M. Jean-Jacques Mirassou. Un tel constat, à l’aube du XXIe siècle, est proprement scandaleux ! Cela revient à dire que ce projet de loi est pertinent parce qu’il entraîne, rétrospectivement, la reconnaissance d’une pénibilité subie pendant de nombreuses années de travail.

Il est encore temps, monsieur le ministre, de mettre fin à cette supercherie, ou tout au moins de faire un geste pour compenser réellement la pénibilité, sujet qui préoccupe l’ensemble de nos concitoyens. Mais vous n’en manifestez aucune volonté !

Je vous reproche surtout de confondre, au travers de votre démarche, sophisme et dialectique.

Vous faites preuve de sophisme lorsque vous développez un raisonnement en apparence rigoureux pour parvenir à une conclusion qui vous arrange. Or les sénatrices et sénateurs de mon groupe attendaient de votre part un raisonnement dialectique, qui seul aurait pu nous persuader du bien-fondé de votre texte.

Cet article organise, à l’instar de toute cette loi, une régression sociale. Nous y sommes fortement opposés ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, sur l’article.

Mme Marie-Christine Blandin. Dans cet article 27 ter AC, l’omission que fait le Gouvernement de la notion d’espérance de vie altérée ne peut que renforcer notre motivation. Mon intervention portera plus particulièrement sur l’alinéa 7.

Je pense sincèrement, en tant que scientifique, que le fait d’exiger l’établissement d’un lien direct entre l’incapacité et l’exposition professionnelle relève du cynisme.

Même dans le cas très singulier de l’amiante, l’une des seules contaminations liée à une pathologie particulière, l’asbestose, et au cancer de la plèvre, et qui se caractérise par la présence de fibres visibles dans les cellules du poumon, on a vu les avocats des entreprises nier, devant les tribunaux, le lien de causalité entre la maladie et les conditions de travail, faire état d’antécédents familiaux, du fait que la personne atteinte fumait ou qu’il y avait peut-être chez elle une couverture de table à repasser en amiante...

M. Roland Courteau. Scandaleux !

Mme Marie-Christine Blandin. J’ai assisté à de tels procès, et je puis vous assurer que ces exemples sont réels !

De plus, les effets de l’asbestose étant parfois différés de vingt ans, il arrive que l’on ne constate aucune incapacité en fin de carrière. Au passage, je vous signale que les veuves de victimes de l’amiante se retrouveront demain, à l’Assemblée nationale, pour réclamer justice.

Pourtant, cette pathologie est l’une des mieux prises en compte ! Qu’en sera-t-il des autres contaminations ou manifestations physiques de la fatigue squelettique ou musculaire ?

La grande étude épidémiologique sur les incinérateurs menée par l’Institut de veille sanitaire est, à cet égard, très instructive.

Les chercheurs chargés de cette étude nous ont longuement exposé le protocole suivi. Après avoir dressé l’inventaire de la population, puis l’avoir sélectionnée après extraction des données concernant les fumeurs, les habitants ayant résidé dans d’autres lieux de vie, ceux dont un membre de la famille avait eu un cancer, ils ont comparé l’incidence des cancers d’une population témoin et celle de la population riveraine des incinérateurs. Les chiffres ainsi obtenus ont montré qu’il existait une incidence nettement supérieure aux environs d’un incinérateur du Centre-est.

Or, si l’on en croit les conclusions de cette étude, rien ne prouve le lien direct entre les retombées des fumées et le nombre accru de pathologies. Alors que je m’étonnais de ce résultat, un des chercheurs m’expliqua que sa mission d’épidémiologiste consistait à « compter », et qu’il était dans l’incapacité d’établir un lien certain et de prouver la causalité entre le vécu des personnes concernées et la pathologie développée.

Que dira-t-on aux caissières handicapées par des troubles musculo-squelettiques du bras ? Faute de pouvoir prouver que les lourds packs d’eau qu’elles sont obligées de passer en caisse sont la cause de leurs problèmes, elles s’entendront dire qu’elles ont trop porté leurs enfants ou leurs cabas. On dira aux insuffisants respiratoires qui ont été exposés aux fibres céramiques que celles-ci ne sont pas encore classées dans le tableau des contaminants, et à ceux qui sont devenus sourds à force de manier le marteau-piqueur qu’ils sont allés trop souvent au concert ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

Peut-être pensez-vous, monsieur le ministre, que je caricature !

Mme Marie-Christine Blandin. Je peux vous assurer, car j’assiste à de nombreux procès, que les avocats des employeurs qui veulent se défausser de leurs responsabilités avancent ce type d’arguments !

L’alinéa 7 de cet article va tout à fait dans ce sens en imposant la charge de la preuve aux salariés, car ces derniers seront dans l’incapacité de faire valoir leurs droits. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Article 27 ter AC (Nouveau) (début)
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Discussion générale

3

Conférence des présidents

M. le président. Mes chers collègues, lors de sa réunion du lundi 18 octobre, la conférence des présidents a décidé de reporter au jeudi 21 octobre après-midi le scrutin solennel sur l’ensemble du projet de loi, avec deux explications de vote par groupe et une pour les sénateurs non-inscrits.

Elle a également décidé de reporter à une date ultérieure la séance des questions orales prévue le mardi 19 octobre au matin.

Dans le cas où le débat sur ce projet de loi ne serait pas terminé dans le courant de l’après-midi du jeudi 21 octobre, elle a décidé de le poursuivre durant le soir et la nuit du jeudi et de siéger, éventuellement, sur ce même projet de loi le vendredi 22, le samedi 23 et le dimanche 24 octobre, le matin, l’après-midi, le soir et la nuit. Dans cette hypothèse, le scrutin solennel prévu jeudi 21 octobre serait organisé lors de la lecture des conclusions de la commission mixte paritaire.

Le vote sur l’ensemble du projet de loi en première lecture sera suivi de l’examen du projet de loi organique relatif à la limite d’âge des magistrats de l’ordre judiciaire et de celui des deux projets de loi relatifs au département de Mayotte selon les modalités prévues antérieurement.

Le programme de la semaine d’initiative du lundi 25 octobre au jeudi 28 octobre demeure sans changement.

Rappel des conclusions de la conférence des présidents du mercredi 29 septembre 2010

SEMAINE SÉNATORIALE D’INITIATIVE

Lundi 25 octobre 2010

Ordre du jour fixé par le Sénat :

À 14 heures 30 et, éventuellement, le soir :

- Suite de la proposition de loi tendant à améliorer le fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées et portant diverses dispositions relatives à la politique du handicap, présentée par M. Paul Blanc et plusieurs de ses collègues (texte de la commission, n° 531, 2009 2010) (demande du groupe UMP).

Mardi 26 octobre 2010

À 14 heures 30 :

Ordre du jour fixé par le Sénat :

1°) Débat préalable au Conseil européen des 28 et 29 octobre 2010 (demande de la commission des affaires européennes) ;

(La conférence des présidents a décidé d’attribuer, à la suite de l’intervention liminaire du Gouvernement de dix minutes, un temps d’intervention de dix minutes au président de la commission des affaires européennes, au président de la commission des affaires étrangères, ainsi qu’à chaque groupe (cinq minutes pour les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe) ; les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le lundi 25 octobre 2010).

À la suite de la réponse du Gouvernement, les sénateurs pourront, pendant une heure, prendre la parole (deux minutes maximum) dans le cadre d’un débat spontané et interactif comprenant la possibilité d’une réponse du Gouvernement ou de la commission des affaires européennes) ;

De 17 heures à 17 heures 45 :

2°) Questions cribles thématiques sur la rentrée scolaire ;

(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant douze heures trente) ;

À 18 heures :

Ordre du jour fixé par le Sénat :

3°) Proposition de loi relative au prix du livre numérique, présentée par Mme Catherine Dumas et M. Jacques Legendre (n° 695, 2009-2010) (demande de la commission de la culture) ;

(La commission de la culture se réunira pour le rapport le mercredi 20 octobre 2010, le matin.

La conférence des présidents a fixé :

- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe (les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le lundi 25 octobre 2010) ;

- au lundi 25 octobre 2010, à onze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.

La commission de la culture se réunira pour examiner les amendements le mardi 26 octobre 2010, à douze heures).

Mercredi 27 octobre 2010

Ordre du jour réservé au groupe UMP :

À 14 heures 30 :

- Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance et à l’égalité professionnelle (texte de la commission, n° 39, 2010-2011) et proposition de loi relative aux règles de cumul et d’incompatibilité des mandats sociaux dans les sociétés anonymes et à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance, présentée par Mmes Nicole Bricq, Michèle André et M. Richard Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés (n° 291, 2009-2010) ;

(La conférence des présidents :

- a attribué un temps d’intervention de quinze minutes à la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes ;

- a fixé à une heure trente la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe (les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mardi 26 octobre 2010) ;

- a fixé au jeudi 21 octobre 2010, à onze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.

La commission des lois se réunira pour examiner les amendements le mercredi 27 octobre 2010, le matin).

Jeudi 28 octobre 2010

De 9 heures à 13 heures :

Ordre du jour réservé au groupe socialiste :

1°) Proposition de loi organique visant à interdire le cumul du mandat de parlementaire avec l’exercice d’une fonction exécutive locale, présentée par M. Jean-Pierre Bel et les membres du groupe socialiste et apparentés (n° 697, 2009-2010) ;

(La conférence des présidents a fixé :

- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe (les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mercredi 27 octobre 2010) ;

- au jeudi 21 octobre 2010, à onze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.

La commission des lois se réunira pour examiner les amendements le mercredi 27 octobre 2010, le matin) ;

2°) Proposition de loi relative aux œuvres visuelles orphelines et modifiant le code de la propriété intellectuelle, présentée par Mme Marie-Christine Blandin, MM. Jean-Pierre Bel, Serge Lagauche, Mmes Françoise Cartron, Catherine Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés (n° 441, 2009-2010) ;

(La commission de la culture se réunira pour le rapport le mercredi 20 octobre 2010, le matin.

La conférence des présidents a fixé :

- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe (les inscriptions de parole devront être faites au service de la Séance, avant dix-sept heures, le mercredi 27 octobre 2010) ;

- au mercredi 27 octobre 2010, à onze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.

La commission de la culture se réunira pour examiner les amendements le jeudi 28 octobre 2010, le matin) ;

De 15 heures à 19 heures :

Ordre du jour réservé au groupe CRC-SPG :

3°) Proposition de résolution relative au développement du fret ferroviaire, présentée en application de l’article 34-1 de la Constitution par Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat, Mireille Schurch, Isabelle Pasquet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche (n° 612, 2009-2010) ;

(La conférence des présidents :

- a attribué un temps d’intervention de vingt minutes à l’auteur de la proposition de résolution ;

- a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ;

- a fixé les explications de vote à cinq minutes par groupe (trois minutes pour les non-inscrits).

Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mercredi 27 octobre 2010) ;

4°) Proposition de loi visant à garantir l’indépendance du Président de la République et des membres du Gouvernement vis-à-vis du pouvoir économique, présentée par Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat, Éliane Assassi et Josiane Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche (n° 603, 2009 2010) ;

(La conférence des présidents a fixé :

- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe (les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mercredi 27 octobre 2010) ;

- au jeudi 21 octobre 2010, à onze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.

La commission des lois se réunira pour examiner les amendements le mercredi 27 octobre 2010, le matin).

Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances ?...

Ces propositions sont adoptées.

4

Décisions du Conseil constitutionnel sur des questions prioritaires de constitutionnalité

M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courrier en date du lundi 18 octobre 2010, quatre décisions du Conseil sur des questions prioritaires de constitutionnalité (n° 2010-55, 2010-56, 2010-57 et 2010-58 QPC).

Acte est donné de ces communications.

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Article 27 ter AC (Nouveau) (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Article 27 ter AC (Nouveau)

Réforme des retraites

Suite de la discussion d'un projet de loi en procédure accélérée

(Texte de la commission)

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des retraites.

Dans la discussion des articles, nous poursuivons l’examen de l’article 27 ter AC.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Articles additionnels après l'article 27 ter AC (réservés)

Article 27 ter AC (suite)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. Le débat que nous avons sur cet article 27 ter AC a déjà eu lieu à l’occasion de l’examen d’autres articles.

Le Gouvernement ne confond en rien incapacité, invalidité et inaptitude. C’est vous qui confondez volontairement ces termes, pour mieux nous taxer de confusion...

Il y a deux sortes d’inaptitude : tout d’abord, l’inaptitude au poste, déclarée par le médecin du travail, et qui n’a aucun rapport avec la retraite ; ensuite, la retraite pour inaptitude, ou pour cause d’invalidité, constatée lorsque le handicap est supérieur à 50 %, et qui n’a pas grand-chose à voir non plus avec le monde du travail.

L’incapacité, en revanche, a un rapport avec le monde du travail, dans la mesure où elle est en lien avec la branche AT-MP.

Jusqu’à présent, l’incapacité donnait droit à une rente. Avec ce texte, nous allons plus loin, puisque nous accordons, dans ce cas, une retraite anticipée par rapport au droit commun.

Mme Annie David. Cessez de dire cela !

M. Éric Woerth, ministre. En d’autres termes, tout salarié qui aura été exposé à des facteurs de pénibilité conservera le droit de partir à la retraite à 60 ans, comme c’est le cas aujourd'hui, et ne sera pas concerné par les dispositions relatives au report d’âge. Pour cela, c’est la condition que nous avions fixée, il devait initialement justifier d’une incapacité permanente de 20 %. Ce taux a été ramené à 10 % lors de l’examen de ce texte à l'Assemblée nationale.

Mme Annie David. Pas tout le monde : il faut passer devant la commission !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il y a une véritable contradiction dans cette affaire !

M. Éric Woerth, ministre. Si, tout le monde !

La logique qui prévaut est humaine et juste. Si la pénibilité n’est pas mesurée, si on ne lui trouve pas une traduction, comment un salarié peut-il revendiquer le droit à partir à la retraite plus tôt par rapport à un autre salarié ? Si la pénibilité ne laisse aucune séquelle – au fond, c’est ce qui peut arriver de mieux, c’est la preuve que le salarié ne souffre pas – cela signifie que, durant l’ensemble de la vie au travail, les conditions de travail auront été satisfaisantes et qu’il aura été tenu compte de ces risques. Dans ce cas, le salarié n’a pas de raison particulière de partir à la retraite plus tôt.

Lorsque l’incapacité permanente atteint 20 %, on considère que le lien entre celle-ci et l’exposition à des facteurs de pénibilité existe et est direct. En revanche, lorsque le taux est de 10 %, l’avis de la commission pluridisciplinaire est nécessaire, car, souvent, la traçabilité est difficile à établir et il faut, par conséquent, examiner le parcours professionnel du salarié. Cette commission est locale, nous verrons comment elle sera organisée : elle permettra à un salarié d’apporter les éléments de traçabilité dont on ne dispose pas nécessairement, car, il y a dix ans, quinze ans, vingt ans, les services de santé au travail n’étaient pas organisés comme aujourd'hui.

C’est cela, l’incapacité permanente de 10 %, ce n’est pas autre chose.

Madame Blandin, avec ce taux de 10 %, on inclut ceux qui souffrent de troubles musculo-squelettiques. Je pense à la caissière à laquelle vous avez fait allusion, car son état est probablement dû aux packs d’eau qu’elle a déplacés sur le tapis de sa caisse et probablement pas au cabas qu’elle a porté en tant que consommatrice. Si elle a exercé ce métier depuis assez longtemps, si le trouble qu’elle invoque est la conséquence de postures pénibles et est partagé par les personnes qui occupent les mêmes fonctions, très sincèrement, le lien entre incapacité permanente et conditions de travail sera assez vite prouvé et elle bénéficiera du taux de 10 %. En revanche, elle n’entrait pas dans le taux de 20 %.

Nous faisons donc preuve d’une logique forte.

Je n’ai pas dit qu’il ne faudra pas prendre en compte les effets différés. Madame Blandin, la question que vous soulevez a tout son sens. Nous y répondons par la création d’un comité scientifique. Ce n’est pas une façon de reporter à plus tard ou à jamais la prise en compte de ce problème.

Mme Annie David. Bien sûr que si !

M. Éric Woerth, ministre. Pour l’instant, nous considérons que nous ne disposons pas d’études épidémiologiques suffisantes permettant d’établir un lien solide entre un risque et une population.

Si une grande partie d’une population est exposée à un risque, même si elle n’en souffre pas de manière visible, nous savons que cela concerne un grand nombre d’individus et nous faisons entrer l’ensemble de la population dans le dispositif, sans mesure objective individuelle. C’est ce qui se passe aujourd'hui avec l’amiante, dont nous aurons l’occasion de reparler. Mais il s’agit là d’un autre cas de figure, que nous ne pouvons étendre à tous les risques dans n’importe quelle condition.

Monsieur Revet, vous avez évoqué les manutentionnaires. Nous n’avons pas eu de logique de métier, car celle-ci enferme. Nous lui avons préféré une logique transversale, qui est l’exposition à des facteurs de pénibilité. Les personnes que vous avez évoquées font partie des populations fortement soumises à ce facteur : il y a des ports de charges qui entraînent lombalgies, dorsalgies. De nombreuses pathologies liées à ces métiers rentrent très naturellement dans la mesure des 10 % de taux d’incapacité permanente. C’est au travers de cela que ces professions pourront continuer de bénéficier d’un départ à la retraite à 60 ans.

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une heures trente-cinq, sous la présidence de M. Jean-Claude Gaudin.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons l’examen de l’article 27 ter AC.

Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 365 rectifié est présenté par MM. Collin et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

L'amendement n° 434 est présenté par MM. Godefroy et Le Menn, Mme Demontès, MM. Bel, Teulade, Daudigny et Desessard, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Printz, MM. Cazeau, Jeannerot et Kerdraon, Mmes Ghali, Alquier, Campion et San Vicente-Baudrin, MM. Gillot, S. Larcher, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mmes M. André, Blondin, Bourzai et Khiari, MM. Bourquin, Botrel, Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume, Haut, Mahéas, Mirassou, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 1057 est présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier, pour défendre l’amendement n° 365 rectifié.

Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le ministre, je vous ai écouté tout à l’heure avec la plus grande attention. J’ai été sensible à vos arguments. J’ai bien entendu la différence que vous faisiez entre incapacité, inaptitude et invalidité. Je regrette néanmoins que cette distinction ne se retrouve pas dans l’article 27 ter AC, en tout cas de manière suffisamment précise et claire pour nous dissuader de présenter cet amendement.

Les membres de mon groupe et moi-même proposons la suppression de cet article, car il prive de la possibilité de partir à la retraite à 60 ans un nombre important de travailleurs handicapés, ceux dont le taux d’incapacité permanente n’est pas égal ou supérieur à 10 %. Ils ne peuvent bénéficier d’une retraite anticipée, alors même que les lésions dont ils souffrent ont pour origine leurs activités professionnelles.

L’inconvénient de ce dispositif tient au fait qu’il ne prend pas en compte ceux qui subissent des lésions différées, notamment les cancers.

Sans revenir sur le flou de la formulation, je voudrais vous poser une question, monsieur le ministre.

Elle porte sur la grille d’incapacité, qui est renvoyée à un décret. Ma question fait, en quelque sorte, écho à l’observation de M. Revet tout à l’heure. Parmi les grilles qui existent aujourd’hui, la grille des anciens combattants, celle de la COTOREP, la commission technique d’orientation et de reclassement professionnel, et celle des assurances, laquelle retiendrez-vous pour servir de référence ? C’est un point qui n’est pas négligeable et qui éclairerait le débat sur cet article.

M. le président. La parole est à Mme Christiane Demontès, pour présenter l'amendement n° 434.

Mme Christiane Demontès. L’article 27 ter AC ne répond pas au préjudice en termes d'espérance de vie dont sont victimes les salariés ayant été exposés à la pénibilité. Au lieu de mettre en place un dispositif général reconnaissant le droit pour ces salariés à faire valoir leur droit à la retraite de manière anticipée afin de bénéficier plus longtemps de cette période et en bonne santé, le Gouvernement fait le choix d'un dispositif fondé sur la reconnaissance d'un taux d'invalidité.

À l'inverse, ce dispositif à visée restrictive présente de nombreuses carences au regard des objectifs affichés. La principale lacune, c’est qu’il ne tient pas compte de la survenue de maladies graves à effet différé dont le nombre ne cesse de croître.

Il ne prend pas non plus en compte une majorité de victimes de pathologies liées au travail pour lesquelles il n'existe pas de tableau de maladies professionnelles

Enfin, il devrait être possible, dans des conditions à définir par décret, d'établir un lien de causalité entre l'exposition à la pénibilité et aux risques professionnels et le droit à une retraite anticipée. Cela devrait conduire à reconnaître à ces personnes un droit à partir à la retraite à 60 ans, ce qui n'est que l'application du droit existant.

Cet article n'apporte donc aucune amélioration à la situation des travailleurs exposés à la pénibilité et aux risques professionnels.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre, pour présenter l'amendement n° 1057.

Mme Marie-Agnès Labarre. Par cet amendement, nous proposons la suppression de l’article 27 ter AC, qui est l’une des dispositions phare de votre projet de loi, mais aussi l’une de celle qui suscite le plus de réactions négatives. Elle fait l’unanimité contre elle, à l’exception, bien entendu, du MEDEF et de ses épigones.

Cet article est pourtant le premier du chapitre II intitulé « Compensation de la pénibilité ». Et, paradoxalement, il ne traite pas du tout de la pénibilité. C’est particulièrement grave et inacceptable !

Comme nous l’avons déjà dit, vous prévoyez l’ « abaissement » de l’âge du départ à la retraite pour les assurés qui justifient d’une incapacité permanente au sens de l’article L. 434-2 du code de la sécurité sociale, au moins égale à un taux déterminé par décret. Depuis, nous avons appris que ce taux serait de 20 %.

Si l’article mentionne explicitement à plusieurs reprises la notion d’incapacité permanente, il ne fait nullement référence à la pénibilité. C’est donc un mensonge de plus que de dire que vous créez un droit nouveau à partir de la reconnaissance de la pénibilité !

Cet article ouvre simplement aux personnes déjà accidentées au travail, victimes de maladies professionnelles ou mutilées du travail, la possibilité de partir un peu plus tôt à la retraite.

Cet article ne constitue donc pas une reconnaissance de la pénibilité, laquelle est dépourvue de tout effet. Vous vous contentez d’ouvrir un droit à partir à la retraite moins tard pour cause de mutilation ou de maladie déjà acquise.

Ensuite, dans les alinéas 4 et suivants de votre article, vous avez voulu diminuer de 20 % à 10  % le taux d’incapacité nécessaire pour déclencher le droit à bénéficier de l’abaissement de la condition d’âge. Vous vouliez diminuer le côté scandaleux du système proposé, qui avait provoqué un tollé. Mais en faisant cela, vous avez créé un risque tout aussi grave puisque la présomption d’imputabilité des accidents du travail et des maladies professionnelles est remise en cause.

Si, dans votre système, vous obligez le salarié qui souhaite partir plus tôt en retraite à prouver de nouveau que son atteinte provient bien du travail, alors, vous remettez aussi en cause la présomption d’imputabilité des accidents du travail et des maladies professionnelles. C’est une grave régression qui traduit bien vos véritables intentions en la matière !

Concrètement, avec cet article, – et malgré vos affirmations répétées sur la création d’un droit nouveau grâce à la prise en compte de la pénibilité –, vous faites d’une pierre deux coups : la pénibilité est escamotée et la présomption d’imputabilité évoquée plus haut est supprimée !

C’est la raison pour laquelle nous vous demandons de voter notre amendement de suppression de l’article 27 ter AC. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?