M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini.

M. Jean-Marc Todeschini. Je remercie Mme la secrétaire d’État de m’avoir fait part de la réponse de M. Xavier Bertrand.

On nous annonce une vaste concertation, mais je peux d’ores et déjà affirmer que l’ensemble des élus locaux, y compris ceux de l’UMP, ont une position différente de celle du Gouvernement ! Je ne suis pas hostile par principe à une telle concertation, associant les élus locaux, les organisations syndicales et les ressortissants du régime, mais je sais trop bien que, en général, « modernisation » signifie « fermetures et restrictions »… Il sera de plus en plus difficile aux personnes concernées d’accéder aux soins si les structures de soins ferment, dans la mesure où elles ne peuvent consulter que des praticiens agréés ! Pour cette population, le facteur éloignement joue beaucoup, comme on a déjà pu le voir par le passé. J’espère que l’on entendra les acteurs de terrain !

deuxième plan maladies rares

M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, auteur de la question n° 1173, adressée à M. le ministre du travail, de l'emploi et de la santé.

M. Marc Laménie. Ma question concerne les délais et les conditions de mise en œuvre du deuxième plan consacré à la prise en charge des maladies rares.

Un premier plan, voté en 2004 pour la période 2005-2008 et doté de plus de 100 millions d’euros, a permis des avancées significatives dans les domaines de la recherche et du soin. L’année 2009 a été consacrée à l’élaboration du bilan de ce premier dispositif et à l’établissement, par l’équipe du professeur Tchernia, de propositions, regroupées selon sept thèmes, sur la recherche, l’information et le soin. Ces propositions ont été remises aux ministres chargés de la santé et de la recherche le 21 juillet 2010.

Le Gouvernement s’est engagé sur l’élaboration rapide d’un nouveau plan. Cependant, un certain nombre d’associations de malades ont fait part de leurs inquiétudes, s’agissant en particulier des délais.

Madame la secrétaire d’État, à l’approche de la quatrième Journée internationale des maladies rares, prévue le 28 février prochain, je souhaiterais avoir des précisions sur la mise en place de ce deuxième plan, ainsi que sur les actions s’y rapportant et les crédits mobilisés.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, chargée de la santé. Monsieur le sénateur, depuis la remise des propositions de l’équipe du professeur Tchernia, le ministère de la santé a entrepris un important travail de mise en forme du deuxième plan « maladies rares » à partir de celles-ci.

Le ministère a également engagé une concertation approfondie avec les acteurs, notamment les associations de patients atteints de maladies rares. Les principales associations ont été reçues par le cabinet de M. Xavier Bertrand et par le mien. Nous avons recueilli leurs observations sur le futur plan national « maladies rares ».

Je tiens à vous rassurer quant au calendrier, monsieur le sénateur : les travaux menés permettront la parution du plan avant la fin du mois de février.

Le nouveau plan capitalisera sur les points forts et les crédits du premier plan. Il renouvellera ainsi l’ambition en matière de lutte contre les maladies rares grâce à une enveloppe de mesures nouvelles.

Le plan se décline autour de trois axes : améliorer la qualité de la prise en charge des patients atteints de maladies rares ; développer la recherche sur les maladies rares ; amplifier les coopérations européenne et internationale.

En ce qui concerne le contenu et les objectifs principaux de ce plan, monsieur le sénateur, il s’agira notamment de faire évoluer les procédures et les critères d’évaluation des centres de références en matière de maladies rares, de mieux répartir les financements entre ceux-ci, de développer leur coordination, d’intensifier la rédaction des protocoles nationaux de diagnostic et de soins, de faire progresser le recueil des données épidémiologiques relatives aux maladies rares en s’appuyant sur une banque nationale de données, de développer les liens avec les acteurs du champ médicosocial et de créer une structure nationale d’impulsion pour la recherche sur les maladies rares.

Vous pouvez donc être rassuré, monsieur le sénateur, et les associations de malades avec vous, quant au respect des engagements pris par le Gouvernement en matière de prise en charge des maladies rares.

M. le président. La parole est à M. Marc Laménie.

M. Marc Laménie. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie sincèrement de votre réponse, qui témoigne de l’engagement du ministère sur le sujet.

Je me félicite de ce que vous soyez à l’écoute de l’ensemble des acteurs, en particulier des associations de patients. Je vous remercie des propositions que vous venez de présenter. Votre action s’inscrit, à l’instar de la recherche, dans une démarche de long terme.

construction du centre hospitalier universitaire en guadeloupe

M. le président. La parole est à M. Jacques Gillot, auteur de la question n° 1174, adressée à M. le ministre du travail, de l'emploi et de la santé.

M. Jacques Gillot. Madame la secrétaire d'État, comme vous le savez, la Guadeloupe se situe dans une région du globe à forte intensité sismique. Les événements qui ont touché Haïti l’an dernier nous ont amenés à prendre conscience avec encore plus d’acuité de l’impérieuse nécessité de tout entreprendre pour réduire l’incidence de ce risque inhérent à notre situation géographique.

C’est notamment dans cette optique que s’inscrit la reconstruction du centre hospitalier universitaire de Pointe-à-Pitre en conformité avec les normes parasismiques. La surface globale de cet établissement sera de 80 000 mètres carrés, pour une capacité de 770 lits.

Aux termes des premières estimations, les crédits nécessaires à la réalisation de ce programme de reconstruction du CHU, validé au titre du plan Hôpital 2012, s’élèveraient à 610 millions d’euros.

La déconcentration des activités de soins de suite et de réadaptation vers d’autres établissements permettrait de ramener ce projet à 714 lits, pour un coût estimé à 590 millions d’euros, une priorité étant accordée aux activités de médecine, chirurgie, gynécologie-obstétrique.

Néanmoins, il existe à ce jour de fortes inquiétudes quant au bouclage effectif de l’enveloppe financière nécessaire à la reconstruction du CHU.

Madame la secrétaire d’État, compte tenu de l’importance de cet équipement, nécessaire à la prise en charge dans de bonnes conditions des besoins de la population en matière de soins, j’apprécierais que vous me confirmiez l’engagement de l’État de financer la reconstruction du CHU à un niveau garantissant le bouclage du plan de financement des travaux, à hauteur de 590 millions d’euros, sachant que la part apportée par l’établissement est estimée à 90 millions d’euros.

Par ailleurs, dans le cadre des états généraux de l’outre-mer, a été prévue la mise en place d’un cursus complet des études médicales à l’université des Antilles et de la Guyane, l’UAG. Courant juillet 2009, le ministre de la santé avait confirmé la volonté de l’État d’assurer l’implantation en Guadeloupe d’un campus « santé » à proximité immédiate du futur CHU, regroupant des activités complémentaires de soins, d’enseignement et de recherche.

C’est d’ailleurs dans ce contexte qu’a été constitué, sous l’égide de la préfecture de Guadeloupe et en lien avec l’UAG, le conseil régional et le conseil général, un comité de pilotage chargé de l’élaboration d’un dossier unique entre la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane pour la mise en place de ce cycle complet des études médicales. Ce dossier doit être présenté au ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche et au ministre de la santé avant la fin de l’année 2011, afin que la conférence des effectifs de juin 2012 puisse prendre en compte cette opération. Le projet pédagogique est ainsi en cours de finalisation et sera présenté lors de la conférence interrégionale du 7 avril prochain.

Madame la secrétaire d’État, compte tenu de l’impérieuse nécessité, pour l’université des Antilles et de la Guyane, de disposer d’outils favorisant un enseignement supérieur de qualité, pouvez-vous me préciser quelles dispositions le Gouvernement entend prendre pour assurer la réalisation effective de ce campus « santé » en Guadeloupe ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, chargée de la santé. Monsieur le sénateur, vous avez appelé mon attention sur construction du centre hospitalier universitaire de Pointe-à-Pitre, en Guadeloupe.

La reconstruction de cet établissement en conformité avec les normes parasismiques a donné lieu à une aide de l’État pour l’acquisition d’un terrain de dix-neuf hectares en 2008, dans la perspective de l’inscription de cette opération dans le plan Hôpital 2012. Ce projet fait partie du protocole de fin de conflit signé en mars 2009.

Le plan santé outre-mer du mois de juillet 2009 prévoit la mise aux normes parasismiques des hôpitaux, donc du CHU. Le programme technique détaillé a été adressé par le CHU à la direction générale de l’offre de soins, la DGOS, au mois de février 2010. En septembre 2010, le comité des risques financiers présidé par la DGOS a préconisé la distinction d’une tranche ferme et d’une tranche optionnelle.

Un courrier de la directrice de la DGOS en date du 23 décembre 2010 a confirmé la demande d’une tranche ferme centrée sur le plateau technique et anticipant, en matière de capacités d’hospitalisation, le développement de l’activité ambulatoire. La tranche ferme et la tranche opérationnelle porteront le total des investissements à un maximum de 770 lits et places, pour 80 000 mètres carrés de surface dans œuvre.

Par ailleurs, ce courrier rappelle que les délibérations des collectivités territoriales sur les travaux de viabilisation sont attendues. Une réunion tenue le 3 janvier 2011 et des échanges techniques ont permis d’avancer dans la définition de chacune des tranches et dans l’évaluation de la part apportée par l’établissement.

La proposition du CHU, instruite par l’agence régionale de la santé, l’ARS, est actuellement examinée par l’administration centrale. La décision de financement de l’État suivra le bouclage définitif de cette phase technique.

Par ailleurs, le Comité interministériel de l’outre-mer du 6 novembre 2009 a retenu, au titre des grands projets structurants, la création d’un cursus complet de formation médicale aux Antilles. Les étudiants en médecine peuvent d’ores et déjà suivre sur place les trois premières années d’études. Actuellement, ils rejoignent les universités de métropole à partir de la quatrième année.

L’objectif est donc d’organiser l’enseignement aux Antilles pour les années suivant la troisième année. Le président de l’université des Antilles et de la Guyane, les préfets, les recteurs, les ARS, les élus territoriaux collaborent à l’élaboration d’un projet qui n’est pas encore finalisé, et donc qui n’a pas été présenté aux ministres chargés de la santé et de l’enseignement supérieur. C’est avec le plus grand intérêt que ce dossier sera examiné le moment venu.

M. le président. La parole est à M. Jacques Gillot.

M. Jacques Gillot. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse.

Cela étant, nous aurions souhaité un signal fort, propre à rassurer les professionnels de santé et les étudiants. Pour l’heure, nous demeurons inquiets.

M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures trente, est reprise à onze heures quarante.)

M. le président. La séance est reprise.

avenir des maisons d'arrêt

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, auteur de la question n° 1180, adressée à M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.

M. Jean-Pierre Michel. Je souhaite demander à M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, quelles sont ses intentions s’agissant de l’avenir des maisons d’arrêt et, plus généralement, de la carte judiciaire.

Le 26 juillet 2010, votre prédécesseur, monsieur le garde de sceaux, a annoncé la fermeture d’un certain nombre de maisons d’arrêt. Cette décision hâtive, qui n’est assortie d’aucune vue d’ensemble, ne prend en considération ni l’aménagement et l’équilibre territoriaux ni les conséquences économiques et sociales d’une telle mesure, notamment pour les personnels. Elle ne tient pas compte non plus de l’état réel des établissements concernés et des possibles rénovations.

Par conséquent, je souhaiterais savoir, monsieur le ministre, si vous êtes enclin à mettre en œuvre un moratoire et à engager une concertation générale sur la fermeture de certains établissements pénitentiaires, ainsi que sur les contours d’une future carte judiciaire. Je désirerais également connaître vos intentions en ce qui concerne plus précisément la maison d’arrêt de Lure, située en Haute-Saône, dans mon département. Cette ville sous-préfecture connaît un contexte très difficile puisque, depuis une dizaine d’années, elle ne cesse de perdre des services publics. En particulier, au 1er janvier de cette année, son tribunal de grande instance a été supprimé.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Monsieur le sénateur, comme vous l’avez rappelé, le 26 juillet dernier, mon prédécesseur, Mme Alliot-Marie, a annoncé la fermeture d’un certain nombre d’établissements pénitentiaires sur le territoire national, dans le cadre de la restructuration du parc immobilier pénitentiaire.

Cette restructuration vise à assurer des conditions dignes de détention et à garantir la mise en œuvre des prescriptions de la loi pénitentiaire adoptée en novembre 2009 par le Parlement.

Par ailleurs, ce nouveau programme immobilier permettra d’augmenter les capacités d’hébergement de l’administration pénitentiaire, en vue d’améliorer le taux de mise à exécution des peines d’emprisonnement prononcées par les juridictions pénales et d’assurer l’encellulement individuel des détenus, conformément à la volonté du législateur.

Ainsi, dès la fin de l’année 2017, 14 000 nouvelles places remplaceront environ 9 000 places vétustes. La France sera alors dotée de plus de 70 000 places de prison, dont plus de la moitié auront été ouvertes après 1990. Par ailleurs, le Président de la République a annoncé la création de 5 000 places supplémentaires.

Dans ce cadre, la situation des établissements actuels a fait l’objet d’une première étude ayant conduit, en juillet 2010, à l’annonce de quarante-cinq propositions de fermeture d’établissement.

Ces propositions font aujourd’hui l’objet d’un nouvel examen dans le cadre d’une large concertation avec les personnels de l’administration pénitentiaire, mais aussi avec les élus locaux.

La maison d’arrêt de Lure est bien évidemment concernée par cette réévaluation.

L’expertise menée par les services de l’administration pénitentiaire a porté sur le chiffrage du coût des travaux de mise en conformité du bâtiment, de gros entretien, d’amélioration fonctionnelle, notamment avec la création de douches en cellule, et de mise aux normes au regard de la loi pénitentiaire, en particulier en ce qui concerne l’encellulement individuel et la création d’une unité de vie familiale.

Le coût de cette remise à niveau est estimé à plus de 4,5 millions d'euros. En outre, les travaux devraient être réalisés en site non exploité, ce qui nécessiterait la réaffectation du personnel et des détenus dans un autre établissement pendant une durée évaluée à un an.

Comme vous l’aurez compris, monsieur le sénateur, je n’ai pas encore pris de décision à l’heure actuelle. Je mesure bien l’attachement à ces établissements des personnels, qui ont construit leur vie sur leur lieu d’affectation, mais aussi des élus locaux, les emplois liés à la présence d’une maison d’arrêt et la « cantine » des détenus représentant un poids économique non négligeable.

Je compte prendre une décision à la fin du présent semestre. C’est donc à cette échéance que je pourrai vous indiquer quel sera l’avenir de la maison d’arrêt de Lure. En tout état de cause, je ne manquerai pas, auparavant, de m’entretenir avec les élus locaux et éventuellement de me rendre sur place, sachant très bien l’importance d’un tel établissement dans la vie locale.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel.

M. Jean-Pierre Michel. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse, qui témoigne du bon sens que l’on vous reconnaît en général. Je constate que vous n’oubliez pas que vous avez été chargé auparavant, au sein du Gouvernement, de l’aménagement des territoires ruraux. Tout cela est donc plutôt de bon augure, mais nous verrons quelle sera finalement votre décision.

Je rappelle tout de même que, pour le Grand-Est de la France, il était prévu de supprimer un certain nombre de petites maisons d’arrêt et de construire de très gros établissements. Or, on le sait très bien aujourd'hui, ces derniers sont difficiles à gérer ; c’est dans de telles structures que surviennent le plus de suicides et d’agressions et que les personnels pénitentiaires subissent le plus de pressions. Je crois donc que le maintien de petits établissements, comme celui de Lure, a tout son intérêt.

J’observe d'ailleurs que le bureau Veritas a certifié en juin 2010 la conformité de la maison d’arrêt de Lure aux règles pénitentiaires européennes. En outre, d’après ce que l’on en sait, la récente visite du Contrôleur général des lieux de détention n’a pas été catastrophique… Je crois donc possible d’aménager cette maison d’arrêt.

À cet égard, je souligne qu’il existe des projets – je porte moi-même l’un d’entre eux – visant à créer des centres pénitentiaires aménagés pour accueillir certains types de détenus, notamment ceux qui sont atteints de troubles mentaux légers ou souffrent d’addictions, par exemple. De tels détenus ne sont pas à leur place dans les grands établissements, où ils gênent. À Lure, ils pourraient trouver un accueil adapté, en lien d'ailleurs avec l’hôpital psychiatrique de la région, dont je préside le conseil d’administration.

adoption des enfants haïtiens

M. le président. La parole est à M. Alain Milon, auteur de la question n° 1176, adressée à M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.

M. Alain Milon. Monsieur le garde des sceaux, l’article 27-1 de la Convention de La Haye du 29 mai 1993 prévoit que, lorsqu’une adoption ne rompant pas le lien de filiation préexistant a été prononcée dans l’État d’origine de l’enfant, elle peut être convertie en une adoption produisant cet effet, à la double condition que l’État d’accueil le prévoie et – en substance – que le représentant légal de l’enfant ait donné un consentement libre et éclairé à cette conversion.

En 2001, la France a repris cette disposition à l’article 370-5 du code civil, afin que tous les enfants adoptés à l’étranger soient susceptibles de bénéficier de la protection maximale qu’accorde l’adoption plénière. Ce texte exige, pour la conversion d’une adoption étrangère équivalente à une adoption simple en adoption plénière, un consentement exprès à une rupture complète et irrévocable du lien de filiation préexistant.

Il n’est pas discuté que l’adoption en Haïti équivaut à une adoption simple de droit français, donc qu’un acte de consentement indépendant de celui qui est fourni dans le cadre de la procédure haïtienne doit être présenté aux tribunaux français en vue de la conversion.

Entre 2001 et 2009, selon le service de l’adoption internationale, le SAI, du ministère des affaires étrangères, 4 199 enfants haïtiens ont été adoptés par des Français, de sorte que l’on peut estimer à plusieurs milliers les adoptions haïtiennes ainsi converties au vu d’actes reçus par des notaires ou, plus rarement, par des juges de paix.

Durant toutes ces années, ni le SAI ni ses prédécesseurs n’ont averti les familles adoptives d’avoir à faire légaliser ces actes qui, comme ils ne sont pas nécessaires à l’obtention du visa, voire sont obtenus après l’arrivée de l’enfant en France, ne passaient pas par les autorités diplomatiques ou consulaires françaises.

Apparemment, les tribunaux et les cours d’appel, dans leur ensemble, ne se sont pas non plus préoccupés de l’exécution de cette formalité.

Au début de l’année 2010, le responsable du SAI a fait passer aux tribunaux, puis confirmé par une simple lettre adressée à un procureur de la République local, une information selon laquelle les « autorités haïtiennes » seraient « opposées » à ces conversions.

Seules preuves avancées de cette opposition, les juges de paix se seraient vu interdire de recevoir ces consentements, sans qu’il soit précisé ni quand ni par qui, et le commissaire du Gouvernement de Port-au-Prince aurait interdit à ses services, en septembre 2009, de légaliser les consentements reçus par des notaires.

Malgré les demandes qui lui ont été faites, le SAI n’a fourni aucun document d’origine haïtienne susceptible de confirmer cette information, dont on peut s’étonner d’ailleurs qu’elle n’ait pas fait l’objet d’une communication officielle au ministre de la justice et des libertés, vu sa gravité évidente.

Depuis quelques mois, les procureurs de la République, s’appuyant sur cette seule information, donnent à peu près systématiquement des avis défavorables aux conversions demandées, sous les prétextes les plus divers mais, de plus en plus souvent, au seul motif du défaut de légalisation des actes en cause.

Pourtant, dans la plupart des cas, ces actes sont antérieurs, parfois de plusieurs années, à l’interdiction alléguée, de sorte que celle-ci ne peut être la cause de l’absence de cette formalité.

Monsieur le garde des sceaux, pouvez-vous confirmer que l’absence de légalisation des actes de consentement, dont la finalité est seulement d’authentifier la signature de leur rédacteur et en aucun cas d’en approuver le contenu, interdit radicalement la conversion ? Dans ce cas, estimez-vous admissible que les tribunaux aient négligé leurs contrôles au point d’avoir accordé illégalement des milliers de conversions sans consentement légalisé depuis 2001 ?

En tout cas, comment envisagez-vous de contribuer à mettre fin à la disparité impressionnante de jurisprudence, non seulement dans l’espace mais aussi dans le temps, qui est actuellement constatée et qui est susceptible de s’aggraver après l’arrivée de plusieurs centaines d’enfants par convoi spécial à la fin de 2010, certains tribunaux refusant au second enfant d’une famille ce qu’ils ont accordé au premier au vu de dossiers parfaitement identiques, au risque de créer entre les enfants une disparité de statuts certainement peu conforme à leur intérêt ?

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Monsieur le sénateur, sur cette délicate question de la conversion des jugements d’adoption simple haïtiens en adoptions plénières, il me paraît important de rappeler deux points.

Tout d’abord, Haïti n’est pas signataire de la Convention de La Haye du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale.

Ensuite, le consentement libre et éclairé des parents qui confient leur enfant à l’adoption est exigé tant pour l’adoption simple que pour l’adoption plénière. Bien sûr, dans le cas de cette dernière, la rupture complète et irrévocable du lien de filiation préexistant qui en résulte impose une parfaite compréhension par les parents de naissance des conséquences de cet acte. C’est pourquoi, de manière générale, pour pouvoir convertir une adoption simple en adoption plénière, les juges doivent s’assurer de la réalité et du caractère éclairé de ce consentement.

En ce qui concerne la légalisation, la Cour de cassation a rappelé, par un arrêt du 4 juin 2009, que le non-respect de l’exigence de légalisation suffit pour refuser de reconnaître tout effet en France à un acte étranger. Depuis la fin de l’année 2009, le site internet du ministère des affaires étrangères et européennes informe les adoptants du refus des autorités haïtiennes de légaliser les consentements donnés en vue de l’adoption plénière, qui, comme vous le soulignez, monsieur le sénateur, n’existe pas en droit haïtien.

Il n’est bien sûr pas envisageable que les autorités françaises passent outre la volonté du Gouvernement haïtien à l’égard de ces enfants en légalisant elles-mêmes ces actes. Je vous rappelle que ce sont les relations de confiance existant entre l’État haïtien et la France qui ont permis l’arrivée en urgence en France d’enfants haïtiens en décembre dernier.

Pour ma part, j’ai rappelé aux procureurs généraux, par une dépêche du 22 décembre 2010, ces exigences imposées par le droit international public et la Cour de cassation, afin que des réquisitions adaptées soient prises sur l’ensemble du territoire français.

M. le président. La parole est à M. Alain Milon.

M. Alain Milon. Monsieur le garde des sceaux, je vous remercie de votre réponse technique à une question qui ne l’était pas moins…

Je comprends cette réponse, bien entendu, mais les familles qui ont reçu un enfant à Haïti sont aujourd'hui complètement déboussolées. Surtout, elles vivent très mal la façon dont elles sont traitées par les tribunaux, où, bien souvent, elles ont le sentiment d’être considérées comme des « voleuses d’enfants ». Il serait utile de faire le nécessaire pour améliorer les choses à cet égard.

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Nous veillerons à ce que l’accueil de ces familles soit amélioré.

M. le président. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à midi, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)