Article 39
Dossier législatif : projet de loi de réforme des collectivités territoriales
Article 42

Article 40 bis

Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à adapter aux caractéristiques et contraintes particulières des départements et régions d’outre-mer, par voie d’ordonnance et dans un délai de six mois à compter de la publication de la présente loi, les dispositions du III de l’article L. 1111-10 du code général des collectivités territoriales. Le projet de loi portant ratification de cette ordonnance est déposé devant le Parlement au plus tard le dernier jour du sixième mois suivant la publication de l’ordonnance.

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Article 40 bis
Dossier législatif : projet de loi de réforme des collectivités territoriales
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 42

Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, sont validés les arrêtés de création ou de transformation d’un établissement public de coopération intercommunale, de création d’un syndicat mixte, de transfert de compétences à un établissement public de coopération intercommunale ou à un syndicat mixte, pris entre le 14 juillet 1999 et la promulgation de la présente loi, en tant que leur légalité serait contestée par le moyen tiré de ce que les conditions financières et patrimoniales du transfert des biens immobiliers ou les conditions d’affectation du personnel en matière de zones d’activité économique ou en matière de zones d’aménagement concerté n’ont pas été décidées préalablement à l’entrée en vigueur de l’arrêté.

ANNEXE

NOMBRE DE CONSEILLERS TERRITORIAUX PAR RÉGION ET PAR DÉPARTEMENT

Région

Conseil régional

Département

Nombre de conseillers territoriaux

Alsace

74

Bas-Rhin

Haut-Rhin

43

31

Aquitaine

211

Dordogne

Gironde

Landes

Lot-et-Garonne

Pyrénées-Atlantiques

33

79

27

27

45

Auvergne

146

Allier

Cantal

Haute-Loire

Puy-de-Dôme

35

21

27

63

Bourgogne

134

Côte d’Or

Nièvre

Saône-et-Loire

Yonne

41

21

43

29

Bretagne

190

Côtes-d’Armor

Finistère

Ille-et-Vilaine

Morbihan

35

55

57

43

Centre

172

Cher

Eure-et-Loir

Indre

Indre-et-Loire

Loir-et-Cher

Loiret

25

29

19

35

25

39

Champagne-Ardenne

138

Ardennes

Aube

Marne

Haute-Marne

33

33

49

23

Franche-Comté

104

Doubs

Jura

Haute-Saône

Territoire de Belfort

39

27

23

15

Guadeloupe

43

Guadeloupe

43

Île-de-France

308

Paris

Seine-et-Marne

Yvelines

Essonne

Hauts-de-Seine

Seine-Saint-Denis

Val-de-Marne

Val-d’Oise

55

35

37

33

41

39

35

33

Languedoc-Roussillon

167

Aude

Gard

Hérault

Lozère

Pyrénées-Orientales

27

39

55

15

31

Limousin

91

Corrèze

Creuse

Haute-Vienne

29

19

43

Lorraine

134

Meurthe et Moselle

Meuse

Moselle

Vosges

37

19

51

27

Midi-Pyrénées

250

Ariège

Aveyron

Haute-Garonne

Gers

Lot

Hautes-Pyrénées

Tarn

Tarn-et-Garonne

15

29

89

19

19

23

33

23

Basse-Normandie

117

Calvados

Manche

Orne

49

39

29

Haute-Normandie

98

Eure

Seine-Maritime

35

63

Nord - Pas-de-Calais

138

Nord

Pas-de-Calais

81

57

Pays de la Loire

175

Loire-Atlantique

Maine-et-Loire

Mayenne

Sarthe

Vendée

53

39

19

31

33

Picardie

109

Aisne

Oise

Somme

33

39

37

Poitou-Charentes

124

Charente

Charente-Maritime

Deux-Sèvres

Vienne

25

41

27

31

Provence-Alpes-Côte d’Azur

226

Alpes-de-Haute-Provence

Hautes-Alpes

Alpes-Maritimes

Bouches-du-Rhône

Var

Vaucluse

 

15

15

49

75

45

27

La Réunion

49

La Réunion

49

Rhône-Alpes

298

Ain

Ardèche

Drôme

Isère

Loire

Rhône

Savoie

Haute-Savoie

33

19

27

49

39

69

25

37

M. le président. Nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures quarante-cinq pour le vote sur l’ensemble du projet de loi.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures quarante, est reprise à quatorze heures cinquante.)

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de réforme des collectivités territoriales.

Vote sur l’ensemble

Article 42
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Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je donne la parole à M. Didier Guillaume, pour explication de vote.

M. Didier Guillaume. Suppression de la taxe professionnelle, gel des dotations, démembrement des collectivités territoriales : c’est la tragédie en trois actes écrite par le Gouvernement pour sonner le glas des territoires.

Un sénateur de l’UMP. Ce doit être une tragédie qui donne le bourdon ! (Sourires sur les travées de lUMP.)

M. Didier Guillaume. Le premier acte, la suppression de la taxe professionnelle annoncée au débotté par le Président de la République en 2008, a pour conséquences un coût énorme pour le budget de l’État – près de 10 milliards –, des coupes dans les budgets des départements et, surtout, une rupture du lien entre les collectivités territoriales et le développement économique.

M. Roland Courteau. Exactement !

M. Didier Guillaume. Ce sera la fin de ce lien historique !

Enfin, l’absence de dynamique des recettes des collectivités territoriales entraînera désormais une véritable dérive dans les budgets de ces dernières.

Le deuxième acte est le gel des dotations, qui conduit à l’étranglement financier des collectivités territoriales. Le fameux effet de ciseaux – augmentation des dépenses et diminution des recettes – se mue en un véritable effet de garrot, un garrot qui étrangle les collectivités locales,...

M. Guy Fischer. Voilà !

M. Didier Guillaume. ... les empêchant de boucler leur budget et tout simplement de jouer la solidarité territoriale. Cela traduit la volonté du Gouvernement d’assécher les moyens des collectivités territoriales,...

M. Didier Guillaume. ... qui n’en peuvent déjà plus !

Le troisième acte est le démembrement, le démantèlement des collectivités territoriales, qui signe la fin de la décentralisation. Certes, notre pays est composé de villes, de métropoles, mais il est aussi composé de territoires ruraux, de communes, de cantons, de zones rurales, d’arrière-pays, qui ne sont pas un boulet pour notre pays, bien au contraire !

M. Roland Courteau. Ce sont des atouts !

M. Didier Guillaume. Ce ne sont pas des réserves d’Indiens. Ce sont des territoires qui innovent, qui créent de la recherche, qui se placent dans l’économie du savoir et de la connaissance, et c’est à partir des territoires ruraux, de leurs petites entreprises que, grâce aux nouvelles technologies de l’information, au haut débit, l’innovation pourra se diffuser sur l’ensemble de notre territoire.

Alors, non, ce ne sont pas ces territoires et ces collectivités territoriales qui ont un train de retard ; c’est votre texte, messieurs les ministres ! Alors que, dans cette Haute Assemblée, nous devrions parler de la France dans vingt ou trente ans, nous jouons un mauvais plagiat de Retour vers le futur.

Oui, c’est bien la fin de la décentralisation.

La voix des sénateurs n’a pas été entendue lors des lectures précédentes. Le Sénat a été totalement piétiné...

M. Guy Fischer. Méprisé !

M. Didier Guillaume. ... et, contrairement à ce que nous avons entendu ce matin, le texte de la commission mixte paritaire est celui de l’Assemblée nationale.

M. Elie Brun. Mais non !

M. Didier Guillaume. Le Sénat a donc été piétiné et bafoué !

Alors que le Sénat est le représentant des collectivités territoriales, son vote n’a pas été respecté. Pourtant, c’est ici que bat le cœur de nos collectivités puisque nous sommes en lien direct avec les élus locaux.

Messieurs les ministres, vous avez une curieuse conception de la manière de légiférer ! Vous faites voter des lois, mais vous les estimez imparfaites et vous expliquez qu’elles s’appliqueront… plus tard, toujours plus tard ! Après 2013 pour les retraites ; en 2014, puis en 2015 pour cette réforme des collectivités territoriales. Pourquoi ces lois ne s’appliquent-elles pas d’emblée ? Tout simplement parce que non seulement le peuple, mais aussi les élus de tous bords n’en veulent pas !

Le conseiller territorial, c’est la fin de la ruralité. Cet élu hybride sera la plupart du temps de sexe masculin, il ne pourra pas représenter les territoires, il devra siéger au conseil régional et au conseil général, sans parler de sa présence dans toute une série de conseils d’administration !

En matière de compétences, où donc était le problème ? Il n’y a pas de problèmes liés aux cofinancements ! Et vous voulez interdire entre les départements et les régions des cofinancements que vous imposez maintenant entre les collectivités territoriales et l’État. Il faudra payer les lignes TGV, l’université... Non, décidément, cela ne tient pas debout !

Enfin, avec l’abandon de la clause de compétence générale, c’est la fin de la libre administration des collectivités territoriales et c’est la fin de l’innovation.

Mais, comme vous le faites désormais dans chaque loi, vous prévoyez une clause de revoyure, d’autant que rien n’est réglé dans le projet de budget. Votre façon de gérer est vraiment très bizarre !

M. Roland Courteau. C’est vrai !

M. Didier Guillaume. Vous bridez les collectivités territoriales, mais, ce faisant, vous bridez aussi les principaux moteurs de la croissance et du développement puisqu’elles représentent, dans notre pays, 77 % de l’investissement public.

Mes chers collègues, le moment de vérité est arrivé ! Être libre, c’est être capable de dire non. Le groupe socialiste dira non au projet qui nous est proposé parce que nous resterons des défenseurs inlassables de la décentralisation et des territoires ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.

M. Jean Louis Masson. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je commencerai par une observation relative à la parité.

Pour les conseillers territoriaux, le scrutin uninominal à deux tours entraînera, c’est certain, une importante régression de la parité. Les résultats des élections issues de ce mode de scrutin suffisent à le prouver : seulement 12,3 % de femmes siègent dans les conseils généraux.

Certes, des pénalités financières sont théoriquement prévues pour favoriser la parité. Toutefois, quand on lit l’article y afférent, on constate que le libellé est quasiment incompréhensible. Ce n’est pas innocent ; c’est même délibéré ! Il s’agit de cacher le fait que le montant des pénalités est dérisoire et qu’elles n’auront donc aucune efficacité dissuasive !

À ce sujet, je ferai trois remarques.

Premièrement, la première fraction de l’aide aux partis politiques devient une véritable usine à gaz, qui repose sur un charabia technocratique inextricable. Ainsi, l’assiette de la parité est décrite de la sorte : « la première part de la deuxième partie de la première fraction qui correspond à la part assise sur les suffrages obtenus aux élections territoriales ». Je crains que, même pour quelqu’un ayant fait de longues études, ce ne soit très difficile à comprendre !

Deuxièmement, les pénalités sur la parité ne porteront en fait que sur une enveloppe totale de 6,6 millions d’euros. Or, actuellement, les 40 millions d’euros concernant les pénalités liées aux élections législatives ont les résultats insuffisants que l’on sait. Malgré cela, on voudrait nous faire croire que cette enveloppe de 6,6 millions d’euros permettra des sanctions significatives et incitatives pour les élections territoriales. C’est ridicule !

Troisièmement, cette réforme aura pour effet de réduire mécaniquement les retenues garantissant la parité à l’Assemblée nationale, puisque l’enveloppe initiale sera diminuée d’un tiers.

Par ailleurs, ce projet de loi me donne l’occasion de dire, pour rebondir sur des propos qui ont récemment été tenus et ont suscité beaucoup d’échos, que je partage tout à fait le point de vue exprimé par l’ancien Premier ministre Dominique de Villepin sur le Président de la République et son entourage. (Rires et exclamations sur les travées du groupe socialiste. – M. Jean-Claude Peyronnet applaudit.)

Je considère que ce projet de loi est la parfaite illustration d’une idée initialement excellente que l’on est parvenu à pourrir complètement par des arrière-pensées et des magouilles politiciennes.

M. Roland Courteau. Présidentielles !

M. Jean Louis Masson. On a vécu, avec le découpage – un véritable charcutage ! – des circonscriptions législatives, des opérations honteuses et scandaleuses. Aujourd’hui, on recommence, en nous préparant un seuil de 12,5 % pour rester candidat au deuxième tour.

M. Elie Brun. C’est très bien !

M. Jean Louis Masson. Autant exiger d’être membre de l’UMP ; cela reviendrait exactement au même ! (Rires et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Guy Fischer. Très bien !

M. Jean-Pierre Sueur. Excellent ! Méfiez-vous de ceux qui parlent vrai, messieurs les ministres !

M. Jean Louis Masson. Prenons donc tous notre carte de l’UMP, cela réglera tous les problèmes ! (Protestations sur les travées de lUMP.)

J’ajoute que nous assisterons, avec les conseillers territoriaux, à une répétition de ce qui s’est passé avec le redécoupage des circonscriptions législatives. On nous assure que le redécoupage des territoires fera l’objet d’une concertation. Mais faut-il rappeler que, après avoir engagé une concertation similaire pour fixer la nouvelle carte des circonscriptions législatives, le Gouvernement s’est assis sur les avis qui avaient été formulés ?

Dans le cas du département de la Moselle, le Conseil d’État avait rendu un avis négatif sur le projet du Gouvernement, lequel avait été ensuite désavoué par la commission des lois de l’Assemblée nationale et par celle du Sénat. Pour autant, cela ne l’a pas empêché, pour faire adopter son projet, de recourir au vote bloqué ! Le Conseil constitutionnel, quant à lui, a pointé de très graves anomalies dans la nouvelle carte électorale de la Moselle, ainsi d’ailleurs que dans celle d’un autre département.

Les mêmes magouilleurs qui, en Moselle, avaient œuvré pour les circonscriptions des députés commencent à aiguiser les couteaux pour charcuter les territoires !

M. Guy Fischer. Très bien ! C’est la même situation dans le Rhône !

M. Jean Louis Masson. Messieurs les ministres, ce qui s’est passé avec les circonscriptions législatives est honteux ; le présent texte est encore plus honteux et il n’est pas question que je le vote ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Yvon Collin.

M. Yvon Collin. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, lors de la présentation, en mars 2009, du rapport de la commission pour la réforme des collectivités locales, Édouard Balladur parlait de ses propositions comme d’un « big-bang territorial ». À la lecture du texte qu’il nous est proposé d’adopter aujourd’hui, je dirai que, loin du « big-bang » annoncé, on prépare un chaos territorial !

Les collectivités territoriales sont devenues un enjeu pour des luttes de pouvoir, un objet de clivage, alors qu’elles sont, au contraire, le bien de tous nos concitoyens, le lieu où s’exprime la démocratie de proximité, cette démocratie en acte que font vivre au quotidien des milliers d’élus locaux bénévoles.

Le chaos qu’engendrera ce projet de loi, s’il est adopté – car le suspense demeure –, c’est d’abord celui du conseiller territorial, cet élu schizophrène hors-sol, censé mettre un terme à la gabegie des élus locaux.

Vous avez voulu lui faire conjuguer la proximité du département et la vision stratégique de la région ; à l’arrivée, vous n’aurez ni l’une ni l’autre et vous renforcerez l’effet « cumul de mandats », quand c’est tout le contraire qu’il faut désormais enclencher.

Messieurs les ministres, nous n’avons cessé de vous rappeler tout au long des débats que ce nouvel élu, dont nul n’avait sollicité la création, n’était qu’un prétexte pour formaliser la recentralisation à laquelle procède ce texte, au mépris de toutes les grandes réformes engagées depuis 1982. Le conseiller territorial ne suscitera que confusion et illisibilité.

S’agissant de son mode d’élection, le relèvement de 10 % à 12,5 % du seuil des inscrits pour se maintenir au second tour va, à l’évidence, à l’encontre de toutes les traditions républicaines en matière d’élections locales. C’est donc un vrai recul du pluralisme des opinions démocratiques, une atteinte aux minorités et à la diversité politiques, cette diversité que nous incarnons tous au sein du RDSE. Le choix est ainsi fait, et assumé, d’accentuer la bipolarisation politique et son caractère artificiel.

L’autre régression majeure de ce texte est la disparition annoncée pour 2015 de la clause générale de compétence des départements et des régions. La confusion entourant cette suppression démontre que, contrairement à ce qui a été affirmé, bien peu d’élus sont prêts à entériner ce recul de la démocratie locale. Pourquoi tant de méfiance à l’égard des élus locaux ?

M. Roland Courteau. Eh oui, pourquoi ?

M. Yvon Collin. Mes chers collègues, les premières victimes de ce projet de loi seront les communes les plus fragiles, et plus particulièrement les petites communes situées en zone rurale. Depuis plusieurs années, elles ne sont pas épargnées, qu’il s’agisse des transferts de compétences financièrement non compensés, de la désastreuse suppression de la taxe professionnelle, du recul général de l’autonomie financière et, aujourd’hui, de la suppression de possibilités de cofinancement.

La disparition progressive des services publics de proximité et le désengagement de l’État sur tout le territoire marquent la désagrégation du lien social pour lequel se battent pourtant, avec cœur, courage et conviction, des milliers d’élus locaux.

En limitant encore davantage les possibilités de cofinancement, c’est l’investissement de ces petites communes et des petites intercommunalités qui est mis à mal. La disparition de ces investissements signifie qu’elles n’auront plus les moyens d’offrir à leur population les services de proximité dont ces dernières ont besoin. En d’autres termes, c’est bien la disparition de ces communes qui s’organise.

Je ne peux m’y résoudre. La diversité de nos territoires et le dynamisme qui s’y déploie participent de la richesse de notre pays : ce sont des causes qui valent d’être défendues.

Certes, il est incontestable que l’organisation territoriale et administrative de notre pays a besoin d’être réformée. Loin de moi l’idée de faire l’apologie du conservatisme et du statu quo : à l’évidence, la réforme des collectivités s’impose. L’empilement des niveaux de décision a sans doute conduit à créer un véritable millefeuille.

À cet égard, ce texte est un rendez-vous manqué. Le Sénat, plutôt que d’avoir apporté toute son expertise en la matière, se retrouve affaibli, pour ne pas dire humilié, puisque le texte soumis à notre vote ne tient au final que très peu compte des travaux de l’assemblée chargée par la Constitution de représenter les collectivités territoriales. C’est un comble, c’est un paradoxe, c’est même une faute !

Pourtant, les choses avaient plutôt bien commencé. En même temps que le chef de l’État confiait à Édouard Balladur le soin de présider une commission de réflexion, le Sénat décidait d’étudier la question en y associant l’ensemble des groupes politiques représentés en son sein. Le rapport rendu en juin 2009 avait alors formulé d’excellentes propositions, qui s’illustraient par leur caractère équilibré. Son titre était d’ailleurs éloquent : « Faire confiance à l’intelligence territoriale ».

Le Gouvernement prit néanmoins le soin d’aller à l’exact opposé des préconisations du Sénat.

Car, mes chers collègues, de mon point de vue, le plus regrettable dans tout cela, c’est que la discussion de ce texte a été marquée par de graves atteintes aux prérogatives de la Haute Assemblée. Des quatre projets de loi initialement annoncés, nous sommes passés à un seul. L’introduction de pans complètement nouveaux de cette réforme en première lecture à l’Assemblée nationale a modifié substantiellement la nature même du projet de la loi, comme l’avait démontré mon collègue Jacques Mézard en défendant notre motion d’irrecevabilité en deuxième lecture. Il ne s’agit de rien de moins que d’un détournement de procédure qui n’avait d’autre objectif que de contourner l’obligation de discuter de ces dispositions en premier lieu devant notre assemblée !

Cette violation de l’esprit même de la Constitution est pour nous inacceptable ; elle traduit malheureusement l’empressement à faire passer une réforme coûte que coûte, en dépit des pouvoirs du Parlement.

Je ne m’attarderai pas sur le report incompréhensible et inexpliqué de la première réunion de la commission mixte paritaire, non plus que sur les conditions ubuesques dans lesquelles celle-ci s’est finalement déroulée.

C’est pour qu’une telle situation ne puisse se reproduire – c'est-à-dire pour que l’on ne puisse plus exercer de pressions sur le Sénat en le menaçant de donner le dernier mot à l’Assemblée nationale – que, avec l’ensemble de mes collègues du RDSE, j’ai déposé une proposition de loi constitutionnelle qui a pour finalité de soustraire les textes ayant pour principal objet l’organisation des collectivités territoriales à la procédure permettant à l’Assemblée nationale de statuer définitivement sans l’accord du Sénat.

Mes chers collègues, à quoi sert-il au Sénat d’avoir le premier mot, comme en dispose l’article 39 de la Constitution depuis la révision défendue par le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, si, au final, l’Assemblée nationale, peut avoir « le dernier mot » ?

Aussi, mes chers collègues, en attendant que vous ne vous prononciez sur cette proposition de loi constitutionnelle du RDSE, le 8 décembre prochain, je vous invite, comme la très grande majorité des membres de mon groupe, à repousser le texte proposé aujourd’hui à notre assemblée. Je vous y invite pour des raisons de fond – le contenu de cette réforme –, mais aussi pour restaurer l’honneur du Sénat. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, au terme de ce qui s’annonçait comme un marathon législatif, mais que vous avez conduit comme une course d’obstacles, les écarts entre les textes adoptés par les deux assemblées auraient dû vous conduire à demander une troisième lecture.

Nous regrettons que vous n’ayez pas fait ce choix. Ce sera donc le Conseil constitutionnel qui y procédera et nul ne sait quelle sera sa lecture de ce texte tant celui-ci remet en cause la structure administrative, politique et démocratique de notre République et les missions qui en découlent.

Aujourd'hui, une chose est claire : si ce texte s’applique en l’état, il va bouleverser l’organisation même de notre nation et remettre en cause le mouvement de décentralisation entamé voilà trente ans.

En déstructurant l’ensemble de l’organisation territoriale de notre pays, vous vous attaquez à ce qui fait la richesse de notre vie démocratique, d’une gestion des affaires publiques au plus près de nos concitoyens.

Je ne reviendrai pas sur notre argumentaire tendant à dénoncer le contenu et les motivations de ce projet de loi. Cependant, au nom de notre groupe, je souhaite tout particulièrement lancer une nouvelle fois l’alerte sur la mort non annoncée de nos communes, n’en déplaise à M. Gérard Longuet. Car, bien entendu, vous ne voulez pas affronter les élus de nos communes sur ce sujet !

Or, malgré toutes vos dénégations, c’est bien aux communes que ce projet de loi s’attaque en premier lieu. Après un vaste mouvement de mise en partage volontaire au sein d’intercommunalités et de syndicats librement constitués, vous allez contraindre toutes les communes de France à de nouveaux regroupements administratifs. Ces regroupements autoritaires n’auront plus pour objectif la mise en œuvre de projets communs pour leurs territoires. Votre ambition est de réduire le nombre des structures intercommunales et d’augmenter les prérogatives de celles-ci, au détriment des communes et de leur libre administration.

Ce changement touchera, je le répète, toutes les communes de France, mais ce mouvement d’intégration forcée sera encore plus fort au sein des nouveaux pôles métropolitains et des métropoles.

Ce faisant, plus rien ne pourra se décider localement. Certes, formellement, les communes continueront d’exister, sauf quand elles auront été fusionnées, comme le prévoit ce texte. Comme l’envisageait le rapport Balladur, elles vont s’évaporer, disparaître peu à peu sans que le législateur ni le peuple aient à en décider.

Au final, dans quelques années, si rien n’est fait pour enrayer ce mouvement, elles se seront totalement vidées de toute substance : elles seront devenues des coquilles vides !

Ainsi, ces 36 000 foyers du débat démocratique local et national, ces lieux de construction du lien social vont s’évanouir progressivement. Nous ne saurions nous y résoudre.

Comment notre assemblée, représentante des collectivités locales, des communes en particulier, pourrait-elle prendre une telle décision ?

J’en appelle solennellement à chacun d’entre vous, mes chers collègues, pour que vous rejetiez ce projet de loi dangereux pour la vie de nos communes et de leurs habitants. Comme pour la réforme des retraites, ce n’est pas parce qu’une loi est votée qu’elle est bonne, efficace, juste et nécessaire. Ce que fait une loi, une autre peut le défaire, mais le rythme des déstructurations institutionnelles contenues dans ce projet de loi est tel que le mal sera fait avant qu’un autre texte ne puisse s’y substituer.

En effet, voici venu l’ère des préfets, des proconsuls, pourrions-nous dire, que vous allez inviter à découper nos territoires, regroupant là des communes qui n’ont jamais travaillé ensemble et qui n’ont aucun projet commun, faisant éclater ailleurs des intercommunalités qui fonctionnent bien.

Ils pourront le faire sans consulter et même sans respecter les préconisations des commissions départementales. Pour être certains qu’ils n’auront pas la mauvaise idée de négocier, vous leur donnez dix-huit mois pour agir. C’est dire votre fébrilité. De plus, les préfets disposeront de ces mêmes pouvoirs un an avant chaque élection municipale.

Quelle sera la capacité d’action des élus de nos communes s’ils sont ainsi sous la menace d’une réorganisation permanente des territoires ? Quelle possibilité de choix pour les citoyens ? Leurs besoins quotidiens ne seront plus pris en compte ou, plus exactement, ils seront noyés dans de grosses machines administratives sur lesquelles ils n’auront plus prise.

Ainsi, après avoir organisé l’étranglement financier des communes, vous allez leur faire passer une étape nouvelle, celle de leur intégration forcée au sein d’entités créées de toutes pièces et dont les contours et les compétences sont entre vos mains.

La cohérence de cette réforme avec celle de leur financement va même vous permettre de présenter le texte de cette réforme des collectivités comme la seule solution à l’étranglement des communes que vous avez organisé. En une loi, vous réduisez à néant deux siècles d’histoire qui ont fondé notre République. (Marques d’impatience sur les travées de lUMP.)