M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Si vous aviez gouverné, vous n’auriez certainement pas fait mieux, mais peut-être pire ! (Applaudissements sur les travées de lUMP. – Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Jean-Louis Carrère. Nous avons laissé des comptes à l’équilibre !

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cessez de jouer les donneurs de leçon ! (Nouvelles protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

Naturellement, ces chiffres traduisent en partie l’impact de la crise, que vous préférez ignorer.

M. Jean-Louis Carrère. Les mauvais gestionnaires, c’est vous !

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Ces résultats ont aussi des causes structurelles, que vous semblez zapper.

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Vous savez bien que pèsent sur l’équilibre des comptes, à la fois, l’arrivée à l’âge de la retraite des générations nombreuses du baby-boom, la poursuite des départs anticipés pour carrières longues, ainsi que les conséquences de l’allongement de l’espérance de vie des retraités, ce dont nous ne pouvons, par ailleurs, que nous réjouir.

Je vous rappelle, mes chers collègues, qu’en 1960, nous avions, dans ce pays, 4 actifs pour un retraité. En 2010, nous n’en avons plus que 1,8 ; en 2020, la proportion descendra à 1,5 et, en 2050, à 1,2 seulement. Comment voulez-vous, dans ces conditions, maintenir en l’état notre système de retraite ? (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Jean-Louis Carrère. On vous aidera à trouver une solution !

M. Martial Bourquin. Et les 4 millions de chômeurs ?

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. À ce déficit s’ajoute la situation préoccupante du Fonds de solidarité vieillesse, le FSV, qui prend en charge les dépenses non contributives de l’assurance vieillesse. Très sensible aux évolutions de la conjoncture, je l’ai dit à plusieurs reprises, le FSV subit un effet de ciseaux : sa situation se dégrade ou s’améliore en fonction de ces évolutions.

Après un léger excédent en 2007, le FSV affiche désormais un sérieux déséquilibre. À hauteur de 3 milliards d’euros en 2009, son déficit atteint près de 4,5 milliards d’euros en 2010. Pour 2011, le projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit encore un déficit proche de 4 milliards d’euros.

En termes prospectifs, les prévisions sont encore plus alarmantes. Les travaux du Conseil d’orientation des retraites, le COR, largement diffusés, sont maintenant bien connus : sans réforme, nos systèmes de retraites pourraient connaître un déficit de 45 milliards d’euros en 2020, 70 milliards d’euros en 2030 et plus de 100 milliards d’euros en 2050.

Je rappelle que ces montants sont obtenus sur la base d’un scénario économique que le COR qualifie d’intermédiaire, mais que notre commission juge par trop optimiste.

Le COR postule, par exemple, que le taux de chômage ne sera plus que de 4,5 % en 2020 et que le taux de productivité progressera de 1,5 % par an. Or les résultats enregistrés dans notre pays depuis plus de trente ans permettent, hélas, d’en douter...

De telles perspectives imposent à l’évidence d’agir, ce que fait le Gouvernement. Nous lui en savons gré. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste.)

En effet, si cette réforme est nécessaire, elle n’est pas pour autant facile. Nous devons en avoir bien conscience avant de remettre en question les modalités retenues : il est certainement plus simple de critiquer que de proposer et de mettre en œuvre. Vous voyez à qui je fais allusion ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP.)

Le travail mené au printemps dernier par la MECSS, que j’ai l’honneur de présider, est pourtant la preuve qu’une réflexion sans a priori et approfondie est possible. Nous pouvons, certes, diverger sur la manière concrète de réformer tel ou tel aspect de notre système ; mais, comme l’a rappelé Dominique Leclerc, aucune divergence n’est apparue au sein de la MECSS sur le diagnostic et l’examen du fonctionnement actuel de nos régimes, ni même sur l’analyse des moyens disponibles pour les réformer.

Le rapport d’information signé par Christiane Demontès et Dominique Leclerc fournit, me semble-t-il, un éclairage très utile à notre débat, et j’engage tous ceux qui ne l’ont pas encore fait à s’y référer. Il dresse un point complet et détaillé sur les réformes antérieures, la situation actuelle et les possibilités d’action, à la fois pour régler l’urgence et préparer l’avenir.

M. René-Pierre Signé. Et il est objectif !

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. En effet, monsieur signé !

Cette vision à plus long terme reste d’ailleurs une priorité pour notre commission : en 2008, lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, nous avions déjà demandé au COR qu’il établisse un rapport sur les systèmes de retraite par points. Ce rapport a été rendu public en début d’année. Nous pensons qu’il est désormais nécessaire d’aller plus loin et d’ouvrir, sans trop attendre, une réflexion large et ouverte sur la possibilité d’adopter un tel système à plus long terme. (M. Jean Desessard s’exclame.) Nous y reviendrons certainement dans le cours de nos discussions.

À ce stade, je souhaite seulement indiquer qu’il nous semble nécessaire de nous engager rapidement dans ce travail. En effet, les phases d’étude, puis de mise en place d’une telle réforme peuvent être très longues. On l’a vu en Suède, en Allemagne, en Italie, dans tous les pays qui ont emprunté cette voie.

Dès lors, il ne nous paraît plus possible de reporter une nouvelle fois le début de ce processus, sans évidemment préjuger – je le précise bien – de l’issue de nos travaux. C’est pourquoi nous examinerons un amendement relatif à une éventuelle réforme systémique.

La réforme présentée aujourd'hui par le Gouvernement vise à assurer le rétablissement effectif de l’équilibre général des régimes de retraite à l’horizon 2018. Le rapporteur général des équilibres financiers sociaux que je suis ne peut que s’en féliciter. Mais comment parviendra-t-on à cet équilibre ?

Pour la moitié environ du chemin à parcourir, soit pour un peu plus de 20 milliards d’euros, l’équilibre sera atteint, d’une part, grâce aux mesures d’âge, d’autre part, par la mise en œuvre de dispositifs de convergence entre les secteurs public et privé, dans la proportion de trois quarts et un quart. Ces mesures, qui ont été parfaitement présentées par Dominique Leclerc, sont au cœur du projet de loi que nous examinons. Elles sont non seulement nécessaires, mais justes et efficaces ; je n’y reviens donc pas.

Parmi les autres éléments du bouclage financier figure, tout d’abord, l’engagement de l’État employeur de maintenir, sur toute la période, son effort annuel net à 15,6 milliards d’euros, soit le montant du déficit du régime des fonctionnaires de l’État en 2010. Cela sera-t-il suffisant jusqu’en 2018 et au-delà ? M. le secrétaire d'État, Georges Tron, le pense, à condition que l’on procède à une augmentation des cotisations, c’est-à-dire en harmonisant le régime des fonctionnaires avec celui du privé.

Mais il faudra prendre en compte, monsieur le secrétaire d’État, le maintien de la mesure de suppression d’un poste de fonctionnaire sur deux, qui conduit à une diminution du nombre d’actifs. L’effectif des retraités risquant de progresser, l’augmentation des cotisations suffira-t-elle à compenser la baisse des actifs ? La MECSS ne manquera pas de se pencher sur ce problème.

Ensuite, le bouclage financier suppose également le basculement progressif des cotisations d’assurance chômage vers l’assurance vieillesse à compter de 2015. On transférera d’abord 400 millions d’euros, puis 1 milliard d’euros et, enfin, 1,2 milliard d’euros.

Lors de la réforme des retraites menée par François Fillon, nous avions prévu, non sans optimisme, un basculement au terme d’une période de dix ans des cotisations UNEDIC vers celles de la branche vieillesse, pour un montant global de 10 milliards d’euros. Or le rendez-vous n’a pas eu lieu du fait de la crise qui nous est venue des États-Unis. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Jean-Louis Carrère. Il faut faire payer les États-Unis ! (Sourires sur les mêmes travées.)

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. On ne peut pas accuser le Gouvernement d’être à l’origine de cette situation !

Par ailleurs, comme l’a rappelé Éric Woerth, s’agissant du bouclage financier, nous mobiliserons également des recettes nouvelles, dès 2011, à concurrence de 4,4 milliards d’euros, dont 2 milliards d’euros au titre des exonérations. C’est un sujet qu’aime évoquer, à juste titre, notre collègue Serge Dassault. (Nouveaux sourires.)

M. Jean-Louis Carrère. Le Rafale, personne n’en veut !

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Le traitement des déficits cumulés de 2011 à 2018 est aussi l’un des éléments de la réforme, qui concerne plus particulièrement la CADES.

La plupart de ces mesures devraient figurer dans les projets de loi de financement de la sécurité sociale et de finances pour 2011.

Si je comprends le choix fait par le Gouvernement de réserver aux textes financiers les dispositions relatives aux impôts, taxes et contributions, il n’en demeure pas moins que cette façon morcelée d’examiner une réforme aussi importante n’est pas pleinement satisfaisante.

M. Guy Fischer. C’est même inadmissible !

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Peut-être eût-il fallu que le Gouvernement dépose, en même temps que le projet de loi portant réforme des retraites, des textes financiers rectificatifs que nous aurions pu examiner simultanément ?

Nous avons ressenti la même frustration, et j’ai évoqué ce point, lors du récent débat sur le projet de loi organique relatif à la gestion de la dette sociale. D’autres réformes comportant un important volet financier sont attendues prochainement. Je pense, notamment, au texte relatif à la dépendance, qui doit prévoir la mobilisation de moyens non négligeables.

Il me semble impératif que nous débattions de ces réformes de manière complète lorsqu’elles viendront devant le Parlement : cela suppose que nous prenions connaissance de leur dispositif financier. J’imagine difficilement, en effet, que nous puissions aborder tous ces sujets sans une approche globale des aspects financiers et des modalités d’application.

Quoi qu’il en soit, le schéma présenté par le Gouvernement a, au moins, deux mérites.

Premièrement, il traite la question des déficits qui vont s’accumuler jusqu’au retour à l’équilibre des régimes de retraite, soit des montants très significatifs que le Gouvernement évalue au total, pour la branche vieillesse, à 62 milliards d’euros pour la période 2011-2018. Ces déficits seront repris, au fur et à mesure, par la CADES, qui bénéficiera de la ressource et des actifs du Fonds de réserve pour les retraites, le FRR, pour les refinancer.

Deuxièmement, les ressources nouvelles mises en place, parallèlement aux mesures d’âge, affectent à juste titre des revenus ciblés, ceux du capital et les plus hauts revenus. Elles sont, par ailleurs, équitablement réparties entre les ménages et les entreprises, mettant les uns et les autres à contribution pour un produit estimé à 4,4 milliards d’euros à l’horizon 2018. Dans le contexte actuel, un tel choix permet de ne pas gêner la reprise économique, qui reste encore bien fragile.

À ceux qui véhiculent l’idée, relayée par la presse, selon laquelle le financement de notre régime de retraite pourrait reposer exclusivement sur la frange la plus riche de la population, permettez-moi de répondre que c’est une fausse bonne idée ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Guy Fischer. Encore un défenseur des riches et des actionnaires !

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Je vous demande, monsieur Fischer, de bien vouloir examiner les chiffres et la réalité de la situation ! Prétendre trouver 2 milliards d’euros en taxant les stock-options et les bonus,...

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. ... c’est une pure fantaisie !

Aujourd’hui, l’assiette des bonus distribués en France représente 700 millions d’euros et celle des stock-options, 2 milliards d’euros.

Pour obtenir un rendement fiscal de 2 milliards d’euros sur une assiette de 2,7 milliards d’euros, il faudrait taxer ces revenus à de tels niveaux que les entreprises renonceraient à ces dispositifs…

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. … qui, de fait, ne rapporteraient plus un sou à l’État ! (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)

De même, s’agissant de l’impôt sur les sociétés, la surtaxe de 15 % que vous souhaitez mettre en place sur le bénéfice des banques rapporterait non pas 3 milliards d’euros en plus, mais 300 millions d’euros. Et encore faudrait-il, pour parvenir à ce chiffre de 300 millions, faire passer cette taxe de 15 % à 70 %, ce qui pénaliserait inévitablement les entreprises et les ménages.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous ne citez pas les exonérations de charges des entreprises !

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Par ailleurs, faire croire qu’on réglera le problème des retraites en augmentant massivement les prélèvements, en particulier ceux sur le capital ou sur les riches, c’est mentir aux Français !

L’impôt sur le revenu rapporte 50 milliards d’euros. Même si l’on augmentait les taux de 50 %, on n’obtiendrait pas suffisamment d’argent pour financer le seul déficit de l’année 2010.

Certes, le bouclier fiscal (Ah ! sur les mêmes travées.) coûte au budget de l’État 600 millions d’euros,...

M. Guy Fischer. Vous auriez dû commencer par là !

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. ... mais le déficit prévisionnel pour 2010 s’élève à 32 milliards d’euros ! Protestations sur les mêmes travées).

L’assiette de la taxation des stock-options est de 2 milliards d’euros : même si on les taxait à 100 %, il resterait toujours 94 % du déficit pour 2010 et 98 % pour 2050 !

J’espère donc, mes chers collègues, que ces chiffres parlent d’eux-mêmes et je souhaite que les médias s’en fassent l’écho afin que l’opinion publique ait une juste idée de la réalité de la situation, et qu’elle ne continue pas à croire au Père Noël en raison de discours démagogiques prononcés d’un certain côté de l’hémicycle. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de lUMP – Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur quelques travées de lUnion centriste.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Paradis fiscaux ! Comptes en Suisse !

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Je tiens également à répéter des propos que j’ai souvent tenus à l’occasion de l’examen des lois de financement de la sécurité sociale.

Parmi les mesures retenues par le Gouvernement pour le financement de la réforme des retraites, il en est une que nous avions déjà proposée en commission des affaires sociales l’an dernier. Il s’agit de l’annualisation des allégements de charge. Le Gouvernement n’avait pas souhaité retenir cette mesure en 2009, parce qu’il voulait en mesurer l’impact en termes de pertes d’emplois. Je me réjouis que, aujourd'hui, il retienne cette disposition. Elle nécessitera sans aucun doute une réflexion approfondie sur l’allégement global des charges, qui coûte pas moins de 30 milliards d’euros au budget de l'État. Si c’est une compensation pour la sécurité sociale, c’est tout de même un coût qui vient aggraver le déficit général du budget de l'État.

Nous devrons nous poser la question de savoir s’il faut perdurer dans cette situation, naturellement par comparaison avec ce qui se fait dans d’autres pays

Restent quelques interrogations. La première porte sur le pari renouvelé du basculement des cotisations de l’UNEDIC vers l'assurance vieillesse. Dans sa version initiale, le schéma du Gouvernement était plus prudent qu'en 2003, en ne prévoyant qu'un basculement progressif, de 400 millions d’euros en 2015 à 1 milliard d’euros en 2018, puis à 1,4 milliard d’euros en 2020. On est loin du montant de 6,5 milliards d’euros prévu pour accompagner la réforme de 2003. Ce schéma n’est-il pas encore un peu optimiste par rapport aux prévisions connues par le passé ?

Néanmoins, cette hypothèse dépend non seulement de la conjoncture économique, mais également des conséquences de la présente réforme sur les comptes de l'UNEDIC.

En outre, pour assurer le bouclage financier de la réforme après le vote de nouvelles mesures par l'Assemblée nationale, le Gouvernement a décidé de plus que doubler la contribution de l’UNEDIC à l'équilibre général de la réforme : celle-ci pourrait désormais atteindre 3,3 milliards d’euros en 2020.

Les amendements adoptés en commission des affaires sociales prouvent l’intérêt porté par le Sénat à la question de la solidarité nationale, notamment en direction des plus fragiles et des plus démunis. Il s’agit des mesures concernant l’allocation équivalent retraite, l’AER, les handicapés. À cela s’ajoute une disposition à laquelle nous réfléchissons avec le Gouvernement en faveur des femmes ayant eu une carrière hachée et qui ont plus de trois enfants. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

Cet ensemble de mesures représente un coût supplémentaire par rapport au texte adopté par l’Assemblée nationale. Je souhaiterais donc, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d'État, que vous nous éclairiez quant aux moyens financiers que l’on pourra mobiliser pour assurer le maintien de l’équilibre général.

De la même manière, toutes les projections montrent que le régime général connaîtra encore un déséquilibre en 2018. La présidente de la Caisse nationale d’assurance vieillesse, lors de son audition par la commission, nous a informés que le régime général de base garderait un déficit de 4 milliards d’euros en 2018.

Certes, M. Baroin, qui s’est exprimé au nom du Gouvernement devant la commission des comptes de la sécurité sociale, a annoncé un déficit de 2,3 milliards d’euros en 2018 et de 2,4 milliards d’euros en 2020.

M. Jean-Louis Carrère. On n’en peut plus ! C’est un rouleau compresseur !

M. René-Pierre Signé. Et vous êtes mauvais !

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Mais pour assurer l’équilibre général du dispositif, le Gouvernement a prévu une sorte de fongibilité entre les régimes et une mutualisation des excédents enregistrés par chacun d’eux du fait de l’application des modalités de la réforme, afin de compenser les déficits qui apparaîtraient encore s’agissant du régime général.

Je souhaite, enfin, faire part au Gouvernement de la position de la commission des affaires sociales sur un dernier point qui a recueilli l’unanimité de ses membres.

L’idée qui consisterait à aller puiser dans les réserves du régime complémentaire de l’AGIRC, l’Association générale des institutions de retraite des cadres, et de l’ARCO, l’Association pour le régime de retraite complémentaire des salariés, ne me paraît pas une solution satisfaisante.

J’y suis personnellement totalement opposé et je crois savoir que nombre de mes collègues de la commission partagent cet avis.

Pourquoi faudrait-il, en effet, que la gestion prudente et avisée des partenaires sociaux serve à combler les trous du régime général et la gestion impécunieuse de l'État ? Ce serait à mon sens un bien mauvais signal à l’égard des partenaires sociaux ! (Marques d’approbation sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.) On ne peut en effet, lorsqu’ils ont assumé la responsabilité de l’équilibre, leur demander à la première occasion de venir prendre une partie des provisions et de l’excédent.

M. Jean-Louis Carrère. Cela au moins, c’est juste !

Mme Christiane Demontès. Il ne fallait donc pas y toucher, monsieur le rapporteur général !

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Nous resterons donc vigilants s’agissant tant de ce montage que du financement de la dette vieillesse par le FRR. Comme chacun sait, la MECSS s’était en effet montrée très réservée quant à l’utilisation des réserves du fonds.

Ayant conscience d’avoir déjà été assez bavard,…

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. … j’arrêterai ici mon propos, en exprimant, mes chers collègues, mon souhait que nous ayons un débat serein et constructif, dans l’intérêt de l’ensemble de nos concitoyens ! (Bravo ! et applaudissements nourris sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.).

(M. Jean-Claude Gaudin remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin

vice-président

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis de la commission des finances. Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, « la prévision est un art difficile surtout lorsqu'elle concerne l'avenir ». Il est pourtant un domaine où l'avenir semble largement écrit et où rien ne paraît pouvoir infléchir la tendance des prochaines années : nous vieillissons !

M. Jean-Louis Carrère. Certains plus que d’autres !

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Si ce vieillissement n'est que la contrepartie de l'augmentation de l'espérance de vie, il n'en reste pas moins source de tensions pour notre système de retraite, durablement fragilisé par la crise. Comme les mesures de gestion de la dette sociale, le présent projet de loi est donc dicté par l'urgence.

Quatre thèmes ont été au cœur des préoccupations de la commission des finances : l'équilibre financier de la réforme, les régimes de retraite des fonctions publiques et des régimes spéciaux, la politique de l'emploi et l'épargne retraite.

En premier lieu, la redéfinition du financement de notre système de retraite répond à un impératif.

En 2011, le déficit de l'ensemble des régimes devrait s'élever, sans réforme, à 32,2 milliards d'euros : un tiers des prestations légales « vieillesse » versées par le régime général ne serait pas financé.

La présente crise de financement a conduit le Gouvernement à privilégier une révision des modalités traditionnelles de financement, notamment l'augmentation de la durée d'assurance par le recul des bornes d'âge. Pour la commission des finances, il s'agit là d'un premier pas indispensable, logique…

M. Jean-Louis Carrère. Pas pour nous !

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. … et conforme à l'esprit de notre système.

D'ici à 2018, avant réforme, le déficit cumulé des régimes de retraite serait évalué à 310 milliards d'euros, soit un montant supérieur aux crédits du budget de l'État pour 2011 !

Ce chiffre, qui se fonde sur les projections du Conseil d'orientation des retraites, est toutefois biaisé, car il n'intègre pas l'augmentation des taux de cotisation de l'État employeur pour ses agents entre 2000 et 2010. Si l'on prend en compte cet effort, le besoin de financement d'ici à 2018 est ramené à 185,3 milliards d'euros.

Les mesures d'âge permettront de couvrir près de 60 % de cette somme. II convient toutefois de souligner que cette évaluation repose sur un modèle de projection « tous régimes », que la commission des finances ne juge pas optimal.

Les mesures d'âge, qui constituent le point central du volet financier de la réforme, sont accompagnées par trois autres catégories de mesures.

La première concerne le basculement des cotisations chômage sur les cotisations vieillesse. Je reste dubitatif quant au principe de ce transfert, et plus encore quant à l’ampleur de ce dernier.

En effet, déjà prévue par la réforme de 2003, l’opération semble difficile à concrétiser. Si nul ne souhaite que le taux de chômage actuel reste constant jusqu'en 2020, la commission des finances estime toutefois que les hypothèses de chômage retenues à l'horizon 2020-2025 sont particulièrement optimistes : 5,7 % en 2020 et 4,5 % en 2024. Or, depuis 1985, le taux de chômage fluctue autour de 9 % de la population active et le taux de chômage structurel de la France se situe actuellement aux alentours de 8 %.

La deuxième mesure a trait à l’augmentation des recettes fiscales et sociales affectées à la sécurité sociale. Nous aurons l’occasion d’examiner ces mesures lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale et du projet de loi de finances. Elles vont, selon moi, dans le bon sens. Je note en particulier que les dispositifs touchant l'impôt sur le revenu seront exclus du calcul du bouclier fiscal, ce qui, monsieur le ministre, était, je le crois, le minimum « syndical »…

M. René-Pierre Signé. Syndical, syndical…

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. … à l'heure où l'on demande un effort supplémentaire à l'ensemble des Français.

La troisième mesure consiste en une redéfinition de la contribution de l'État qui, contrairement à ce qui avait été annoncé en juillet, sera légèrement plus élevée qu'initialement, afin de permettre la prise en charge de certaines mesures ide solidarité par ce dernier.

L’ensemble de ces mesures ne permettrait pas de couvrir la totalité du besoin de financement d’ici à 2018. Avant le débat par notre assemblée, 56,7 milliards d'euros – je parle en euros 2008 constants – resteraient à financer au cours des huit prochaines années. Ce chiffre tient compte à la fois des votes de l'Assemblée nationale, c’est-à-dire de l’augmentation des dépenses du système à hauteur de 5,4 milliards d'euros, mais également de la révision des hypothèses macroéconomiques intervenue en septembre. Cette dette doit être partiellement reprise par la CADES entre 2011 et 2018, grâce à l'adossement du Fonds de réserve pour les retraites à cette dernière.

La commission des finances souligne par ailleurs que la recherche de l'équilibre ne permet pas d'éviter des dépenses connexes qui, si elles ne concernent pas à proprement parler le système de retraite, touchent les finances publiques.

À ce titre, je rappelle que le budget de l'État prend en charge, notamment, les subventions d'équilibre d’un certain nombre de régimes spéciaux, dont le montant est appelé à croître à court terme. Pour la seule SNCF, celles-ci s’élèvent à 3 milliards d’euros par an jusqu’en 2020.

Je note aussi, par exemple, que la prolongation bienvenue du versement de l’allocation équivalent retraite, l’AER, aux personnes qui en bénéficient au 31 décembre de cette année, et qui sont concernées par les nouvelles « bornes d'âge », pèsera en particulier sur l'État, principal financeur du Fonds de solidarité qui gère cette prestation.

Le présent projet de loi présente plusieurs mesures de solidarité. La commission des finances se félicite de ces propositions, car l'équilibre entre les logiques assurantielle et distributive est un exercice ardu en période de crise.

Deux remarques doivent cependant être formulées : d'une part, ne cherchons pas, au nom de l'équité, à vouloir apporter des réponses à des questions qui ne ressortent pas fondamentalement des missions de notre système de retraite. D’autre part, en se concentrant sur les missions premières de ce système, missions qui ont été rappelées par la commission des affaires sociales et son excellent rapporteur dans le cadre de l'article 1er A du projet de loi, il me paraît nécessaire de poursuivre la clarification des dépenses contributives et non contributives en matière de retraite, les premières étant financées par les cotisations des assurés, et les autres par l'impôt.

À ce titre, l'augmentation des recettes fiscales affectées au financement des retraites devrait permettre d'engager ce travail dès le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011. Le financement de la solidarité sera d'autant mieux accepté et fort que le lien contributif sera préservé et lisible.

En deuxième lieu, la réforme des systèmes de retraite de la fonction publique apparaît aujourd'hui doublement nécessaire.

Il s’agit, d’une part, d’une mesure d’équité, car si la réforme de 2003 a permis une amorce de la convergence entre les secteurs public et privé, des spécificités demeurent encore dans la fonction publique.

Il s’agit, d’autre part, de raisons de soutenabilité financière. Les projections actualisées du COR font en effet apparaître un besoin de financement pour les régimes de retraite de la fonction publique de près de 20 milliards d'euros en 2015, soit environ la moitié du besoin de financement total des systèmes de retraites, comprenant le régime général, la fonction publique et les indépendants. L'augmentation continue de la part financée par l'État ne peut, à elle seule, constituer une réponse soutenable pour les finances publiques.

Dans le présent projet de loi, les dispositions proposées par le titre II, relatif aux mesures d'âge, et le titre III, concernant les mesures de rapprochement entre régimes, apportent des éléments de réponse bienvenus et opportuns à ces deux problématiques.

Cependant, des marges d'amélioration en vue d'une plus grande équité entre assurés demeurent. En particulier, la commission des finances regrette, d’une part, que les catégories dites « actives » de la fonction publique ne fassent pas l'objet d'un réexamen, d’autre part, que la présente réforme ne s’applique que de façon différée aux régimes spéciaux de retraite.

En troisième lieu, tout en reconnaissant que le débat sur la pénibilité soulève des questions importantes, la commission des finances s'interroge sur son interaction avec le débat sur l'avenir de notre système de retraites.

En effet, la problématique de la pénibilité ne relève pas prioritairement des systèmes de retraite, mais davantage des conditions de travail.

L'orientation des mesures proposées par le présent projet de loi, mesures considérablement enrichies par nos collègues députés, en atteste d'ailleurs indirectement : l'accent est mis sur la prévention et la santé au travail ; son financement sera assuré par la branche accidents du travail-maladies professionnelles, par le biais des cotisations employeurs.

Enfin, en quatrième lieu, s'agissant de l'épargne retraite, la commission des finances a souhaité poursuivre la démarche de soutien engagée par l'Assemblée nationale. Elle a précisé les modalités d'application de certaines dispositions du texte, en cherchant à restaurer un certain équilibre entre les deux branches de l'épargne retraite que sont les produits de type assurantiel et ceux de l'épargne salariale.

Il est essentiel que le dispositif législatif propose des contrats d'épargne retraite les plus diversifiés possible aux épargnants afin de leur permettre d'arbitrer de manière optimale entre les différents produits existants.

Toutefois, la commission des finances appelle de ses vœux une réflexion globale portant sur l'articulation cohérente des différents produits d'épargne retraite et, corrélativement, sur leur fiscalité, en soulignant que cette dernière ne devrait en aucun cas constituer l'unique objectif de la souscription de tels produits.

Au total, la réforme présentée constitue, pour tous ceux qui sont attachés à la sauvegarde du régime par répartition, une étape indispensable, car elle est dictée par l'urgence.

À ce titre, la commission des finances a donné un avis favorable à l'adoption des articles du titre II, dispositions applicables à l'ensemble des régimes, mesures d'âge, du titre III, mesures de convergence, du titre IV, pénibilité du parcours professionnel, du titre V, mesures de solidarité, du titre V bis, emploi des seniors, et, enfin, du titre V ter, épargne retraite, sous réserve de l'adoption de ses amendements.

Toutefois, aussi nécessaire soit-elle, cette réforme ne permet pas de garantir la soutenabilité financière à long terme de notre système. Elle met fortement à contribution le budget de l'État et repose sur le pari de l'amélioration de l'environnement économique.

Mes chers collègues, mettons donc à profit les prochaines années pour réfléchir à une réforme de fond de notre système qui, dans sa configuration actuelle, aura des difficultés à relever le défi démographique à compter de 2020. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)