compte rendu intégral

PrÉsidence de Mme Monique Papon

vice-présidente

Secrétaires :

Mme Monique Cerisier-ben Guiga,

M. François Fortassin.

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)

1

Procès-verbal

Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Candidatures à une mission commune d'information

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la désignation des vingt-cinq sénateurs membres de la mission commune d’information sur l’organisation territoriale du système scolaire et sur l’évaluation des expérimentations locales en matière d’éducation.

Je vous rappelle que cette mission a été créée sur l’initiative du groupe Union pour un mouvement populaire, en application de l’article 6 bis du règlement du Sénat, qui prévoit pour chaque groupe un « droit de tirage » pour la création d’une commission d’enquête ou d’une mission d’information par année parlementaire.

En application des alinéas 3 à 11 de l’article 8 de notre règlement, la liste des candidats présentés par les groupes a été affichée.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence ne reçoit pas d’opposition dans le délai d’une heure.

3

Communication du Conseil constitutionnel

Mme la présidente. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le mardi 16 novembre 2010, que, en application de l’article 61-1 de la Constitution, la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité (2010-92 QPC).

Le texte de cette décision de renvoi est disponible au bureau de la distribution.

Acte est donné de cette communication.

4

 
Dossier législatif : proposition de loi relative aux activités immobilières des établissements d'enseignement supérieur, aux structures interuniversitaires de coopération, et aux conditions de recrutement et d'emploi du personnel enseignant et universitaire
Discussion générale (suite)

Activités immobilières des établissements d’enseignement supérieur

Discussion d'une proposition de loi en procédure accélérée

(Texte de la commission)

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, de la proposition de loi relative aux activités immobilières des établissements d’enseignement supérieur, aux structures interuniversitaires de coopération, et aux conditions de recrutement et d’emploi du personnel enseignant et universitaire, présentée par MM. Jean Léonce Dupont et Philippe Adnot et plusieurs de leurs collègues (proposition n° 671 [2009-2010], texte de la commission n° 101, rapport n° 100).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Léonce Dupont, auteur de la proposition de loi et rapporteur.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative aux activités immobilières des établissements d'enseignement supérieur, aux structures interuniversitaires de coopération, et aux conditions de recrutement et d'emploi du personnel enseignant et universitaire
Articles additionnels avant l'article 1er (début)

M. Jean-Léonce Dupont, auteur de la proposition de loi et rapporteur de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui est à la fois modeste et ambitieuse : modeste de par le nombre limité de sujets dont elle tend à traiter ; ambitieuse compte tenu de l’importance et de l’urgence des dossiers concernés. Ces sujets sont au nombre de quatre.

Tout d’abord, il s’agit de permettre aux universités de disposer pleinement des bâtiments que l’État leur a affectés, même si elles n’ont pas encore demandé le transfert de ce patrimoine immobilier, en application de la loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités, dite « loi LRU ».

Aux termes de l’article 1er du présent texte, les universités pourraient accorder des autorisations d’occupation temporaire constitutives de droits réels et conduire ainsi des partenariats, sans attendre d’être propriétaires de leur patrimoine.

Cet article résulte d’une proposition que notre collègue Philippe Adnot et moi-même avons avancée dans notre rapport d’information sur la dévolution aux universités du patrimoine immobilier que l’État leur affecte ou met à leur disposition, rapport que la commission de la culture et la commission des finances ont adopté en juin dernier.

Dix universités ont fait acte de candidature, cinq d’entre elles viennent d’être retenues, mais nous souhaitons donner la possibilité à toutes les universités d’avancer. Ainsi, une partie des dispositions de la loi LRU concernant le patrimoine dévolu pourrait profiter à l’ensemble des établissements qui s’engagent dans des travaux de valorisation de leur patrimoine. Il s’agit de permettre les partenariats public-public, avec la Caisse des dépôts et consignations, ou public-privé, notamment dans le cadre des opérations Campus.

Je précise que le partenaire privé sera non pas propriétaire des locaux, mais seulement un utilisateur ayant le droit de percevoir des recettes par la mise à disposition des locaux à des tiers, sous réserve de conditions définies dans le contrat, notamment, bien entendu, du respect des missions de service public de l’université. Dans ce cadre, cette dernière devra veiller à bien identifier ses besoins.

Pour être plus concret, permettez-moi de vous donner quelques exemples.

Les projets de l’université de Strasbourg avec la Caisse des dépôts et consignations concernent notamment la rénovation de bâtiments qui datent des années soixante, la bibliothèque universitaire et la vie étudiante – en particulier les équipements sportifs, une maison des étudiants, ainsi qu’une résidence d’accueil de chercheurs étrangers – ; les universités de Bordeaux et de Lyon sont également concernées.

Les projets de l’université de Bourgogne, à Dijon, entrent dans le cadre de l’opération Campus innovant. Le partenariat public-privé permettra, par exemple, de construire une résidence d’accueil de chercheurs étrangers, résidence qui pourra, hors périodes d’occupation par ces derniers, être louée par le partenaire.

Cet article a fait l’objet de longues discussions en commission mercredi dernier, lesquelles ont me semble-t-il révélé une confusion. C’est pourquoi j’insiste sur le fait que cette disposition ne concerne pas la dévolution du patrimoine immobilier en tant que telle. Elle a pour objectif d’ouvrir le champ des possibles à toutes les universités souhaitant conduire une stratégie immobilière dynamique dans le cadre de leur projet d’établissement.

Je comprends cependant les inquiétudes formulées par certains. Ils craignent que les universités, disposant désormais des compétences leur permettant d’avoir une vision claire de leur patrimoine et de leur gestion immobilière, rendent des arbitrages défavorables à l’encontre de leurs antennes situées dans des villes de taille moyenne.

Nous devons certes être vigilants pour que l’enseignement supérieur reste accessible à tous, notamment par le biais d’établissements de proximité, mais il me semble en revanche difficile de plaider en faveur d’une politique de l’autruche, qui reviendrait à se réjouir de la situation dont nous sortons progressivement, caractérisée par une méconnaissance et une gestion souvent critiquable des biens immobiliers et fonciers universitaires, tant par les établissements eux-mêmes que par l’État !

Bien au contraire, la prise de conscience des atouts et des faiblesses dans ce domaine doit permettre une stratégie immobilière pertinente, au service de toutes les missions – j’insiste sur « toutes » – qui incombent aux universités, au premier rang desquelles figure la démocratisation de l’accès à l’enseignement supérieur. Le comité de suivi de l’application de la loi LRU, dont je suis membre, exercera aussi sa vigilance dans ce domaine.

Tant la dévolution du patrimoine que les autres possibilités offertes par la proposition de loi sont – j’y insiste – facultatives. Il appartient à chaque université de se prendre en main et à l’État de n’autoriser l’exercice de ces nouvelles responsabilités que pour autant que l’établissement concerné y soit parfaitement préparé.

Au total, chaque université autonome, qu’elle dispose ou non de son patrimoine, s’interrogera sur la gestion de l’ensemble de ses implantations. Cela n’est pas lié à la proposition de loi. Je pense même que, contrairement aux craintes de certains, cette disposition ne profitera pas seulement à quelques grandes universités, qui accéderont sans doute assez vite à la dévolution de leur patrimoine. Il serait en revanche dommage que les autres, qui ne demanderont pas forcément cette dévolution, voient leurs montages immobiliers bloqués à cause du présent texte. L’objectif est bien de donner des capacités d’action supplémentaires à toutes les universités.

La commission a complété l’article 1er afin de prendre en compte le cas spécifique de la Corse. En effet, alors que l’État peut confier la maîtrise d’ouvrage d’opérations de constructions aux établissements publics d’enseignement supérieur, la collectivité territoriale de Corse ne dispose pas de cette possibilité pour ce qui concerne les établissements présents sur son territoire, alors même qu’elle assume l’ensemble des obligations du propriétaire et possède tout pouvoir de gestion sur ce patrimoine immobilier au titre des compétences transférées par l’État.

Il apparaît donc nécessaire d’autoriser la collectivité territoriale de Corse à confier aux établissements d’enseignement supérieur de ce territoire les droits et obligations du propriétaire sur le patrimoine immobilier, dont l’exercice de la maîtrise d’ouvrage de constructions universitaires.

L’article 2 de la présente proposition de loi vise à renforcer le rôle des pôles de recherche et d’enseignement supérieur, les PRES, en matière de formation. Ainsi, la coordination des études pourra donner lieu à la délivrance d’un diplôme, sous l’autorité du PRES, correspondant à des formations assurées par une ou plusieurs universités ou écoles membres.

J’ai cependant proposé à la commission, qui m’a suivi, de sécuriser le cadre juridique dans lequel s’inscrit cet article.

En premier lieu, la commission a précisé les conditions dans lesquelles les pôles de recherche et d’enseignement supérieur pourront être autorisés à délivrer des diplômes nationaux : ce sera dans le cadre de la contractualisation de l’établissement avec l’État et dans les conditions d’habilitation applicables à tous les établissements d’enseignement supérieur.

En second lieu, elle a élargi les critères de représentation des étudiants au sein du conseil d’administration des PRES afin que puissent être élus des étudiants de différents niveaux de formation pouvant relever de la responsabilité des PRES, et non exclusivement ceux qui suivent une formation doctorale, comme c’est le cas à l’heure actuelle.

Il conviendra sans doute d’aller au-delà. Je suis en effet sensible à la crainte exprimée par les étudiants de voir les missions des PRES évoluer sans que les instances de gouvernance ne leur permettent de jouer leur rôle. Il peut en être de même des enseignants-chercheurs.

Il convient donc de jeter les bases de la deuxième génération des PRES. Et cette importante question doit pouvoir être résolue au travers d’instances ayant fait leur preuve à l’étranger : je propose que le statut des PRES soit adapté afin de prévoir, lorsque leur situation le justifiera, la création en leur sein d’un « sénat académique » et d’un conseil de vie étudiante, lieux de débat respectivement des enseignants-chercheurs et des étudiants sur les compétences coordonnées au niveau de l’établissement.

Cette solution permettra de répondre avec pragmatisme et souplesse à la diversité des situations des PRES.

Par ailleurs, la commission a adopté un article additionnel après l’article 2 prévoyant d’élargir les possibilités de rattachement entre différentes structures publiques ou privées, soit d’enseignement supérieur, soit de recherche, en vue de leur permettre de mutualiser un certain nombre de moyens.

Cet article comporte deux paragraphes « miroir ».

Le premier insère un article dans le code de l’éducation, afin d’élargir le dispositif actuel de rattachement à tous les établissements concourant aux missions de service public de l’enseignement supérieur et de la recherche. Cela peut concerner, par exemple, un centre de documentation.

Le second insère également un article, mais cette fois dans le code de la recherche, afin de créer un dispositif de rattachement pour les organismes de recherche. Ce sera le pendant du dispositif prévu à l’heure actuelle pour les organismes d’enseignement supérieur. Ainsi, un organisme de recherche public ou privé participant aux missions de service public de la recherche pourra être rattaché à un autre organisme de recherche. Cela peut concerner, par exemple, la mutualisation de certains services, comme un agent comptable.

Enfin, notre commission a adopté sans modification l’article 3 de la proposition de loi, qui concerne le recrutement des responsables de biologie dans les centres hospitaliers universitaires, les CHU, en vue de préserver leur triple mission de soins, d’enseignement supérieur et de recherche.

Il s’agit de compléter l’article L. 6213-1 du code de la santé publique, afin de prévoir une dérogation pour les CHU, les responsables de services de biologie pouvant y être titulaires de diplômes d’autres disciplines.

En conclusion, je vous demande d’adopter la présente proposition de loi, dans la rédaction de la commission. Elle permet d’apporter des réponses pragmatiques à quelques difficultés récemment soulevées dans les différents domaines évoqués. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. Madame la présidente, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, l’examen de la présente proposition de loi s’inscrit dans le prolongement naturel des travaux conduits par la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, placée sous votre autorité, monsieur Legendre, en lien étroit avec la commission des finances.

Je salue en particulier le remarquable tandem formé par MM. Jean-Léonce Dupont et Philippe Adnot. Tous deux avaient œuvré ensemble lors de l’examen du projet de loi relatif aux libertés et responsabilités des universités, en 2007, et n’ont eu de cesse, depuis lors, de suivre avec une quasi-affection, du moins avec vigilance, la refondation de nos universités, en se penchant en particulier sur la réforme de l’allocation des moyens ou sur la dévolution de leur patrimoine.

Dans le droit fil de la révision constitutionnelle, leurs travaux ont conduit à la rédaction du texte que la Haute Assemblée examine aujourd’hui.

Mesdames, messieurs les sénateurs, avec la présente proposition de loi, vous avez voulu apporter des réponses concrètes et efficaces aux obstacles techniques sur lesquels les projets de nos universités viennent parfois buter. C’est tout le paradoxe de la réforme : l’autonomie nécessite des assouplissements et la modification d’un certain nombre de règles. Je suis donc très heureuse que le Parlement se soit de nouveau saisi d’un tel sujet.

Il est devenu urgent d’armer nos universités dans la compétition mondiale de l’intelligence, de leur permettre de s’adapter aux besoins de la société et de s’ancrer dans leur territoire tout en s’ouvrant au monde. Mobiliser chaque membre de la communauté universitaire autour d’un véritable projet d’établissement et offrir à tous nos étudiants une formation de qualité et de véritables perspectives professionnelles sont – vous le savez – les objectifs de la réforme des universités, qui est entièrement fondée sur cette notion d’autonomie.

La proposition de loi est inspirée par les mêmes principes et elle donnera de nouveaux outils aux universités pour mettre en œuvre leurs projets.

Vous le savez, la loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités a reconnu aux universités la liberté de construire une véritable stratégie de formation et de recherche. Et elle leur en offre les moyens, en leur permettant notamment d’affirmer une véritable politique de recrutement et de gérer un budget global.

Les résultats sont là, et l’envie d’autonomie ne se dément pas. Au 1er janvier prochain, soixante-quinze universités seront déjà devenues autonomes. En trois ans à peine, près de 90 % des établissements auront ainsi accédé aux compétences et responsabilités élargies. C’est un véritable succès.

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous avions affirmé ensemble un principe essentiel dès 2007 ; l’autonomie ne se conçoit pas sans une coopération renforcée entre tous nos établissements d’enseignement supérieur, grandes écoles et universités. La raison en est très simple : une université autonome est avant tout une université ancrée dans son territoire, qui tisse à ce titre des liens avec l’ensemble des acteurs de l’enseignement supérieur et de la recherche présents localement !

L’autonomie ne signifie ni l’isolement ni une concurrence effrénée ; l’autonomie est le ferment de coopérations nouvelles fondées sur des projets partagés ! Et je parle bien de « projets partagés », car la coopération ne se décrète pas ; elle repose au contraire sur des ambitions et des stratégies communes définies à l’échelle d’un territoire.

Vous l’aurez compris, notre intention est non pas de recréer des structures administratives au-dessus des universités, mais de faire en sorte que les universités et les écoles travaillent ensemble sur des projets communs et structurants pour les territoires.

L’objectif à terme est d’avoir non plus 85 universités et 225 écoles, avec des établissements publics et des établissements privés, mais une quinzaine de grands pôles universitaires et de recherche à visibilité mondiale, notamment Lyon, Toulouse, Montpellier, Grenoble, Strasbourg, la Lorraine, la Bretagne, la Normandie, Paris intra-muros, avec deux, voire trois grands pôles, ou l’université de Saclay.

M. Jean-Louis Carrère. Et Bordeaux ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Les universités et les grandes écoles ont me semble-t-il parfaitement compris qu’elles avaient tout à gagner à une mise en commun de leurs forces pour atteindre leurs objectifs en termes de rayonnement à l’échelle territoriale, nationale et internationale.

Vous le savez, les pôles de recherche et d’enseignement supérieur, qui les réunissent désormais, ont été créés par la loi du 18 avril 2006 de programme pour la recherche. Ces pôles sont de formidables outils de coopération et de mise en commun de ressources. Leur souplesse a permis de gérer l’ensemble de l’opération Campus, un plan d’investissements à hauteur de 5 millions d’euros pour changer le visage de nos universités.

Aujourd'hui, dix-neuf PRES ont été créés. Tous ne sont pas fondus dans le même moule ; ils ont des spécificités en fonction des réalités locales et des coopérations universitaires d’un territoire. Car il n’y a qu’une seule règle, un seul maître-mot aujourd’hui en matière d’autonomie des universités : le « sur-mesure ».

Certains établissements, comme les universités de Strasbourg, ont fait le choix de la fusion, qui correspondait à leur projet. D’autres feront sans doute celui du grand établissement, comme la Lorraine, ce qui leur permettra de construire une gouvernance originale. D’autres enfin souhaiteront approfondir leur coopération dans le cadre des PRES, devenant ainsi de véritables universités fédérales. Toutes les voies sont ouvertes. Il n’existe aucune raison de privilégier l’une par rapport à l’autre. Notre objectif est de répondre aux besoins des universités en accompagnant leurs initiatives, et ce pour le bénéfice des étudiants, des enseignants et des personnels.

Cette proposition de loi s’inscrit dans cette perspective en permettant aux PRES qui le souhaitent d’aller plus loin dans la voie de l’intégration et de la délivrance de diplômes. Une telle disposition témoigne, dans sa rédaction même, de la souplesse ainsi offerte aux PRES, qui auront désormais la faculté – je dis bien la faculté, car cette compétence n’est pas obligatoire – de délivrer des diplômes nationaux. On pense spontanément au doctorat, mais ce ne sera pas le seul diplôme concerné.

Les écoles doctorales doivent s’inscrire dans les PRES, car une recherche de qualité exige d’associer les disciplines et d’être au carrefour des sciences humaines, des sciences sociales, des sciences dures et des sciences du vivant. Il faut des thèses fertiles aux interfaces de toutes les branches. Il convient donc d’intégrer les écoles doctorales dans les PRES et il faut que ces derniers puissent délivrer des doctorats ; cela participe de notre volonté de revaloriser ce magnifique diplôme ! Il faudra donc le faire pour le doctorat, mais j’imagine que d’autres diplômes, notamment des diplômes professionnalisés, pourront être délivrés par ces pôles, par exemple dans le cadre des investissements d’avenir et des projets d’initiative d’excellence de nos universités.

Je salue la disposition introduite par la commission de la culture pour permettre la représentation au conseil d’administration de tous les étudiants qui suivent des formations au sein des PRES, représentation qui était jusqu’à présent, je le rappelle, limitée aux étudiants en formation doctorale. De mon point de vue, il faut que les étudiants dont les diplômes sont délivrés par les PRES puissent être associés à la gouvernance de ces pôles.

Si nous voulons que les établissements imaginent, développent et construisent des projets sur mesure, nous devons leur donner les moyens de leurs ambitions. Cela implique également de leur permettre de maîtriser leur patrimoine immobilier ; c’est une condition de la réussite de leurs projets.

Voilà deux ans, le Président de la République a lancé l’opération Campus pour changer le visage de l’université française et accompagner l’élan de l’autonomie. En 2007, il y avait 38 % de locaux vétustes au sein de l’université française. Grâce aux 5 milliards d’euros de cette opération et aux crédits de mise en sécurité qui ont déjà été versés à toutes les universités, nous sommes en train de remettre l’immobilier universitaire à neuf.

Ainsi, 730 000 étudiants bénéficieront demain de campus ultramodernes, des campus du xxie siècle. Ce seront des campus durables et ouverts sur nos villes et nos territoires, avec des bibliothèques, des restaurants universitaires, des cafétérias, des logements étudiants, des infrastructures sportives, des laboratoires et des amphithéâtres, en clair, des lieux de vie, de vrais campus universitaires.

Nous allons ainsi nous mettre au niveau des standards internationaux les plus élevés. Ceux qui, parmi vous, ont d’ores et déjà eu l’occasion d’aller visiter l’exposition des projets élaborés par la communauté universitaire à la Cité de l’architecture et du patrimoine ont pu le constater, les chantiers de l’opération Campus sont au cœur de la transformation de notre paysage d’enseignement supérieur et de recherche. J’ajoute que c’est évidemment aussi un outil très puissant de transformation de l’urbanisme des villes dans les métropoles régionales concernées.

Monsieur le rapporteur, je suis très heureuse que vous ayez souhaité aller plus loin, en permettant aux universités qui le souhaitent de pouvoir valoriser leurs locaux et leurs terrains par l’élaboration de projets communs avec des partenaires privés.

Comment cela fonctionnera-t-il concrètement ? Vous l’avez indiqué à juste titre, monsieur le rapporteur, l’université pourra désormais concéder des autorisations d’occupation temporaire constitutives de « droits réels » à des partenaires privés. En d’autres termes, un partenaire privé pourra disposer d’un droit de jouissance exclusif pour les biens qui lui seront confiés, mais il n’aura pas le droit de les vendre.

Ces mesures seront, là encore, optionnelles et encadrées par les conventions passées entre l’université et le partenaire privé, conventions qui fixeront les montants de la redevance, la durée de l’occupation consentie et les types d’aménagement réalisés. Vous le savez, jusqu’à présent, seul l’État peut conférer des droits réels à des tiers sur le patrimoine immobilier des universités.

Avec de telles dispositions, les universités pourront dégager des moyens supplémentaires pour développer leurs projets d’aménagement des campus. Elles pourront disposer de financements innovants et des investisseurs qui leur permettront de faire soit du logement étudiant, soit des incubateurs d’entreprise, soit des lieux d’accueil de chercheurs. Elles pourront faire construire ou faire aménager par des partenaires privés de véritables lieux de vie ou de travail pour les étudiants, les enseignants-chercheurs et les personnels administratifs.

Je pense à la reconstruction de résidences universitaires, à l’installation sur les campus de commerces et de services pour les étudiants, tels que des librairies, des pharmacies, des kiosques à journaux ou encore des restaurants. Les universités de Strasbourg, d’Aix-Marseille, de Toulouse ou de Pierre-et-Marie-Curie, à Paris, envisagent de développer de tels projets.

Je fais également référence au développement de services à la communauté universitaire que l’on trouve sur tous les grands campus étrangers, par exemple des résidences hôtelières pour les chercheurs étrangers et des lieux de réception, ce qu’on appelle les faculty clubs dans le monde anglo-saxon. C’est le cas aujourd'hui à Dijon, au Havre, à Strasbourg ou à Toulouse.

Ces dispositions ne sont pas nouvelles. Les hôpitaux peuvent depuis longtemps délivrer des occupations temporaires constitutives de droit réel pour ouvrir des résidences hôtelières et répondre aux besoins des malades et de leurs familles.

Je tiens cependant à anticiper d’éventuelles interrogations. Pourquoi avons-nous besoin de ces dispositions alors que les universités pourront consentir des droits réels dans le cadre de la dévolution du patrimoine ? La réponse est très simple. Ces dispositions permettront aux universités de participer à l’opération Campus, dont les premiers chantiers démarreront au mois de janvier prochain. Elles permettront aussi aux PRES d’attirer des investisseurs privés à leurs côtés.

Je souhaite aborder le cas de l’université de Corte, qui appartient aujourd’hui à l’État. La loi du 22 janvier 2002 relative à la Corse a confié à la collectivité territoriale de l’île les droits et obligations du propriétaire. Aussi, pour permettre à l’université de Corte d’acquérir son patrimoine, comme elle le souhaite, il était nécessaire que la collectivité de Corse puisse lui confier les droits et obligations du propriétaire.

Je me réjouis que la proposition de loi introduise cette modification législative et que les universités de Clermont-Ferrand I, de Poitiers, de Toulouse I, de Paris VI Pierre-et-Marie-Curie et de Corte puissent devenir propriétaires de leur patrimoine au 1er janvier. C’est la deuxième étape de l’autonomie.

Le mouvement de transformation des universités va se poursuivre avec les 22 milliards de moyens exceptionnels des investissements d’avenir. C’est une occasion unique pour nos enseignants et nos chercheurs de réaliser les projets scientifiques et pédagogiques qui leur tiennent à cœur.

Toute la France de l’innovation, de l’enseignement supérieur et de la recherche rivalise d’imagination pour élaborer les plus beaux projets, ceux qui permettront à la France de relever les grands défis scientifiques et sociaux qui s’offrent à elle et de briller dans la bataille mondiale de l’intelligence, avec, à la clé, les emplois de demain. Le mouvement est lancé et il se traduira par un bénéfice direct pour l’ensemble de la société.

Là encore, il fallait proposer et adapter un certain nombre d’outils aux établissements d’enseignement supérieur et de recherche pour leur permettre d’utiliser au mieux les moyens exceptionnels des investissements d’avenir. Je me réjouis donc que la commission de la culture, de l’éducation et de la communication ait enrichi cette proposition de loi pour offrir de nouvelles possibilités de coopération à nos universités.

Enfin, monsieur le rapporteur, je salue votre initiative qui vise à corriger un effet pervers de l’ordonnance prise en application de la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires.

Cette loi réserve l’exercice de la responsabilité de biologiste médical et la fonction de biologiste responsable des pôles de biologie des CHU aux seuls biologistes titulaires d’un titre ou d’un diplôme de biologiste, en pratique, le diplôme d’études spécialisées, le DES. Or de nombreux professeurs des universités-praticiens hospitaliers des CHU sont arrivés à la biologie par d’autres disciplines. Ils ont donc les diplômes correspondants sans être pour autant titulaires d’un DES en biologie. Je pense, par exemple, aux hématologistes qui, en l’état actuel du droit, ne peuvent continuer d’exercer la biologie médicale ni de diriger des pôles « laboratoires » au sein des CHU.

La Conférence des doyens des facultés de médecine a exprimé à de nombreuses reprises son souhait de voir corriger cette situation et assouplir nos règles. Ce sera bientôt chose faite, grâce à vous, mesdames, messieurs les sénateurs. Nous ne devons pas enfermer les professeurs des universités-praticiens hospitaliers dans des cases. Nous devons au contraire leur permettre de faire évoluer leur pratique disciplinaire.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la présente proposition de loi se veut pragmatique et efficace : pragmatique parce qu’elle vise à apporter des réponses concrètes aux obstacles juridiques et administratifs quotidiens auxquels doivent aujourd’hui faire face les universités ; efficace parce qu’elle permet d’accompagner les transformations en cours, qui sont majeures pour les établissements d’enseignement supérieur et de recherche.

J’y vois le signe de l’attention vigilante et affectueuse dont j’ai parlé tout à l’heure, et de la qualité des travaux parlementaires. Le souci permanent de la Haute Assemblée de veiller à la bonne application des réformes est extrêmement précieux pour le Gouvernement. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – M. Nicolas About applaudit également.)