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Nomination de membres de commissions

M. le président. Je rappelle au Sénat que le groupe de l’Union centriste a présenté une candidature pour la commission de la culture, de l’éducation et de la communication et une pour celle des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale.

Le délai prévu par l’article 8 du règlement est expiré.

La présidence n’a reçu aucune opposition.

En conséquence, je déclare ces candidatures ratifiées et je proclame M. Jean-Paul Amoudry membre de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, en remplacement de M. Pierre Fauchon, démissionnaire, et M. Pierre Fauchon membre de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, en remplacement de M. Jean-Paul Amoudry, démissionnaire.

Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures cinq, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Roger Romani.)

PRÉSIDENCE DE M. Roger Romani

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

5

Candidatures à des organismes extraparlementaires

M. le président. Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation des sénateurs appelés à siéger au sein de deux organismes extraparlementaires.

La commission de la culture, de l’éducation et de la communication propose la candidature de M. Ambroise Dupont, en qualité de membre titulaire, et de M. Ivan Renar, en qualité de membre suppléant, pour siéger au sein du Haut Conseil des musées de France, ainsi que la candidature de M. Philippe Nachbar, pour siéger en qualité de membre suppléant au sein de la Commission du Fonds national pour l’archéologie préventive.

Ces candidatures ont été affichées et seront ratifiées, conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration du délai d’une heure.

6

Débat sur la désertification médicale

M. le président. L'ordre du jour appelle le débat sur la désertification médicale, organisé à la demande du groupe CRC-SPG.

La parole est M. Bernard Vera, orateur du groupe ayant demandé ce débat.

M. Bernard Vera, pour le groupe CRC-SPG. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, le fait que notre assemblée puisse débattre, aujourd’hui, de la médecine de proximité, en dehors de toute loi de financement de la sécurité sociale ou de l’examen d’un projet ou d’une proposition de loi portant sur le sujet, n’est ni anodin ni sans conséquence.

Les conseillers municipaux, les maires, les conseillers généraux ou régionaux, que nous représentons, les territoires et les populations qui les habitent, tout nous invite à poser clairement la question, afin de rechercher par tous les moyens, à garantir l’accès de toutes et de tous à une médecine de proximité, de qualité, et j’ajoute, car ce n’est pas sans importance, à tarifs opposables.

La manière avec laquelle le Sénat s’est approprié les débats de la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite loi « HPST », le fait que la première proposition de loi tendant à la modifier soit d’origine sénatoriale, bien que nous soyons loin de l’approuver, confirme l’analyse de notre groupe, qui nous a conduits à proposer ce débat sur la désertification médicale.

Le Sénat a en effet toute légitimité pour aborder de front cette question, et beaucoup reste à faire, d’autant que Mme Roselyne Bachelot-Narquin a décidé, à l’occasion du congrès de médecine générale qui s’est tenu à Nice en juin dernier, de renoncer à deux mesures censées lutter contre les problèmes de démographie médicale. Pour mémoire, il s’agissait des « contrats santé solidaires » et des « déclarations préalables d’absence », deux mesures à nos yeux peu efficaces.

Si nous avons toujours douté de la capacité de ces deux seules mesures à répondre aux besoins de nos concitoyens, nous ne pouvons que regretter la manière dont celles-ci ont été écartées. Madame la secrétaire d'État, il n’est pas selon moi de bonne politique que le Gouvernement décide, seul, de surseoir à l’exécution de mesures législatives adoptées par la représentation nationale, surtout lorsqu’elles étaient censées améliorer les droits des habitants des territoires qui souffrent d’une sous-densification médicale.

Ce « gel » trouvera sans doute sa conclusion par la suppression de ces mesures, comme le propose notre collègue Jean-Pierre Fourcade, au motif que le Gouvernement et sa majorité veulent témoigner de leur confiance aux professionnels de santé.

Pendant ce temps, nos concitoyens peinent toujours davantage dans leur recherche de médecins de proximité. Pour reprendre les propres termes de Mme Élisabeth Hubert, qui a remis il y a peu un rapport concernant la désertification médicale, « l’état démographique de cette profession [fait] peser un réel danger sur toute l’offre de santé ».

C’est dire, madame la secrétaire d'État, s’il y a urgence à agir !

Plus les réponses tardent à venir, plus les difficultés auxquelles font face nos concitoyens sont grandissantes.

Si la densité médicale était de 275 généralistes pour 100 000 habitants en 1985 et de 340 praticiens en 2005, toutes les études prévoient, à l’horizon 2025, qu’elle tombe à 283 généralistes pour 100 000 habitants, soit un taux à peine supérieur à celui du milieu des années quatre-vingt.

Or le vieillissement de la population, les souffrances liées au travail, les pathologies consécutives aux pollutions ou, tout simplement, les évolutions démographiques ont fait naître des besoins nouveaux qu’il faudra bien satisfaire.

Mes chers collègues, au vu de ces éléments et alors que le nombre de médecins, y compris de médecins de premier recours, n’a jamais été aussi grand, il serait erroné de considérer que seul un problème de démographie se pose aujourd’hui.

Voilà une erreur derrière laquelle il est aisé de se cacher pour renoncer à agir sur la vraie problématique : celle de la régulation géographique.

En revanche, il y aura bien, demain, un réel problème de démographie, avec un manque criant de médecins généralistes dont les patients seront les victimes. Selon les atlas régionaux de la démographie médicale, le nombre total des médecins en activité devrait en effet diminuer de 10 % à l’horizon 2025.

À plus ou moins long terme, l’enjeu auquel nous sommes confrontés est donc bien l’accès de toutes et de tous à des soins de proximité.

Cette ambition est loin d’être réalisée dans la mesure où, actuellement, selon un sondage réalisé par le Collectif interassociatif sur la santé, le CISS, et l’institut Viavoice, 10 % des Français affirment déjà avoir des difficultés à trouver près de chez eux un médecin généraliste. Le pourcentage atteint 27 % dès lors qu’il s’agit de médecins spécialistes et explose à 34 % pour l’accès à des professionnels de santé ne pratiquant pas de dépassement d’honoraires.

La situation est alarmante alors qu’il y a actuellement 214 000 médecins en activité, soit une progression de 22 % du nombre de professionnels depuis les années quatre-vingt-dix. Dans le même temps, la population française ne progressait, elle, que de 10 %.

Ainsi, la répartition inégale des médecins sur le territoire constitue bien la principale difficulté à laquelle sont à ce jour confrontés nos concitoyens.

Selon les données recueillies dans les vingt-trois atlas régionaux de la démographie médicale, certaines régions connaissent une réelle pénurie, et d’autres une sur-densification.

Il est à noter, par exemple, que la région Provence-Alpes-Côte d’Azur arrive en tête de la densité médicale, avec 375 médecins généralistes en activité pour 100 000 habitants, contre à peine 164 pour la région Nord-Pas-de-Calais. Cette situation résulte principalement du fait que de nombreux jeunes médecins, récemment diplômés, ont pendant longtemps fait le choix d’une installation non dans leurs régions d’origine, mais dans celles où la qualité de vie est considérée comme meilleure.

Pour autant, l’implantation des professionnels dans ces régions à forte densité médicale est également inégale en interne. Si l’on observe une importante densité le long de la côte, dans l’arrière-pays, des régions entières sont pratiquement abandonnées.

De la même manière, s’il est vrai que les départements ruraux souffrent le plus des déserts médicaux, les départements urbains, y compris parmi les plus peuplés, en pâtissent également.

Si Paris compte 742 généralistes pour 100 000 habitants, ils sont sept fois moins nombreux en Seine-Saint-Denis. Et mon département, l’Essonne, fait face à une diminution du nombre de praticiens en activité de 27,5 % par rapport à l’année dernière, conséquence du vieillissement des médecins en exercice et d’un nombre insuffisant d’installations.

On le voit bien, les déserts médicaux actuels sont donc moins dus à une pénurie médicale qu’à une régulation inefficace ou plutôt, devrais-je dire, qu’à une absence de régulation.

La liberté d’installation que vous défendez conduit à l’évidence, et nos concitoyens le vivent quotidiennement, notamment dans les territoires ruraux et les zones urbaines sensibles, à des conditions d’accès aux soins inacceptables.

Les mesures incitatives et volontaristes que vous n’avez eu de cesse de proposer depuis plus de dix ans ont fait la preuve de leur inefficacité. Votre refus d’adopter d’autres mesures, plus contraignantes, seules à même de garantir dans le temps et dans l’espace une implantation médicale adéquate aux besoins en santé des femmes et des hommes de notre pays confine à l’irresponsabilité.

Je ne prendrai que deux exemples : celui des bourses régionales et celui des aides délivrées par l’État et l’assurance maladie, plus spécifiquement l’avenant 20 de la convention médicale, qui accorde une majoration de 20 % des honoraires des généralistes exerçant en zone déficitaire et en groupe, mode d’exercice d’ailleurs plébiscité par les médecins.

Cette mesure n’a absolument pas permis de réduire les déserts médicaux.

Selon une étude menée conjointement par le CISS, la FNATH, la Fédération nationale des accidentés du travail et handicapés, et l’UNAF, l’Union nationale des associations familiales, sur 100 caisses primaires, seules 28 ont mis en œuvre les dispositions contenues dans cet avenant. Et dans 17 de ces 28 caisses, l’application de ce dispositif s’est tout de même traduite par une baisse de la densité médicale, alors que l’incitation financière l’accompagnant est de l’ordre de 25 000 à 28 000 euros annuels et par médecin, un complément de rémunération pourtant non négligeable.

Certes, l’attribution de bourses régionales en contrepartie d’une période d’exercice obligatoire dans la collectivité de financement constitue une première étape intéressante, mais elle est largement insuffisante, et ce à un triple titre.

Elle est insuffisante, d’abord, car elle repose, là encore, sur le volontariat et sur la capacité de financement des régions, lesquelles subissent de plein fouet une politique marquée avant tout par une réduction des ressources dont elles disposent, et donc par une compression des dépenses.

Elle est insuffisante, ensuite, car elle entérine la suppression d’un principe fondamental pour notre groupe : l’égalité d’accès aux soins entre tous nos concitoyens, indépendamment de leur lieu de résidence ou de leurs moyens financiers.

Elle est insuffisante, enfin, car, dans le même temps où le Gouvernement plaide en faveur de l’installation volontaire des professionnels de santé dans les territoires qui en manquent cruellement, il pratique une casse méthodique et organisée de l’ensemble des services publics : fermeture des écoles, des postes, des maternités, des gendarmeries et des hôpitaux de proximité.

Mes chers collègues, reconnaissons qu’il est tout de même paradoxal de proposer à des jeunes médecins de s’installer dans des territoires que l’État abandonne lui-même peu à peu.

M. Jacques Blanc. C’est du dogmatisme !

M. Bernard Vera. Ça, c’est votre point de vue, mon cher collègue !

C’est pourquoi nous sommes convaincus, sans remettre totalement en cause ce principe auquel les professions libérales sont attachées, qu’il est aujourd’hui indispensable de limiter les nouvelles installations dans les zones déjà fortement pourvues de médecins.

Sans anticiper sur l’intervention de ma collègue Nicole Borvo Cohen-Seat, il me semble que nous devrions nous inspirer des mécanismes législatifs qui existent déjà actuellement dans certaines professions de santé : je pense par exemple à ceux qui concernent l’ouverture des officines ou à la régulation de la démographie infirmière.

De même, nous devrions rendre opposable le Schéma régional de l’organisation des soins ambulatoires fixant les besoins en santé des populations par bassin.

Mais il faudra également, comme nous y invite le rapport de Mme Hubert, trouver les réponses structurelles et à long terme pour éviter qu’à l’avenir ne se généralisent les déserts médicaux.

Cela exige de donner à la médecine de proximité, et singulièrement de premier recours, toutes ses lettres de noblesse. La reconnaissance de la médecine générale comme une spécialité ainsi que la possibilité ouverte aux praticiens titulaires du diplôme de médecine générale de percevoir des honoraires similaires à ceux des autres spécialistes pourraient constituer des facteurs déterminants dans le choix des étudiants en faveur de la médecine générale, à condition que cette filière soit réellement soutenue et que le Gouvernement prenne l’ensemble des mesures nécessaires à la création de véritables services universitaires de médecine générale ambulatoire.

Force est de constater que nous en sommes encore loin et que, pour reprendre l’expression retenue par Rémy Senand et Marie Kayser dans un article paru le 8 juin dernier dans la revue Pratiques, l’enseignement de la médecine générale est encore « au milieu du gué ».

J’en veux pour preuve le nombre encore trop faible de professeurs titularisés par la commission d’intégration – à peine 20 – quand les représentants des enseignants de médecine générale estiment nécessaire de titulariser au plus vite plus de 30 professeurs associés, dont les statuts sont particulièrement précaires.

Par ailleurs, compte tenu du faible nombre de nominations par la voie « normale » du Conseil national des universités, se pose sans doute la question de la prolongation de la durée de vie de la commission d’intégration initialement prévue pour cinq ans.

Revaloriser la médecine générale suppose un préalable indispensable qui aujourd’hui fait défaut : une véritable professionnalisation et une revalorisation de la formation initiale des futurs médecins. Autant d’éléments indispensables qui impliquent que l’on accorde enfin « à la filière universitaire de médecine générale les moyens dont elle a besoin » comme le demandent les associations représentant les étudiants de médecine générale. Je pense notamment à la création de postes d’enseignants ne reposant pas, comme c’est très souvent le cas, sur des postes vacants dans d’autres spécialités. Les universitaires savent trop combien, en règle générale, un poste vacant est un poste perdu.

Il n’est pas non plus acceptable que la seule alternative consiste à supprimer un poste d’enseignant dans une filière pour l’affecter à la filière universitaire de médecine. Cette logique comptable ne constitue pas une réponse durable aux enjeux de formation des futurs médecins de premier recours.

Mais il faut également que le processus de formation des étudiants prenne en compte la spécificité propre à cette discipline, c’est-à-dire son caractère ambulatoire. Il faut par exemple permettre la réalisation effective en cabinet médical du stage prévu en second cycle afin de sensibiliser les étudiants à ce mode d’exercice en leur permettant de découvrir une autre réalité que celle du modèle hospitalo-universitaire, aujourd’hui encore très majoritaire.

Alors que certains proposent de réduire la durée des études formant les médecins généralistes, nous considérons, pour notre part, qu’il faudrait au contraire pérenniser la quatrième année de spécialisation comme c’est le cas pour les autres spécialités.

Celle-ci pourrait principalement être orientée vers la réalisation de stages de longues durées, pouvant aller de six mois à un an et dans des territoires qui souffrent d’une sous-densification. Cela permettrait d’assurer de manière continue une présence médicale conjointe à celle du médecin maître de stage, soulageant ce dernier dans ses amplitudes de travail et facilitant l’accès aux soins des patients.

Cela suppose naturellement un accompagnement financier permettant de lever les obstacles liés à l’accueil d’un stagiaire en cabinet. En effet, la présence d’un interne nécessite de la part du maître de stage un investissement en énergie et en temps qui rallonge la consultation et réduit d’autant le nombre de patients qu’il peut accueillir dans la journée.

Cela peut avoir des conséquences financières substantielles dans le cadre d’une rémunération à l’acte et les compensations actuellement consenties semblent insuffisantes pour pallier les pertes réelles.

Enfin, comme le préconise le rapport de Mme Hubert, il apparaît impératif de tenir compte des envies mêmes des médecins et des étudiants concernant les modes d’exercice de leur profession.

Toutes les enquêtes menées auprès des professionnels l’attestent, les médecins, principalement les jeunes diplômés, veulent rompre avec l’isolement qui est le leur. Ils sont de plus en plus nombreux à redouter une installation synonyme de solitude et d’amplitude horaire trop importante. Cela implique de favoriser l’exercice regroupé, principalement pluridisciplinaire, notamment au sein de maisons de santé.

Chacun s’accorde à reconnaître que la pluridisciplinarité constitue un avantage certain, tant pour les professionnels que pour les patients qui disposent ainsi dans un même lieu de l’ensemble des prestations dont ils peuvent avoir besoin.

Or ce mode d’exercice, qui suppose un projet de soins, induit des temps de travail et de concertation qui ne sont pas des temps de soins et par conséquent ne donnent pas lieu, dans le cas d’un paiement à l’acte, à une rémunération.

Il faut donc impérativement développer, comme nous l’avions proposé dans le cadre de l’examen par le Sénat de la loi HPST, une rémunération forfaitaire. Celle-ci pourrait notamment inclure la compensation du temps de travail spécifique issu des besoins liés à l’exercice regroupé, la prise en charge des temps dédiés à l’éducation thérapeutique ou aux missions de prévention.

Si nous sommes favorables à ces expérimentations, nous les associons à la condition primordiale du respect par ces professionnels des tarifs opposables. Nous ne pouvons concevoir que des fonds publics puissent être destinés à des professionnels de santé dont la pratique tarifaire aurait pour effet de participer à leur manière à l’accroissement des renoncements aux soins pour des motifs financiers.

Enfin, pour conclure, je voudrais aborder la question des centres de santé municipaux, mutualistes ou associatifs, qui constituent le mode le plus ancien et le plus répandu de l’exercice collectif et pluridisciplinaire de la médecine.

À l’image du rapport de M. Vallencien, celui de Mme Hubert note l’importance des centres de santé, notamment parce qu’ils contribuent à lutter à la fois contre la désertification médicale et contre le renoncement aux soins, bien que celui-ci reste principalement axé sur la médecine libérale.

Ce tropisme est regrettable car de plus en plus de jeunes diplômés s’orientent vers un exercice salarié qu’ils estiment davantage en adéquation avec leur conception de la médecine, mais aussi avec leur mode de vie.

De la même manière, nous regrettons, à l’instar de la Fédération nationale des centres de santé, que ce rapport limite les centres de santé à « une réponse sanitaire d’exception qu’il serait bon de développer uniquement en cas de défaillance de l’organisation libérale ».

Cette conception, particulièrement anachronique à nos yeux, ne tire aucune conclusion des réussites réalisées quotidiennement par ces centres qui permettent une approche globale des patients, avec la pratique du tiers payant, la prévention, l’éducation en santé ou encore la pluridisciplinarité.

Aussi, nous considérons que ce mode d’exercice ne doit pas être écarté des autres modes collectifs d’exercice et nous souhaitons que le Gouvernement s’engage à étendre aux centres de santé les financements qu’il entend développer pour favoriser l’exercice collectif libéral. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste. – M. Robert Tropeano applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, notre système de santé présentait, jusqu’à récemment, tous les avantages : liberté individuelle d’accès aux soins quasi universelle pour le patient ; universalité de la couverture avec la CMU ; faible coût pour les intéressés de leurs études et de leur formation ; liberté de prescription, d’installation, de mode d’exercice pour le médecin ; enfin, qualité reconnue des soins.

Pour résumer, il est fondé sur la socialisation quasi intégrale du coût des choix individuels, qu’il s’agisse du médecin ou du patient.

Côté médecin, le système assure globalement un bon niveau de revenus, progressant plus vite que le salaire moyen, et aucune contrepartie sociale autre que celle qu’il s’impose à lui-même ne lui est demandée, pas même, depuis 2003, d’assurer des gardes.

Le nerf du système est la rémunération, pour tout ou partie, à l’acte de 67 % des omnipraticiens et de 50 % des spécialistes, dont 69 % des radiologues et 64,5 % des cardiologues. Ce mode de rémunération est désormais appliqué globalement à l’hôpital public, dont les ressources dépendent du nombre et de la qualité des actes qui s’y pratiquent.

Un système libéral financé par l’argent public, impossible de rêver mieux !

Mais le système s’est mis à dysfonctionner en termes de coûts et en termes qualitatifs : files d’attente qui s’allongent pour l’accès à certaines spécialités ; surchauffe des urgences qui, ici ou là, prennent ponctuellement des allures de cours des miracles ; extrême disparité de la démographie médicale, sujet du débat de cet après-midi.

Le diagnostic est connu : la présence médicale est très variable d’une région à l’autre, entre les départements d’une même région, entre les villes et les zones rurales, entre les quartiers des villes et même entre les secteurs ruraux d’un même département.

Elle est encore plus variable s’agissant des spécialistes. Entre les régions Provence-Alpes-Côte d’Azur et la Picardie, la densité des spécialistes varie du simple au double ; vous auriez, mes chers collègues, de nombreux exemples à apporter sur ce point.

Même une démographie médicale favorable, comme c’est le cas dans mon département du Var, ne signifie pas pour autant que la permanence des soins est assurée dans les zones rurales. Je peux vous citer l’exemple d’un canton de 5 000 habitants qui dispose de sept médecins – ce qui me paraît tout de même suffisant – mais dans lequel, pour autant, trouver un médecin disponible après les heures de bureau est difficile.

On avance le chiffre de 2 600 000 personnes qui rencontreraient des difficultés pour accéder à un généraliste, un spécialiste ou un professionnel de santé, et ce en dépit du fait que, comme cela a été souligné, il n’y a jamais eu autant de médecins en France, notamment de médecins libéraux et de spécialistes, et que notre densité médicale est tout à fait comparable, voire légèrement supérieure à la moyenne constatée dans les pays de l’Europe à quinze. De même, le nombre d’actes n’a pas cessé d’augmenter, surtout les actes de spécialité.

Le constat s’impose donc : même si, dans les dix ans qui viennent, la question des effectifs compliquera encore la donne, ce n’est pas le manque de médecins et de professionnels de santé qui est responsable des déserts médicaux, c’est le système.

En effet, pourquoi voulez-vous que des diplômés, essentiellement d’origine urbaine aisée, formés à une médecine de plus en plus technique, aillent gagner leur vie en zone rurale et acceptent des contraintes horaires fortes s’ils peuvent faire autrement ? Dans la mesure où ils n’ont aucune obligation, pourquoi s’en imposeraient-ils ?

Lors d’une précédente discussion dans cette assemblée, j’avais exposé le dilemme à Mme Bachelot-Narquin, et sa réponse m’avait étonné : « J’indiquerai, pour faire écho au débat engagé par M. Collombat, que nous ne pourrons pas faire, sur ce sujet, l’économie d’une réflexion philosophique. Quand la puissance publique, c’est-à-dire le contribuable local, le contribuable national ou le cotisant à la sécurité sociale, aura financé à grand renfort de subventions des maisons médicales de garde ou des centres de santé, participé au fonctionnement de ces installations, réglé les cotisations sociales des médecins, augmenté les rémunérations comme nous le faisons déjà, avec une progression de plus de 20 % dans certains secteurs, rémunéré la permanence des soins en plus des consultations et des visites majorées – 150 euros la nuit –, payé forfaitairement la prise en charge des malades chroniques, pourrons-nous toujours arguer qu’il s’agit de médecine libérale ? ». Tels ont été les propos de Mme Bachelot !

Les jeunes médecins pourront-ils toujours revendiquer la liberté d’installation ? Certains médecins refusent d’assumer les tâches les plus contraignantes, comme les gardes de nuit puisque le système repose sur le volontariat.

J’indique aussi qu’un principe irréfragable veut que qui paie commande ! Certaines exigences présentées benoîtement, ici ou là, sur toutes les travées, comme des mesures techniques impliquent in fine un changement de système et l’instauration d’un service public étatisé ou para-étatisé. Il faut avoir le courage non seulement de dire les choses mais d’en tirer les conséquences. Mais on en est resté là !

Toute mesure curative un tant soit peu sérieuse étant actuellement politiquement impossible, on se limitera donc à quelques granules homéopathiques, ce que fait très bien le dernier rapport de Mme Hubert. Celles de ses propositions que je préfère, c’est de maintenir en activité des médecins au-delà de soixante ans – les pauvres ! –, de faire appel à des médecins retraités et d’« inciter les internes à effectuer une année supplémentaire de mission de service public ».

Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, puisque nous sommes dans des déserts, pourquoi ne pas faire appel aux organisations non gouvernementales, les ONG ? Je pense que les vocations ne manqueraient pas ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – M. Robert Tropeano applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Robert Tropeano.