M. Didier Boulaud. C’est le front reconstitué !

M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine.

Mme Michelle Demessine. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord me féliciter de la tenue de ce débat, dû à une demande de nos collègues socialistes, sur la défense antimissile balistique.

Mais nous débattons après coup, après que la décision a été prise il y a quinze jours, au sommet de l’OTAN, à Lisbonne.

Je sais bien, monsieur le ministre d’État, qu’un concours de circonstances indépendant de votre volonté explique cette situation, mais, dans ces conditions, je suis sans illusion sur la portée du débat que nous consacrons aujourd’hui aux orientations de notre politique de défense.

Je le regrette d’autant plus vivement que votre ralliement et celui du Président de la République au système de défense anti-missile constitue une inflexion majeure, voire un revirement stratégique, sur certains aspects de notre politique de défense. Ce ralliement marque aussi l’abandon de l’ambition d’une défense européenne.

Cette évolution de doctrine aurait dû être démocratiquement précédée d’un débat parlementaire. En effet, avec cette décision, vous remettez en cause deux importants concepts stratégiques de votre politique de sécurité et de défense : la doctrine française de la dissuasion nucléaire et la construction d’une Europe de la défense. Je pense qu’il n’est pas excessif de parler de revirement sur cette question, puisque, jusqu’à une date récente, la France manifestait de sérieuses réticences à l’égard d’un système de défense hérité de la « guerre des étoiles » du président Reagan. Pendant longtemps, notre pays a pourtant estimé que la dissuasion nucléaire et la défense anti-missile étaient incompatibles parce qu’elles reposaient sur deux logiques différentes.

Quelques semaines avant le sommet de Lisbonne, votre prédécesseur, Hervé Morin, parlait encore de « ligne Maginot », doutait de l’efficacité du bouclier anti-missile et critiquait la répartition des coûts ainsi que la maîtrise d’emploi de ce système d’armes. Il estimait peut-être implicitement que contribuer au développement de ce projet aggraverait la dépendance des pays européens à l’égard des États-Unis en les mettant de nouveau sous le parapluie nucléaire américain, alors qu’ils réduisent, dans le même temps, leurs budgets militaires en raison de la crise financière. Peut-être considérait-il aussi qu’un tel bouclier mettrait inévitablement en question l’utilité et la crédibilité de la dissuasion nucléaire française. Il posait de vraies questions.

À Lisbonne, vous n’avez pas obtenu de réponses claires, car accepter de contribuer à ce projet comporte de graves inconvénients et aura de lourdes conséquences sur notre politique de défense. Sa fiabilité est incertaine et les experts en la matière ne l’estiment efficace qu’à hauteur de 80 % des tirs. La doctrine d’emploi est encore mal définie. Vous n’avez aucune garantie sur la chaîne de commandement et de contrôle de ce bouclier, ainsi que sur les règles d’engagement.

Il est pourtant vraisemblable que seuls les États-Unis seront maîtres des tirs, puisqu’il est prévu que le système soit raccordé, sous un commandement unique, à la défense aérienne de l’OTAN et au système anti-missile américain. Le coût sera certainement bien supérieur aux 200 millions d’euros annoncés par le secrétaire général de l’OTAN. En tout état de cause, les sommes qui lui seront consacrées représenteront autant de moyens en moins pour financer des coopérations européennes sur des programmes d’armement.

En ce qui concerne notre pays, une participation à hauteur de 12 % du montant total estimé freinera considérablement notre effort de défense et mettra certainement en cause quelques-uns de nos programmes d’équipement. Les pays européens contribueront financièrement, mais n’ont absolument aucune garantie de retombées industrielles propres. Connaissant la puissance de l’industrie américaine de défense, on peut, là aussi, légitimement craindre qu’elle soit seule à tirer le bénéfice de la réalisation de ce projet, laissant la sous-traitance à nos industries.

Ces données objectives conduiront presque automatiquement à entraver davantage encore la construction d’une défense européenne commune. La perspective d’une Europe de la défense émancipée de l’influence pesante de l’OTAN s’éloignera d’autant. La conséquence négative de tout cela sera une accentuation de la dépendance stratégique, technologique, industrielle et politique des pays européens, en particulier le nôtre, à l’égard des États-Unis, dont l’influence reste prépondérante au sein de l’OTAN.

Le bouclier anti-missile est, par ailleurs, en totale contradiction avec votre conception de la dissuasion nucléaire. La dissuasion repose, en effet, sur une doctrine de non-emploi de l’arme nucléaire. Le bouclier anti-missile s’inscrit, quant à lui, dans une logique stratégique différente, qui vise à se prémunir contre des adversaires potentiels en détruisant en vol des missiles. Ces deux options sont difficilement conciliables.

À Lisbonne, l’ensemble des pays membres de l’OTAN ont accepté, pour diverses raisons, de contribuer à la réalisation de ce projet. Le plus grand nombre d’entre eux, en particulier les pays ayant appartenu au pacte de Varsovie, estiment que cela leur permettrait de bénéficier de la protection nucléaire américaine et de réduire ainsi leur budget de défense. L’Allemagne et les pays nordiques y voient, pour leur part, un moyen de dénucléariser l’Europe en substituant le système de défense anti-missile à l’arme nucléaire et de rendre, par là même, inutiles les forces nucléaires britanniques et françaises.

On envisage donc mal comment pourra s’articuler la coexistence de ces deux systèmes de défense, qui sont bien loin d’être complémentaires. En voulant concilier des options divergentes, vous avez aussi abouti, à Lisbonne, à un compromis qui rend votre politique de défense floue et ambiguë.

Enfin, tel qu’il est actuellement envisagé, le bouclier risque de relancer la course aux armements. On le mesure bien, d’ailleurs, à la réaction des Russes, qui, faute d’obtenir des garanties suffisantes en matière de coopération et de contrôle du système et de sa chaîne de commandement, menacent de déployer de nouvelles armes offensives. Ils doutent de la volonté des États-Unis de réellement contribuer au désarmement et font de la ratification des accords START un test. La réaction prévisible de tous les pays s’estimant visés par ce système d’armes contribuera donc à alimenter la course aux armements dans le monde.

Tous ces reculs, ces revirements, révélés par notre ralliement au bouclier anti-missile, sont la suite logique de notre pleine réintégration dans le commandement militaire de l’OTAN. Le Président de la République avait justifié sa décision, prise au prix de la perte de nos atouts et de notre autonomie stratégique, en prétendant regagner la confiance de nos alliés et faire avancer l’Europe de la défense. Pour ne pas déplaire à ceux-ci, vous vous sentez maintenant tenus d’accepter un système de défense qui, malgré vos subtilités sémantiques sur le « complément » ou le « substitut » et vos acrobaties stratégiques, est pourtant antinomique de la dissuasion nucléaire. Nous payons ainsi le prix d’évolutions successives de nos doctrines de défense vers un alignement atlantiste qui nous placera dans une dépendance accrue à l’égard des États-Unis. Ces inflexions, par petites touches, de la doctrine de la dissuasion nucléaire doivent être clarifiées.

Derrière tout cela s’ébauche, en effet, une nouvelle doctrine en matière de défense dont nous condamnons à la fois les orientations et l’imprécision. Monsieur le ministre d’État, vous savez que notre opposition à l’arme nucléaire est essentiellement motivée par le fait que nous contestons sa pertinence pour répondre militairement aux menaces et aux défis de notre époque. Elle n’est plus non plus un moyen efficace de garantir la paix et d’assurer un système de sécurité collective.

Ce sont ces raisons qui font craindre que votre décision n’entraîne des répercussions négatives. Il serait dommageable que l’image positive que nous avons acquise auprès de nombreux pays émergents, grâce à notre attitude exemplaire, en matière tant de ratification des traités que d’efforts de réduction de notre arsenal nucléaire, soit à nouveau ternie par la position que vous avez adoptée à Lisbonne.

Ce soutien paraît contradictoire avec la volonté, encore affichée lors de la dernière conférence de révision du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, le TNP, de prendre des initiatives en faveur d’un processus de désarmement nucléaire.

Pour ma part, je considère que, pour sortir de ce dilemme et clarifier les choses, notre pays devrait concrétiser par des actes sa volonté de progresser sur la voie du désarmement nucléaire. Pour montrer les dangers pour la paix de ce bouclier, proposons solennellement à tous les États possédant l’arme nucléaire de s’engager à mettre fin à la modernisation de leurs armes et de leurs vecteurs.

Plus généralement, montrons à nouveau l’exemple par une réduction significative de notre arsenal nucléaire, en interrompant notre programme de missiles stratégiques M 51, qui est davantage un héritage de la guerre froide qu’un instrument de défense adapté aux menaces d’aujourd’hui. Nous respecterions en cela l’un des engagements pris au travers de la signature du TNP de ne pas procéder à la recherche de nouveaux systèmes d’armes nucléaires.

Proposons enfin, pour tous les pays, des doctrines de dissuasion strictement limitées au non-emploi des armes nucléaires, comme l’était la nôtre avant les inflexions décidées par les présidents Chirac et Sarkozy dans leurs discours respectifs de l’Île Longue et de Cherbourg.

Telles sont, monsieur le ministre d’État, les réflexions que nous inspirent les récentes évolutions de votre politique de défense. (M. André Vantomme applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo.

M. Yves Pozzo di Borgo. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, les 19 et 20 novembre derniers, un sommet de l’OTAN important s’est tenu à Lisbonne. Les vingt-huit chefs d’État et de Gouvernement des pays membres ont approuvé un nouveau concept stratégique. Ils ont exprimé leur volonté de se doter de tout l’éventail des capacités nécessaires pour s’adapter aux mutations internationales des dix dernières années. Pour cela, ils ont notamment décidé de développer une capacité de défense anti-missile et ils ont invité la Russie à coopérer avec l’OTAN dans ce domaine.

Une impulsion politique forte a donc été donnée à Lisbonne. En revanche, l’architecture du système, les concepts opérationnels, le coût du dispositif, les conditions de participation et de décision des pays européens devront être examinés dans les mois à venir.

Je salue l’organisation du présent débat au Sénat à un moment opportun, lorsque l’orientation est connue mais que le chemin doit encore être tracé. Le débat de ce soir ne consiste pas à nous interroger sur le point de savoir si, oui ou non, la France doit prendre une part active au système anti-missile que l’OTAN a décidé de bâtir. Comme le président de Rohan, je dis que la réponse à cette question est « oui ».

Premièrement, il s’agit de nous doter d’un nouvel outil militaire. En dehors du cercle des puissances majeures, on observe le développement rapide de capacités balistiques. Les technologies maîtrisées par certains pays dans le domaine de la courte et de la moyenne portées sont plus avancées que le Livre blanc de 2008 ne le prévoyait. À Lisbonne, le Président de la République a explicitement évoqué la menace iranienne. Sur ce point, je tiens à dire qu’il faut veiller à ne pas diaboliser l’Iran. Ce pays a, à sa tête, des dirigeants dangereusement caricaturaux, mais une partie de la société civile et de la classe politique iraniennes souhaite apaiser les relations avec les pays occidentaux. Aujourd’hui, l’Iran ne fait pas peser de menace imminente et sérieuse sur la France et ses alliés ; il faut le souligner. C’est la voie du dialogue ferme qui doit être privilégiée, pour que l’Iran ne reste pas à l’écart de la communauté internationale.

Cependant, pour être forte, une armée doit anticiper et se prémunir contre des risques futurs. À l’horizon 2020, il faut nous prémunir contre une attaque balistique sur le territoire national. Depuis de nombreuses années déjà, les États-Unis considèrent que la dissuasion nucléaire n’offre plus une garantie suffisante. Nous pouvons ne pas partager cet avis, mais nous ne pouvons pas l’ignorer.

Le Président de la République a indiqué quelle était la position française : « la défense anti-missile peut être un complément utile à la dissuasion nucléaire mais ne saurait s’y substituer ». Cette formulation est satisfaisante. Elle clôt un débat d’arrière-garde sur le sujet : arrêtons de nous interroger pour savoir si la défense anti-missile va remplacer la dissuasion nucléaire ! Cette question est résolue : la réponse est « non », toute idée de substitution est exclue.

L’Amérique de Reagan a nourri le fantasme de l’invulnérabilité. Elle a rêvé d’un bouclier impénétrable ; c’était il y a bientôt trente ans, aux États-Unis. Avec sa géographie étriquée et son histoire jalonnée de guerres, l’Europe n’a jamais entretenu ce fantasme. Il n’est pas question de renoncer à la dissuasion nucléaire. La défense anti-missile doit être « un complément utile ».

Deuxièmement, il faut prendre part à la défense anti-missile de l’OTAN pour en tirer des bénéfices technologiques. La mise au point d’une défense anti-missile est un puissant facteur de développement technologique. Elle implique de maîtriser les satellites et les radars d’alerte avancée, les radars de poursuite, les intercepteurs et les systèmes de commandement et de contrôle.

L’acquisition de ces technologies peut engendrer des avancées concernant l’ensemble des équipements aéronautiques, spatiaux et électroniques. La France ne peut pas passer à côté de ces progrès. L’investissement dans la défense anti-missile balistique doit permettre d’améliorer la compétitivité de notre industrie de défense et, au-delà, celle de notre industrie civile.

Enfin, la troisième raison qui doit nous inciter à prendre une part active à la défense anti-missile de l’OTAN est diplomatique. La capacité des grandes puissances à proposer à leurs alliés une défense anti-missile balistique « clés en main » devient un outil diplomatique. La France doit développer les technologies nécessaires pour proposer ces services à ses alliés et à ses partenaires.

Pour résumer, la France doit prendre une part active à ce projet parce que c’est un outil de puissance.

Comme vous l’avez rappelé, monsieur le président de la commission, les États-Unis ont ouvert la voie dès 1983 ; ils ont investi plus de 160 milliards de dollars dans leur « initiative de défense stratégique » ; la Russie modernise l’ancien système de l’Union soviétique ; en janvier dernier, la Chine a réussi son premier test d’interception d’un missile dans sa phase de vol exo-atmosphérique ; l’Inde a démarré récemment un programme national d’intercepteurs balistiques ; le Japon et Israël ont acquis depuis longtemps des systèmes de défense anti-missile.

Pour projeter sa puissance, un État doit toujours avancer sur la voie du progrès technologique. La France ne peut pas se soustraire à cette règle des relations internationales modernes.

La question soulevée par ce débat est la suivante : comment faire ? Comment notre pays peut-il et doit-il participer au projet de l’OTAN ? Quelle contribution pouvons-nous y apporter ? Quelle place dans le commandement et le contrôle du système pouvons-nous occuper ? Quel sera le coût réel de sa mise en place ? Quelles contreparties industrielles pouvons-nous espérer ? Quelles retombées technologiques et économiques pouvons-nous attendre ?

Très rapidement, j’évoquerai trois enjeux, que je considère déterminants.

Premièrement, nous devons être très attentifs aux enjeux industriels. Lorsqu’ils ont mis en place l’initiative de défense stratégique, le premier bouclier anti-missile, les États-Unis ont consacré seulement 1 % du budget à des entreprises non américaines. Aujourd'hui, le déclin industriel américain n’offre pas un contexte favorable à des revendications européennes de partage des techniques. Mais la France a des compétences à faire valoir, et elle doit les faire valoir. Des entreprises françaises développent non seulement des capacités d’interception des missiles intercontinentaux dans l’espace – je regrette d’ailleurs que l’on ait pris deux ans de retard dans le développement du démonstrateur spatial Spirale –, mais aussi des capacités d’interception des missiles à courte et à moyenne portées dans l’atmosphère.

La contribution française pourrait prendre la forme de « briques », s’insérant dans l’édifice collectif de l’OTAN. Ces briques doivent être conçues et construites en France ou en partenariat avec les Britanniques. Ce serait une avancée concrète, dans l’esprit du traité de coopération en matière de défense et de sécurité que nous venons de conclure avec la Grande-Bretagne. À l’article 2 de ce traité, il est prévu que les parties développent « en interdépendance les bases industrielles et techniques de défense et les centres d’excellences autour de technologies clefs ».

Le développement de projets communs fait cruellement défaut à la défense européenne. Lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2011, j’ai rappelé que les pays de l’Union européenne comptent quatre-vingt-neuf programmes d’armement différents, contre vingt-sept seulement pour les États-Unis. La fragmentation des marchés de la défense européens coûte cher. Il est urgent de renforcer la coopération, la mutualisation et l’intégration des moyens européens. Si les conditions industrielles sont réunies, la mise en place du bouclier anti-missile peut y contribuer. À cet égard, le défi majeur est l’absence non pas de réalisations techniques, mais d’expérimentations communes. Pour développer les capacités européennes, il faudra veiller à faciliter les essais et le développement intégrés.

Deuxièmement, nous devons être extrêmement attentifs au rôle des États européens dans la prise de décision. Les accords dits « Berlin plus », conclus lors du sommet de Washington en 1999, régissent la mise à disposition de l’Union européenne des moyens et des capacités de l’OTAN. Ces accords, mais aussi la Politique de sécurité et de défense commune, doivent permettre le partage avec les forces de l’Union européenne de la défense anti-missile créée pour l’OTAN.

Les dispositions des accords « Berlin plus » fixent les conditions d’accès et de participation des moyens de l’Union européenne et la nature de l’influence politique qui pourrait être exercée. Ces accords garantissent l’accès de l’Union européenne aux capacités et aux moyens pré-identifiés de l’OTAN. Mais l’Union européenne et l’OTAN ont des vues divergentes sur les conditions posées par les accords « Berlin plus » pour déterminer si les pays qui ne sont membres que de l’OTAN ou de l’Union européenne peuvent utiliser les moyens en question. Le règlement de ces désaccords est particulièrement crucial s’agissant de la Norvège et de la Turquie, étant donné leur importance stratégique pour la défense anti-missile.

Troisièmement – et c’est peut-être l’enjeu le plus important –, il faut rechercher activement la pleine coopération de la Russie, et prendre la pleine mesure de ce que cela implique.

Le développement d’un système anti-missile constitue une évolution majeure du dispositif de protection du territoire européen par l’OTAN. L’alternative est claire : soit ce projet sera vécu par la Russie comme une menace contre sa propre dissuasion nucléaire, et une nouvelle course à l’armement commencera, soit la Fédération de Russie y sera associée, et cela ouvrira une nouvelle page dans l’histoire de la défense du continent européen.

Dans un entretien diffusé mercredi 1er décembre sur CNN, le Premier ministre Vladimir Poutine a agité la menace d’une nouvelle course aux armements en cas de non-coopération entre la Russie et l’OTAN sur ce dossier. Il reprenait quasiment les propos tenus la veille par le Président Medvedev devant les parlementaires russes. Il a été chaudement applaudi lorsqu’il a affirmé que « sans accord constructif, une nouvelle course à l’armement commencera ».

Cette tonalité guerrière, contraire à l’esprit qui a manifestement prévalu au sommet de Deauville, cache peut-être le souhait de la Russie d’être mieux intégrée dans le concert des nations de l’OTAN. Si l’on parvient à une vraie coopération avec la Russie, la place de l’État russe dans l’architecture de sécurité de l’Europe pourrait changer radicalement la donne. Une association de la Russie supposerait un partage d’informations sensibles sur des zones d’intérêts communs, la mise en commun de technologies militaires et duales de très haute qualité, la définition d’un spectre de menaces identifiables pour les deux parties, l’instauration d’un régime de complémentarité militaire entre elles. À terme, il s’agirait de mettre en place un modèle dissuasif partagé. Techniquement, cela impliquerait un partage des matériels et des données sensibles, mais peut-être aussi une association au système de décision, sans angélisme de notre part : les Russes restent les Russes !

Sur ce point, monsieur le ministre d’État, pouvez-nous nous indiquer où en sont les échanges entre l’OTAN et la Russie ? Le Conseil OTAN-Russie est-il le bon cadre pour faire avancer les discussions ? La délicatesse de nos amis Américains a-t-elle encore frappé ? Si l’on parvient à mettre en place une véritable coopération avec la Russie sur ce dossier, la Fédération russe sera arrimée au continent européen. Cela pourrait faciliter les relations mutuellement bénéfiques que l’Union européenne et la Russie essaient de mettre en place en tenant des réunions trimestrielles.

Voilà, monsieur le ministre d’État, la contribution que je voulais apporter à ce débat et les enjeux sur lesquels je souhaiterais connaître votre avis.

Je terminerai en insistant sur trois risques qu’il nous faudra éviter, car le projet n’est pas sans risques.

La France court d’abord un risque budgétaire, avec un possible effet d’éviction des autres programmes de défense. Pour cette raison, la question du coût financier du projet est cruciale et appelle des réponses. Le montant évoqué de 200 millions d’euros sur dix ans semble largement sous-évalué. Le chiffre de 1 milliard d’euros sur la même durée paraît plus crédible, mais j’espère que vous pourrez nous apporter des indications plus détaillées sur ce sujet, monsieur le ministre d’État.

La France court également un risque stratégique. Si nous n’avons pas notre mot à dire dans le futur système de commandement, nous ne maîtriserons pas ce qui est devenu un « complément utile » à notre dissuasion. Cela marquerait un recul de notre souveraineté.

Le projet n’est pas sans risques pour l’Union européenne. Si l’on ne prévoit pas une vraie place institutionnelle pour l’Union européenne, si ce projet procure à nos partenaires un faux sentiment d’invulnérabilité, si l’on délaisse l’Europe de la défense au profit du bouclier, l’Union européenne sera perdante.

Enfin, le projet n’est pas sans risques pour l’ordre international. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, la stabilité de l’ordre international repose sur l’équilibre des puissances. Si la mise en place du bouclier anti-missile est vécue comme une rupture de cet équilibre, si d’autres grandes puissances, comme la Chine, considèrent que leur projection de puissance est affaiblie, l’ordre international pourrait être perturbé. Ce risque ne doit pas être ignoré.

Ce projet est une avancée considérable pour la protection de l’Europe. La France gagnera à s’y engager activement, en faisant valoir ses atouts industriels et technologiques, mais veillons à éviter les fantasmes de menaces et d’invulnérabilité et à progresser en se conformant à une éthique de responsabilité et de dialogue. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Didier Boulaud.

M. Didier Boulaud. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, nous y voici : enfin, allais-je dire ! Car ce débat sur la défense anti-missile, nous aurions tant aimé qu’il ait eu lieu au Parlement français avant que notre pays ne se soit engagé dans cette voie par la seule décision du Président de la République, lors du sommet de l’OTAN à Lisbonne, les 19 et 20 novembre derniers.

Monsieur le ministre d’État, je voudrais intervenir ce soir à la fois en tant que sénateur et en tant que membre de la délégation française à l’Assemblée parlementaire de l’OTAN, où je siège depuis près de quinze ans, y représentant aujourd’hui le Sénat, après y avoir été envoyé par l’Assemblée nationale. C’est le lieu d’échanges nombreux et fréquents entre parlementaires des pays membres de l’Alliance atlantique. Avec le temps, nous nous connaissons bien et les relations y sont franches et cordiales et, pourquoi ne pas le dire, très souvent amicales. Cela permet à un parlementaire français de mieux juger de la place et de l’action de notre pays, telles qu’elles sont ressenties à l’étranger. Beaucoup de nos grands décideurs seraient bien inspirés de se forger une telle expérience !

Je n’ai donc pas manqué, au cours des semaines écoulées, à plusieurs reprises et encore tout récemment, au début de la semaine, lors du Forum transatlantique qui s’est tenu à Washington, dont l’un des thèmes de discussion était précisément le bilan du sommet de Lisbonne, de m’enquérir auprès de collègues des autres pays membres de l’OTAN de la manière dont avait été abordée dans leur parlement la préparation du sommet de Lisbonne, en ce qui concerne tant la réforme du concept stratégique que la défense anti-missile.

Tous, à de très rares exceptions près, ont pu en débattre avec leur Gouvernement. Cela paraît tellement évident qu’ils ont été très surpris d’apprendre que la France, qui s’affiche aux yeux du monde comme une démocratie exemplaire et souvent donneuse de conseils,…

M. Didier Boulaud. … membre de premier rang de l’Alliance atlantique, avait jugé opportun de se dispenser d’une telle discussion parlementaire. J’ai de plus en plus l’impression qu’ils découvrent chez nous des pratiques politiques que nous leur masquons soigneusement. Je ne dirai pas qu’ils s’en amusent ou s’en réjouissent, mais ils s’en étonnent ; c’est le moins que l’on puisse dire !

En effet, s’il est un sommet de l’OTAN, dans l’histoire de l’Alliance atlantique, qui méritait que le Parlement y fût associé et eût pu en débattre avant qu’il ne se déroule, c’est bien celui de Lisbonne. Car, outre les deux sujets que je viens d’évoquer, y ont été également abordés la réforme de la structure de l’OTAN, la situation en Afghanistan et le partenariat stratégique avec la Russie. Excusez du peu !

Eh bien, monsieur le ministre d’État, de tous ces sujets, à la différence de la plupart des parlements des autres pays membres de l’Alliance atlantique, le Parlement français n’en a jamais parlé ou, pour certains d’entre eux, il y a très longtemps, souvent à la sauvette. Vous me direz que la France n’est jamais que le troisième ou quatrième contributeur en termes financiers ou d’engagement de troupes. Alors, au diable l’avarice !

Je voudrais tout de même mettre un léger bémol à mon propos et dire que la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous la houlette de son président, que je remercie, a, malgré tout, au cours des derniers mois, tenté de ne pas se laisser déposséder totalement, en organisant des auditions ou en rédigeant quelques rapports sur certains des sujets évoqués. Mais de débat en séance publique en présence de l’exécutif, que nenni !

Avec le Gouvernement, celui d’hier en particulier –l’avenir nous dira ce qu’il en sera du nouveau ! –, ce fut la belle Arlésienne. C’était d’ailleurs peut-être mieux ainsi, pour lui en tout cas, afin que les ministres ne se trouvent pas en permanence en porte-à-faux avec le seul réel décideur, en l’occurrence l’Élysée.

Je me souviens des contorsions du ministre Hervé Morin sur la réintégration de la France dans le commandement intégré de l’OTAN. Après nous avoir dit en commission qu’il n’y était pas favorable, il a dû, comme on dit, avaler la couleuvre. Et quelle couleuvre ! Je l’imaginais déjà, le pauvre, en train de promouvoir la défense anti-missile, après l’avoir comparée à la ligne Maginot !

Quant à l’Afghanistan, nous avons eu l’heur de voir et d’entendre le même ministre, ainsi que son collègue des affaires étrangères, en rivalité sémantique dans cet hémicycle afin de se départager pour savoir si c’était d’une guerre qu’il s’agissait ou d’une simple opération de maintien de la paix. Monsieur le ministre d’État, nous espérons que, avec votre arrivée à la tête de ce ministère, les pantalonnades vont prendre fin et que l’on va enfin débattre sérieusement !

Votre action reconnue en tant que ministre des affaires étrangères, dont se félicitait le président Mitterrand lui-même –c’est le Nivernais que je suis qui en porte témoignage ! (Sourires) –, et votre éminente responsabilité passée de Premier ministre nous amènent à penser que les choses sérieuses vont enfin pouvoir commencer, d’autant que vous n’êtes pas resté trop silencieux au cours des mois écoulés, ni sur la question nucléaire ni sur le retour dans le commandement intégré de l’OTAN, même si, sur ce dernier point, votre réponse lors du débat budgétaire m’a quelque peu laissé sur ma faim et me fait craindre déjà votre propre réintégration dans la ligne retenue depuis trois ans… Reste un espoir véritable : nous savons que vous avez réfléchi à tous ces sujets. J’allais dire que vous, vous y avez réfléchi !

Mais revenons à la défense anti-missile, puisque c’est le sujet qui nous occupe aujourd’hui.

Beaucoup de choses ont déjà été dites excellemment par mon collègue Daniel Reiner, qui s’est fait une spécialité de cette question, notamment sur le plan technique ; ce n’est pas le moindre des défis.

Je m’en tiendrai donc aux aspects plus politiques du sujet, aux conséquences qui en découleront pour notre pays, à la place de la France dans le concert des nations dotées de l’arme nucléaire, aux aspects qui touchent à la propre sécurité de notre pays et aussi à son indépendance, notamment à sa liberté d’appréciation de la situation internationale et à sa capacité à décider lui-même de son action, sans oublier d’évoquer rapidement au passage, bien sûr, la problématique de l’Europe de la défense, si tant est que l’on puisse encore y faire référence : ce n’est pas là la moindre de nos inquiétudes.

En effet, cet accord sur le système anti-missile, qui est à bien des égards un succès américain, suscite des motifs de préoccupation plus que sérieux pour les Européens. Dans son mode de fonctionnement prévisible, il présente un triple risque de contrôle politique des États-Unis sur les alliés, de marginalisation des industries de défense européenne et de captage de crédits au détriment des projets visant à construire l’Europe de la défense.

Monsieur le ministre d’État, ma première question sera très directe : êtes-vous en mesure de nous confirmer les propos tenus très récemment par votre prédécesseur devant nos collègues députés, lorsqu’il leur a expliqué que « la défense anti-missile, pour séduisante qu’elle paraisse à l’opinion publique, n’en constitue pas moins une erreur », alors que notre pays vient justement de donner le feu vert à sa mise en œuvre ?

Le très récent ralliement du Président Sarkozy à la défense anti-missile proposée par les États-Unis et son docile missus dominici, M. Rasmussen, secrétaire général de l’OTAN, mérite à tout le moins quelques explications, quand bien même la France a, semble-t-il, mis en œuvre de multiples manœuvres de retardement ou de ralentissement du processus, lesquelles, il faut bien l’admettre, ont échoué.

Notre conviction est faite : l’affaire a été amorcée dès le processus de réintégration du commandement intégré de l’OTAN. Alors, qu’avons-nous réellement obtenu en échange ? Vous ne nous redirez pas, j’ose le croire, que nous avons gagné de nombreuses étoiles, dont, je le crains, la plus en vue est déjà en train de pâlir sérieusement, hélas : c’est désormais un secret de polichinelle.

Il n’était pas anormal que les alliés aient tiré les conclusions qui s’imposaient de notre alignement et que nous ayons été de facto embarqués dans les projets de l’OTAN que nous refusions jusqu’alors. Le Président de la République avait expliqué que notre réintégration serait irrévocablement liée à deux conditions : la redéfinition du concept stratégique de l’Alliance et la mise en route sérieuse de l’Europe de la défense. J’imagine que vous saurez nous convaincre que ces deux conditions sont remplies…

Maintenant, nous y sommes ! Voilà pourquoi les contorsions se multiplient. On nous explique que l’on accepte le principe de la défense anti-missile de territoire – le principe seulement ! –, en ajoutant que celle-ci n’est que le complément de la dissuasion nucléaire. Telle n’est pas notre conviction. Selon nous, il y a, à terme, de vrais risques d’affaiblissement de notre capacité de dissuasion et de décision. Qu’en pensez-vous vraiment, j’allais dire sincèrement ? Sotto voce, on nous dit que, de toute façon, ce n’est pas pour demain et que nos industriels tireront des bénéfices de cette aventure technologique. Ces bénéfices, nous aimerions les connaître : nos industriels seront-ils acteurs ou sous-traitants ?

Comme je le disais à l’instant, le président de Rohan a courageusement tenté de sauvegarder la parole de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées au travers d’une communication sur laquelle nous n’avons pas trouvé grand-chose à redire. Pour notre part, nous avons tenté d’analyser sa pensée, dont nous avons d’abord considéré qu’elle visait à ne pas froisser le Gouvernement. On ne saurait lui en faire reproche, en raison de son appartenance à la majorité présidentielle.

Mais nous avons aussi perçu chez lui les mêmes réticences que les nôtres. Sur la défense anti-missile de théâtre, il faut continuer ; nous sommes d’accord. Sur la défense anti-missile de territoire, nous avons ressenti quelques réserves et une ferme volonté de préserver le rôle de la dissuasion ; nous partageons cette volonté. Sur le coût du système, le risque de dérive suscite beaucoup d’interrogations ; elles sont aussi nôtres, car l’état de nos finances, dont la majorité est en grande partie responsable, elle qui gouverne depuis 2002, ne nous permet pas de faire tout et n’importe quoi. S’ajoute à cela le fait que, les moyens financiers de l’OTAN étant ce qu’ils sont, la mise ne place d’un tel bouclier anti-missile hypothéquera à coup sûr les autres capacités de l’Alliance, alors que celle-ci est durablement embourbée en Afghanistan, malgré les annonces incertaines de début de retrait : 2011, 2014, 2016, maintien de forces au-delà ? Plus personne ne sait vraiment qui croire ! C’était bien le sentiment des parlementaires lundi et mardi à Washington.

Enfin, nous avons perçu très distinctement, au travers du rapport du président de Rohan, qu’il ne faudrait pas se mettre entre les mains des Américains. Or, monsieur le ministre d’État, comment pourrait-il en être autrement quant à la décision ultime de mise en route du système si le besoin s’en faisait sentir face à une agression quelconque ? Qui peut croire sérieusement que la décision pourra être partagée par les Américains ?

En résumé, ce que nous avons lu au travers de ce rapport fort bien fait, c’est qu’il faut y être, parce que de toute façon cela peut se faire sans nous ; mais nous avons lu aussi que la France est dans l’OTAN, que la défense anti-missile se fera dans l’OTAN et donc que la France fera partie de la défense anti-missile : curieux syllogisme, qui nous permet de mieux apprécier les conséquences d’une décision unilatérale et à contre-courant de la décision du Président Sarkozy de retourner dans le commandement intégré de l’OTAN, ainsi que de constater, avec une réelle amertume, quelle place est laissée aux choix politiques de la France.

Monsieur le ministre d’État, nous voudrions que la représentation nationale soit éclairée devant ce risque de perte d’autonomie dans la décision pour la France. Qu’en est-il de la mise en place d’un outil de commandement et de contrôle – le fameux C 2 – pour cette nouvelle défense ? Qui commandera réellement le système ?

On nous dit que la décision est prise sur la base d’un projet réaliste, adapté à l’évolution de la menace balistique que font peser certains programmes mis en œuvre au Moyen-Orient. Pouvez-vous nous dire quelle est la réalité de l’évolution de cette menace ? À mots mal couverts, tout le monde semble comprendre que c’est de l’Iran qu’il s’agit. Sans nul doute pourrez-vous nous éclairer sur l’urgence qu’il y a à décider.

Nous attendons de vous, cela va de soi, des réponses précises, et non les mêmes explications que celles que nous fournissent à longueur de colonnes les quotidiens. Nous sommes devenus prudents quant à l’affirmation de ce genre de menaces, dont l’une des premières vertus est d’abord d’entretenir l’inquiétude chez nos concitoyens et de justifier – je fais ici allusion aux propos à peine voilés et souriants que nous a tenus au mois d’octobre, à New York, l’ambassadeur de Russie auprès des Nations-Unies – l’extraordinaire effort d’équipement militaire de tous les pays de la région. L’ambassadeur de Russie nous a d’ailleurs demandé, l’air un peu narquois, si nous n’aurions pas une petite idée sur le nom du pays qui avait bénéficié de ces juteux marchés…

Voyez-vous, monsieur le ministre d’État, je suis devenu extrêmement prudent depuis que, dans cette maison, j’ai eu avec d’autres collègues ici présents le privilège d’entendre, voilà quelques années, l’une de nos soi-disant spécialistes en matière de prolifération nucléaire affirmer qu’il y avait des armes de destruction massive en Irak. Cette affirmation n’était donc pas l’apanage de George Bush : c’était du Bush à la française ! On sait ce qu’il est advenu de ces fameuses armes et, pour ma part, je ne remercierai jamais assez le président Chirac de ne pas s’être laissé enfumer – pardonnez moi l’expression ! – par ces beaux esprits. (M. Robert del Picchia applaudit.) Sinon, la France serait peut-être encore présente en Irak, et à quel prix !

J’aimerais être convaincu que la même vigilance est encore d’actualité au plus haut sommet de l’État. J’ai parfois quelques doutes à cet égard quand je vois l’allant que la France met, dans le dossier iranien, à se placer en première ligne ; elle est parfois même plus allante que les Américains, qui, si je suis bien informé, semblent d’ailleurs en marquer quelque étonnement. Il serait sans doute dommageable de découvrir dans quelque temps, malgré notre empressement à les devancer, que les Américains ont, de leur côté, entamé en secret et de façon bilatérale des discussions avec les Iraniens qui pourraient nous laisser sur le bord du chemin.

Je ne suis, bien sûr, ni sourd ni insensible aux propos malveillants du président iranien. Mais, me semble-t-il, ceux qui passent leur temps à montrer du doigt le régime iranien manifestent une faible connaissance de la complexité du pouvoir iranien en laissant à penser qu’un seul homme, fût-il le président, détient à lui seul les clefs de la politique de ce grand pays, de cette grande civilisation qui n’ignore nullement les risques qu’elle encourrait en cas de dérapage fatal. La subtilité persane semble, elle aussi, échapper à quelques faucons de par le monde, dont nous devrions un peu plus nous méfier.

Monsieur le ministre d’État, je dois conclure, hélas ! sur un sujet qui mériterait encore de longs développements. Mais le temps m’est compté.

J’ai essayé de démontrer pourquoi il nous paraît indispensable que le Gouvernement joue cartes sur table, qu’il dissipe toutes les ambiguïtés et qu’il apporte enfin toutes les réponses nécessaires face à ce qui apparaît clairement comme un revirement de la politique de sécurité, de défense et, surtout, d’indépendance de notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)