PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Articles additionnels après l'article 21 ter (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité
Discussion générale

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Dossier législatif : projet de loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure
Discussion générale (suite)

Orientation et programmation pour la performance de la sécurité intérieure

Adoption des conclusions du rapport d'une commission mixte paritaire

M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (texte de la commission mixte paritaire n° 262, rapport n° 261).

Dans la discussion générale, la parole à M. le rapporteur.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure
Article 1er

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous arrivons aujourd’hui au terme de l’examen du projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure. Un an et demi s’est écoulé depuis son dépôt par Mme Michèle Alliot-Marie, alors ministre de l’intérieur.

Au cours de cette période, nous avons pu effectuer un travail approfondi pour améliorer le texte, y introduire des modifications inspirées des travaux antérieurs du Sénat et de la commission des lois, ou encore assurer une meilleure insertion dans notre édifice juridique des nombreuses dispositions introduites par l’Assemblée nationale en première lecture.

Le projet de loi qui résulte de ce processus est un texte riche, qui aborde de multiples aspects des politiques de sécurité en apportant à chaque fois une mise à jour salutaire, que ce soit dans le domaine des nouvelles technologies, des fichiers de police, de la vidéosurveillance, de la lutte contre la délinquance de proximité, de la prévention des violences sportives ou des violences commises dans les transports, ou encore des prérogatives des polices municipales.

Une grande partie des dispositions ainsi proposées avaient déjà fait l’objet, avant la réunion de la commission mixte paritaire, d’un accord entre les deux assemblées.

De nombreux apports du Sénat, concernant notamment le contrôle de la vidéosurveillance par la CNIL, la Commission nationale de l’informatique et des libertés, le renforcement de la police technique et scientifique et la lutte contre les violences sportives, avaient ainsi été approuvées par l’Assemblée nationale.

Les dispositions restant en discussion, soumises à la commission mixte paritaire qui s’est réunie le 26 janvier dernier, concernaient d’abord le régime de la vidéoprotection.

Comme je viens de le rappeler, l’Assemblée nationale a accepté les principaux apports du Sénat en la matière, puisque la compétence de la Commission nationale de l’informatique et des libertés pour le contrôle des systèmes n’a pas été remise en cause par les députés. Le désaccord final portait seulement sur la possibilité pour la CNIL de prononcer une mise en demeure suivie d’un avertissement public en cas de non-respect de la loi, possibilité introduite au Sénat par symétrie avec les dispositions relatives aux pouvoirs de la CNIL en matière de fichiers de données personnelles.

La CMP a permis de trouver un accord sur ce point : la CNIL conserve son pouvoir de mise en demeure ; en revanche, il revient in fine au préfet de sanctionner les manquements, par symétrie avec son pouvoir d’autorisation, ce qui semble légitime.

Par ailleurs, restait en discussion l’article 23 bis relatif à l’extension des « peines planchers ».

En effet, dans la ligne du discours prononcé par le chef de l’État à Grenoble le 30 juillet dernier, le Gouvernement avait souhaité, lors de l’examen du projet de loi par le Sénat en séance publique, que le dispositif des peines planchers soit étendu aux primodélinquants auteurs de violences aggravées ou de délits commis avec la circonstance aggravante de violences.

La commission des lois du Sénat s’y était opposée, considérant notamment que ce dispositif présentait un risque d’inconstitutionnalité. Toutefois, le Sénat avait adopté un sous-amendement de nos collègues Gérard Longuet et Jacques Gautier qui limitait le champ du dispositif aux violences les plus graves.

En seconde lecture, les députés étaient largement revenus au dispositif initialement souhaité par le Gouvernement et l’avaient même étendu à un certain nombre d’infractions supplémentaires, comme les violences sans circonstance aggravante. Le Sénat était alors revenu au texte qu’il avait adopté en première lecture.

La commission mixte paritaire a limité le champ de ces nouvelles dispositions aux délits de violences volontaires punis d’au moins sept ans d’emprisonnement.

Ainsi, les personnes ayant commis un délit puni de sept ans d’emprisonnement se verront appliquer, sauf décision spécialement motivée de la juridiction, une peine minimale de dix-huit mois d’emprisonnement. Les personnes ayant commis un délit puni de dix ans d’emprisonnement devront quant à elles être condamnées à une peine de deux ans d’emprisonnement.

La rédaction retenue vise notamment les violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente, celles ayant entraîné une ITT, ou incapacité temporaire de travail, supérieure à huit jours en présence d’au moins deux circonstances aggravantes ou commises sur un mineur de quinze ans par un ascendant ou une personne ayant autorité, les violences ayant entraîné une ITT inférieure à huit jours ou aucune ITT commises dans trois circonstances aggravantes, ou encore les violences commises en bande organisée ou avec guet-apens contre les forces de l’ordre ayant entraîné plus de huit jours d’ITT.

Par ailleurs, l’Assemblée nationale avait également souhaité en seconde lecture revenir aux dispositions proposées par le Gouvernement relatives à la possibilité de poursuivre un mineur devant le tribunal pour enfants par la voie d’une convocation par officier de police judiciaire.

En première lecture, ces dispositions avaient été rejetées par la commission des lois et n’avaient été adoptées par le Sénat que complétées par un sous-amendement qui avait restreint leur champ d’application.

Compte tenu du retour opéré par l’Assemblée nationale aux propositions rejetées par la commission des lois, le Sénat avait décidé de revenir à sa position de première lecture.

Sur ce point, l’accord trouvé par la CMP limite la possibilité ouverte au parquet de convoquer un mineur par officier de police judiciaire aux deux hypothèses suivantes : soit le mineur a déjà été condamné dans les six mois précédents ; soit une procédure a été engagée dans les six mois précédents et, le cas échéant, a donné lieu à une mesure alternative aux poursuites, par exemple.

Dans ces deux hypothèses, l’ensemble des renseignements utiles sur la personnalité du mineur et son environnement social et familial auront été recueillis et permettront au tribunal pour enfants de se prononcer en pleine connaissance de cause.

Concernant l’article 23 ter, relatif à l’allongement de la peine de sûreté pour les auteurs de meurtre ou d’assassinat contre les personnes dépositaires de l’autorité publique, les députés étaient revenus en seconde lecture à la rédaction initialement proposée par le Gouvernement.

En effet, les dispositions introduites par le Gouvernement avaient été sous-amendées par MM. Jean-Jacques Hyest, Gérard Longuet et Nicolas About afin que, comme tel est le cas pour les meurtres ou assassinats concernant les mineurs de quinze ans, l’allongement de la peine de sûreté ne vise que les crimes accompagnés d’une circonstance aggravante. Il était ainsi précisé que le meurtre devait être commis en bande organisée ou avec guet-apens. L’Assemblée nationale ayant écarté toute référence à une circonstance aggravante, le Sénat était revenu en seconde lecture à sa position initiale.

La commission mixte paritaire a permis de dégager un accord sur ces dispositions en prévoyant que, si les assassinats « simples » de personnes dépositaires de l’autorité publique seraient bien concernés par l’allongement de la peine de sûreté, seuls les meurtres commis en bande organisée se verraient appliquer ces dispositions.

La commission mixte paritaire devait également trouver des dispositions communes sur le couvre-feu des mineurs prévu par l’article 24 bis.

En effet, en seconde lecture, les députés avaient rétabli les dispositions qu’ils avaient introduites en première lecture concernant la possibilité pour le préfet de décider d’un couvre-feu à l’encontre d’un mineur déjà condamné, ainsi que celles qui se rapportaient à l’information du président du conseil général et du préfet par le procureur de la République sur les poursuites et les condamnations dont font l’objet les mineurs dans le département.

Dans la mesure où ces dispositions présentaient elles aussi un risque d’inconstitutionnalité et semblaient en outre d’application très difficile, le Sénat avait introduit à nouveau la sanction judiciaire d’interdiction d’aller et venir en lieu et place de la mesure administrative décidée par le préfet et supprimé les dispositions relatives aux échanges d’information entre le procureur, le préfet et le président du conseil général.

Sur ce point, la commission mixte paritaire me semble avoir trouvé un point d’accord satisfaisant.

Elle a ainsi maintenu les échanges d’informations relatifs aux mesures alternatives aux poursuites et aux jugements devenus définitifs prononcés à l’encontre des mineurs afin de développer la prévention et de promouvoir un plus large usage des contrats de responsabilité parentale.

En revanche, elle a retenu la position du Sénat s’agissant de l’interdiction d’aller et venir prononcée à l’encontre des mineurs : cette interdiction restera une sanction judiciaire prononcée par le tribunal pour enfants.

Il restait également à trouver un accord sur les dispositions de l’article 32 ter A relatives au vol de domicile introduites par l’Assemblée nationale en seconde lecture.

Le Sénat avait supprimé ces dispositions, estimant qu’elles étaient partiellement redondantes avec le droit en vigueur. En outre, la commission s’était inquiétée de ce qu’elles pourraient s’appliquer au cas de la séparation de deux concubins habitant le logement de l’un d’eux. Le propriétaire aurait alors eu la possibilité de porter plainte contre l’autre concubin avec les conséquences qui accompagnent cette plainte – éventuellement garde à vue ou expulsion par les forces de police –, alors même que celui-ci aurait eu un motif légitime – la présence d’un enfant commun, par exemple – pour souhaiter rester temporairement dans le logement.

Pour éviter les difficultés, la commission mixte paritaire a donc précisé que l’incrimination vise non pas les cas d’occupation non illicites à la base, mais seulement les occupations qui perdurent à la suite de l’introduction frauduleuse dans le domicile d’autrui.

Enfin, s’agissant de la possibilité de placer sous surveillance électronique l’étranger condamné à une peine d’interdiction du territoire pour des actes de terrorisme ou faisant l’objet d’une mesure d’expulsion pour un comportement lié à des activités à caractère terroriste, la commission mixte paritaire a accepté la position du Sénat, qui avait prévu l’accord de l’étranger. En effet, le consentement paraît indispensable pour assurer l’efficacité d’une telle mesure.

Mes chers collègues, je vous propose donc à présent d’adopter le projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, ainsi que les amendements de rectification qui l’accompagnent. Nul doute qu’il permettra aux forces de police et de gendarmerie d’affronter dans les meilleures conditions les défis auxquels elles seront confrontées au cours des prochaines années et d’accomplir leur mission à la satisfaction de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je commencerai par saluer le travail qu’ont mené en partenariat le Gouvernement et le Parlement.

Je remercie le président de la commission des lois, Jean-Jacques Hyest, le rapporteur de celle-ci, Jean-Patrick Courtois, qui, en tant que rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire, vient de résumer parfaitement l’essentiel des raisons qui nous réunissent ce soir, les rapporteurs pour avis des commissions des affaires étrangères et des finances, et, de façon générale, tous ceux qui ont apporté leur soutien au contenu et aux objectifs de ce projet de loi.

Le chemin parcouru depuis 2002 en matière de sécurité, n’est pas le fruit du hasard. L’amélioration constante, année après année, des chiffres de la délinquance globale, qui font incontestablement apparaître une tendance régulière à la baisse même s’il y a de nombreux points sur lesquels il faudrait, naturellement, que l’on progresse encore, est le résultat de mesures concrètes, de lois complémentaires et de textes ciblés.

C’est tout le sens de la LOPPSI, véritable « boîte à outils » présentée à votre vote.

Il y a eu près de quatre-vingt-cinq heures d’échanges, sur des sujets – M. le rapporteur l’a souligné – faisant l’objet de débats anciens, et je me réjouis que la majorité se soit rassemblée sur l’essentiel.

Le texte élaboré par la commission mixte paritaire est équilibré et les orientations définies par le Président de la République ont été approuvées.

Ce texte répond, j’en suis convaincu, à l’attente de nos concitoyens sur quatre orientations majeures au moins.

En premier lieu, nous nous assurons de l’effectivité de la réponse pénale.

Vous vous êtes engagés pour que les sanctions soient aggravées en cas de cambriolage et de vol au préjudice d’une personne vulnérable, qu’il s’agisse d’une personne âgée incapable de se défendre ou d’une femme enceinte.

Dans le même sens, vous avez approuvé que des peines planchers puissent être appliquées aux auteurs de violences graves, vous avez soutenu le placement sous bracelet électronique des terroristes assignés à résidence avant leur expulsion et vous avez approuvé que les biens saisis appartenant aux trafiquants puissent être vendus ou affectés aux forces de sécurité.

J’estime que ceux qui ont voté ces différentes mesures ont eu raison de le faire et, à l’inverse, je ne comprends pas les raisons pour lesquelles certains ne les approuvent pas.

En deuxième lieu, nous adaptons les outils opérationnels des forces de sécurité au développement des nouvelles technologies, sujet que nous avons longuement évoqué.

Je pense en particulier à la vidéoprotection qui – je le répète pour la quarante-sept millième fois – n’est pas la solution à tous les problèmes mais constitue un outil majeur en vue de résoudre ces derniers, et aux logiciels de rapprochement judiciaire. La lutte contre la pédopornographie sera ainsi renforcée. De même, la lutte contre le terrorisme ou la criminalité organisée sera facilitée par le recours à des outils modernes, à la hauteur des méthodes de certaines organisations criminelles.

En troisième lieu, nous nous assurons de la complémentarité entre les différents acteurs de la sécurité : partenariat, d’abord, avec les élus locaux, puisque les compétences des polices municipales sont renforcées, en parfaite complémentarité avec l’action de la police et de la gendarmerie ; partenariat, aussi, avec les acteurs de la sécurité privée. À ce propos, je tiens à dire que regretter la présence de cette dernière, comme j’ai entendu certains le faire, ne constitue pas un programme. C’est une posture dès lors que la sécurité privée est une réalité dans notre pays : elle emploie d’ores et déjà 120 000 personnes et en recrutera de 10 000 à 15 000 chaque année. Il faut donc quitter le domaine du regret idéologique, prendre acte de cette réalité et se demander comment former et encadrer les acteurs de ce secteur : c’est précisément ce que permet la LOPPSI.

En quatrième lieu enfin, nous renforçons la réactivité offerte par les mesures de police administrative.

Cela signifie tout simplement que sont repris les dispositifs dont il a été prouvé qu’ils fonctionnaient ; je ne comprends d’ailleurs pas que cela n’ait pas été salué sur toutes les travées, car chacun devrait s’en réjouir !

Ainsi, les initiatives prises avec succès contre les hooligans dans les stades vont être poursuivies, confortées et amplifiées.

La prévention de la délinquance des mineurs sera renforcée avec, désormais, la possibilité pour le préfet d’instaurer, sur un territoire donné, un couvre-feu pour les mineurs de moins de treize ans entre vingt-trois heures et six heures du matin. Là encore, je ne comprends pas les fantasmes que cette mesure suscite : il est tout de même plus responsable d’éviter aux mineurs de cette tranche d’âge de tomber aux mains ou sous l’influence des trafiquants et des dealers en les empêchant de traîner dans la rue.

Enfin, nous lutterons avec une efficacité accrue contre les irresponsables et les criminels de la route en leur confisquant immédiatement leur véhicule, et je serais curieux de savoir qui n’approuve pas cette mesure !

Je voudrais d’ailleurs souligner que la LOPPSI ne contient pas moins de treize mesures visant à renforcer notre arsenal face aux délinquants de la route, qu’il s’agisse – je l’ai dit – de l’immobilisation immédiate des véhicules des chauffards les plus dangereux, de la répression accrue des délits de fuite ou encore de la distribution d’éthylotests dans les boîtes de nuit.

Si le bilan de l’année 2010 fait apparaître des résultats encourageants – pour la première fois, nous sommes passés sous la barre des 4 000 tués –, les résultats du mois de janvier 2011 sont préoccupants.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Eh oui !

M. Brice Hortefeux, ministre. J’ai donc décidé de renforcer les mesures contre l’insécurité routière. Je présenterai donc jeudi, à Saint-Arnoult-en-Yvelines, un plan national de lutte contre celle-ci contenant des mesures opérationnelles concrètes qui viendront utilement compléter les dispositions contenues dans la LOPPSI et qui seront naturellement mises en œuvre dès la promulgation de cette dernière. Nous ne devons pas relâcher notre effort dans ce combat primordial et même indispensable.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la majorité a fait le choix de renforcer l’arsenal législatif afin d’être plus efficace sur le terrain. La délinquance est en perpétuelle évolution : nous devons sinon prévenir cette évolution, du moins nous y adapter au plus près, en étant constamment réactifs. Aussi, je vous le dis : ce vote nous engage, ce vote vous engage.

Le combat pour la protection de nos concitoyens doit tous nous mobiliser et, je l’espère, nous rassembler au-delà des clivages partisans. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier. (Mme Virginie Klès et M. Jacques Mézard applaudissent.)

Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l’heure où nous entamons le débat général après la commission mixte paritaire et avant le vote final du projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, je suis partagée entre le sentiment de satisfaction, les regrets et l’incompréhension, sans que cela me conduise jamais – monsieur le ministre, je vous rassure – à aller jusqu’à des positions excessives : satisfaction de voir affirmer quelques principes clairs pour le fonctionnement des forces de police et de gendarmerie, auxquelles vous me savez viscéralement attachée ; regrets face à certaines positions adoptées en CMP qui ont durci, inutilement me semble-t-il, le texte proposé par le Sénat ; incompréhension enfin au regard de cette propension à vouloir afficher toujours davantage une posture sécuritaire qui, dans le contexte sociétal actuel, a l’heur de plaire à certains.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, lors de l’examen en deuxième lecture de ce texte, mon ami Jacques Mézard affirmait bien justement que tous, dans cette enceinte, nous étions attachés aux valeurs fondamentales qui constituent le socle de notre République. Pourquoi alors nous faire loups et forcer notre talent au point de n’être plus jamais reconnus simplement pour ce que nous devons être et sommes pour le plus grand nombre, c'est-à-dire des femmes et des hommes d’honneur, respectueux de l’autre dans toute son intégrité, dans toute sa dignité ?

Je laisse à Jacques Mézard le soin de développer mieux que je ne le ferai les aspects de ce projet de loi qui contreviennent gravement à cette conception de l’homme que je voudrais généreuse et confiante en sa capacité de s’améliorer.

J’ai noté – et je sais que nous le devons à la détermination du président de la commission des lois et à la force de conviction de M. le rapporteur – quelques améliorations par rapport au texte issu de l’Assemblée nationale.

Je citerai pour mémoire les garanties apportées en matière de vidéoprotection – j’ai bien dit « vidéoprotection », et non plus « vidéosurveillance » – s’agissant du rôle dévolu à la CNIL, respectueux de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme et du Conseil d'État, ainsi que l’obligation faite à la commission nationale de la vidéoprotection de remettre au Parlement un rapport annuel qui permettra de vérifier l’efficience d’un dispositif qui, aujourd'hui, ne fait pas l’unanimité.

Je regrette en revanche la frilosité de certains parlementaires membres de la CMP qui, s’agissant du recueil de la photographie pour les documents d’identité, n’ont pas accepté d’aller jusqu’à supprimer l’obligation faite aux mairies de se transformer en photographes professionnels. Nous aurions pu faire amende honorable et reconnaître que le précédent dispositif n’était ni efficace, ni source d’équité, ni source d’économie.

Permettez-moi d’en venir à ce que nous avons tous, me semble-t-il, trop perdu de vue. Je veux parler du rapport, prévu à l’article 1er du projet de loi, sur les objectifs et les moyens de la sécurité intérieure à horizon 2013.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est en effet l’essentiel !

Mme Anne-Marie Escoffier. Son titre court et incisif – La sécurité partout et pour tous – ne vient-il pas justifier par lui-même tous les outils budgétaires, juridiques et administratifs proposés ?

Qui de nous ne verrait pas avantage à une approche globale de la politique de sécurité, à une optimisation des forces de sécurité intérieure dans le cadre du rapprochement police-gendarmerie, à la modernisation des forces en intégrant pleinement les progrès technologiques, en rénovant, enfin, le management des ressources et des modes d’organisation ?

Assurément, la police de sécurité fait l’objet d’une approche globale.

Police et gendarmerie sont complémentaires. Il est déjà loin le temps des guerres intestines entre ces deux institutions ; ce qui en reste est le fait des hommes et des femmes qui les composent et non plus des institutions elles-mêmes.

Entre police de sécurité et communes, se pose le vrai problème de l’efficacité réelle des « coproductions » de sécurité. Au-delà des mots, il y a les faits, têtus, qui s’obstinent à montrer que, au-delà du dialogue et des conventions-cadres, les forces de sécurité ne partagent ni les mêmes objectifs ni les mêmes moyens, et encore moins les mêmes compétences !

S’agissant du transfert à des personnes morales de droit privé de missions jusque-là exercées exclusivement par la police nationale ou par la gendarmerie, une extrême vigilance est de mise. Nous avons tous en tête certains « détournements », notamment dans des services privés de sécurité des aéroports, qui ont nécessité des rappels à l’ordre.

Demain, la vidéoprotection devra elle-même être protégée contre des utilisations irrégulières, abusives, voire illégales. Le texte qui nous est proposé est-il sur ce point suffisamment protecteur ? Nous nous interrogeons encore.

En ce qui concerne le rapprochement, et non pas la fusion, de la police et de la gendarmerie, les complémentarités opérationnelles sur le terrain se traduisent trop souvent par une redéfinition de la couverture territoriale, avec un redécoupage et des redéploiements fondés essentiellement sur le culte du chiffre.

Loin de moi l’idée de méconnaître l’intérêt des statistiques et des objectifs chiffrés, mais je ne peux pas non plus ignorer superbement le contexte géographique, humain, social et environnemental, tellement important dans nos zones rurales !

Avec vous, monsieur le ministre, j’ai un temps soutenu que le rapprochement entre la police et la gendarmerie ne serait jamais une fusion. C’est un principe essentiel de notre démocratie auquel je veux croire. Pourtant, il me semble percevoir des signes qui subrepticement tendraient à montrer que le statut militaire de la gendarmerie encombre plus qu’il ne sert notre République, en particulier chez les non-officiers.

Dans le long chapitre consacré à l’intégration des progrès technologiques, seule la vidéoprotection fait l’objet d’une disposition spécifique. C’est dire combien les équipements indispensables à la modernisation des forces de sécurité intérieure – tenues protectrices, véhicules, technologies nouvelles au service des victimes – sont éloignés des préoccupations sécuritaires visibles !

La dernière priorité – mais non la moindre – retenue dans l’annexe est donnée au management des ressources et au mode d’organisation.

Monsieur le ministre, comment mettre en adéquation cette priorité, qui est essentielle – chacun en conviendra –, avec la réalité ? N’avons-nous pas vécu ces derniers jours une révolte – pour vous, peut-être seulement un mouvement de mauvaise humeur – des CRS de Marseille et de Lyon, qui ont refusé de voir dissoudre leur compagnie ? Avez-vous été sensible à la détresse de leurs épouses descendues dans la rue ou à celle de ces policiers refusant d’accepter une réorganisation imposée dans des secteurs sensibles ?

Tout prouve aujourd’hui – le mouvement des magistrats, celui des personnels des forces de sécurité – que le Gouvernement ne peut continuer de se jouer de ceux qui donnent un vrai sens à notre devise républicaine.

Mme Anne-Marie Escoffier. Ils et elles sont respectables et doivent donc être respectés pour que vivent la liberté, l’égalité et la fraternité.

Vous aurez mesuré, monsieur le ministre, mon inquiétude face au texte que vous proposez et ne serez pas étonné que le plus grand nombre de mes collègues du RDSE – les exceptions seront très rares ! – ne le voteront pas. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 20 janvier dernier, la majorité du Sénat adoptait ce projet de LOPPSI II en deuxième lecture.

Le lendemain, vous annonciez, monsieur le ministre, le détail des chiffres annuels de la délinquance pour 2010. Je trouve que le Gouvernement impose au Parlement une méthode pour le moins paradoxale ! Avant tout vote sur ce projet de loi, il eût été plus pertinent d’en débattre à partir de l’analyse de chiffres précis, des nombreux rapports et analyses sur le bilan de votre politique et de vos multiples lois depuis 2002.

Vous justifiez l’inflation législative répressive que vous suscitez par la nécessité d’adapter toujours plus la réponse pénale et de prendre en compte les nouvelles formes de délinquance. Soit ! Mais pour quel résultat ?

Selon vous, la délinquance aurait baissé en 2010 de 2,1 % ; vos résultats seraient donc bons. Il me semble que cette appréciation mérite d’être relativisée quand, par exemple, le nombre des violences aux personnes – celles qui touchent le plus profondément nos concitoyens – ont une nouvelle fois augmenté de 2,5 %. Les femmes ont été particulièrement visées : les agressions sans arme sur la voie publique les concernant ont augmenté de 13 %.