Mme la présidente. Nous en avons terminé avec ce débat sur des questions de politique étrangère.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux jusqu’à dix-sept heures, heure à laquelle nous aborderons le point suivant de l’ordre du jour, les questions cribles thématiques sur l’outre-mer et l’Europe.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinquante-cinq, est reprise à dix-sept heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

M. le président. La séance est reprise.

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Questions cribles thématiques

outre-mer et europe

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions cribles thématiques sur l’outre-mer et l’Europe.

Je rappelle que l’auteur de la question et le ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes. Une réplique d’une durée d’une minute au maximum peut être présentée soit par l’auteur de la question, soit par l’un des membres de son groupe politique.

Chacun des orateurs aura à cœur de respecter son temps de parole. À cet effet, des afficheurs de chronomètres ont été installés à la vue de tous.

Cette séance de questions cribles thématiques est diffusée en direct sur Public Sénat et sera rediffusée ce soir sur France 3, après Soir 3 et l’émission Ce soir ou jamais.

La parole est à Mme Gélita Hoarau.

Mme Gélita Hoarau. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, les départements d’outre-mer sont parvenus à un moment décisif de leurs relations avec l’Union européenne.

Certaines des dérogations et mesures spécifiques qui leur sont accordées, ainsi qu’aux régions ultrapériphériques d’Espagne et du Portugal, notamment au titre de l’article 349 du traité de Lisbonne, arriveront à leur terme d’ici aux deux prochaines années.

Je veux parler de l’octroi de mer, dont le régime court jusqu’au 1er juillet 2014. Je pense également à l’éligibilité de la plupart des régions ultrapériphériques, les RUP, à l’objectif n° 1 de la politique de cohésion. À ce titre, la Réunion a bénéficié, pour la période 2006-2013, de près de 2 milliards d’euros. On s’inquiète du maintien de ces dérogations et spécificités.

De même, la reconduction en 2013 du marché communautaire du sucre suscite des interrogations.

La question de la pérennisation de ces mesures est d’actualité puisque les négociations sont d’ores et déjà en cours.

Il en est de même pour le Programme d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité, ou POSEI, qui représente une aide de 278 millions d’euros aux agriculteurs domiens. La réforme de ce programme est l’occasion de mettre en place une gouvernance de ce règlement plus proche des producteurs ultramarins en les associant à la rédaction des circulaires et annexes définissant les mesures relevant du POSEI.

Vous comprenez, madame la ministre, l’inquiétude des DOM. Il appartient au Gouvernement de jouer un rôle déterminant dans la sauvegarde des intérêts des départements d’outre-mer au sein de l’Union européenne.

Enfin, madame la ministre, se pose le problème des accords dits de « partenariat économique », les APE, qui sont souvent en contradiction avec les stratégies de développement régional. Cette discordance entrave l’intégration des DOM dans leur environnement géographique.

M. le président. Posez votre question, madame !

Mme Gélita Hoarau. La réalisation d’études d’impact figure parmi les axes forts du mémorandum des RUP dont vous êtes signataires. S’agissant des APE, ne faudrait-il pas, madame la ministre, en réaliser un dès maintenant ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargée de l'outre-mer. Madame la sénatrice, vous avez raison de le souligner, l’année 2011 est une année charnière pour l’outre-mer, pour nos régions ultrapériphériques.

Nous devons, en effet, renégocier le budget de l’Union européenne et redéfinir les politiques de cette dernière en direction de nos territoires. Nous aurons à mettre en place les mémorandums, qui sont la stratégie de l’Union en direction de nos territoires. Il faudra engager des dossiers importants, comme la prolongation de l’octroi de mer après 2014.

Nous avons aussi un volet institutionnel non négligeable à lancer, le changement de statut de Mayotte et la réussite de la transformation du statut de Saint-Barthélemy.

S’agissant de l’ensemble des sujets que vous évoquez, notamment l’octroi de mer, nous avons engagé un travail très important avec les services des autres ministères concernés et suivi les dossiers en étroite concertation avec les services de la Commission. Nous avons, en effet, pris en compte les informations complémentaires qui nous ont été données par la Commission et nous allons engager une étude en vue de pérenniser cet outil de développement.

Sur la politique de cohésion, nous avons entrepris une réflexion pour tirer les enseignements des années antérieures et faire en sorte de prendre en compte les acquis communautaires en faveur de nos régions. Il me paraît essentiel de demander, en particulier, le maintien de l’allocation de compensation des contraintes de nos RUP.

Sur l’organisation commune des marchés pour le sucre, la réforme conduite en 2006 a permis d’acter que les aides concernant le secteur sucrier des DOM étaient transférées dans le POSEI. À la date d’aujourd’hui, je n’ai pas d’inquiétude particulière, pas plus sur le principe même du POSEI que sur le maintien de ces aides.

Concernant les accords de partenariat économique dont vous faites état, vous connaissez l’engagement du Gouvernement, particulièrement attentif à la défense des intérêts de nos régions ultrapériphériques. Le chef de l’État a d’ailleurs été amené à saisir la Commission lors des négociations de l’accord de coopération avec les pays andins pour rappeler combien il était important de prendre en compte cette dimension de nos régions ultrapériphériques et de demander des compensations. Surtout, nous avons d’ores et déjà posé le principe d’une étude d’impact systématique, en amont de tous les accords commerciaux.

M. le président. La parole est à Mme Gélita Hoarau, pour la réplique.

Mme Gélita Hoarau. Madame la ministre, je prends acte de vos déclarations. Apparemment, tout est mis en œuvre pour nous tranquilliser et faire en sorte que nous démarrions cette année en toute quiétude ! Je veux bien voir, au travers des actes, ce qu’il en sera dans les mois à venir.

M. le président. La parole est à M. Adrien Giraud.

M. Adrien Giraud. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, lors de ma dernière intervention à la tribune de notre assemblée, en décembre 2010 à l’occasion de la discussion des deux projets de loi visant à permettre la transformation de Mayotte en département, j’ai réitéré notre demande de participation aux concours des fonds structurels européens, véritable levier de développement économique et social des diverses collectivités.

En décembre 2008, le Président Nicolas Sarkozy s’était engagé « à ce qu’une démarche auprès des institutions communautaires, pour la transformation de Mayotte en région ultrapériphérique, intervienne dans des délais compatibles avec l’accès aux financements européens qui seront mis en œuvre à partir de 2014 », soit au terme du dixième FED – Fonds européen de développement.

Cette ambition, nous savons que vous la partagez, madame la ministre, car je connais votre mobilisation au service des progrès de Mayotte, en vue notamment de l’accession de notre nouveau département au statut de région ultrapériphérique de l’Europe, c’est-à-dire de RUP. Une telle ambition, vous l’avez exprimée lors des différentes réunions et forums sur « l’ultrapériphérie européenne » qui se sont tenus au cours de l’année 2010.

Un travail intense de mise en conformité tenant compte de nos spécificités est désormais engagé. Mais il nécessite encore de nombreuses négociations entre Paris et Bruxelles, afin que la démarche des représentants mahorais aboutisse dans les délais prévus, aussi rapidement que possible.

Madame la ministre, pouvez-vous, dès aujourd’hui, nous indiquer l’état des négociations engagées entre le Gouvernement et la Commission européenne afin que Mayotte bénéficie des concours financiers et techniques de l’Europe communautaire ?

Je vous remercie de votre réponse, très attendue par les Mahorais.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Monsieur le sénateur, vous le savez parfaitement, le Président de la République, lorsqu’il a reçu les élus mahorais pour présenter le pacte de la départementalisation, a annoncé qu’il allait demander la transformation de Mayotte en région ultrapériphérique.

C’est la raison pour laquelle cet engagement a été affirmé lors du conseil interministériel de l’outre-mer présidé par Nicolas Sarkozy le 6 novembre 2009. Nous avons bien évidemment entériné le vœu exprimé par la collectivité départementale en 2005, en 2007 et en 2009.

Comme vous le savez, nous pouvons obtenir la « Rupéisation » de Mayotte en utilisant la procédure simplifiée, conformément à l’article 355-6 du traité de Lisbonne. C’est ce que nous allons faire, et qui nécessite l’accord unanime du Conseil européen.

Je me suis d’ores et déjà entretenue, à plusieurs reprises, de ce sujet avec les commissaires européens en charge de ces questions, aussi bien le commissaire Hahn, en charge de la politique régionale, que le commissaire Piebalgs, en charge du développement. Il s’agit de rassembler des services en mesure de travailler sur ce dossier.

Nous avons obtenu que l’unité RUP au sein de la direction générale régionale soit désignée comme service référent en vue d’engager ce processus. Nous avons tenu régulièrement informés les services de la Commission sur le processus de départementalisation de Mayotte. C’est, en effet, un acte fort pour apprécier la capacité de Mayotte à aller vers ce droit commun.

Ces échanges se sont traduits par des réunions de travail qui ont eu lieu les 30 novembre 2009 et 25 juin  2010. Une autre, très importante, est programmée à la fin de ce mois.

D’ores et déjà, nous avons demandé à associer Mayotte aux travaux concernant les régions ultrapériphériques en tant qu’observateur. Moi-même, lors de la dernière réunion des RUP qui s’est tenue aux Canaries en octobre 2010, j’ai accueilli avec beaucoup de satisfaction les déclarations du commissaire Hahn, qui rappelait que Mayotte devait assister à nos travaux.

Nous tenons nos engagements, déterminés à permettre à Mayotte d’accéder au statut de RUP. Le calendrier sera connu au cours du mois de mai prochain.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet, pour la réplique.

Mme Anne-Marie Payet. Monsieur le président, madame la ministre, la question de mon collègue Adrien Giraud portait sur la mise en œuvre effective d’un engagement du Président de la République.

Dans le même esprit, je souhaiterais avoir des précisions sur l’entrée en vigueur des mesures tendant à simplifier le régime des visas de court séjour pour l’outre-mer.

Ces mesures très attendues figurent parmi les engagements du premier conseil interministériel de l’outre-mer du 6 novembre 2009. Elles doivent permettre de moderniser le régime actuel en vertu duquel des étrangers titulaires d’un « visa Schengen » doivent obtenir un visa spécifique pour se rendre à la Réunion ou dans chacun des autres territoires d’outre-mer.

Le 19 janvier 2010, le Président de la République jugeait depuis Saint-Denis de la Réunion « qu’il n’est plus acceptable que pour avoir un visa lorsqu’on est d’un pays limitrophe pour visiter la Réunion, on doive demander une autorisation à Paris, qui doit revenir à la Réunion ».

Un an après, madame la ministre, pouvez-vous indiquer au Sénat dans quels délais les mesures d’assouplissement prévues entreront en vigueur ?

M. le président. La parole est à M. Daniel Marsin.

M. Daniel Marsin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, c’est pour moi aujourd’hui l’occasion d’aborder, de nouveau, la question cruciale de l’impact des accords de libre-échange négociés par l’Union européenne avec les pays tiers sur les économies ultramarines et sur l’économie française en général. Je vous avais déjà alerté sur cette question en évoquant la signature de tels accords entre l’Union européenne, la Colombie et le Pérou. À cette époque, ils n’étaient pas encore signés, même si la situation était déjà préoccupante, avec des effets prévisibles destructeurs pour les économies de nos régions ultrapériphériques.

Aujourd’hui, la machine infernale s’est déjà enclenchée ! En effet, lors du sommet de Madrid, cet accord a été paraphé, ce qui a constitué un précédent immédiatement prolongé par la finalisation d’accords commerciaux avec les pays d’Amérique centrale, et qui, dès lors, ouvre un boulevard pour les négociations déjà en cours avec les pays du MERCOSUR. Si l’ensemble de ces accords était conclu, il s’agirait alors d’un véritable coup de grâce pour l’agriculture ultramarine.

Force est de constater que, dans ces circonstances, la voix de l’outre-mer n’est pas entendue et les objectifs communautaires, prenant en compte, en principe, les handicaps structurels de nos territoires ultramarins, sont carrément ignorés. Les parlementaires ultramarins, à Paris comme à Bruxelles, n’ont pourtant pas cessé, depuis plus de six mois, de tirer la sonnette d’alarme.

Que faire, alors, pour enrayer cette spirale infernale ?

D’une part, il faudrait prévenir, en posant les intérêts de chaque région ultrapériphérique comme une contrainte dans les positions adoptées par les négociateurs communautaires, et, d’autre part, intégrer des compensations additionnelles dans la révision du POSEI.

Madame la ministre, de quelle marge de manœuvre disposez-vous réellement, et quelles initiatives comptez-vous prendre afin d’éviter le naufrage programmé de l’agriculture ultramarine ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Avant de répondre à M. Marsin, je veux dire à Mme Payet que, s’agissant de l’assouplissement des visas, le gouvernement de François Fillon, sous l’impulsion du chef de l’État, a souhaité prendre en compte la dimension environnementale de nos régions.

Nous avons respecté les engagements que nous avons pris lors du conseil interministériel de l’outre-mer, puisque 150 mesures d’assouplissement des visas doivent permettre de faciliter la circulation des personnes et des biens. Par ailleurs, nous menons actuellement des négociations afin que la Réunion devienne une destination touristique pour les Chinois et les Sud-Africains. Nous poursuivons actuellement ce travail qui devrait aboutir, je l’espère, dans les prochains mois.

M. Marsin m’a interrogée sur la négociation des accords commerciaux. Nous avons bien évidemment le souci de défendre les intérêts des régions ultrapériphériques, comme nous l’avons déjà prouvé à l’occasion de l’accord de partenariat économique, en obtenant le principe d’une clause de sauvegarde régionalisée permettant de restaurer les droits de douane antérieurs lorsque la preuve est apportée que le marché local d’une RUP a été perturbé.

Depuis 2008, comme vous le savez, nous pouvons ainsi maintenir des droits de douane sur les marchés locaux, par exemple ceux du sucre et de la banane, et ce sur une période équivalente à deux fois dix ans.

C’est un premier pas, mais ce n’est pas suffisant : nous devons aller beaucoup plus loin.

Comme vous le savez également, le Président de la République n’a pas hésité à intervenir personnellement dans le dossier de l’accord andin. Il a en effet écrit au président Barroso qu’il était inimaginable d’imposer à nos régions ultrapériphériques des contraintes aussi fortes, sans envisager de contreparties de même ampleur. Des compensations ont été demandées à ce titre ; ce dossier est en cours d’instruction.

Je le répète, nous devons aller plus loin et faire en sorte que nos régions ultrapériphériques ainsi que notre agriculture ne soient pas des variables d’ajustement. Pour cette raison, nous avons d’ores et déjà exigé que soient menées des études d’impact préalablement à tout accord entre l’Union européenne et les pays d’Afrique, Caraïbes et Pacifique, en particulier.

M. le président. La parole est à M. Daniel Marsin, pour la réplique.

M. Daniel Marsin. Madame le ministre, je vous remercie de votre réponse, qui semble indiquer que le Gouvernement a parfaitement conscience de la nécessité de préserver les intérêts de l’outre-mer.

En tout état de cause, je souhaite qu’un mandat clair et explicite soit donné à la représentation permanente de la France auprès de l’Union européenne pour assurer, en toutes circonstances, une défense des intérêts des outre-mer lors de la phase de négociation de ces accords commerciaux. Je souhaite, plus généralement, que l’on parvienne à faire admettre l’idée selon laquelle des accords ne peuvent être passés sans que le principe de la défense des intérêts ultramarins ait été posé comme une contrainte.

M. le président. La parole est à M. Éric Doligé, rapporteur du comité de suivi de la mission commune d’information du Sénat sur la situation des départements d’outre-mer.

M. Éric Doligé. Madame la ministre, je souhaite vous interroger sur un seul sujet : l’avenir de l’octroi de mer.

Ce régime est spécifique à l’outre-mer. Il revient à frapper les marchandises introduites dans les départements d’outre-mer d’une taxe à laquelle échappent certaines productions locales. Il représente, à la fois, une ressource fiscale majeure pour les collectivités territoriales des départements d’outre-mer et un soutien décisif au développement endogène de ces collectivités.

Ainsi, rapporté à l’ensemble des recettes de fonctionnement des collectivités territoriales, l’octroi de mer représente en moyenne, pour les communes des départements d’outre-mer, un tiers de leurs recettes, et, pour les régions d’outre-mer, entre 17 % et 31 % de leurs recettes. Il est même des communes guyanaises où l’octroi de mer représente 90 % des recettes fiscales !

Ce dispositif, largement perçu dans les instances communautaires comme contraire au principe de non-discrimination, est aujourd’hui menacé. En effet, par une décision de 2004, le Conseil a autorisé la France à maintenir un tel régime d’octroi de mer jusqu’au 1er juillet 2014.

Comme elles s’y étaient engagées, les autorités françaises ont transmis à la Commission un rapport d’étape en 2008, puis un rapport complémentaire en avril 2010, pour lui permettre de juger de l’impact de l’octroi de mer et suggérer des adaptations de ce régime.

La Commission européenne a jugé que les données fournies par la France étaient lacunaires. Elle reconnaît toutefois que les handicaps des départements d’outre-mer persistent, mais elle reste sceptique sur les conséquences d’une taxation différenciée des produits locaux : elle souligne que l’incidence de l’octroi de mer sur l’emploi ou sur les parts de marché des productions locales diffère sensiblement selon les secteurs.

La Commission a néanmoins proposé, le 14 décembre dernier, d’adapter la décision du Conseil de 2004 et d’élargir le bénéfice de l’octroi de mer à une cinquantaine de produits guyanais.

C’est une bonne nouvelle pour la Guyane, notre région ultrapériphérique la plus défavorisée. Mais les interrogations répétées de la Commission européenne sur le bien-fondé de l’octroi de mer et sur son incidence sur le niveau général des prix dans les départements d’outre-mer ne peuvent manquer d’inquiéter pour l’avenir.

Je sais votre mobilisation pour pérenniser l’octroi de mer, mais suffira-t-elle à convaincre la Commission de le proroger après 2014 ? La France sera-t-elle en mesure de fournir les informations étayées qu’attend la Commission et de trouver des alliés au sein du Conseil ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Oui, monsieur le sénateur, j’y crois profondément ! En effet, la Commission a bien pris conscience que l’outil « octroi de mer » était vraiment un outil de développement économique et une façon de protéger l’emploi.

Ainsi, même si la Commission a fait, dans son rapport, un certain nombre d’observations aux termes desquelles la part des marchés prise par les produits locaux n’est pas si importante, ou du moins équivalente aux produits importés, elle a surtout fait remarquer – et c’est un point positif ! – que, sans l’octroi de mer, bon nombre d’activités n’existeraient pas. C’est un signe qu’elle nous envoie !

En outre, le commissaire Semeta m’a personnellement rapporté que la Commission avait adopté les conclusions de ce rapport ; cela montre que la Commission a compris quel était l’intérêt de cet outil pour nos régions ultrapériphériques.

Ce principe étant acté au niveau européen, nous devons pouvoir justifier l’existence de l’octroi de mer : ce doit être notre deuxième objectif. C’est tout le sens de la mission que j’ai lancée sur la base des décisions prises lors du conseil interministériel de l’outre-mer. Nous devons établir des comparatifs entre les prix des produits locaux et ceux des produits importés, et fournir tous les justificatifs permettant d’attester, au travers de cet outil, que nous avons la volonté de développer l’activité, d’asseoir le développement endogène et de préserver l’emploi.

Les collectivités sont associées à cette réflexion. J’ai en effet souhaité qu’elles puissent, dans le cadre de cette étude, participer à l’élaboration du cahier des charges et soient membres du comité de pilotage. Je suis tout à fait disposée à recevoir d’autres éléments d’information. Je note d’ailleurs que les conseils régionaux de la Réunion et de la Guyane ont lancé des études parallèles.

Nous devons, tous ensemble, fournir à la Commission le maximum d’éléments d’information. Ceux-ci nous permettront, j’en suis persuadée, d’obtenir un avis favorable à la pérennisation de l’octroi de mer après 2014.

M. le président. La parole est à M. Éric Doligé, pour la réplique.

M. Éric Doligé. Je suis très satisfait de cette réponse !

En 2008, lorsque nous nous sommes rendus à Bruxelles dans le cadre du comité de suivi, nous avions tout lieu de craindre une réaction défavorable de la Commission. Nous avions constaté, à l’époque, en rencontrant nos représentants au niveau européen, qu’il existait un certain flottement sur ce dossier. En effet, ils ne semblaient pas vraiment convaincus de la justesse de la cause qu’ils étaient chargés de défendre.

J’ai le sentiment que les choses ont évolué dans le bon sens et que nous nous acheminons de plus en plus rapidement vers une solution positive, ce qui n’était pas le cas avant 2008.

Je vous remercie, madame la ministre, de nous faire part de façon aussi chaleureuse de votre conviction. Je n’y croyais pas en 2008. Votre intervention m’a rendu confiance !

M. le président. La parole est à M. Serge Larcher, président du comité de suivi de la mission commune d’information du Sénat sur la situation des départements d’outre-mer.

M. Serge Larcher. Madame la ministre, je souhaite revenir sur les accords de libre-échange conclus par l’Union européenne, au printemps 2010, avec certains pays d’Amérique du Sud, et vous interroger sur les mesures de sauvegarde dont la responsabilité incombe au gouvernement français.

En mai dernier, à l’occasion des questions d’actualité, je vous avais alertée sur l’impact potentiellement dévastateur, pour les économies des départements d’outre-mer, de l’accord signé en mars 2010 entre l’Union européenne, la Colombie et le Pérou.

Cet accord lève en effet les barrières douanières en matière de produits industriels et agricoles. Il permet notamment l’entrée dans l’Union européenne, et donc dans les départements d’outre-mer, de certains produits issus des pays aux coûts de production largement inférieurs. Or certains de ces produits, tels que la banane, le sucre, le rhum et l’igname, structurent l’agriculture de ces départements.

Cet accord fragilise donc le secteur agricole, secteur pivot des économies domiennes, et d’ailleurs consacré comme l’un des secteurs clés du développement endogène des départements d’outre-mer par la loi pour le développement économique des outre-mer, la LODEOM.

Je souhaite vous poser deux questions à ce propos.

D’une part, quelles initiatives avez-vous prises ou comptez-vous prendre, madame la ministre, afin que le préjudice causé aux départements d’outre-mer soit pris en compte au niveau européen et fasse l’objet des compensations nécessaires ? À ce titre, pouvons-nous espérer que la proposition de règlement dite POSEI, que la Commission a soumise au Conseil, soit complétée par des dispositions concrétisant cette compensation ?

D’autre part, de tels accords pourraient, à terme, être étendus à l’ensemble des pays de l’Amérique latine. Parallèlement, les négociations avec le MERCOSUR ont été relancées par la Commission européenne, qui affiche l’ambition de les conclure d’ici à quelques mois.

Quelles initiatives comptez-vous prendre, madame la ministre, afin que le devenir des départements d’outre-mer ne soit pas, une fois encore, sacrifié sur l’autel des intérêts de l’industrie européenne ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Monsieur le sénateur, le Gouvernement prend de nombreuses initiatives pour défendre les intérêts des régions ultrapériphériques dans la période qui s’ouvre.

Je tiens à vous dire, en préambule, qu’il est beaucoup plus difficile de négocier depuis que l’Union européenne compte vingt-sept États, et non plus quinze. Six États membres comprennent désormais des régions ultrapériphériques ou des territoires d’outre-mer. Cette donnée, il nous faut l’intégrer !

Par ailleurs, comme je le disais à Mme Gélita Hoarau, nous sommes actuellement dans une période charnière, dans la mesure où nous devons renégocier toutes les politiques de l’Union européenne, ce qui nous oblige à être particulièrement vigilants.

Quoi qu’il en soit, je ne ménage pas mes efforts. J’ai ainsi fait en sorte que le Gouvernement bénéficie d’une très grande visibilité sur l’action qu’il entend mener pour défendre les régions ultrapériphériques. Je suis donc intervenue afin que soit inscrit dès à présent dans la stratégie que nous nous apprêtons à définir, et qui est basée sur les conclusions du mémorandum, le principe des études d’impact systématiques.

J’ai également fait en sorte que les clauses de sauvegarde, qui existent bien puisque le principe en a été posé dans le cadre des APE, puissent fonctionner. En effet, nous ne savons pas, aujourd’hui, déclencher ce mécanisme. Nous devons donc définir les critères qui nous permettront, à un moment donné, de prévenir la Commission que notre production est en danger. Tel est l’objet de l’expérimentation actuellement en cours à la Réunion sur un certain nombre de produits agricoles. Dès lors que nous pourrons faire valoir les résultats obtenus devant la Commission, je proposerai que cette expérimentation soit étendue à l’ensemble de nos départements et régions d’outre-mer.

Le Gouvernement agit donc pour améliorer la situation de ses régions ultrapériphériques, en coordination avec les autres États membres concernés.

La France est également présente sur d’autres fronts, et le sera durant toute la phase de négociation. La période charnière se situera précisément entre les mois de juin et de juillet, lorsque nous aurons connaissance des grandes orientations de la politique de cohésion territoriale, ainsi que des perspectives budgétaires et financières de l’Union européenne pour la prochaine mandature.