M. Jacques Mézard. Vous comprendrez que nous nous tournions aujourd’hui vers vous. Il faut que de telles pratiques soient désavouées.

Quelle curieuse modernisation des professions juridiques et judiciaires ! Pour nous, le sens de l’État et l’intérêt général sont incompatibles avec le pouvoir corporatiste. Tel sera le sens majoritaire de notre vote. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la sacro-sainte concurrence, devenue grâce à vous la loi fondamentale de notre République, aura donc raison des fondements philosophiques de notre droit, l’objectif de ce texte étant de créer un supermarché du droit, au détriment du justiciable.

Cette intention de modernisation repose uniquement sur une demande partisane de ceux qui contestent le monopole de l’acte authentique par les notaires, au plus grand détriment des usagers.

Mais, à l’instar de nombreux textes que nous avons eu l’occasion d’examiner sur les travées de cet hémicycle, l’exposé des motifs nous indique que le texte est le résultat d’une concertation menée avec les professions concernées. Si tel avait été le cas, aurions-nous eu à auditionner et à recueillir les déceptions de notaires ou encore d’huissiers de justice ? Aux antipodes de vos allégations, ils éprouvent de profondes inquiétudes quant à l’avenir de leurs professions.

Certes, vous avez obtenu l’accord du Conseil supérieur du notariat. Sauf qu’en tant qu’établissement public placé sous la tutelle du garde des sceaux, il ne pouvait pas faire autrement que de vous approuver. En revanche, étrangement, vous n’avez pas obtenu l’accord du syndicat national des notaires, qui se trouve être le plus important de la profession.

Selon la grande majorité des notaires, l’adoption de ce texte « rapprocherait le système juridique français du common law » et « changerait radicalement de type de société pour s’abîmer dans la faillite d’un système opposé à la moindre régulation, dépourvu de la moindre rationalité ». C’est éloquent ! Sur ce point, nous tombons parfaitement d’accord avec eux. Vous constaterez qu’ils ne sont absolument pas d’accord avec vous !

Le terme d’« arrangement » serait plus adéquat que celui de « concertation », car c’est bien de petits arrangements entre amis qu’il s’agit.

Outre que le fait de présenter le texte réformant l’exécution des décisions de justice comme une proposition de loi prête à sourire, si ces deux textes font l’objet d’une lecture commune, c’est qu’ils traduisent le même glissement désastreux vers le legal business, ou marché du droit.

On ne compte plus le nombre de projets de loi mettant le terme de modernisation en exergue pour justifier vos opérations courantes de fusion-acquisition de nos services publics au profit de la « main invisible ».

La religion de concurrence, qui présente plus de vices que de vertus, n’a strictement aucun sens lorsqu’il s’agit du droit et de protection du justiciable, en particulier au regard de nos principes républicains. À force d’instrumentaliser ces principes en toutes occasions, vous finissez par en oublier la substance, mais aussi la portée.

Peu avant la première lecture du texte à l’Assemblée nationale, M. Nicolin rappelait : « Notre pays se caractérise par cette conviction que le droit libère l’individu, et que sa règle est faite pour protéger son épanouissement, instaurer un équilibre, assurer une répartition équitable des moyens et des richesses. […] Pour nous, le droit n’est pas un simple produit commercial, banal et interchangeable. »

C’est à se demander pourquoi vous souhaitez ardemment le soumettre à la concurrence, en évoquant la nécessité d’une hasardeuse « interprofessionnalité capitalistique ».

M. Nicolin nous a donc expliqué que « sans renier cette conception noble de la portée du droit, le législateur ne peut laisser cette situation perdurer. L’avenir même des professionnels du droit en dépend ». Or, étrangement, les professionnels du droit, à part la profession d’avocat, s’inquiètent très largement pour leur avenir.

Contribuent à cette inquiétude la suppression des offices d’avoués, dont on a entendu dire qu’ils faisaient de l’ombre aux avocats, l’insuffisance des moyens en personnel de greffe, administratifs et techniques, la suppression de nombreux tribunaux à coups de simplification de la carte judiciaire, autrement dit le vaste plan social des professions de justice – rappelons qu’il ne restera que neuf cours d’appel dans trois ans, ce qui aura de graves conséquences sur le droit au recours et les délais de jugement.

Y contribuent tout autant la remise en cause du principe d’indépendance de la justice, du principe de l’individualisation des peines et la disparition  –ou pas – du juge d’instruction. À ce rythme, on ne verra bientôt plus les juges que derrière des caméras, grâce à la généralisation de la visioconférence !

Est-il nécessaire de rappeler que le dernier rapport de la Commission européenne pour l’efficacité de la justice donne une image consternante des moyens que l’UMP alloue depuis des années à la justice : notre pays est passé de la 35e à la 37e place pour le pourcentage du PIB par habitant qui lui est consacré et se situe désormais derrière des pays comme l’Azerbaïdjan ou l’Arménie... En somme, une justice pauvre, tout aussi pauvre que vos ambitions pour une justice digne de ce nom !

Certes, la mondialisation a développé les difficultés juridiques et ouvert la voie à une standardisation du rôle du juriste. Mais doit-on pour autant s’y soumettre et imposer à la justice de ne plus être équitable, au seul motif de permettre à certains de réaliser plus de profits ?

Car, derrière le projet de loi, c’est bel et bien la perspective qui se profile. La répétition a, certes, une vertu pédagogique ; néanmoins, bien que vous n’ayez de cesse de nous répéter que l’émergence de l’acte d’avocat renforcera la sécurité juridique des justiciables, cela demeure absolument faux. Cette mise en concurrence ne renforcera pas la sécurité juridique des usagers, bien au contraire. Comme le disait Jean Louis Gallet, conseiller à la première chambre civile de la Cour de cassation, à l’occasion d’un colloque sur l’acte sous signature : « On peut se demander si la proximité incontestable de l’acte authentique et de l’acte sous signature juridique ne traduit pas plus un conflit de champs d’activité entre deux professions qu’une compétition entre les avantages respectifs des actes en question. »

Il est vrai que nous pouvons légitimement nous demander de quels défauts seraient atteints l’acte authentique et l’acte sous seing privé, pour que notre droit des obligations contractuelles ait besoin d’un nouvel acte venant trouver sa place entre eux.

L’acte authentique ne présente aucune lourdeur autre que les formalités liées au respect de procédures protectrices pour l’ensemble des citoyens, autrement dit, l’intérêt général. Rien ne justifie l’émergence d’un nouveau type d’acte, si ce n’est votre passion pour la concurrence, appuyée par le lobbying de grands cabinets.

Or l’acte contresigné par avocat exercera une influence non négligeable sur l’ordonnancement juridique et sur les actes authentiques. En effet, l’acte contresigné disposera d’une force probante. Selon l’article 1er du projet de loi, qui dispose, en son alinéa 4, qu’en « contresignant un acte sous seing privé, l’avocat atteste avoir pleinement éclairé la ou les parties qu’il conseille sur les conséquences juridiques de cet acte », l’avocat, par le simple fait d’avoir apposé sa signature, sera légalement présumé avoir donné un conseil éclairé, alors que les notaires doivent apporter eux-mêmes la preuve écrite du conseil qu’ils ont délivré. La mise en cause de la responsabilité de l’avocat sera par conséquent rendue plus difficile par cette présomption.

Nous y voyons une inversion de la charge de la preuve qui s’exerce au détriment de l’usager, puisque celui-ci perdra le droit de contester la régularité de l’acte. Cette privation du droit de contester ne peut, en aucun cas, résulter de l’intervention d’un professionnel du droit non investi de prérogatives de puissance publique. Il est nécessaire de rappeler que toute profession investie des prérogatives de certification, hors du statut d’officier public délégataire du sceau, fait l’objet non seulement d’une habilitation, mais aussi du contrôle des parquets.

Dans ce projet de loi, non seulement le pouvoir de certification est conféré au seul bénéfice d’une profession, mais encore en dehors de tout statut, de toute habilitation et de tout contrôle. Qui plus est, l’institution de l’acte contresigné risque d’entraîner plus de confusion que de clarification : en effet, la différence entre force probante, force exécutoire, acte sous seing privé et acte authentique est déjà difficile à appréhender pour les particuliers. Qu’en sera-t-il lorsque viendra s’insérer dans ce schéma l’acte contresigné, pas tout à fait authentique, mais presque, puisque doté d’une force probante, sans pour autant avoir la force exécutoire ?

Cela dit, vous persistez à prétendre que la sécurité juridique de nos concitoyens en sera renforcée. Permettez-nous d’en douter sérieusement ! Le service du juriste est devenu un produit quelconque, les assureurs ont commencé à employer des avocats avec le contrat de « protection juridique » et, aujourd’hui, les firmes juridiques appartiennent à la finance.

L’article 21 du projet de loi confère encore plus de sens à cette comparaison. En effet, il prévoit expressément la possibilité, pour les membres de sociétés de participations financières de professions libérales, de détenir des actions ou des parts dans les sociétés d’exercice libéral « ayant pour objet l’exercice de deux ou plusieurs des professions d’avocat, de notaire, d’huissier de justice », etc. Cela n’est qu’un aperçu, car la liste est bien plus longue.

Dès lors, peut-on imaginer que le capital d’une société d’exercice ayant pour objet l’exercice de deux professions juridiques différentes, par hypothèse l’activité de notaire et celle d’avocat, pourrait être détenu en majorité par des avocats, soit directement, à condition qu’ils exercent leur activité au sein de cette société d’exercice multiprofessionnelle, soit par l’intermédiaire d’une société de participations qu’ils auraient créée ? Voilà donc ce que vous regroupez sous l’appellation inconvenante d’« interprofessionnalité capitalistique » !

Cependant, l’ouverture de cette faculté aboutira inéluctablement à la transformation de ces sociétés d’exercice en simples sous-traitants de sociétés de participations, exclusivement tournées vers la notation, la productivité et le rendement de capitaux.

Ainsi, dans le contexte du rapprochement des cabinets de plaideurs et des officiers notariés, on se demande bien comment le notaire pourra continuer à officier au nom de la République française, ou encore conserver le sceau et le monopole de l’authenticité, d’autant plus que la concurrence de l’acte contresigné et la création simultanée de sociétés de participations financières remettent en cause le tarif réglementé. Ces rapprochements emporteront donc avec eux la gratuité du conseil dispensé sur tout le territoire par les notaires, comme le leur impose leur statut.

Ce projet de loi, qui soumet l’officier public à l’influence économique des participations capitalistiques, dont l’éthique se résumera à la perception de dividendes, ne vise donc qu’à satisfaire l’appétit des grands cabinets.

La proposition de loi relative à l’exécution des décisions de justice répond au même objectif d’instauration d’une justice à deux vitesses. Malgré les aménagements apportés par la commission des lois concernant les modalités d’application de la procédure participative, notamment l’exclusion de son champ des contentieux liés à la séparation de corps et au droit du travail, l’introduction d’une telle procédure en droit français comporte de nombreux risques.

La procédure participative, d’inspiration nord-américaine, telle qu’elle est instituée par ce texte porte en germe le risque d’une justice binaire, les personnes les plus aisées ayant recours à cette procédure, les plus démunies continuant à s’adresser au juge, ce que nous refusons catégoriquement.

Pour conclure, je dirai que nul ne peut prétendre raisonnablement instituer une concurrence, dans l’intérêt du citoyen, entre un officier public, soumis à un statut strict justifié par les besoins de sécurité des citoyens, représentant de l’État dans sa fonction de régulation, et une profession « qui s’inscrit dans une économie de marché régie par la loi de l’offre et la demande », comme se définit le Conseil national des barreaux. Nul ne peut le prétendre, sinon vous, et cela ne peut que nous renforcer dans notre détermination à défendre le service public de la justice et à nous opposer à ces deux textes ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne.

M. Yves Détraigne. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, après l’excellent exposé de nos deux rapporteurs, je ne présenterai que quelques observations qui concerneront plus particulièrement les dispositions contenues dans le projet de loi.

Les textes qui nous sont soumis aujourd’hui entendent répondre à trois objectifs : renforcer la sécurité juridique, simplifier les procédures et moderniser l’exercice et les pratiques des professionnels du droit.

Ces dispositions sont inspirées notamment du rapport Darrois, qui comporte plusieurs propositions emblématiques : on peut citer la fusion des professions d’avocat et d’avoué, sur laquelle nous aurons d’ailleurs à nous prononcer dans quelques semaines, ainsi que celle des professions d’avocat et de conseil en propriété industrielle.

La proposition qui nous intéresse, en l’espèce, vise à renforcer la valeur de l’acte sous seing privé, lorsqu’il est contresigné par un avocat. Cette proposition avait été reprise, dans un premier temps, par une proposition de loi déposée par le député Étienne Blanc en novembre 2009. Elle constitue aujourd’hui l’article 1er du projet de loi qui nous est soumis.

Ce texte introduit donc dans notre droit un nouveau type d’acte hybride, l’acte contresigné par un avocat. Comme cela a été rappelé par le rapporteur, ce contreseing entraînera deux conséquences : l’avocat l’ayant contresigné sera présumé de manière irréfragable avoir examiné cet acte, s’il ne l’a pas rédigé lui-même, et avoir conseillé son client. En outre, il assumera pleinement la responsabilité qui en découle. L’avocat attestera, après vérification de l’identité et de la qualité à agir de son client, que ce dernier a signé l’acte en connaissance de cause, ce qui devrait l’empêcher de contester ultérieurement sa signature.

Il faut rappeler que la commission Darrois avait examiné la possibilité pour les avocats de dresser des actes authentiques, à l’instar des notaires. Mais son rapport souligne sans équivoque que cette éventualité a été « écartée en raison des caractéristiques essentielles de l’acte authentique ».

Ce point est très important.

L’objectif était d’offrir aux justiciables un nouvel outil juridique plus sûr et, accessoirement, de permettre aux avocats français d’être sur un pied d’égalité avec leurs homologues britanniques, qui signent déjà des conventions entre sociétés. Comme l’a rappelé justement le président Hyest en commission, offrir cette faculté aux avocats français leur évitera de perdre ce marché du droit.

Dès l’annonce du présent projet de loi, une profession du droit a fait connaître ses inquiétudes : vous l’aurez compris, il s’agit des notaires. En effet, l’écueil majeur à éviter était de remettre en cause, ou du moins de fragiliser, l’acte authentique, qui occupe la première place dans la hiérarchie des preuves établie par le code civil. Notre rapporteur a été particulièrement vigilant sur ce point.

Je tiens par ailleurs à saluer les modifications introduites par lui à l’article 4 concernant la publicité foncière. Ses amendements de précision éclairent le texte et mettent fin à des incertitudes rédactionnelles.

J’en viens à une réflexion concernant l’article 1er A du projet de loi.

Nos collègues députés ont introduit des dispositions qui permettent aux avocats inscrits au barreau de l’un des tribunaux de grande instance de Bordeaux et Libourne de postuler auprès de chacune de ces juridictions. Notre commission a souhaité instaurer la même dérogation pour les tribunaux de grande instance de Nîmes et d’Alès.

On peut s’interroger sur la pertinence de cette forme de multipostulation « à la carte ». Demain, on trouvera sans doute d’autres cas posant problème, surtout avec la généralisation de la réforme de la carte judiciaire et on continuera à allonger cette liste des exceptions au principe de la postulation : ce mécanisme n’est pas tout à fait satisfaisant.

En réalité, je pense que nous ne pourrons pas faire l’économie d’un débat de fond sur ce thème. La suppression de la postulation des avocats à l’horizon 2014 est d’ailleurs une des propositions du rapport Darrois.

Je pense que, à terme, la postulation disparaîtra, mais il faudra organiser ce processus. Et il doit être organisé globalement. La solution consistant à corriger certaines incohérences locales par la loi, comme on nous propose de le faire, ne me semble pas satisfaisante.

Par ailleurs, dans le cas d’une multipostulation exceptionnelle, comme celle qui est instaurée par l’article 1er A, il me semble que le principe de départ doit être un accord entre les barreaux concernés.

M. Yves Détraigne. Or, dans le cas de Bordeaux et Libourne, cette concertation aurait sans doute pu être approfondie.

Au-delà des dispositions de cet article 1er A, je ne doute pas que nous aurons bientôt l’occasion de débattre à nouveau des évolutions possibles en matière de postulation.

Après ces quelques remarques sur le texte proprement dit, je tiens à vous faire part d’une réflexion plus large sur l’organisation des professions du droit telle qu’elle se dessine ces dernières années.

Ce que l’on peut observer, c’est un champ d’activité en constante augmentation pour les avocats. Il ne s’agit nullement d’une appréciation sur l’opportunité de cette tendance, c’est un simple constat. Cela se traduit aussi bien à travers des actes qu’ils sont amenés à réaliser – je pense à l’acte d’avocat que je viens d’évoquer – que dans leurs attributions juridictionnelles. La suppression des avoués illustre ce dernier point.

À travers un certain nombre de réformes récentes, y compris le présent texte, ne sommes-nous pas en train de tenter d’alimenter une profession dont on ne parvient pas, en réalité, à maîtriser la démographie ?

Le nombre très important et toujours croissant d’avocats dans notre pays provoque, comme cela a déjà été dit, notamment par notre collègue Jacques Mézard, un certain appauvrissement de la profession, ou au moins d’une partie de celle-ci. Cette question a déjà été évoquée en commission, par notre collègue Patrice Gélard, et je tenais à mon tour à attirer votre attention, chers collègues, sur ce problème récurrent. Je suis sûr que nous serons amenés à en reparler dans les années qui viennent.

Je ne sais pas si le numerus clausus, invoqué par certains pour tenter de résoudre ce problème – il me semble que le président de la commission des lois a déjà évoqué cette éventualité – est la bonne solution, mais une chose est sûre : il nous faut continuer à réfléchir sur cette question.

Je conclurai en saluant la qualité des travaux réalisés par nos deux rapporteurs, Laurent Béteille et François Zocchetto. Ils nous proposent aujourd’hui deux textes qui, malgré les quelques remarques que je viens de formuler, apparaissent équilibrés et permettront, d’une part, de moderniser les professions du droit et, d’autre part, je n’en doute pas, d’améliorer l’exécution des décisions de justice. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante-cinq, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq, sous la présidence de Mme Monique Papon.)

 
 
 

PRÉSIDENCE DE Mme Monique Papon

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

9

Mise au point au sujet d'un vote

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Détraigne.

M. Yves Détraigne. Je souhaite faire une mise au point concernant le scrutin n° 126 du mardi 7 décembre portant sur l’ensemble du projet de loi de finances pour 2011 : M. Jean-Jacques Jégou souhaitait s’abstenir.

Je vous remercie par avance, madame la présidente, de bien vouloir faire procéder à cette rectification au Journal officiel.

Mme la présidente. Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique des scrutins.

10

Modernisation des professions judiciaires et juridiques

Exécution des décisions de justice

Suite de la discussion, adoption d’un projet de loi et adoption définitive, en deuxième lecture, d’une proposition de loi

(Textes de la commission)

Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de modernisation des professions judicaires et juridiques réglementées et, en deuxième lecture, de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, relative à l’exécution des décisions de justice, aux conditions d’exercice de certaines professions réglementées et aux experts judicaires.

Dans la suite de la discussion générale commune, la parole est à M. Dominique de Legge.

 
 
 

M. Dominique de Legge. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la rénovation de notre système juridique est une nécessité attendue à la fois par les professionnels du droit – avocats, notaires, huissiers – et par les citoyens, qui appellent de leurs vœux une justice plus claire, plus accessible, et donc plus efficace. Je me réjouis de l’effet positif que les textes qui nous sont soumis simultanément aujourd’hui, le projet de loi du Gouvernement et la proposition de loi de notre collègue Laurent Béteille, ne manqueront pas d’avoir sur le droit français, comme sur notre société.

Rarement, textes de loi auront fait l’objet de concertations aussi larges et approfondies entre les pouvoirs publics, les élus, et les professions juridiques et judiciaires. Inspirées des rapports Darrois et Guinchard, les dispositions que nous examinons sont bien le fruit d’une expertise, mais surtout d’un consensus, afin que les intérêts de tous soient pris en compte.

Bien des mesures constituent donc, à ce titre, de réels progrès.

Concernant la proposition de loi de Laurent Béteille, je parlerai de la rationalisation de la répartition des contentieux entre les tribunaux d’instance et de grande instance en matière de décision de justice, de la modernisation des pratiques professionnelles de l’ensemble des professions du droit, de la procédure participative ou de l’obligation de formation continue des notaires, huissiers, greffiers des tribunaux de commerce et commissaires-priseurs judiciaires.

S’agissant du texte gouvernemental, je salue tout particulièrement la modernisation et le renforcement des structures d’exercice de l’ensemble des professions libérales réglementées, qui permettent à différentes professions du droit exerçant des activités complémentaires de travailler ensemble, mais aussi l’actualisation du régime de spécialisation des avocats.

Nous disposons ainsi d’une panoplie de dispositions qui vont permettre à ces professions du droit d’accomplir leur mission de manière plus efficace, dans l’intérêt des citoyens, tout en leur assurant une compétitivité accrue dans un marché européen et international du droit de plus en plus concurrentiel.

Bien évidemment, comme toute réforme, celle-ci bouscule les choses et, ce faisant, engendre un certain émoi chez les professionnels concernés. Aussi, je souhaiterais insister sur ce qui a fait débat, voire polémique, à savoir les inquiétudes suscitées par la possible création d’une grande profession du droit.

Ces inquiétudes sont légitimes si l’on se souvient que le rapport Darrois, auquel le projet de loi fait référence, s’intitulait explicitement : « Vers une grande profession du droit », alors même que le débat sur la suppression de la profession d’avoué battait son plein.

Dans ce contexte, certains ont vu pour s’en émouvoir, d’autres ont commenté pour la souhaiter, la disparition pure et simple de la profession de notaire ! En quelque sorte, fallait-il supprimer cette exception française des offices notariaux au nom de l’harmonisation européenne ou, au contraire, fallait-il la conserver au nom d’une tradition dont les professionnels n’ont pas démérité et dans laquelle beaucoup de nos familles ont trouvé un conseil de proximité ? Nous retrouvons là ces querelles dont notre pays est si friand.

Je me risquerai à un parallèle sur un tout autre sujet. On a voulu, un temps, en finir avec nos 36 000 communes, au motif qu’elles incarnaient une exception française d’un autre âge. La voie choisie a été celle de la modernisation, pour tenir compte des nécessaires synergies à dégager, et non celle de la suppression.

Il en va un peu de même dans ce débat. Qui peut en effet affirmer que l’activité du notaire n’a pas évolué au cours des cinquante dernières années ? Elle est de plus en plus tournée vers le monde des affaires, tandis que moins d’actes, proportionnellement, concernent le droit de la famille. Pour autant, fallait-il concentrer toutes les fonctions de conseil juridique au sein d’une même profession ? Qui peut nier que la complexité du droit, dans le contexte d’une économie mondialisée, ne nécessitait pas de sécuriser les actes pour les usagers, avec l’assurance du concours d’experts et une offre de services regroupés ?

Le choix du Gouvernement et de la commission des lois a été celui du pragmatisme, et je tiens à saluer ici le travail de notre rapporteur Laurent Béteille.

Ainsi, l’acte contresigné par avocat ne remplace en aucun cas l’acte authentique rédigé chez le notaire, qui fait autorité par délégation de l’État. Le contreseing de l’avocat vise à introduire davantage de sécurité dans la prise d’actes impliquant deux parties, particulièrement quand celles-ci n’ont pas la même connaissance des règles de droit. Les deux actes sont clairement distincts.

Le projet de loi confirme, du reste, les prérogatives des notaires dans un certain nombre de domaines. Il consacre leurs compétences en matière de transactions immobilières en intégrant au code civil les règles générales applicables pour la publicité foncière. Le projet va même plus loin en élargissant leurs prérogatives.

Ainsi, le notaire ayant rédigé une convention de pacte civil de solidarité, ou PACS, ne sera plus obligé d’avoir recours aux services d’un greffier, et pourra réaliser lui-même l’enregistrement de la convention.

Il ne s’agit pas, mes chers collègues, d’opposer les professions du droit entre elles en créant de faux conflits d’intérêts, mais bien de délimiter clairement les contours de chacune, afin de relever le défi de l’évolution de notre société et celui de la toujours plus rude concurrence internationale.

C’est pourquoi la décision de favoriser l’interprofessionnalité me semble particulièrement opportune et va dans le sens de la complémentarité et de l’efficacité. Inciter avocats, notaires, experts-comptables, commissaires-priseurs judiciaires et huissiers de justice à travailler ensemble, dans le cadre de structures capitalistiques, est le gage d’une meilleure fonctionnalité du droit pour le justiciable et d’une meilleure coopération entre les différents acteurs juridiques.

Nous pouvons le constater, ces textes constituent une avancée notable pour l’adaptation des professions juridiques et judiciaires aux réalités internationales et à l’évolution de notre société. La concertation qui a présidé à leur élaboration, le pragmatisme et la recherche d’efficacité des mesures proposées, et surtout le souci de placer le citoyen au cœur du fonctionnement de notre justice, sont autant de raisons pour le groupe UMP de voter ces deux textes. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)