Article 11 bis
Dossier législatif : projet de loi relatif à la bioéthique
Article 12 bis

Article 12

(Non modifié)

Le chapitre Ier du titre III du livre Ier de la deuxième partie du même code est ainsi modifié :

1° À l’article L. 2131-2, les mots : « activités de » sont remplacés par les mots : « examens de biologie médicale destinés à établir un » ;

2° Au deuxième alinéa de l’article L. 2131-3, après les mots : « de l’autorisation », sont insérés les mots : « d’un établissement ou d’un laboratoire » ;

2° bis À la seconde phrase du dernier alinéa de l’article L. 2131-4, les mots : « analyses de cytogénétiques et de biologie en vue d’établir » sont remplacés par les mots : « examens de biologie médicale destinés à établir » ;

3° Le 2° de l’article L. 2131-5 est ainsi modifié :

a) Les mots : « analyses de cytogénétique et de biologie en vue d’établir » sont remplacés par les mots : « examens de biologie médicale destinés à établir » ;

b) Le mot : « elles » est remplacé par le mot : « ils ». – (Adopté.)

Article 12
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Article 12 ter (Nouveau) (début)

Article 12 bis

Dans un délai d’un an à compter de la publication de la présente loi, puis tous les trois ans, le Gouvernement remet au Parlement un rapport établissant le bilan détaillé des fonds publics affectés à la recherche sur les trisomies et les anomalies cytogénétiques.

M. le président. L'amendement n° 127 rectifié, présenté par M. Retailleau, Mme Hermange et MM. Vial, Bailly, Darniche, B. Fournier, Mayet et Revet, est ainsi libellé :

Compléter cet article par les mots :

et notamment sur les pistes de financement et de promotion de la recherche médicale pour le traitement de la trisomie 21

La parole est à M. Bruno Retailleau.

M. Bruno Retailleau. J’attends avec impatience de connaître l’avis de la commission et du Gouvernement sur cet amendement qui vise à rétablir une demande de rapport sur les pistes de financement de la recherche concernant la trisomie 21.

Il s’agit en effet de l’affection génétique la plus répandue en France : plus de 50 000 personnes en sont atteintes. Il faut aussi savoir que ces personnes vivent de plus en plus longtemps – et c’est l’occasion, ce soir, de rendre hommage à la science – puisque, depuis les années quatre-vingt, la durée moyenne de vie de ces malades a pratiquement doublé, passant de trente à soixante ans environ.

Autrement dit, bien que ces concitoyens malades, qui souffrent, vivent de plus en plus longtemps, curieusement, pas un euro d’argent public ne va à la recherche sur la trisomie 21. Dans le cadre du plan « maladies rares », pour la période 2011-2014, 180 millions d'euros sont destinés à la recherche, mais rien n’est prévu pour cette maladie.

Des chercheurs espagnols viennent de mettre au point une molécule, l’EGCG, qui a été testée sur trente patients, avec des résultats plutôt encourageants : elle a eu des effets positifs aussi bien sur la mémoire que sur la psychomotricité.

Par conséquent, il serait intéressant que le Gouvernement prenne au moins l’engagement de financer la recherche sur une affection qui touche une partie non négligeable de la population française.

Dans la mesure où l’on consacre au dépistage de cette maladie environ 100 millions d'euros, il serait logique de consacrer aussi des fonds à la recherche visant à améliorer le quotidien des personnes qui en sont atteintes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. Je rappelle les termes de l'article 12 bis, tel qu’il a été récrit par la commission des affaires sociales : « Dans un délai d’un an à compter de la publication de la présente loi, puis tous les trois ans, le Gouvernement remet au Parlement un rapport établissant le bilan détaillé des fonds publics affectés à la recherche sur les trisomies et les anomalies cytogénétiques. » Évidemment, cela concerne également la trisomie 21. Il me semble important de ne pas distinguer cette forme de trisomie ; sinon, il faudrait le faire pour toutes les autres.

Si aucun euro n’a été consacré à la trisomie 21 dans le cadre du plan « maladies rares », c’est tout simplement parce que cette pathologie n’en fait pas partie. Pour qu’une maladie soit considérée comme rare, il faut que moins de 30 000 cas soient recensés sur le territoire national. Or on en dénombre plus de 50 000 pour la trisomie 21.

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Le Gouvernement s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée. Néanmoins, je rejoins les arguments avancés par M. le rapporteur.

Monsieur Retailleau, vous m’avez interpellée sur la recherche à visée de soins par rapport aux efforts qui sont consacrés à la recherche concernant le dépistage et le diagnostic.

On compte un peu moins d’une dizaine de projets de recherche à visée de soins sur notre territoire, notamment ceux qui sont portés par la prestigieuse équipe de l’UMR ESPCI-CNRS conduite en son temps par Pierre-Gilles de Gennes. En tout état de cause, rien n’interdit de consacrer des financements publics plus importants pour développer ces recherches à visée de soins. On pourrait utiliser les fonds du programme hospitalier de recherche clinique, le PHRC. Mais, vous le savez, la mobilisation de ces fonds dépend de la pertinence et de la qualité des projets qui sont présentés.

Un rapport est prévu, qui portera sur l’ensemble des recherches sur la trisomie et qui permettra d’évaluer l’effort financier public consacré au développement de ces recherches.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 127 rectifié.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)

Mme Marie-Thérèse Hermange. C’est incroyable !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Incompréhensible !

Plusieurs sénateurs de l’UMP. C’est un vote contre la recherche !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Milon, rapporteur. Il est évident que je ne suis pas contre la recherche sur la trisomie 21 ; j’espère que vous l’avez compris et que, hors de cette enceinte, mes propos ne seront pas déformés. Dans la mesure où cet amendement concernait exclusivement la trisomie 21, alors que l'article vise toutes les formes de trisomie, je n’ai pu que voter contre.

M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote sur l'article 12 bis.

M. Bruno Retailleau. Il aurait été tellement simple de montrer que l’on voulait « mettre le paquet » sur la recherche, pour faire avancer les choses ! Mais non, on tergiverse !

Ce que je retiens, c’est que tout est tendu vers un seul et unique objectif. Tous les autres sont minorés ou repoussés sous le tapis ! Il n’est surtout pas question de s’engager dans une véritable politique de recherche à visée de soins. C’est la réalité ! Malheureusement, il n’y a pas d’équilibre !

Mme Raymonde Le Texier. L’article tel qu’il est rédigé a bien plus de portée que si l’on y avait ajouté votre amendement !

M. le président. Je mets aux voix l'article 12 bis.

(L'article 12 bis est adopté.)

Mme Raymonde Le Texier. Pourquoi celles et ceux qui prétendent vouloir soutenir la recherche n’ont-ils pas voté l’article ?

Article 12 bis
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Article 12 ter (Nouveau) (interruption de la discussion)

Article 12 ter (nouveau)

L’article L. 79-1 du code civil est ainsi rédigé :

« Lorsqu’un enfant est décédé avant que sa naissance ait été déclarée à l’état civil, l’officier de l’état civil établit un acte de naissance et un acte de décès sur production d’un certificat médical indiquant que l’enfant est né vivant et viable et précisant les jours et heures de sa naissance et de son décès.

« Un enfant est considéré comme viable s’il est né après un minimum de gestation de vingt-deux semaines d’aménorrhée ou s’il pèse un poids d’au moins cinq cents grammes.

« À défaut du certificat médical prévu au premier alinéa, l’officier de l’état civil établit un acte d’enfant sans vie. Cet acte est inscrit à sa date sur les registres de décès et il énonce les jour, heure et lieu de l’accouchement, les prénoms et noms, dates et lieux de naissance, professions et domiciles des père et mère et, s’il y a lieu, ceux du déclarant. L’acte dressé ne préjuge pas de savoir si l’enfant a vécu ou non ; tout intéressé pourra saisir le tribunal de grande instance à l’effet de statuer sur la question. »

M. le président. L'amendement n° 168, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Le sujet abordé par cet article est particulièrement délicat. Il s’agit de modifier les critères permettant de déterminer la viabilité d’un enfant.

La suppression de cet article, que sollicite le Gouvernement, ne signifie pas que celui-ci soit indifférent à la situation très douloureuse que vivent les parents concernés. Bien au contraire, depuis plusieurs années, suivant en cela les recommandations du Médiateur de la République, le Gouvernement a mis en œuvre de nombreuses dispositions pour adapter notre législation à la prise en compte de la perte d’un enfant sans vie, c’est-à-dire d’un enfant qui n’est pas né vivant et viable.

Ainsi, dès 2008, des dispositions réglementaires ont été adoptées afin de clarifier les conditions permettant l’établissement d’un acte d’enfant sans vie, de consacrer l’existence de cet enfant par la mention de son prénom sur le livret de famille, ou encore de permettre l’organisation de ses funérailles.

En outre, très récemment, à la fin du mois de mars, le directeur de la sécurité sociale a apporté des éclaircissements aux directeurs des caisses pour que les familles qui ont eu à vivre cette situation dramatique ne soient pas exclues du bénéfice des prestations sociales allouées à toute femme ayant vécu une grossesse.

Le Gouvernement s’attache donc, depuis de nombreuses années, à prendre en compte la douleur des familles en adaptant au mieux les différentes dispositions applicables.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je me dois maintenant de vous expliquer les raisons pour lesquelles nous ne pouvons soutenir l’article 12 ter, qui a été inséré par votre commission des affaires sociales.

La personnalité juridique apparaît dès lors qu’un enfant naît vivant et viable. La viabilité se définit comme la capacité, pour un nouveau-né, de s’adapter à l’environnement extra-utérin et de pouvoir y vivre. Le critère de viabilité doit donc s’apprécier, à travers un examen médical, pour chaque enfant, en vue d’établir éventuellement la personnalité juridique et donc les éventuels droits qui s’y attachent. Le droit actuel prévoit cet examen médical au cas par cas. Or l’article 12 ter vient substituer à cette appréciation individualisée deux critères alternatifs purement anatomiques, constitués, l’un, par une durée de la grossesse d’au moins vingt-deux semaines d’aménorrhée, l’autre, par un poids fœtal d’au moins 500 grammes.

Cela revient à reconnaître automatiquement la personnalité juridique à un enfant dès lors qu’un seul de ces critères est rempli. La question de savoir si l’enfant est en mesure de s’adapter à son environnement extra-utérin est écartée. Ce n’est pas raisonnable.

De plus, l’introduction d’un « effet de seuil » pour caractériser automatiquement l’existence de la personnalité juridique va créer de nombreuses contradictions avec d’autres règles importantes de notre législation.

Comment articulerons-nous cette automaticité avec les situations dramatiques d’interruption médicale de grossesse, qui peuvent intervenir jusqu’à un stade très avancé de celle-ci ?

Les personnels de santé ne se verront-ils pas reconnaître une responsabilité médicale accrue une fois l’un ou l’autre des seuils atteint ?

On le voit, cet article n’atteint pas son objectif et sa mise en œuvre serait au contraire source d’une très grande complexité.

Mesdames, messieurs les sénateurs, l’ensemble de ces raisons, que je crois partagées par la commission des lois, justifie l’amendement présenté par le Gouvernement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. L’article 12 ter, que cet amendement a pour objet de supprimer purement et simplement, vise à permettre l’enregistrement à l’état civil des enfants morts-nés ou décédés avant leur déclaration ; on en compte à peu près 6 000 par an

La commission estime, comme le Médiateur de la République, qu’il s’agit d’un problème réel et important, qui doit être réglé par la loi. Elle a donc émis un avis défavorable sur cet amendement de suppression.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Je rappellerai simplement que, si la position de la Cour de cassation exprimée au début de l’année 2008 a pu faire naître une certaine insécurité juridique, le décret du 20 août 2008 a précisé les conditions d’établissement de l’acte d’enfant sans vie, qui est désormais délivré sur la base d’un certificat médical d’accouchement.

Les problèmes liés à l’accès à certains droits sociaux, tels que l’indemnité pour congé de paternité ou l’inscription de l’enfant sur le livret de famille, ont eux-mêmes été réglés par un décret du 9 janvier 2008.

Enfin, point essentiel, il serait problématique d’inscrire dans le code civil un seuil d’accès à la personnalité juridique indépendant des circonstances médicales propres au fœtus considéré.

Pour toutes ces raisons, et en tenant compte des engagements qui viennent d’être évoqués par Mme la secrétaire d'État, je propose de soutenir l’amendement du Gouvernement. Je précise que je n’émets là qu’un avis personnel puisque la commission des lois n’a pas été saisie sur ce point.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Godefroy. Nous sommes, bien entendu, opposés à cet amendement du Gouvernement, car il vise à remettre en cause celui que nous avons adopté en commission la semaine dernière.

Ce n’est pas la première fois que nous essayons de faire passer cette disposition relative à l’état civil des enfants nés sans vie et ce n’est pas la première fois que le Gouvernement s’y oppose. J’avoue d’ailleurs que je ne comprends pas pourquoi. J’aurais éventuellement compris, madame la secrétaire d’État, que vous nous proposiez une autre rédaction de l’article. Et les arguments avancés dans l’objet de l’amendement ne m’aident pas à y voir clair.

Vous dites, d’abord, vouloir éviter tout effet de seuil et faire dépendre la personnalité juridique de critères purement anatomiques. Certes, mais, en l’occurrence, ces seuils et ces critères, reconnus internationalement, sont garants d’une égalité de traitement. Or, aujourd’hui, les droits des familles concernées dépendent uniquement de l’appréciation du médecin : celle-ci n’a même pas besoin d’être justifiée et, le plus souvent, elle se matérialise d’ailleurs par une simple croix sur un formulaire ; d’où l’absence de droit de recours possible pour les familles, alors même que cette appréciation a des conséquences juridiques extrêmement importantes.

Je ne comprends pas non plus pourquoi vous évoquez un risque de remise en cause de l’IVG, à laquelle une loi est consacrée et qui contient des délais précis, indépendants de la notion de viabilité.

À la place, vous privilégiez le critère de l’accouchement, alors que, vous en conviendrez, c’est une notion beaucoup plus floue. Il a fallu une circulaire interministérielle de pas moins de treize pages pour préciser les conditions d’établissement d’un certificat d’accouchement.

Vraiment, je ne comprends pas pourquoi vous refusez cette référence à la viabilité, alors que, dans la plupart des pays européens, la loi fait explicitement référence à des critères de viabilité. Je vous renvoie à l’étude de législation comparée publiée par le Sénat à ce sujet en avril 2008, que la commission des lois a nécessairement eue à sa disposition puisqu’elle en a pris l’initiative.

Depuis l’invalidation des circulaires de 2001 et de 2008, la France est devenue le seul État où ces critères ne sont plus définis dans aucun texte.

J’ajoute que les critères de viabilité définis par l’Organisation mondiale de la santé font l’objet d’un large consensus et qu’ils avaient d’ailleurs été repris par les circulaires interministérielles. Les associations de soutien aux couples confrontés à un deuil périnatal ne remettent elles-mêmes nullement en cause la notion de viabilité ni les critères généralement admis pour la définir.

Si cette notion de viabilité est si importante à nos yeux, c’est qu’elle détermine une importante série de droits d’ordre civil, social et pénal, parmi lesquels la protection pénale du fœtus : vous ne pouvez ignorer que, selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation, la responsabilité pénale d’une personne ayant provoqué le décès d’un enfant à naître ne pourra être engagée qu’à la condition que l’enfant décédé soit né vivant et viable.

Vous évoquez également un décret de 2008 qui aurait résolu le problème. Je ne suis pas d’accord : ce décret n’est absolument pas relatif au premier alinéa de l’article 79-1 du code civil, mais concerne uniquement le deuxième alinéa, portant sur l’acte d’enfant sans vie, que le Gouvernement peut légitimement décider d’accorder sur la base d’autres critères ; il n’en reste pas moins que la notion de viabilité expressément visée au premier alinéa reste sans définition juridique.

Il est un dernier point de votre argumentaire que je ne comprends pas : vous faites référence, pour la détermination de certains droits sociaux, à une circulaire – encore une ! – du directeur de la sécurité sociale précisant les conditions d’octroi de prestations en fonction soit de la durée de la grossesse – on en revient, à mon avis, à la notion de viabilité –, soit de l’existence d’un accouchement.

Si nous en sommes là aujourd’hui, mes chers collègues, c’est précisément parce que la Cour de cassation a invalidé les précédentes circulaires, considérant que, s’agissant d’une question touchant à l’état des personnes, cela relevait du domaine de la loi. Dans ses conclusions, l’avocat général près la Cour, Alain Legoux, avait intentionnellement précisé que « ce n’est pas à [la jurisprudence] de fixer la norme, mais à la loi », ajoutant : « Quelle meilleure façon d’y inciter le législateur [que de casser les trois arrêts ? Cela] permettra au législateur de faire œuvre d’harmonisation. » On ne peut mieux dire !

M. Guy Fischer. Très bien !

M. Jean-Pierre Godefroy. La circulaire émanant de la direction de la sécurité sociale n’a pas davantage de valeur juridique et pourra donc être contestée devant les tribunaux.

De grâce, madame la secrétaire d’État, évitons de refaire les mêmes erreurs !

En proposant la suppression de l’article 12 ter, vous allez à contresens de l’objectif formulé par M. le Médiateur de la République, auquel vous-même avez fait référence. Certes, je ne suis pas son porte-parole, mais force est de reconnaître que tous ses écrits montrent qu’il demande instamment que ce problème soit réglé.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Je suis moi aussi très étonné par cet amendement du Gouvernement, car je garde un souvenir précis des débats précédents.

Nous avons évoqué la question lors de l’examen d’un projet de loi de simplification. J’ai entre les mains le compte rendu de la séance au cours de laquelle il nous a été dit avec force par plusieurs orateurs, notamment par M. Hyest, président de la commission des lois, qu’il était nécessaire d’en discuter dans le cadre non pas d’une loi de simplification, mais du projet de loi à venir sur la bioéthique. Nous y sommes !

Je veux aussi souligner l’admirable travail accompli par les services du Médiateur de la République depuis plus de deux ans sur ce sujet. (M. Jean-Pierre Godefroy acquiesce.) Ils ont bien voulu associer Jean-Pierre Godefroy et moi-même à leurs réflexions.

Il apparaît de manière extrêmement claire au Médiateur de la République, saisi de nombreuses situations concrètes, que la position de la Cour de cassation ouvre la voie à une obligation de légiférer. Faute de loi – d’ailleurs, cela a été explicitement dit, comme l’a rappelé Jean-Pierre Godefroy –, nous sommes dans une situation de grande incertitude.

Je veux soutenir avec beaucoup de force la position de la commission des affaires sociales. Je remercie d’ailleurs M. le rapporteur pour avis de la commission des lois d’avoir bien voulu préciser qu’il s’exprimait à titre personnel puisque cette commission n’a pas été saisie de l’amendement du Gouvernement.

À l’évidence, il est aujourd’hui nécessaire d’inscrire dans la loi une définition juridique de la notion de viabilité. Cette notion conditionne en effet le type d’acte d’état civil établi pour l’enfant sans vie et constitue l’un des deux critères conduisant à lui conférer la personnalité juridique.

Or décider qui, en droit, est une personne ou ne l’est pas, ne peut être laissé à l’appréciation diverse des médecins, des juges ou des circulaires. Cela relève, à l’évidence, de la loi.

J’ajoute que la notion de viabilité détermine une série de droits d’ordre civil, social et pénal. Elle intervient en outre dans quatre articles du code civil, à savoir les articles 79-1, 318, 725 et 906.

Je rappelle que la viabilité conditionne un certain nombre de droits sociaux. L’enfant né mort et viable ouvre droit au congé de maternité et, depuis peu, au congé de paternité, dans les conditions définies par le décret et l’arrêté du 9 janvier 2008. Jusqu’à présent, la sécurité sociale comprenait cette notion de viabilité par référence aux critères de la circulaire de 2001. Celle-ci étant invalidée pour défaut de base légale, les organismes sociaux sont conduits à accorder ces congés quel que soit le niveau de développement du fœtus décédé puisqu’ils ne peuvent plus invoquer de texte juridique justifiant de limiter l’octroi de ces prestations sociales aux enfants nés sans vie ayant atteint un certain stade de développement.

C’est ce qui a été clairement précisé par le Médiateur de la République, saisi, je le répète, de nombreuses situations.

Jean-Pierre Godefroy a parlé des aspects pénaux ; je n’y reviens pas.

Enfin, je précise que l’absence de définition juridique de la viabilité est source de contentieux et de dérives.

À défaut de critères objectifs de viabilité ayant force juridique, la procédure mise en place conduit à transférer la responsabilité de la prise de décision au corps médical au cas par cas, alors que c’est un sujet qui relève d’une décision de politique publique.

L’absence de décision législative est d’ailleurs source d’une inégalité de traitement entre les familles concernées.

Enfin, les critères de viabilité définis par l’OMS et repris par le texte de la commission font l’objet d’un large consensus, et il est tout à fait exact que des dispositions similaires existent dans pratiquement tous les pays d’Europe. Du reste, la France est devenue, depuis l’invalidation des circulaires de 2001 et 2008, le seul État dans lequel ces critères ne sont définis dans aucun texte législatif.

Voilà toutes les raisons pour lesquelles je crois très profondément qu’il faut soutenir la position de la commission des affaires sociales et rejeter cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Permettez-moi de revenir sur les critères de viabilité. Définis par l’OMS à partir de données épidémiologiques, ils sont appréciés par le médecin en fonction de la situation, au cas par cas. Dès lors, ce n’est pas dans le cadre législatif que nous devons décider si un enfant est viable ou non.

Ainsi, aux termes du texte proposé, un enfant né après vingt-deux semaines d’aménorrhée ou pesant plus de 500 grammes mais qui est anencéphale, par exemple, serait considéré comme viable. Or il ne l’est pas sur le plan médical.

En outre, j’insiste sur le risque qu’il y a à prévoir des seuils. Ainsi les interruptions médicales de grossesse qui seraient pratiquées au-delà de vingt-deux semaines d’aménorrhée pourraient être remises en cause puisque le fœtus serait considéré comme viable.

J’ajoute que les difficultés inhérentes aux prestations sociales qu’avait soulevées le Médiateur de la République ont été totalement réglées par la lettre du directeur de la sécurité sociale dont je parlais tout à l’heure. Aujourd’hui, il n’y a donc plus de problème.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 168.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 44 rectifié ter est présenté par Mme Hermange, M. P. Blanc, Mme Rozier, M. Revet, Mmes Giudicelli et Henneron, MM. Cantegrit, de Legge, Lardeux, Cazalet, du Luart, Lecerf, Darniche, Portelli, B. Fournier, Vial, Cointat, Retailleau, Pozzo di Borgo, Couderc, del Picchia, Bailly, Mayet et Pinton, Mme Bruguière, M. P. Dominati et Mme B. Dupont.

L'amendement n° 147 est présenté par Mme Payet.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Rédiger ainsi cet article :

Le code civil est ainsi modifié :

1° Le second alinéa de l’article 79-1 est complété par deux phrases ainsi rédigées :

« À la suite de son établissement et à la seule demande des parents, l’acte ainsi établi permet l’attribution d’un ou plusieurs prénoms, la reconnaissance de la filiation à l’égard de la mère et du père cités dans l’acte, ainsi que l’inscription, à titre de mention administrative, dans le livret de famille. Il autorise enfin les parents à réclamer, dans un délai de dix jours, le corps de l’enfant décédé pour organiser ses obsèques. » ;

2° Le premier alinéa de l’article 310-3 est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Elle peut également se prouver par l’acte d’enfant né sans vie. »

La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange, pour présenter l’amendement n° 44 rectifié ter.

Mme Marie-Thérèse Hermange. Tous les ans, on compte 5 000 à 6 000 enfants mort-nés ou nés sans vie.

Toutes les parties concernées par ces drames s'accordent sur la nécessité d’accompagner les parents et les familles.

Cet amendement vise à décrire, dans un premier temps, et le plus précisément possible, les conséquences de l'acte d'enfant né sans vie, tel que le prévoit le second alinéa de l'article 79-1 du code civil, et de compléter celui-ci pour mieux prendre en compte la douleur des familles, tout en rappelant que toutes ces prescriptions sont laissées à la libre appréciation des familles et que leur volonté doit être absolument respectée.