donc essentiel que, avant le 31 décembre 2010, le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur la qualité, la sécurité et le financement du réseau public de distribution d’électricité.

M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch, pour présenter l'amendement n° 147.

Mme Mireille Schurch. Dans un amendement précédent, nous avons demandé l’établissement d’un rapport sur les conséquences de l’ouverture forcée du marché, portée par ce projet de loi, sur les tarifs de l’électricité.

Cependant, l’incidence d’une telle déréglementation ne se mesure pas seulement en termes de coûts et de tarifs ; des questions se posent aussi, pour l’avenir, en matière d’emploi et d’aménagement du territoire.

On le sait, ouverture à la concurrence et privatisation n’ont jamais été synonymes, pour les salariés, d’embauches, d’amélioration des conditions de travail, et encore moins de hausses de salaire.

En effet, pour le secteur privé, la main-d’œuvre est un coût, qu’il faut toujours réduire, avant d’être un investissement.

Cependant, peut-on réellement se permettre, dans le secteur de l’énergie, de rogner sur les dépenses de main-d’œuvre ?

Les agents d’EDF, dont il est souvent de bon ton, ici, de critiquer le statut, interviennent sur des installations stratégiques dangereuses, telles que les lignes électriques à haute tension ou les centrales nucléaires. Autant dire qu’ils ne sauraient être l’objet d’une gestion guidée prioritairement par le souci de la rentabilité financière.

Cette main-d’œuvre hautement qualifiée nécessite une solide formation, une rémunération à la hauteur des responsabilités exercées, ainsi qu’une protection médicale particulière pour certaines activités ; je pense ici au nucléaire.

Les conditions de travail doivent être à la hauteur des enjeux de sécurité. Le degré de fiabilité des équipements ne peut pas évoluer en fonction des fluctuations des cours de la bourse.

Or l’état du réseau de distribution électrique français est préoccupant. En témoigne sa vulnérabilité aux tempêtes qui ont frappé la France ces derniers temps. Le rapport de nos collègues de l’OPECST, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, préconise de « redonner aux lignes leur caractère de bien public ».

C’est la raison pour laquelle nous demandons que, avant le 31 décembre 2010, le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur la qualité, la sécurité et le financement du réseau public de distribution d’électricité.

M. le président. L'amendement n° 123, présenté par MM. Courteau, Fichet, Raoul, Botrel, Bourquin, Daunis, Guillaume et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Rainaud, Repentin, Teston, Bérit-Débat, Berthou et Besson, Mme Bourzai, MM. Guérini, Jeannerot, Mazuir, Sergent et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Avant le 31 décembre 2010, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la qualité du réseau public de distribution d'électricité dans chaque département et les solutions envisagées pour un égal accès à l'électricité sur tout le territoire national.

La parole est à M. Jean-Luc Fichet.

M. Jean-Luc Fichet. Cet amendement vise à alerter le Gouvernement sur l’inégalité des citoyens dans l’accès à ce service public vital qu’est l’électricité.

Avec la région Provence–Alpes-Côte d’Azur, la région Bretagne fait partie des régions les plus fragilisées ; elle est donc l’une des plus vulnérables en termes de coupures de courant.

Nous pourrions ainsi citer, pour la seule année 2010, les 20 000 foyers privés d’électricité dans le pays bigouden le 4 mars, les 700 foyers privés d’électricité à Quimper, Plonéis, Pluguffan et Guengat le 23 mai, les 46 000 foyers privés d’électricité le matin même dans le Finistère, les 400 foyers privés d’électricité à Brest le 26 juin 2010 ou encore les 600 foyers privés d’électricité à Saint-Martin-des-Champs la veille. Ce ne sont là que quelques exemples. Mais les causes sont communes : matériels vieillissants, transformateurs défectueux, anomalies d’alimentation.

Le Finistère, au même titre que les autres territoires ruraux, souffre de coupures de courant à répétition. Une étude nationale récente pointe d’ailleurs les manquements d’ERDF en matière d’investissement et d’entretien du réseau, avec les conséquences que l’on connaît.

Si ERDF investit aujourd’hui massivement dans le photovoltaïque, ce ne doit pas se faire au détriment des réseaux existants.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Tout à fait !

M. Jean-Luc Fichet. Un autre amendement du groupe socialiste avait pour objet d’étudier de façon globale le réseau de distribution de l’électricité en France. Mon amendement rejoint cette idée, mais il a aussi pour objet de constater les déséquilibres entre les territoires en matière de distribution de l’électricité.

Cet amendement doit permettre de faire la lumière sur l’état du réseau public de distribution dans chaque département et d’apporter des solutions afin que l’ensemble de la population ait un égal accès à l’électricité.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Il est évident que la qualité du service de distribution d’électricité constitue une vraie préoccupation. Pour autant, faut-il un rapport du Gouvernement pour établir un diagnostic ? Je ne le crois pas, car nous faisons notre travail en auditionnant les personnes concernées. Chaque fois que l’un d’entre nous a demandé l’audition de telle personne, nous avons pu y procéder, n’est-ce pas, monsieur le président de la commission ? Récemment, nous avons entendu la nouvelle PDG d’ERDF. Son intervention était très intéressante. Vous avez d’ailleurs, les uns et les autres, sur quelque travée que vous siégiez, posé des questions très pertinentes, et ce pour des raisons très simples : vous connaissez très bien les réseaux de distribution d’électricité dans vos départements et les problèmes qui se posent. Alors qu’elle avait été nommée depuis peu de temps, la PDG d’ERDF nous a répondu sans pratiquer la langue de bois. Si c’est nécessaire, nous lui demanderons de revenir.

En tout état de cause, je suis défavorable à l’élaboration d’un rapport.

En revanche, j’indique que je suis tout à fait favorable à l’article 11 bis A dû à l’initiative de notre collègue Xavier Pintat. À cet égard, je rappelle que tous les groupes politiques, qu’il s’agisse du groupe CRC-SPG, du groupe socialiste, du RDSE, de l’Union centriste ou encore de l’UMP, ont déposé, voilà quelques jours, des amendements identiques visant à demander qu’ERDF dresse le bilan de tout ce qui a été fait l’année passée et présente un bilan prévisionnel des travaux envisagés pour l’année à venir. Il s’agit là d’une vraie avancée et d’un réel service rendu à tous les syndicats d’électricité en France.

Je puis en témoigner, la commission de l’économie fait du bon travail et dispose, quand elle le souhaite, des informations nécessaires. Je le dis très sincèrement, il n’est nul besoin de prévoir ce rapport, qui ne servira à rien. Je souhaite que nous continuions à travailler de la même manière.

En conséquence, la commission a émis un avis défavorable sur ces amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Le texte que nous examinons concerne la production. Certes, cela ne signifie pas que la distribution ne soit pas un sujet tout aussi fondamental, mais nous parlons aujourd'hui de l’organisation de la production et des marchés de l’électricité en matière de production.

Lancer un débat sur la distribution est évidemment essentiel dans notre pays, mais il existe une multitude de rapports en la matière. Une mission d’information parlementaire travaille d’ailleurs actuellement sur ce sujet. Attendons ses conclusions avant de nous prononcer.

Voilà un premier élément de réponse de nature à justifier un avis défavorable.

J’en viens à la situation particulière de la Bretagne. Vous avez raison de dire, monsieur le sénateur, qu’il existe une problématique particulière dans cette région, qui constitue une fin de réseau. C’est la raison pour laquelle nous avons lancé un appel d’offres tendant à y créer un outil de production.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Or vous savez comme moi que cet appel d’offres n’a pas reçu un accueil des plus chaleureux, me semble-t-il, de la part des élus locaux.

M. Daniel Raoul. C’est un euphémisme !

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. C’est peut-être pour cette raison que celui-ci n’a pas débouché. Dont acte. Nous allons lancer un nouvel appel d’offres. Essayons ensemble de mobiliser les élus locaux pour pouvoir créer cet outil de production !

Il me semble bien plus efficace d’aller dans cette direction plutôt que de nous poser des questions en matière de distribution.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Je pense avoir répondu précisément à Roland Courteau et à Mireille Schurch, mais j’aimerais revenir sur le sujet qu’a évoqué Jean-Luc Fichet et qui me tient à cœur.

Il est vrai que le rôle d’ERDF n’est pas de subventionner le photovoltaïque, …

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Je suis tout à fait d’accord !

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. … mais de se consacrer à sa mission publique principale, à savoir l’entretien et le développement du réseau de distribution.

D’ailleurs, lorsque j’ai présenté un amendement en commission sur ce point, le groupe socialiste n’a pas voté contre. Mais nous débattrons tout à l'heure de ce sujet très important, et je remercie notre collègue de l’avoir évoqué.

M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour explication de vote.

M. Claude Bérit-Débat. Bien entendu, je soutiendrai la proposition présentée par mon collègue Jean-Luc Fichet. Mais je voudrais rebondir sur les réponses qui ont été apportées par M. le rapporteur et par M. le secrétaire d’État.

Selon M. le rapporteur, nous n’avons pas besoin de faire une étude car, lorsque nous interpellons la PDG, quand nous posons des questions, on nous répond. Vous avez une très bonne connaissance de vos réseaux, donc vous nous alertez.

Mais cela n’a rien à voir avec une étude exhaustive sur l’ensemble de notre territoire ! En général, ce qui est vrai pour la Bretagne l’est aussi pour d’autres régions et départements, en particulier des départements ruraux comme le mien, la Dordogne.

Un rapport exhaustif nous permettrait, en plus de mesurer l’état du réseau sur l’ensemble de notre territoire, de voir les différences d’un département à l’autre et donc ce qu’il serait nécessaire de faire pour améliorer la situation.

Quant à M. le secrétaire d’État, il nous a répondu qu’il ne fallait pas mélanger ce qui touche à la production, sujet sur lequel nous travaillons aujourd’hui, et ce qui concerne la distribution. Mais cette réponse-là, le Gouvernement nous l’a déjà faite par le passé quand nous avons examiné la loi de modernisation de l’agriculture, la LMA, quand nous avons parlé des collectivités territoriales... Ce n’est jamais le bon moment. Conclusion : on n’en parle jamais !

M. Roland Courteau. Il a raison !

M. Claude Bérit-Débat. Voilà pourquoi je soutiendrai l’amendement n° 123.

M. le président. La parole est à M. Michel Sergent, pour explication de vote.

M. Michel Sergent. J’ai bien entendu la réponse de M. le rapporteur à propos des rapports dont nous avons déjà eu connaissance. C’est mon cas en tant que président d’un syndicat départemental d’électricité.

Il n’en reste pas moins que la situation est diverse dans tout le pays. Certes, nous discutons de la production. Alors parlons-en ! Mais – et nous le disons aussi en d’autres lieux – si, dans cette grande maison qu’est EDF, on fait très attention à la production et, bien sûr, à la fourniture qui est le nerf de la guerre, si le transport n’est pas délaissé, la distribution, elle, apparaît parfois comme le parent pauvre !

Voilà pourquoi un rapport pourrait être intéressant pour avoir une vision globale. C’est la raison pour laquelle je me rallie aux propositions de mes collègues.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jacques Blanc, pour explication de vote.

M. Jacques Blanc. Soyons clairs : il s’agit d’ERDF et non d’EDF !

Il est important qu’ERDF fasse un rapport au syndicat départemental d’électrification. D’ailleurs, nous avons la possibilité de manifester dans le cas où ERDF ne répondrait pas à nos sollicitations. Notre Fédération nationale, que préside avec beaucoup d’efficacité notre ami Xavier Pintat, nous apporte aussi un soutien.

ERDF est concessionnaire de nos syndicats pour une partie de la distribution, puisque nous sommes propriétaires de ce réseau. RDF pour la moyenne tension ou RTE sont aussi appelés à répondre à nos sollicitations.

Ce qu’il faut, c’est non pas un rapport du Gouvernement, mais des rapports dans chaque département, car il est important de mettre en place des relations et des partenariats avec chaque organisateur, chaque syndicat départemental d’électrification.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Tout à fait !

M. Jacques Blanc. Nous saisissons cette opportunité pour réaffirmer la volonté des syndicats départementaux qu’ERDF ou RTE soient des partenaires, et il est essentiel que des échanges aient lieu à ce niveau-là.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 46 et 147.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 123.

(L'amendement n'est pas adopté.)