M. Roland Courteau. C’est peu dire !

M. René Vestri. … par la prolifération des algues planctoniques et de certains types de zooplancton, de certains végétaux, mettant en danger la santé des humains et la vie marine.

Je ne m’étendrai pas sur le problème des sacs en plastique qui envahissent le littoral et la mer, provoquant la mort de 100 000 mammifères marins et d’un nombre incalculable de poissons ! Quand on sait que, pour disparaître naturellement, un sac en plastique met quatre cent cinquante ans et une bouteille en plastique entre cent et mille ans, cela ne peut évidemment nous laisser insensibles !

M. Roland Courteau. C’est évident !

M. René Vestri. Les spécialistes de l’environnement déclaraient que tout ce que nous utilisons sur la terre ferme finit dans la mer.

C’est vrai tout particulièrement pour la côte méditerranéenne : en période estivale, du fait du surcroît de population, elle voit augmenter le phénomène de pollution d’origine terrestre, notamment dans les ports, mais aussi au mouillage avec la fréquentation des bateaux de plaisance, de croisière et des navires qui rejettent les déchets domestiques dans la mer.

M. Roland Courteau. Le déballastage !

M. René Vestri. Pour cela, je suggère que nous puissions créer des zones de mouillage écologiques, avec un système de récupération des déchets du type poubelles flottantes.

Je rappelle une mesure de bon sens qui me tient à cœur : imposer, dans le cadre du permis bateau, l’obligation de former les plaisanciers au mouillage propre.

À cette fin, le préfet maritime doit contraindre, lors de la création des zones de mouillage, chaque plaisancier à s’équiper effectivement de réservoirs, fixes ou mis en place à titre temporaire, destinés à recevoir les déchets organiques, dans le respect des mesures édictées par le décret du 4 juillet 1996.

La protection de notre littoral méditerranéen est une cause que je défends depuis une vingtaine d’années et pour laquelle j’ai fondé l’association SOS Grand Bleu, consacrée à la défense du milieu marin.

D’ailleurs, en collaboration avec Monaco et l’Italie, SOS Grand Bleu vient de participer, dans le cadre de l’action « Ramonage », à une opération de mobilisation des citoyens afin d’expliquer et de gérer la problématique des macrodéchets, ces déchets composés de débris naturels de bois, feuilles de posidonie, plastiques et qui viennent s’échouer sur les plages au gré des vents et des courants.

Au-delà de la gestion des déchets et de leur destination finale, il sera aussi nécessaire de recenser toutes les autres sources de pollution pour pouvoir apporter, dans le cadre du Grenelle de la mer, que nous devons absolument relancer, madame la secrétaire d’État, des solutions adaptées pour la sauvegarde de notre environnement maritime.

Tout cela semble difficile, mais tout ce qui est ardu est bénéfique pour l’avenir ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Dubois.

M. Daniel Dubois. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, tout d’abord, à l’instar de tous ceux qui m’ont précédé à cette tribune, je tiens à saluer l’excellent travail de mon collègue Daniel Soulage, qui a été à l’initiative de ce rapport et s’est fortement mobilisé sur le terrain, en tant que rapporteur. Je salue également le travail du président de la mission commune d’information, Dominique Braye, et bien sûr celui de l’ensemble des administrateurs ayant œuvré à la rédaction du rapport.

Je tiens également à souligner, cela a été dit, le bon état d’esprit qui a régné pendant tous ces travaux et au cours des rencontres auxquelles ils ont donné lieu.

Il montre, on le voit bien, que le problème de la gestion des ordures ménagères transcende toutes les idées politiques. Quand on est face à l’obstacle, il faut bien rechercher des solutions. Or elles sont loin d’être simples et quasiment les mêmes pour tous ! (Sourires.)

Le sujet est compliqué et les objectifs chiffrés du Grenelle sont ambitieux. Je les rappelle : la diminution de 15 %, d’ici à 2012, des tonnes enfouies ou incinérées ; la réduction de la part d’ordures ménagères et assimilés de 7 % par an dans les cinq prochaines années ; enfin, l’augmentation du recyclage matière et organique pour aboutir à 35 % recyclés en 2012, et 45 % en 2015.

Ces objectifs, non plus, ne sont pas simples à atteindre !

Or, aujourd’hui, la France n’est pas complètement exemplaire en matière de traitement des déchets. Nos infrastructures atteignent les limites de leurs capacités.

En outre, Dominique Braye l’a dit avec force tout à l’heure – pour ma part, je le rejoins et j’y reviendrai –, l’opinion publique n’accepte pas la construction d’incinérateurs, pas plus d’ailleurs, il faut le dire, que celle de centres d’enfouissement techniques.

Cela signifie que le chemin à parcourir sera long et compliqué. Le rapport de la mission commune d’information peut servir à le baliser et permettre d’apporter un certain nombre de réponses.

Deux points ont particulièrement retenu mon attention dans le cadre de la valorisation des déchets.

Premièrement, j’ai été surpris de la faible capacité du parc d’incinérateurs, qui représente à peine un tiers des capacités de nos voisins allemands, ainsi que l’a relevé le président de la mission commune d’information.

Ce type de traitement permet de valoriser l’énergie dégagée de la combustion, pour alimenter des réseaux de chaleur ou fabriquer de la vapeur pour certaines industries. Faut-il le rappeler, la vapeur représente 7,2 % des énergies utilisées, essentiellement par les industries du papier carton, de l’imprimerie et du secteur de la chimie, du caoutchouc et des plastiques.

Il est donc urgent, à mon sens, de réhabiliter dans l’opinion publique ce mode de traitement des déchets.

Chacun en est bien conscient, il existe une chaîne globale complète du traitement des déchets, dont l’incinérateur est l’un des maillons. Ce dernier souffre aujourd’hui d’une méfiance qui semble durablement installée sur les territoires.

Les experts reconnus doivent donc se saisir de cette problématique afin de rendre plus transparentes les incidences réelles liées à l’incinération.

À l’heure actuelle, nous sommes englués dans ce problème de l’incinération. Si nous ne nous employons pas à le reposer de façon transparente, nous aurons énormément de mal à nous en sortir, alors même qu’il s’agit là d’un outil essentiel.

Deuxièmement, le traitement biologique des déchets nécessite une attention accrue.

Il permet en effet une valorisation de la partie fermentescible des déchets, que ce soit sur le plan organique, avec la fabrication de compost, ou sur le plan énergétique, au travers de la production d’électricité et de chaleur.

Dans cette démarche, il semble particulièrement nécessaire d’être attentif, bien sûr, à la qualité du compost ; en effet, on le retrouve dans les champs, et donc dans le produit des récoltes.

En outre, concernant les installations qui sont mises en œuvre aujourd’hui, les élus ont, me semble-t-il, besoin d’un horizon à la fois lointain et stable pour prendre leurs décisions. Le conseil technique sur les investissements engagés par les élus dans ce domaine reste parfois insuffisant, alors qu’il est absolument nécessaire.

En effet, il y a de vrais risques à installer des équipements dont l’achat s’amortit sur trente ou quarante ans, dans la mesure où, cinq ou six années après leur première utilisation, ils peuvent se révéler inadaptés quand bien même ils auraient coûté très cher au contribuable ; une telle situation peut réellement poser problème.

Pour prendre un peu de recul par rapport au débat, j’insisterai sur trois préoccupations : l’efficience, la différenciation et l’obligation, à laquelle, de toute façon, nous ne pourrons pas nous soustraire, de limiter la production de déchets.

La première préoccupation concerne la nécessaire efficience avec laquelle il faut aborder la question de la gestion des déchets. Pour faciliter les comportements éco-citoyens, il est indispensable, comme les différents intervenants l’ont dit et répété, de ne pas faire peser sur le contribuable une charge financière trop importante.

À l’instar d’autres collègues ici présents, je préside un syndicat de traitement et de gestion des ordures ménagères et j’entends de plus en plus fréquemment des administrés, en milieu rural, mettre en cause l’utilité du tri en tenant ce discours : « Plus je trie, plus c’est cher. J’ai envie d’arrêter ! »

Le tri ne se décrète pas, en particulier en zone rurale ; il repose sur des comportements citoyens, qu’il faut inciter. En ce sens, il importe de favoriser des solutions de traitement des déchets qui s’autofinancent dans la mesure du possible – cela reste compliqué –, notamment par la valorisation énergétique du traitement ou encore par le recyclage.

Ma deuxième préoccupation porte sur la nécessaire différenciation à opérer dans le traitement des déchets entre les ménages, qui ne produisent que 3,6 % des déchets, et les entreprises, mais aussi et surtout entre territoires ruraux et territoires urbains.

Chacun le sait très bien, les territoires ruraux sont plutôt efficaces en amont : dès lors que les élus font preuve d’une certaine pédagogie et que les outils adéquats sont mis à leur disposition, les usagers trient bien, se rendent aux points d’apport volontaire et font du compost individuel assez facilement.

Certains me répondront que la TGAP règle le problème : les territoires ruraux apportent moins de déchets au centre d’enfouissement puisque le tri a été effectué efficacement en amont ; ils devraient donc payer des factures moins élevées.

Un tel raisonnement n’est pas tout à fait exact, car un élément n’est, à mon avis, pas suffisamment pris en compte, madame la secrétaire d’État : les kilomètres ! Efficience et différenciation se trouvent donc alors liées.

Mme Odette Herviaux. Tout à fait !

M. Daniel Dubois. Prenons un exemple simple. J’ai dû lancer un nouvel appel d’offres pour le ramassage et le traitement des déchets sur mon territoire. Avec la mise en œuvre de la TGAP, j’ai choisi un centre d’enfouissement technique qui se trouve à 70 kilomètres de chez moi, alors que le centre avec lequel je contractais auparavant était plus proche, puisque situé à 10 kilomètres.

Certes, j’ai opté pour une solution moins chère en examinant les différentes offres, même si elle reste plus onéreuse que la précédente, mais, en termes d’approche globale, l’empreinte environnementale est plus importante, dans la mesure où tous les camions parcourent 140 kilomètres aller-retour.

M. Roland Courteau. C’est sûr !

M. Daniel Dubois. Autrement dit, par rapport à l’efficience et à la différenciation, l’approche de la norme est à mes yeux essentielle, car il faut être en capacité d’évaluer les pratiques des habitants d’un territoire.

Il est évidemment plus facile de construire une usine d’incinération dans un centre urbain, où la chaleur produite par un tel équipement pourra être récupérée pour chauffer l’hôpital et les logements, ce qui n’est pas possible à la campagne ; tout le monde est d’accord sur ce point.

Un système permettant d’allier efficience et différenciation serait compliqué à mettre en œuvre, mais nul ne peut ignorer l’ensemble des paramètres. À défaut, à terme, les territoires ruraux ne seront plus aussi efficaces en amont ; ce serait tout à fait regrettable.

C’est la raison pour laquelle il faut laisser au département le soin de déterminer son plan de gestion des déchets, sans empiler les normes nationales ni phagocyter les initiatives locales par des seuils ou des taux qui ne prendraient pas en compte les particularités locales et sectorielles.

Les objectifs doivent être clairs, les moyens rester souples et les critères d’évaluation tenir compte à tout prix des spécificités que je viens de mentionner, donc de l’efficience du système de ramassage et de traitement des ordures ménagères.

Madame la secrétaire d’État, ces deux préoccupations reviennent finalement à approuver les objectifs de la loi Grenelle II, dont j’étais l’un des rapporteurs au Sénat ; nul ne peut aujourd’hui aller à leur encontre ! Pour les atteindre, il faut cependant prendre garde de ne pas faire peser des charges insurmontables sur les administrés ou sur les collectivités locales. Vous n’échapperez pas au débat sur la TGAP : il faut trouver une réponse adaptée, car cette taxe devient de plus en plus lourde pour nos administrés, et elle sera bientôt insupportable.

Enfin, la troisième préoccupation que j’évoquais tient à la nécessaire limitation de la quantité de déchets produits. C’est, à mon sens, l’une des réponses au problème. Nous devons nous engager dans cette voie plus résolument, même si, bien entendu, je suis tout à fait conscient qu’une telle action aurait un impact sur l’industrie de notre pays et que nous ne pouvons le faire sans réflexion, délai ni plan.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Daniel Dubois. Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’éducation au tri et la limitation de la production des emballages constituent des leviers qu’il faut aujourd’hui utiliser avec beaucoup plus de volonté. Cela dit, je considère que le rapport qui a été produit est excellent ! (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Pastor.

M. Jean-Marc Pastor. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le traitement des ordures ménagères est aujourd’hui un sujet de préoccupation qui se trouve au premier rang des priorités.

Les collectivités locales sont évidemment concernées au premier chef, d’abord, par la collecte, mais aussi par le traitement et la valorisation des déchets.

Vis-à-vis de nos collègues élus locaux, la mission commune d’information sur le traitement des déchets prend tout son sens. Les élus se familiarisent petit à petit avec des expressions comme « responsabilité élargie des producteurs », « éco-conception », « éco-production », « valorisation matière ».

Je tiens tout d’abord à remercier nos collègues, et plus particulièrement MM. Braye et Soulage, ainsi que nos collaborateurs, de leur travail et de l’excellent rapport qu’ils ont diligenté.

L’exercice effectué par les membres de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire est parti de la volonté d’adopter une vision globale du sujet. Dans son rapport, la mission indique : « L’idée que, du produit au déchet, il est indispensable d’avoir une vision globale s’est progressivement affirmée et les textes Grenelle en portent témoignage. Mais dans l’état actuel de la réglementation, la pression pèse encore essentiellement sur l’aval – élimination du déchet – et insuffisamment sur l’amont – éco-conception. »

En outre, dans son rapport sur la situation des points emballages, la Cour des comptes pointe du doigt certaines entreprises, parmi les plus grosses, qui s’exonèrent aujourd’hui encore de leur contribution au pot commun. Qu’en est-il, madame la secrétaire d’État ?

S’agissant de l’aval, le rapport fait l’état des lieux des techniques ; j’en retiendrai essentiellement deux : le traitement biologique, avec la méthanisation, et l’incinération.

L’ensemble des techniques se sont énormément améliorées. Aucune ne présente que des inconvénients ou que des avantages. Elles sont toutes nécessaires et souvent adaptées à l’acceptabilité sociale locale.

L’incinération n’est plus aussi polluante, elle n’est plus porteuse de dangers sur le plan sanitaire. Le rapport met d’ailleurs l’accent sur le hiatus entre risque perçu et risque réel.

Le traitement biologique, notamment la méthanisation, a beaucoup évolué ces dernières années : le tri, le compostage, la méthanisation par digesteur – une méthode qui comporte aussi parfois ses contraintes – ou, plus récemment, par bioréacteur ont donné lieu à une organisation de la filière et à une maîtrise des coûts de plus en plus grande.

Dans le rapport, il est à mon sens rendu justice à ces techniques. Bien appliquées, elles ont un potentiel d’intégration très grand de l’amont à l’aval, et même de l’aval à l’aval, c’est-à-dire en termes, notamment, de réseaux de chaleur, de production d’électricité, de carburant, de cogénération.

Je n’oublie pas non plus les techniques les plus poussées, à savoir celles qui sont élaborées par le monde scientifique dans le cadre des structures HYPAC, la plate-forme française pour l’hydrogène et les piles à combustible, et HYRAMP, les réseaux européen et national de la recherche sur l’hydrogène provenant en particulier du traitement des résiduels. Puisque de telles techniques sont également développées de manière spécifique en France, il me semble important de les mentionner.

Le nerf de la guerre, comme toujours, ce sont les finances, en l’occurrence la fiscalité appliquée à la politique des déchets. Pour être comprise et durable, cette fiscalité doit tenir compte de la situation et de l’état des techniques.

S’agissant plus particulièrement de la méthanisation par bioréacteur – chacun des membres du groupe a ses spécificités, et c’est de cet ensemble qu’il faut tirer « la substantifique moelle », comme on dit –, je m’interroge : ne faudrait-il pas orienter le dispositif de la TGAP vers une fiscalisation qui soit fonction de la qualité de la mise en œuvre, laquelle est directement liée à la technique employée, plutôt que de la production effective ?

Dans un autre domaine, la culture bio et son label sont soumis à un contrôle de production et de moyens, mais pas à un contrôle de résultats.

Pour le bioréacteur, la circulaire communiquée il y a huit mois aux services de l’État est totalement inapplicable, injuste, voire illégale. (Exclamations sur plusieurs travées.)

En effet, personne ne peut dire précisément quelle quantité de méthane sortira d’un casier ou d’un autre, selon la composition de son contenu, ni quantifier le potentiel de méthane inclus dans une tonne de déchets. C’est incontrôlable en l’état actuel des connaissances.

Or, si la quantité de biogaz produite est faible, cela peut tout de même dénoter de la part de la structure gestionnaire un effort insuffisant sur les moyens mis en œuvre pour un captage maximum du biogaz. Cependant, si cette faible quantité de biogaz obtenue est valorisée à 75 % ou plus, est-il acceptable que la réduction du tarif de la TGAP soit la même que lorsque le rapport entre la quantité de biogaz et la quantité de déchets est nettement plus élevé ?

Autrement dit, peut-être faudrait-il réfléchir à une taxe qui prenne en considération non pas les pourcentages produits, mais plutôt les moyens utilisés.

M. Roland Courteau. C’est sûr !

M. Jean-Marc Pastor. Par ailleurs, on est sorti du « bouclier fiscal » exonérant les unités d’incinération depuis la loi de finances pour 2009.

Cependant, si le dispositif applicable depuis lors est conçu de telle sorte qu’il privilégie certaines techniques et pénalise les centres de stockage – une position qui ne tient pas compte des performances d’autres systèmes ... –, je veux rappeler, une fois de plus, que cette technique constitue, elle aussi, une approche vertueuse du traitement des déchets ménagers.

Madame la secrétaire d’État, le rapport d’analyse de la TGAP, qui permettrait de prévoir une évolution des taux, pourra-t-il être diligenté en 2011, comme le propose la mission ? Si tel est le cas, sachez que nous sommes tout à fait disposés à vous accompagner dans cette démarche, et même à vous faire des propositions !

En tout état de cause, la fiscalité doit évoluer dès que possible afin d’être en phase avec l’actualité et la modernité, et devenir incitative pour toutes les approches vertueuses que nous connaissons aujourd’hui ! (Applaudissements sur la plupart des travées.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Muller.

M. Jacques Muller. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je salue le travail de la mission conduite par Dominique Braye et Daniel Soulage. Je me félicite de l’ambiance qui a prévalu au cours de nos travaux. Nos débats ont été francs, mais ouverts. Je tiens également à remercier les collaborateurs qui se sont investis dans la rédaction du rapport, véritable mine de données chiffrées.

J’en aborderai trois aspects qui m’ont conduit, in fine, à ne pas voter pour et à m’abstenir : l’incinération, les biodéchets et la facturation incitative.

La réhabilitation de l’incinération pose deux problèmes.

Le premier est l’occultation de la question ultra-sensible des lixiviats issus des traitements des fumées et des mâchefers, dont la dispersion dans l’environnement, notamment dans les ballasts, encore autorisée par la circulaire ministérielle « provisoire » de 1994, deviendra impossible en raison de l’amélioration programmée des normes européennes. À moyen terme, il faut prévoir une forte progression de leurs coûts de traitement, qui devrait nous conduire à fixer des objectifs optimaux de valorisation matière des déchets et à limiter au minimum l’incinération.

Le second problème est l’affirmation, tendancieuse, dirais-je, selon laquelle « les pays qui incinèrent le plus recyclent le plus ». En effet, si on analyse très précisément les chiffres figurant dans le rapport, notamment ceux qui concernent le Danemark, le Luxembourg et la France, on constate que le niveau de recyclage est indépendant du niveau d’incinération – et non proportionnel ! – et, a contrario, que le niveau d’incinération n’est corrélé, négativement, qu’avec celui de la mise en décharge, ce qui est logique.

L’incinération demeure donc une « facilité » conduisant à la création de surcapacités et à la fixation d’objectifs de recyclage timorés. Croyez-moi, c’est du vécu !

Je regrette, à cet égard, que M. le président de la mission commune d’information n’ait pas donné suite à ma proposition de rencontrer les élus du département du Haut-Rhin, dirigé par la majorité présidentielle. Ils auraient pu expliquer comment l’abandon du projet de construction d’un troisième incinérateur, sous la pression citoyenne de personnes parfaitement au fait des progrès possibles en termes de valorisation matière, a permis d’éviter de plomber les finances départementales et a conduit à changer radicalement de politique des déchets, notamment en matière de collecte sélective et de valorisation des biodéchets.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : ils dépassent les prévisions initiales ! Nous nous rapprochons des résultats allemands et les deux unités d’incinération préexistantes sont désormais en surcapacité.

Je maintiens que l’incinérateur, contrairement à ce qui est martelé dans le rapport, est un « aspirateur à déchets », s’il n’y a pas au préalable – j’insiste sur ces termes – une volonté politique forte de recycler de manière optimale, sans faux-fuyant.

Je regrette en outre que la mission ne se positionne pas clairement sur le traitement des biodéchets. Certes, je me félicite de ce qu’un virage ait été enfin pris par rapport aux unités de tri mécano-biologique, dites TMB. Celles-ci ont été mises quasiment hors jeu par l’évolution attendue, et souhaitable, des normes européennes et, par conséquent, par l’absence de débouchés agricoles pour des composts non issus de collectes sélectives des biodéchets : j’avais déposé un amendement en ce sens, refusé lors de la discussion du projet de loi Grenelle II.

Je constate que la roue tourne dans le bon sens ; tant mieux !

En revanche, si j’approuve la priorité donnée au traitement de proximité, notamment en milieu rural, je déplore la mise en garde par rapport aux collectes sélectives en milieu urbain. Pourquoi n’avoir pas donné suite à ma proposition d’étudier in situ le « modèle » allemand, à Fribourg notamment ? Il fonctionne parfaitement, y compris dans les grandes villes, dans l’habitat vertical, tout simplement parce qu’il bénéficie d’une longue expérience pratique de terrain : il fallait oser rencontrer « les premiers de la classe » ! Le Bade-Wurtemberg étant situé non loin du Haut-Rhin, on aurait pu faire d’une pierre deux coups...

Je voudrais conclure sur l’ambiguïté du rapport concernant la facturation incitative. Que celle-ci ne fasse que « réorienter les déchets sans les réduire » est une lapalissade. Il faut en effet agir autrement et fortement pour réduire les déchets à la source : ce doit être notre priorité absolue.

J’avais déposé deux amendements en ce sens, soutenus par Mme la secrétaire d’État et votés par le Sénat, portant sur l’éco-conception des produits et l’obligation pour les commerces de plus de 500 mètres carrés de gérer leurs déchets d’emballage. Hélas ! cette proposition a été quelque peu sabotée par l’Assemblée nationale, qui a porté ce seuil à 2 500 mètres carrés. En effet, si nous ne nous donnons pas les moyens d’agir à la source, c’est-à-dire sur la grande distribution, laquelle impose ses règles aux industriels, ces derniers auront du mal à progresser.

En tout état de cause, optimiser la valorisation matière via la facturation incitative permet de réduire à moyen terme, voire à court terme, la facture du traitement pour nos administrés, raréfaction et hausse des prix des matières premières obligent.

Je regrette, à cet égard, la présentation orientée faite dans le rapport, qui met en garde en caractères gras contre les risques « d’augmentation des coûts », et qui mentionne en tout petits caractères et en bas de page – comme dans les contrats d’assurance ! (sourires sur les travées du groupe socialiste) – cette information essentielle selon laquelle la hausse apparaît « souvent faible comparativement à la forte augmentation qui aurait pu être subie par les collectivités si elles n’avaient pas mis en place la facturation incitative alors que le coût de traitement des ordures ménagères augmentait très fortement ». Autrement dit, la facturation incitative permet, dans tous les cas, de baisser le coût relatif du traitement des déchets.

Il nous faut, me semble-t-il, changer notre regard sur ce que l’on appelait jusqu’à présent « déchets », et appréhender ceux-ci comme des ressources. Nos poubelles valent de l’or !

M. Dominique Braye, président de la mission commune d’information. J’échange mes poubelles contre des lingots ! (Sourires.)

M. Jacques Muller. Les élus doivent choisir, très clairement, entre deux solutions : soit ils abandonnent cette richesse aux groupes industriels qui harcèlent les élus pour la capter, comme je peux en témoigner ; soit ils donnent les moyens à nos administrés d’en bénéficier, sous forme de baisse ou de stabilisation de la facture.

Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, tout cela passe par la généralisation des comportements éco-citoyens, qui résultent de l’adoption de politiques intégrées reposant sur trois piliers indissociables : communication et sensibilisation, optimisation des collectes sélectives en porte-à-porte et gratification financière du geste de tri. Telles sont les leçons tirées du terrain ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.