Mme Évelyne Didier. Ce n’est qu’une impression ! (Sourires.)

M. Jean Milhau. ... ce que certaines associations n’ont pas manqué de stigmatiser. Il est vrai que cette technique a longtemps été très décriée, mais certaines critiques ne lui sont plus opposables aujourd’hui. Pour autant, toutes les collectivités, notamment rurales, ne peuvent s’offrir un incinérateur. Les investissements sont énormes. De plus, l’incinération représente un choix qui engage pour vingt-cinq à trente ans, alors qu’en optant pour le stockage il est plus facile de se reconvertir à d’autres techniques.

Par ailleurs, la législation, notamment européenne, évolue. Cela risque parfois de menacer les décisions des élus et de mettre en péril l’amortissement des équipements choisis.

De même, les territoires ruraux ne peuvent pas avoir les mêmes solutions que les territoires urbains. Et les ruraux, qui travaillent bien en amont de la chaîne de traitement, notamment sur le recyclage, ne devraient pas être pénalisés comme c’est actuellement le cas. Ce n’est pas Gérard Miquel qui me contredira sur ce point.

En effet, concernant la taxe générale sur les activités polluantes, la TGAP, ce prélèvement me semble beaucoup trop pénalisant pour les zones rurales, pour lesquelles le stockage ne représente le plus souvent que la seule possibilité. Pour les milieux très ruraux, qui n’ont pas toujours le choix du mode de traitement des déchets, c’est un coup dur.

Aussi, parmi les conclusions figurant dans le rapport, la mission commune d’information propose, et je m’en réjouis, quelques mesures concernant la TGAP. Son président les a rappelées : avancement de la clause de revoyure d’un an ou de deux ans et gel de la hausse des taux dans l’intervalle. Néanmoins, ce ne sont que des recommandations ; nous souhaiterions les voir prises en compte, madame la secrétaire d’État.

Il serait vraiment bienvenu de faire une pause dans l’augmentation de la TGAP, tout particulièrement en cette période de crise. En effet, le système se révèle plus injuste pour certaines collectivités et pénalisant pour certaines techniques.

Par ailleurs, je m’inquiète aussi de la pression fiscale qui s’exerce sur les contribuables. La hausse des taxes sur l’incinération et le stockage aura un fort impact sur le montant de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères.

Dès lors, la facturation incitative est d’autant plus mal perçue qu’elle viendra encore s’ajouter aux charges des ménages. De mon point de vue, c’est une fausse bonne idée. En outre, elle est très difficile à mettre en œuvre concrètement, surtout dans les zones rurales où il n’y a pas d’individualisation suffisante des bacs. La collecte en bacs collectifs rend l’identification impossible. La mise en place d’un système électronique de contrôle serait fort coûteuse et sans doute très difficile à faire accepter aux ménages. L’effort de pédagogie devra par conséquent être à la hauteur de l’effort financier. Tout cela me semble irréaliste.

J’en viens à la contribution prélevée sur les emballages. La semaine dernière, après des mois de négociation, la commission consultative d’agrément d’Éco-Emballages a rejeté l’annexe financière déterminant les ressources de cet éco-organisme, ce qui ne manque pas de nous inquiéter.

Dans ces conditions, madame la secrétaire d’État, comment comptez-vous parvenir à l’objectif fixé par le Grenelle de l’environnement d’assurer le financement du recyclage à hauteur de 80 % par les producteurs d’emballages ?

Nous sommes tous inquiets de la menace qui plane sur cet accord majeur du Grenelle de l’environnement. Je l’ai déjà dit, les collectivités et les contribuables sont suffisamment sous pression. Les surcoûts liés à l’amélioration des performances de recyclage doivent impérativement être partagés.

Les ménages, quant à eux, trient plus, recyclent mieux, mais ont l’impression de payer toujours plus. La « semaine de la réduction des déchets », organisée à la fin du mois et qui prendra cette année une dimension européenne, sera peut-être l’occasion de faire un peu de pédagogie à leur encontre. En effet, si nous voulons atteindre les nobles objectifs que nous nous sommes fixés, il ne faut pas décourager les bonnes volontés qui se sont mises au travail pour protéger notre environnement ! (Applaudissements sur la plupart des travées.)

M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier.

Mme Évelyne Didier. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je m’associe aux remerciements que M. le rapporteur a adressés aux fonctionnaires avec lesquels nous avons travaillé. Je veux souligner à mon tour combien l’ambiance qui a présidé à nos travaux était bonne, tout comme étaient francs et fructueux nos échanges.

Le traitement des ordures ménagères en France aujourd’hui reste le symbole d’un consumérisme excessif et irréfléchi. Toutefois, la croissance de la masse d’ordures ménagères par habitant a commencé à fléchir depuis quelques années et montre qu’un changement dans la manière d’appréhender la gestion des déchets est en route.

Une nouvelle gestion des déchets doit d’abord s’appuyer sur la réduction des déchets à la source, par exemple par la fabrication d’objets durables, qui doit remettre en cause les pratiques actuelles en matière de production. Celles-ci ont en effet pour conséquence la réduction importante de la durée de vie des objets de notre vie quotidienne, notamment des appareils électroménagers, dans le but d’obliger les consommateurs à remplacer plus souvent leurs appareils, et font fi de la raréfaction des ressources et de la question des déchets. Cela me semble une question essentielle, que nous ne pourrons esquiver.

M. Gérard Le Cam. Très bien !

Mme Évelyne Didier. Une nouvelle gestion des déchets repose aussi sur la valorisation matière. Cela peut passer par la récupération, qui consiste à faire sortir le déchet de son circuit traditionnel de traitement, par le recyclage, en réintroduisant le déchet dans le cycle de production, par le réemploi, pour prolonger la durée de vie du produit, par la réutilisation du produit dans un usage différent par rapport à son usage initial, ou encore par la régénération des déchets. Il convient donc d’optimiser la valorisation matière et le tri en amont afin de minimiser la quantité de déchets résiduels. C’est fondamental dans la manière d’approcher la question du traitement des déchets. Je tenais à le souligner avant d’entrer dans le vif du sujet.

Sur la gestion des déchets, qui a constitué l’objet d’étude de la mission commune d’information, il convient d’avoir une vision intégrée, à même d’adapter la technique de traitement aux contraintes locales. Il faut donc tenir compte des installations existantes, du type d’habitat – les contraintes diffèrent selon que l’on est en ville ou à la campagne –, de l’importance du gisement de déchets – les coûts de collecte dans les territoires ruraux ne sont pas ceux qui existent en milieu urbain – et associer la population, j’y reviendrai.

Il est à noter d’emblée la différence importante de tarif entre tonne enfouie et tonne incinérée, alors que ces deux modes d’élimination ont chacun leurs inconvénients, qu’il s’agisse de pollution des sols ou de l’air, de production de dioxines. Je suis d’accord avec Dominique Braye pour reconnaître que nous avons accompli de considérables progrès dans ce domaine et qu’il faut en tenir compte. Il n’en reste pas moins que c’est un pis-aller : plus on éliminera en amont la production de déchets, mieux ce sera.

Toujours est-il que l’on ne voit pas très bien pourquoi l’un de ces deux modes de production devrait être discriminé plus que l’autre d’un point de vue financier. Il serait à mon sens souhaitable, plutôt que de favoriser l’incinération a priori en la considérant simplement comme une valorisation, de laisser la liberté aux collectivités de choisir leur mode de gestion en fonction de leurs spécificités.

De surcroît, alors même que l’incinération et l’enfouissement sont coûteux et ne génèrent pas de recettes, ces modes de gestion restent aujourd’hui moins onéreux que le tri. C’est un problème d’autant plus important que l’accord majeur du Grenelle de l’environnement qui visait à apporter un élément de correction à cette situation est aujourd’hui menacé. Il s’agit de l’équilibre trouvé entre les éco-organismes de la filière des déchets d’emballages ménagers et les collectivités locales. Cet accord consistait à associer une forte hausse des taxes sur le stockage et l’incinération à une hausse de la participation des producteurs au coût de l’élimination de leurs déchets. L’objectif était de tenter de corriger cette anomalie qui rend actuellement l’incinération et le stockage plus compétitifs.

Cependant, si les taxes sur l’incinération et le stockage ont bien été fortement augmentées dès 2009, il n’en a pas été de même de la participation des producteurs à cet effort. Le groupe d’études sénatorial sur la gestion des déchets s’est ainsi étonné de la proposition de compromis en discussion à 640 millions d’euros, assortie d’une exigence d’un taux de recyclage de 75 %, contre 65 % actuellement, ce qui abaisse en réalité l’enveloppe pour 2011 à 540 millions d’euros, c’est-à-dire précisément la limite basse de la fourchette, au demeurant peu précise, établie par l’ADEME. Pour le groupe d’études, il manque au minimum la prise en compte intégrale de la TVA, à savoir 40 millions d’euros, ce qui porterait l’enveloppe pour 2011 à 680 millions d’euros. Je le répète, c’est un minimum.

Pourquoi les mesures incitatives sont-elles importantes ? Vous observerez, mes chers collègues, que, en dehors du verre et de l’aluminium, moins coûteux à recycler qu’à produire à partir de matière première naturelle, le recyclage nécessite d’intégrer un coût supplémentaire pour les entreprises qui ont ou auront à le faire.

Il ne s’agit donc pas de compter sur la pseudo-rationalité du marché pour inciter les industriels à augmenter la part du recyclage dans leurs productions, mais il apparaît au contraire indispensable de réfléchir à des mesures incitatives permettant de favoriser le recyclage et la valorisation de la matière.

Par ailleurs, la participation de la population est indispensable pour que tout projet en matière de gestion des déchets soit compris, partagé et par là accepté.

M. Roland Courteau. Très bien !

Mme Évelyne Didier. S’il convient d’agir sur les comportements, par exemple en incitant au tri, on ne peut pas à la fois demander au consommateur de trier, de surveiller sa consommation de déchets et de s’affranchir de taxes importantes sans aucune contrepartie : il convient, d’une part, de lui faire bénéficier de l’argent de la valorisation qui permettrait de réduire le coût de la gestion des déchets, et, d’autre part, d’encourager la puissance publique à exercer une pression afin de répondre à la surabondance d’emballages et la non-durabilité des produits, que le consommateur ne peut que subir.

Il serait aussi judicieux de discuter de la question du mode de calcul de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères, aujourd’hui lié au niveau de la taxe foncière et non pas au volume de déchets dont le consommateur veut se débarrasser, ce qui bien sûr altère quelque peu le sens même de cette taxe et lui retire son potentiel pédagogique.

Mme Évelyne Didier. Enfin, l’instabilité juridique en matière de gestion des déchets s’oppose à la nécessité, pour les collectivités locales, de s’engager dans du long terme, ce qui est d’autant plus gênant quand on connaît les difficultés financières qu’elles rencontrent actuellement.

Si l’on considère que l’on se situe à un tournant en matière de traitement des déchets, s’il faut agir à la fois en matière de politiques européennes, nationales et locales, s’il faut poursuivre la modification déjà bien amorcée des comportements, il est avant tout nécessaire de clarifier les objectifs nationaux.

En fin de compte, que cherchons-nous ? Éliminer les déchets, produire de l’énergie, limiter les émissions de gaz à effet de serre ou bien encore l’utilisation, et souvent le gaspillage, de matières premières ? Voulons-nous créer une activité économique susceptible d’être rentable ? Nous devons vraiment nous pencher sur ces questions.

En d’autres termes, quels sont nos objectifs prioritaires ? Il peut en effet y en avoir plusieurs. De quels moyens disposent les collectivités, sachant qu’aujourd’hui le compte n’y est pas ?

Ces dernières doivent financer la gestion des déchets et prélever toujours plus sur les habitants. Comme cela a été très bien dit, elles ont le mauvais rôle, sans pouvoir toutefois, en retour, conforter les citoyens dans leurs comportements vertueux.

Mes chers collègues, si j’ai approuvé ce rapport au nom de mon groupe, c’est en raison, d’une part, de la possibilité que j’ai eue de faire une contribution personnelle, et, d’autre part, de la transparence de nos débats et du fait que nous avons vraiment pu travailler sans a priori et en toute tranquillité.

Mais, ne l’oublions pas, la mission commune d’information avait pour sujet d’étude le traitement des déchets, et non l’ensemble de la problématique. Nous savons le poids des taxes et des subventions sur les choix des collectivités. Ne soyons pas dupes, ce sont ces incitations financières qui, au final, orientent les politiques publiques. Faisons en sorte qu’elles favorisent les entreprises qui utilisent l’éco-conception et limitent la production de leurs déchets, et que les citoyens ne subissent pas, comme souvent, la double peine ! (Applaudissements sur un grand nombre de travées.)

M. Gérard Le Cam. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Gérard Miquel.

M. Gérard Miquel. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je voudrais à mon tour adresser mes félicitations et mes remerciements au président de la mission commune d’information, Dominique Braye, à son rapporteur, Daniel Soulage, ainsi qu’à tous les fonctionnaires de notre maison qui ont travaillé sur ce rapport.

Le Grenelle nous engage sur des objectifs ambitieux, et nous devons tout faire pour les atteindre.

Les déchets sont un gisement de matières premières. Aujourd’hui, la seule question à se poser est de savoir pourquoi certaines collectivités, en zones rurales comme en zones agglomérées, ont d’ores et déjà atteint l’objectif des 75 % de recyclage, alors que d’autres n’y parviennent pas.

À mes yeux, la réponse est simple. Dans de nombreux cas, nous n’avons pas trouvé le niveau pertinent d’organisation territoriale. Éco-Emballages gère plus de 1 300 contrats ; certains d’entre eux concernent 5 000 habitants : comment optimiser sur de si petites structures ?

Nous n’avons pas non plus harmonisé les systèmes de collecte et la communication en direction de la population. Nous devons tout faire pour simplifier les messages.

Tout cela doit permettre aux Français qui déménagent ou changent de lieu de résidence de ne pas être perturbés par des changements de système et de tri.

M. Didier Guillaume. C’est sûr !

M. Gérard Miquel. Ce qui est apparemment simple, nous n’avons pas réussi à le mettre en œuvre jusqu’à ce jour.

M. Roland Courteau. Absolument !

M. Gérard Miquel. Les plans élaborés à l’échelle départementale avec des retombées infra-départementales sont, pour moi, une avancée. Après plus d’un quart de siècle de décentralisation, il serait anormal de demander au préfet de reprendre la main sur ce dossier.

MM. Roland Courteau et Didier Guillaume. Très juste !

M. Gérard Miquel. Les collectivités doivent être capables de s’organiser entre elles.

La réponse est bien entendu différente d’une région à une autre. Dans les zones rurales, le niveau départemental est le plus pertinent. Dans d’autres, c’est l’agglomération ou le grand bassin de vie.

Ce constat m’amène à dire qu’il aurait suffi de transposer simplement les méthodes utilisées par les collectivités ayant les meilleurs résultats pour obtenir les mêmes sur l’ensemble du territoire national.

Le traitement de la part résiduelle appelle des réponses différentes en fonction des zones géographiques et de la densité de la population.

Il ne faut pas opposer un système à un autre. Au contraire, tous sont souvent complémentaires. Le traitement thermique avec valorisation de l’énergie ne peut pas être la réponse partout. Il doit être réservé à certains secteurs.

Ne jetons pas le tri mécano-biologique quand nous avons la preuve, sur certains territoires, de son efficacité.

M. Didier Guillaume. Très bien !

M. Gérard Miquel. De plus, il permet de récupérer un certain nombre de produits, qui seront recyclés.

Mme Évelyne Didier. Absolument !

M. Gérard Miquel. Les systèmes de méthanisation avec récupération de l’énergie sont, dans certains cas, très intéressants.

Nous devons faire évoluer la TGAP, afin de la rendre moins pénalisante pour les collectivités qui n’ont pas la possibilité de faire du traitement thermique, …

M. Gérard Miquel. … et veiller à ce que l’utilisation de ces crédits vienne bien soutenir les collectivités dans leurs investissements sur les unités de traitement des déchets, quelle que soit leur forme.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Gérard Miquel. Ne le perdons jamais de vue, nous avons l’obligation de travailler à une diminution des quantités de déchets produits, à un recyclage de tout ce qui peut l’être, pour n’envoyer dans les unités de traitement qu’une part résiduelle.

Malgré tous les efforts d’optimisation, les coûts de traitement diffèrent selon les situations – zones rurales, zones d’habitat vertical dense – et le niveau de leur prise en charge, prévu dans le Grenelle à 80 %, ne sera pas atteint.

Nous avons donc besoin de revoir les évaluations de coûts qui ont été faites afin qu’elles correspondent plus à la réalité du terrain. La responsabilité élargie des producteurs, la mise en place progressive des éco-organismes nous permettent de collecter et de recycler un grand nombre de produits.

La compensation financière n’est pas toujours à la hauteur des enjeux. Le Parlement doit continuer à travailler pour améliorer le système.

Madame la secrétaire d’État, je prendrai un exemple sur lequel nous avons à méditer. Nous collectons de grosses quantités de journaux et magazines qui ne cotisent pas à ÉcoFolio. Le coût de la collecte et du traitement est entièrement à la charge des collectivités, et de nos administrés par voie de conséquence.

Je dirai, en outre, un mot sur la tarification incitative. Il y a vingt ans, dans nos campagnes, dans mon département en particulier, Jean Milhau le sait bien, nous disposions d’une centaine de décharges, petites ou grandes, dans lesquelles collectivités et particuliers venaient déposer leurs déchets. Nous avons mis entre quinze et vingt ans pour les fermer ou les réhabiliter.

Si nous mettions en place la tarification incitative, compte tenu des répercussions de la crise sur un grand nombre de nos concitoyens, je crains fort que nous ne retrouvions avec de petites décharges, ici ou là, dans nos coins de bois, ce qui ne serait pas très agréable !

MM. Roland Courteau et Didier Guillaume. Très vrai !

M. Gérard Miquel. Dans un département touristique comme le mien, ce serait en outre très préjudiciable. Soyons donc respectueux des différences. Cette tarification incitative peut tout à fait être mise en place dans les villes, mais pas dans les campagnes, où la collecte est souvent organisée autour de bacs de regroupement. Elle n’y est possible qu’à un second degré, constitué par les syndicats de traitement, qui en factureraient le coût aux syndicats de base en appliquant une tarification différenciée, en fonction des quantités de déchets recyclables et de leur qualité.

Je souhaite évoquer, à présent, l’enveloppe de 640 millions d’euros. De toute façon, au bout du compte, c’est le contribuable-consommateur qui paie. Il paie en achetant le produit, puisque les producteurs répercuteront toute augmentation de l’enveloppe sur le prix du produit, ou au travers de la taxe ou de la redevance que nous leur demanderons si nous n’obtenons pas d’aides suffisantes. En tout état de cause, nous ne trouvons pas notre compte avec cette enveloppe de 640 millions d’euros.

Notre capacité à produire de la norme est très grande. Je ne voudrais pas que, au bout du compte, les normes nous empêchent d’avancer dans le domaine du traitement des déchets. Il est permis de s’interroger sur les limites contributives des ménages ayant atteint des niveaux qui peuvent difficilement être dépassés.

Madame la secrétaire d’État, l’objectif de 75 % de recyclage peut et doit être atteint. Les collectivités s’y engageront avec d’autant plus de facilité que la prise en charge des coûts prévue dans le Grenelle à 80 % sera effective, ce qui ne sera pas le cas à moyen terme, compte tenu des moyens aujourd’hui consacrés, avec l’enveloppe de 640 millions d’euros.

Nous avons donc négocié un barème incitatif, bien meilleur que le précédent, auquel nous tenons car il s’agit d’amener toutes les collectivités à atteindre cet objectif de 75 %. J’espère que nous le validerons prochainement et que nous pourrons ainsi travailler autour d’un objectif commun : atteindre 75 % de recyclage, avec une prise en charge de 80 % des coûts, conformément au souhait des collectivités. (Applaudissements sur la plupart des travées.)

M. le président. La parole est à M. René Vestri.

M. René Vestri. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour débattre d’un thème vital : la gestion des déchets. C’est un défi sans précédent dans l’histoire de l’humanité et de son évolution. En effet, le traitement des déchets s’apparente à la fois à la gestion de l’environnement et aux problématiques du développement durable, et j’ose même dire de notre avenir durable ! C’est devenu une urgence planétaire, car des mesures immédiates doivent être prises pour endiguer les dégradations de l’environnement dont l’homme se rend responsable.

Nos sociétés occidentales très urbanisées produisent, annuellement, des milliards de tonnes de déchets : certains matériaux peuvent être recyclés ou brûlés pour produire de la chaleur, mais d’autres, hautement toxiques, posent problème.

D’ailleurs, toutes nos activités humaines se transforment en déchets, même celles qui sont liées à l’environnement ! Nous en rejetons en moyenne, chaque année, six fois notre poids ! Leur gestion n’est donc pas anodine.

La révolution industrielle n’a fait qu’aggraver la situation, ajoutant aux ordures domestiques de nouveaux produits polluants. La prise de conscience du fait que la pollution a atteint un niveau alarmant est aujourd’hui réelle, tant à l’échelon local et national que sur le plan mondial.

Dans un domaine où les procédés sont techniquement complexes et divers, nous devons redoubler de vigilance pour trouver le procédé adapté à chaque collectivité.

Il est de notre devoir de législateur de nous montrer vigilants : l’utilisation durable des ressources est devenue un enjeu et un facteur de compétitivité, et leur valorisation s’inscrit maintenant dans la mondialisation.

Le traitement des déchets a pu ainsi devenir en quelques années une industrie à part entière, le volume de ceux-ci étant directement lié à la croissance mondiale. En France, le poids des déchets ménagers augmente de façon inquiétante, puisqu’il est passé, par habitant et par an, de 373 kilos en 2000 à environ 600 kilos aujourd’hui.

Les mesures adoptées pour freiner cette tendance doivent répondre à deux impératifs : prévenir les causes de la pollution et traiter les déchets.

Tout d’abord, la prévention des causes de la pollution passe par une implication forte des citoyens dans le domaine du tri sélectif et du recyclage des déchets ménagers.

Cette implication est pourtant loin d’être généralisée aujourd’hui et des efforts considérables restent à faire, à commencer par les collectivités territoriales et les départements, dont l’exemplarité dans ce domaine tout comme leur capacité à inciter les citoyens à trier sont devenues primordiales.

Cette exemplarité est la condition nécessaire à la motivation de tout un chacun pour participer à l’effort de tri et retrouver la confiance dans le système de gestion publique des déchets.

À ce titre, les objectifs du Grenelle II, tels que la mise en place par les collectivités territoriales d’un programme local de prévention des déchets, ou encore l’instauration d’une taxe d’enlèvement des ordures ménagères à part variable, en fonction du poids ou du volume des déchets, nous semblent aller dans le bon sens et devraient même être renforcés par une meilleure incitation à la réduction de la production des déchets ménagers.

Ensuite, en ce qui concerne le traitement des déchets, au nombre des recommandations du rapport de notre collègue Daniel Soulage, que je félicite pour la qualité de son travail, la valorisation énergétique par incinération constitue une technique complémentaire du tri, du recyclage et de la valorisation des matières organiques par compostage ou méthanisation.

La combustion des déchets est, par ailleurs, une source d’énergie renouvelable : elle se substitue aux énergies fossiles pour produire de l’électricité ou de la chaleur.

En effet, reconnaissons que cette technique est une réponse adaptée aux impératifs géographiques, démographiques, techniques, réglementaires et économiques d’un bon nombre de collectivités.

Elle est aussi une alternative majeure au recyclage impossible des produits toxiques. En Europe, 400 unités d’incinération approvisionnent 27 millions d’habitants en électricité, et ce malgré de nombreuses polémiques et questions restant en suspens au sujet des incinérateurs, parce que la combustion des déchets ménagers rejette dans l’atmosphère des polluants toxiques tels que des métaux lourds, notamment le mercure et le cadmium.

Les installations de stockage de déchets aux nouvelles normes et valorisant le biogaz doivent être mieux favorisées, par exemple au moyen de la simplification des démarches administratives d’autorisation, de l’incitation fiscale, ou de l’octroi de la garantie de rachat de l’énergie.

À ce titre, les bioréacteurs doivent pouvoir bénéficier de ces avantages, car ils constituent une étape fiable et reproductible, avant des procédés de valorisation matière et énergétique des ordures ménagères résiduelles, procédés encore mal maîtrisés actuellement.

La technique de traitement des déchets domestiques par compostage individuel de la matière organique reste un mode de recyclage et une pratique traditionnelle nécessitant peu d’investissement. Cette démarche s’inscrit dans une gestion intégrée des déchets : en combinant les différentes filières de traitement, elle apporte une solution locale et durable au problème de la valorisation et permet de maîtriser à long terme le coût d’élimination tout en respectant notre environnement.

Quelle que soit la technique choisie, l’un des objectifs majeurs est bien de concilier la maîtrise des coûts de gestion des déchets avec l’offre d’un service optimal à nos concitoyens.

Le schéma départemental fixe les orientations en matière de traitement de déchets, notamment les transferts de déchets entre les départements. Il faut donc favoriser l’interdépartementalité.

Le département est-il toujours le niveau le plus pertinent pour fixer les règles de gestion des déchets ? L’encadrement est nécessaire pour limiter le risque de voir naître, avec de tels périmètres, des départements « poubelles ».

Ainsi, dans le cas concret du département des Alpes-Maritimes, les déchets traversent le département du Var pour terminer dans celui des Bouches-du-Rhône, alors que le Var dispose des moyens pour traiter les déchets.

Une orientation pourrait consister non seulement à permettre les interdépartementalités, en favorisant le transport de déchets en dehors des périmètres des plans départementaux, mais aussi à pénaliser financièrement les transports sur de longues distances.

À terme, face à la réduction des tonnages constatés dans les filières de traitement du fait de la montée en puissance de la valorisation, constatée et à venir, cette disposition permettra de mieux rentabiliser les équipements structurants et, donc, de maîtriser les coûts de traitement.

Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, élu d’un département du littoral méditerranéen, je ne peux pas ne pas évoquer le traitement des déchets et ses conséquences sur le milieu marin.

La France dispose de 11 millions de kilomètres carrés d’espaces maritimes, soit 10 % de l’ensemble des récifs coralliens dans le monde. Ces récifs constituent des écosystèmes particulièrement productifs, qui, rappelons-le, fournissent la quasi-totalité de la matière organique de base consommée par les poissons.

Ces constats obligent aujourd’hui les collectivités territoriales à revoir leur stratégie d’élimination et de gestion des déchets municipaux dans le respect et la protection de notre environnement.

En effet, sans traitement approprié de ces rejets polluants, les produits chimiques toxiques, le phosphore et les métaux lourds contenus dans ces déchets se retrouvent dans l’océan, produisant la détérioration d’un écosystème aquatique, …