M. le président. La parole est à M. Michel Houel, rapporteur pour avis.

M. Michel Houel, rapporteur pour avis de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, avant de vous donner mon opinion sur les crédits de la mission « Enseignement supérieur et recherche », j’évoquerai brièvement le contexte dans lequel ils s’inscrivent.

La crise que nous connaissons nuit au développement de la recherche. Cela est tout d’abord vrai en France, où l’investissement global en recherche et développement oscille autour de 2 % du PIB, loin de l’objectif de 3 % de la stratégie de Lisbonne. Cela est également vrai en Europe, où les dépenses en recherche et développement des grandes entreprises ont chuté de 2,6 % en 2009, ce qui a incité la Commission européenne à présenter une nouvelle stratégie européenne intitulée « Union de l’innovation », dont les orientations devraient être débattues lors du Conseil européen de décembre prochain. Mme la ministre pourra peut-être nous dire ce qu’elle en pense.

Tous ces chiffres sont inquiétants quand on les compare avec ceux de la Chine, qui compte désormais 35 millions de scientifiques et de techniciens, dont 1,36 million de chercheurs travaillant à temps plein, ce qui classe ce pays au tout premier rang mondial.

Je voudrais partir de ce constat pour insister sur l’impératif de rendre notre pays attractif pour les chercheurs étrangers. Madame la ministre, je sais que ce sujet n’est pas de votre compétence, mais je profite de cette occasion pour l’aborder néanmoins. J’ai eu dernièrement l’occasion de visiter le site de l’École supérieure d’électricité, à Gif-sur-Yvette, où des échanges avec de jeunes chercheurs m’ont permis d’appréhender ce problème. Je tiens à attirer votre attention sur les difficultés qu’éprouvent ces chercheurs étrangers à obtenir des papiers pour venir chez nous poursuivre des recherches de haut niveau.

M. Daniel Raoul, rapporteur pour avis de la commission de l’économie. Oui !

M. Michel Houel, rapporteur pour avis de la commission de l’économie. Notre pays s’honorerait et se grandirait s’il facilitait leur venue, sans parler des bénéfices qu’il en retirerait à moyen et long termes en matière de dynamisation et de rayonnement de notre recherche.

M. Ivan Renar. Très bien !

M. Michel Houel, rapporteur pour avis de la commission de l’économie. Plus que jamais, il nous faut donc investir dans la connaissance et l’innovation. De ce point de vue, le projet de budget de la mission « Recherche et enseignement supérieur » est, cette année encore, à la hauteur. Comme les trois précédentes années, il enregistre une hausse, de 468 millions d’euros cette fois, pour s’établir à 25,2 milliards d’euros. Cette tendance remarquable à l’augmentation confirme la volonté du Président de la République de mettre la recherche et l’innovation au centre de notre projet de société. Le chef de l’État est ainsi en passe de tenir son engagement d’augmenter de 9 milliards d’euros durant son mandat le budget consacré à l’enseignement supérieur et à la recherche.

Quelques sujets d’inquiétude doivent toutefois être mentionnés. En effet, les économies demandées aux établissements publics scientifiques et technologiques au titre de la maîtrise de la dépense publique s’élèveront à 42,3 millions d’euros, auxquels s’ajoutera une mise en réserve de crédits voulue par le Premier ministre.

Il en résulte des contraintes budgétaires pouvant être assez fortes pour certains grands organismes de recherche. Ainsi, si l’INSERM, dont nous avons rencontré le président, M. André Syrota, disposera formellement de 22,9 millions d’euros supplémentaires, son budget, en termes réels, enregistrera une baisse de 10 millions d’euros et sa dotation de fonctionnement un recul de 12 millions d’euros. La situation budgétaire de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire et de l’IFP Énergies nouvelles sera également très tendue. Madame la ministre, pouvez-vous nous rassurer sur le maintien de la capacité de ces organismes à assurer leurs missions ?

Je souhaiterais enfin évoquer le financement des investissements d’avenir, qui font l’objet de deux programmes spécifiques de la MIRES. Sur 35 milliards d’euros débloqués, celle-ci récupère pas moins de 21,6 milliards d’euros, soit 62,5 % du total des crédits ouverts. Cela devrait permettre de financer de grands projets structurants pour l’enseignement supérieur, la recherche et l’innovation, selon les trente-cinq conventions qui ont été passées au terme de la première tranche d’appels à projets.

Tout cela nous réjouit, madame la ministre. Cependant, des interrogations demeurent sur l’ampleur de l’« effet de levier » attendu pour la croissance et l’emploi, du fait des coinvestissements privés et publics. Reste, par ailleurs, à évaluer les retours sur investissement pour l’État. Peut-être aurez-vous des précisions à nous apporter sur ces points ?

Telles sont les quelques observations que m’a inspirées la mission « Recherche et enseignement supérieur ». L’évolution globalement positive de ses crédits, pour la quatrième année consécutive, et le complément de financement substantiel que constitue, pour ce secteur, le grand emprunt, doivent être soulignés. Ces éléments font de moi un rapporteur heureux et ont incité la commission de l’économie à donner un avis très favorable à l’adoption des crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, rapporteur pour avis.

M. Daniel Raoul, rapporteur pour avis de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, je souhaiterais aborder brièvement les quatre thèmes suivants : l’orientation générale de la mission « Recherche et enseignement supérieur », la contraction des moyens mis à la disposition des établissements publics à caractère scientifique et technologique, le dispositif du crédit d’impôt recherche et certains aspects budgétaires de l’enseignement supérieur.

S’agissant, tout d’abord, des crédits de la MIRES, je voudrais nuancer fortement l’autosatisfaction que vous avez manifestée, madame la ministre. Depuis 2007, vous répétez à l’envi que la recherche est une priorité nationale et qu’elle va bénéficier à ce titre de 9 milliards d’euros de crédits supplémentaires sur cinq ans, pour atteindre l’objectif de 3 % du PIB consacré aux dépenses de recherche et développement, fixé par la stratégie de Lisbonne.

Or, que constate-t-on ? La réalité des chiffres est moins souriante que le discours ! Selon l’OCDE, la France affecte à la recherche 2,02 % de son PIB. Notre pays est donc très en retard…

Je passe sur la présentation des crédits en autorisations d’engagement privilégiée par Mme la ministre dans les communications officielles ; elle ne me semble pas correspondre à la sincérité, au sens de la loi organique relative aux lois de finances, attendue de l’exécutif. Cette remarque vaut d’ailleurs pour tous les ministères cette année. Il est bien difficile de s’y retrouver dans les différents programmes et missions.

On nous annonce un effort supplémentaire de 412 millions d’euros en faveur de la recherche en 2011. Pour parvenir à cette somme, il faut ajouter au budget de la recherche, à périmètre constant, des crédits qui n’ont pas grand-chose à voir avec la recherche ou qui présentent un caractère virtuel. Il en est ainsi des 189 millions d’euros de dividendes versés par AREVA, des 145 millions d’euros imputables à un jeu d’écritures sur le crédit d’impôt recherche, ainsi que des crédits du plan Cancer, qui sont transférés à l’INSERM. Dans ces conditions, la progression effective des crédits consacrés à la recherche n’est donc, à périmètre constant, que de 0,9 % à 1 %, soit un taux de croissance légèrement inférieur à celui de l’inflation sur un an.

Enfin, il faut relativiser l’importance des crédits provenant du grand emprunt, car ce ne sont pas autant de crédits supplémentaires pour la recherche : pour la part « non consomptible », majoritaire, seuls les intérêts sont mobilisables ! De plus, ces crédits ne concernent que dans une très faible mesure l’exercice 2011.

Les EPST paient un lourd tribut au coup de rabot. Les présentations ne parviennent pas à masquer les coupes opérées dans les budgets de fonctionnement des établissements de recherche, à hauteur de 12 millions d’euros, et les mises en réserve qui sont demandées à ceux-ci. Madame la ministre, comment voulez-vous passer des contrats de performance avec, par exemple, l’IFP Énergies nouvelles, établissement pourtant remarquable, et l’IRSN, tout en diminuant leurs moyens ? Vous leur demandez la lune !

J’en viens maintenant au crédit d’impôt recherche.

Les différents rapports rendus récemment sur le sujet convergent dans leurs analyses sur les avantages et les limites de ce dispositif, dont le coût a connu une très forte augmentation, pour approcher aujourd’hui 5 milliards d’euros. Or, est-on sûr que cette somme est utilisée au mieux ?

Certes, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, des initiatives ont été prises afin de contrer les dérives éventuelles et les effets d’aubaine. J’avais d’ailleurs souhaité présenter un amendement d’appel tendant à concentrer les efforts sur les PME et les PMI.

Les abus des sociétés de conseil qui aident les entreprises, surtout les plus petites, à élaborer leurs dossiers de demande de crédit d’impôt recherche en échange de rémunérations excessives devraient être réprimés.

Il est en outre nécessaire de stabiliser le régime de ce dispositif, afin que les acteurs économiques puissent inscrire leurs politiques de recherche et développement dans la durée.

Je suggère enfin, madame la ministre, de clarifier les paramètres du crédit d’impôt recherche, notamment en alignant le guide de ce dernier sur le manuel de Frascati, qui fait référence au sein de l’OCDE.

Je conclurai en évoquant le programme « Formations supérieures et recherche universitaire », qui est emblématique de la MIRES. L’évolution de ses crédits aurait dû permettre de lutter contre l’échec en licence. Or il est prévu qu’ils baissent de 2 % ; ce choix pour le moins contestable marque l’échec du plan spécifique mis en œuvre en 2008.

Pour finir, l’honnêteté intellectuelle m’oblige à rappeler l’avis favorable de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire à l’adoption des crédits de la mission, mais également mon opposition, à titre personnel, à un projet de budget que je considère non conforme à l’esprit de la LOLF. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Je vous rappelle également que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de trente minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Françoise Laborde.

Mme Françoise Laborde. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, en période de crise économique, de recul de l’activité et de l’emploi, la relance de la recherche et de la formation par l’enseignement supérieur est fondamentale. C’est donc un budget très important pour l’avenir que nous examinons aujourd’hui.

L’enseignement supérieur et la recherche sont des moteurs essentiels de la croissance. Ils assurent l’élévation du niveau d’études des générations actuelles et futures. Ils permettent de développer de nouveaux métiers et de créer des emplois. Ils sont un outil indispensable pour dynamiser la coopération internationale en matière de savoir et d’innovation.

Il est essentiel que ces deux secteurs d’activité soient sanctuarisés, épargnés par les coupes sévères infligées à la plupart des autres missions du projet de loi de finances pour 2011.

Je me réjouis que cette mission échappe à la règle de la non-compensation d’un départ à la retraite sur deux, voulue par la RGPP, même si je rêve toujours de la création de nouveaux postes.

Bien que les documents budgétaires, nouvelle version, soient peu lisibles, les crédits de la MIRES apparaissent cette année en augmentation. Les prévisions pour les prochaines années semblent aussi encourageantes. Mais une telle évolution est plus que nécessaire si nous voulons nous hisser à la hauteur de nos ambitions, ou même tout simplement revenir au niveau de 2002 : le budget de la recherche représentait alors 2,23 % du PIB.

Madame la ministre, vous nous annoncez que l’effort en faveur de la recherche atteindra 2,21 % du PIB en 2011, mais d’autres analystes sont moins optimistes. Quoi qu’il en soit, nous sommes loin derrière les États-Unis, dont l’effort consacré à la recherche oscille entre 2,5 % et 3 % du PIB, ou encore du Japon, dont les crédits affectés à ce poste dépassent 3,5 %. Plus inquiétant, nous restons bien en deçà de l’objectif que nous nous étions fixés : atteindre les 3 % du PIB. Les dépenses de recherche n’augmentant pas suffisamment, nous nous trouvons relégués à la quatorzième place du classement international établi par l’OCDE.

À cet égard, la réforme du crédit d’impôt recherche, en 2008, n’a pas tenu toutes ses promesses. Certes, la dépense devrait atteindre 5 milliards d'euros, alors qu’elle s’élevait seulement à 400 millions d’euros en 2003. Cette augmentation nous permet de respecter les objectifs européens, qui nous imposent, au-delà de la recherche publique, d’intensifier les efforts de recherche et développement des entreprises.

Bien que je sois favorable à ce dispositif, je m’inquiète des effets d’aubaine dont bénéficient les plus grandes entreprises et leurs filiales, alors même qu’elles n’augmentent pas suffisamment leurs dépenses de recherche. Le crédit d’impôt recherche doit soutenir un renouveau de la politique industrielle et d’innovation de la France.

J’observe, par ailleurs, qu’une stagnation, voire un recul, du nombre d’emplois dans la recherche est à craindre. Une gestion managériale, propre à l’entreprise, serait trop éloignée de ce qui convient à la recherche. Il faudrait d’ailleurs que le Parlement exerce un meilleur contrôle sur ce dispositif.

Aujourd’hui encore, de trop nombreux chercheurs quittent notre pays, et ceux qui restent en France s’inquiètent de l’insuffisante prise en compte de leurs préoccupations. Un renforcement de la concertation serait sans doute bénéfique.

Les études universitaires de haut niveau forment les « cerveaux » de demain, mais tous les jeunes docteurs fraîchement diplômés n’obtiennent pas pour autant, tant s’en faut, un poste de chercheur ou de maître de conférences. Nombre d’entre eux font leurs valises et partent, pour quelques années ou définitivement, vers des laboratoires européens, américains ou japonais. Cette fuite des cerveaux est d’autant plus alarmante qu’elle dure déjà depuis plusieurs années.

La recherche et l’innovation françaises doivent faire face, il est vrai, à une montée en puissance de la concurrence, traditionnelle ou issue des pays émergents. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle il me semble essentiel d’encourager les programmes de recherche communs entre les États membres de l’Union européenne. Consolider l’Europe de la recherche doit être une priorité. La mutualisation des efforts nationaux est essentielle pour éviter la déperdition de moyens.

S’agissant des universités, en cette fin d’année 2010, cinquante et un établissements sur quatre-vingt-trois sont déjà autonomes, et vingt-quatre autres le deviendront au 1er janvier prochain : la France comptera alors soixante-quinze universités autonomes, soit 90 % de l’ensemble. C’est une bonne chose, et cela devrait contribuer à faire émerger de nouvelles niches d’excellence scientifique, à favoriser le recrutement de chercheurs de haut niveau et à valoriser l’engagement des personnels. Il serait intéressant de faire un premier bilan de l’application de la loi relative aux libertés et responsabilités des universités, car il semble que les universités soient encore, à ce jour, trop inégalement traitées.

Élue de la Haute-Garonne, je ne peux que me réjouir des crédits accordés à l’université de Toulouse dans le cadre du plan Campus, enfin signé au mois de juin dernier. Le montant de ce plan s’élève à 525 millions d’euros.

Néanmoins, je regrette que la recherche de l’excellence se fasse dans un trop petit nombre d’universités et dans une perspective parfois trop élitiste. Dans les autres établissements, qui représentent 90 % de la recherche universitaire et 95 % des étudiants, les moyens diminuent.

Il faut prendre en compte les besoins de la recherche et de l’enseignement supérieur partout sur le territoire national. C’est malheureusement un travers bien français que de privilégier les grandes structures, en oubliant le vivier qui nourrira la recherche de demain.

Le traitement réservé aux instituts universitaires de technologie, les IUT, me préoccupe. Les IUT sont la composante de l’université la plus à la pointe en termes de professionnalisation. Leur fort ancrage local, notamment, concourt à ce résultat. Pourtant, depuis plus d’un an, les présidents d’IUT ne cessent de nous alerter sur leur situation. S’ils bénéficiaient auparavant d’une dotation d’État, ils doivent désormais négocier leurs moyens avec chaque présidence d’université. Il semble que la circulaire explicitant la règle d’attribution de crédits à leur profit n’est pas toujours respectée. L’absence d’augmentation, voire la baisse, de leur budget est inquiétante. La diminution et la disparité des moyens alloués aux IUT peuvent, en effet, porter atteinte au caractère national des diplômes qu’ils délivrent.

Madame la ministre, monsieur le ministre, si les efforts budgétaires sont encourageants, le chemin est encore long. Il reste beaucoup à faire pour rattraper le retard que nous avons accumulé en matière de recherche et pour enfin insuffler à nouveau du dynamisme et de la modernité à l’enseignement supérieur français. C’est pourquoi je m’abstiendrai sur les crédits de cette mission.

M. le président. La parole est à M. Ivan Renar.

M. Ivan Renar. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, « engagement tenu » : chaque année, une propagande soutenue essaie de faire accréditer l’idée qu’un effort exceptionnel serait consenti en faveur de l’enseignement supérieur et de la recherche !

Les universités et les organismes de recherche seraient noyés de crédits, et il ne tiendrait qu’à eux de se saisir de cette manne pour financer leurs projets Selon un leitmotiv du Gouvernement, l’enseignement supérieur et la recherche bénéficieront de 9 milliards d’euros supplémentaires entre 2008 et 2012, conformément à la volonté du Président de la République. Si la répétition fixe la notion, le discours résiste mal à l’épreuve des faits !

Chercheurs, enseignants-chercheurs, personnels administratifs et étudiants constatent chaque jour, sur le terrain, l’absence d’efforts significatifs en faveur de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Bien que les chiffres annoncés donnent à croire que l’enseignement supérieur et la recherche sont, cette année encore, largement privilégiés, l’examen des documents budgétaires permet d’apprécier autrement la réalité du financement de ce secteur essentiel pour l’avenir du pays.

Ainsi, l’augmentation de l’effort budgétaire, pour la période 2007-2012, est exprimée en autorisations d’engagement et non pas en crédits de paiement, correspondant aux sommes réellement dépensées chaque année. De plus, les chiffres affichés s’appuient sur ceux qui figuraient dans la loi de finances initiale et ne tiennent aucun compte des annulations, virements, transferts, gels de crédits ou redéploiements. Les budgets exécutés sont inférieurs aux budgets votés.

Et que dire des changements de périmètre de la MIRES ! L’intégration dans le budget de la mission de l’Agence nationale de la recherche, en 2008, et le transfert de la charge des retraites des personnels aux opérateurs ont engendré une augmentation mécanique des moyens affectés. Toutefois, ces ressources supplémentaires ne peuvent être considérées comme nouvelles, dans la mesure où elles ne font qu’accompagner le transfert de charges.

La volonté du Gouvernement d’afficher des moyens en augmentation le conduit également à intégrer dans son calcul des sommes totalement virtuelles, tel les intérêts de l’opération Campus. Les sommes figurant à ce titre dans les lois de finances de 2009 et de 2010 n’ont été ni mises à disposition des universités ni capitalisées sur la dotation initiale, et les crédits figurant dans le projet de budget pour 2011 ne seront, selon toute vraisemblance, pas consommés, les projets Campus n’étant pas suffisamment avancés pour connaître un début d’exécution dès l’année prochaine.

De même, il y a fort à parier que les moyens extrabudgétaires provenant des investissements d’avenir – l’ex-grand emprunt –, estimés à 3,5 milliards d’euros, ne seront pas utilisés dès 2011, compte tenu du temps nécessaire pour évaluer les projets répondant aux appels d’offres, engager les démarches administratives et consommer les crédits.

L’augmentation effective de la dotation budgétaire pour la recherche publique et l’enseignement supérieur n’atteint que 0,5 % par rapport à 2010. En euros constants, les moyens des universités et des organismes de recherche seront donc en baisse.

Le CNRS a vu ainsi la dotation de ses laboratoires baisser de 12 % en moyenne, une fois retranchés les crédits attachés à la masse salariale et aux grands équipements.

Plus grave encore, le Conseil supérieur de la recherche et de la technologie, le CSRT, souligne que « le seuil critique est atteint pour un fonctionnement minimum des établissements publics à caractère scientifique et technologique et des établissements publics à caractère industriel ou commercial. Cela risque de se traduire par un appauvrissement réel de certains laboratoires, de certaines disciplines ou de certains projets engagés. »

Au regard de ces éléments, on ne s’étonnera guère d’apprendre que le taux de croissance de la dépense intérieure de recherche et de développement de la France est le plus bas de l’OCDE. Au-delà des manifestations d’autosatisfaction du Gouvernement, y a-t-il lieu de se réjouir du classement de notre pays, qui se situe désormais à la quatorzième place internationale en termes d’effort de recherche ?

La seule augmentation d’ampleur, représentant près de 40 % de l’effort affiché, porte sur le crédit d’impôt recherche. La pertinence de ce dispositif fiscal suscite pourtant de plus en plus d’interrogations, au point que les députés de la majorité ont souhaité l’amender.

Selon la Commission européenne, les entreprises françaises ont globalement réduit leurs budgets de recherche de 4,3 % en 2009, soit bien plus que celles des autres pays de l’Union européenne. Au cours des trois dernières années, la progression de la dépense de recherche et développement de nos entreprises a été l’une des plus faibles de l’Union européenne. Ainsi, on constate que le crédit d’impôt recherche, qui coûtera à la nation plus de 5 milliards d’euros en 2011, n’a qu’une influence limitée sur l’évolution de l’effort de recherche du secteur privé. L’effet d’aubaine n’a pas disparu : si cette disposition fiscale rencontre le succès auprès des entreprises, notamment les plus grandes d’entre elles, c’est trop souvent parce qu’elle permet un allégement considérable de leur imposition. Un rapport récent de la commission fiscale du MEDEF, dont la presse a fait état ces derniers jours, le confirme.

Concernant les personnels, le secteur de la recherche et de l’enseignement supérieur ne devrait pas être soumis, dans les trois prochaines années, à la règle de la non-compensation d’un départ à la retraite sur deux. Selon le discours officiel, les emplois y seraient sanctuarisés. Dans les faits, la contrainte budgétaire pesant sur les organismes de recherche et les universités risque bien de les amener à faire des choix entre le financement des activités d’enseignement et de recherche, la revalorisation des carrières et le remplacement des personnels partant à la retraite. Le principe de fongibilité asymétrique ne peut qu’inciter les opérateurs à réduire leur masse salariale.

L’insuffisance de perspectives d’emploi s’avère d’autant plus inquiétante que la fuite des cerveaux se confirme. Les chercheurs expatriés sont de moins en moins enclins à revenir en France. En outre, l’absence de programmation pluriannuelle de l’emploi scientifique entretient la désaffection des jeunes pour les carrières scientifiques. Faut-il le rappeler, selon les prévisions du ministère, le nombre de doctorants, toutes disciplines confondues, baisserait de près d’un tiers entre 2007 et 2017. Le pays pourrait ainsi connaître une pénurie d’enseignants-chercheurs dans certaines disciplines, notamment en sciences humaines et sociales.

Madame la ministre, le véritable premier investissement d’avenir devrait être le recrutement de chercheurs et d’enseignants-chercheurs. Développer le potentiel scientifique et la recherche du pays sur le long terme, s’attacher à faire progresser les connaissances : telles devraient être les priorités des priorités, d’autant que la mise en œuvre des projets présentés pour répondre aux nouveaux appels d’offres liés aux investissements d’avenir nécessite des personnels permanents qualifiés.

J’aborderai brièvement la question du cursus étudiant.

Malgré les milliards d’euros prétendument versés aux universités, les étudiants ne connaîtront guère d’amélioration de leurs conditions d’études. Alors que la lutte contre l’échec en premier cycle universitaire avait fait l’objet d’une attention particulière, les moyens affectés à la formation initiale et continue du baccalauréat à la licence seront amputés de 109 millions d’euros. Cette baisse de crédits ne sera évidemment pas compensée par les seuls 40 millions d’euros supplémentaires affectés au plan pour la réussite en licence.

Comment interpréter cette diminution des moyens affectés au premier cycle, lequel conditionne la poursuite d’études et l’obtention de diplômes ? Ce désengagement est d’autant plus préoccupant que les universités, confrontées à la réduction de leurs dotations et de leurs effectifs enseignants, auraient employé une partie des crédits jusqu’alors affectés au plan pour la réussite en licence à d’autres fins.

Selon l’Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche, aucun des objectifs de ce plan censé répondre à l’échec des jeunes en premier cycle universitaire ne sera atteint prochainement. Ce constat n’est guère surprenant, puisque l’amélioration de la réussite en licence n’a jamais donné lieu à des mesures d’ampleur, telles que le recrutement d’enseignants-chercheurs et de personnels administratifs, afin de remédier au sous-encadrement des étudiants de premier cycle.

Par ailleurs, la vie étudiante demeure le parent pauvre du budget. Le versement d’un dixième mois de bourse, qui correspond à un engagement pris par le Président de la République voilà deux ans déjà, ne sera toujours pas effectif en 2011. Cette mesure est pourtant très attendue, quand de nombreux jeunes connaissent des situations précaires, peu compatibles avec la poursuite d’études. Je rappelle que les 100 000 boursiers les plus défavorisés voient le montant de leur allocation stagner à 4 370 euros par an. En outre, 95 millions d’euros font défaut pour que les étudiants boursiers puissent bénéficier du versement intégral d’une mensualité supplémentaire ; cette somme est à mettre en regard des 5 milliards d’euros affectés au crédit d’impôt recherche.

Madame la ministre, à vous écouter, l’enseignement supérieur et la recherche crouleraient sous les crédits : 4,7 milliards d’euros supplémentaires en 2011, 9 milliards de plus sur la période 2007-2012 ! Qui dit mieux ? Mais comment, dans ces conditions, expliquer le recul de la France en matière d’effort de recherche, tant public que privé ?

La manipulation des chiffres, les présentations optimistes et biaisées ne suffisent pas à dissimuler que l’engagement du Président de la République de consacrer 3 % du PIB à la recherche d’ici à 2010, conformément à la stratégie de Lisbonne, ne sera pas tenu, tant s’en faut, puisque nous ne parvenons pas encore à revenir au niveau de 2002, à savoir 2,23 % du PIB.

Au-delà des cocoricos, le projet de budget de la MIRES pour 2011 s’inscrit dans la continuité des précédents. Il révèle vos véritables choix : aide sans condition au secteur privé, réduction des moyens de l’enseignement supérieur et de la recherche publics, mise en concurrence des laboratoires et des équipes, subordination du secteur public aux entreprises, recomposition du paysage universitaire autour de quelques pôles à visibilité internationale, mise en œuvre d’une politique de recherche en créneaux favorisant les thématiques porteuses, à court terme, d’innovations.

Voilà l’antipolitique – au sens des Antimémoires ! – de la recherche et de l’enseignement supérieur que vous proposez ! Nous ne pouvons que nous opposer à ces orientations, qui affaiblissent notre système de recherche et d’enseignement supérieur, et fragilisent notre pays sur le plan international. Aussi ne voterons-nous pas ce projet de budget.