Mme la présidente. La parole est à M. Roland Ries.

M. Roland Ries. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le présent projet de loi prétend répondre à des exigences européennes. En tant que vice-président de la commission des affaires européennes du Sénat, j’ai choisi d’axer l’essentiel de mon intervention sur ce point.

En effet, l’objectif affiché du texte est de transposer, dans les délais impartis, trois directives européennes. Outre la directive Retour, relative à l’expulsion des immigrés illégaux et qui aurait dû être transposée depuis le mois de décembre dernier, le texte entend transposer la directive Carte bleue européenne, relative à l’immigration professionnelle hautement qualifiée, et la directive Sanctions, qui tend à pénaliser les employeurs faisant appel aux travailleurs sans papiers.

Je ne peux, dans un premier temps, que me féliciter de ce regain d’intérêt du Gouvernement pour le respect des procédures européennes. Il est vrai qu’au mois de novembre dernier, lors de l’examen de la proposition de loi portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit communautaire, nous transposions encore, sur l’initiative des parlementaires, des directives et des règlements qui auraient dû être appliqués, pour certains, depuis 2004.

Cependant, je m’élève avec force contre cette habitude d’ériger en bouc émissaire l’Union européenne. Je vais donc m’employer, ici, à rappeler les principes de base d’une transposition de directive européenne.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, vous le savez, la directive fixe uniquement l’objectif à atteindre et délègue le choix des solutions aux États membres. Si cette forme législative impose, certes, quelques contraintes, elle préserve, en revanche, contrairement au règlement, de larges espaces de liberté et d’interprétation. Les États membres peuvent notamment conserver leurs législations nationales dites « mieux-disantes ».

L’article 4 de la directive Retour dispose d’ailleurs : « La présente directive s’applique sans préjudice du droit des États membres d’adopter ou de maintenir des dispositions plus favorables pour les personnes auxquelles la présente directive s’applique, à condition que ces dispositions soient compatibles avec la présente directive. »

Or, dans le présent projet de loi, la transposition des directives est biaisée.

Premièrement, le texte ignore notre législation « mieux-disante ». S’agissant de la rétention, par exemple, la directive Retour a fixé une durée maximum de six mois – avec la possibilité de l’allonger à douze mois dans des circonstances bien précises – pour les pays n’ayant pas de délai maximal imposé. Le texte utilise cette disposition pour allonger le délai de rétention des étrangers en France et le porter de trente-deux à quarante-cinq jours.

Deuxièmement, des dispositions facultatives dans la directive sont rendues obligatoires dans le projet de loi, notamment la zone d’attente portative, qui fait office dans le texte européen d’exception en cas de situation d’urgence et tend à devenir la règle dans votre texte de transposition.

Troisièmement, enfin, de nombreuses dispositions étrangères aux directives sont venues s’ajouter au texte, comme la restriction de l’accès au séjour pour les étrangers malades ou les mariages gris qu’évoquait Mme Khiari. Le projet de loi avalise ainsi les amalgames entre les immigrés illégaux, les étrangers en situation légale, les ressortissants de l’Union européenne et les demandeurs du droit d’asile, qui sont aussi les victimes des dispositions transposées.

Monsieur le ministre, l’Europe a, encore une fois, bon dos. Le projet de loi exploite, en fait, toutes les potentialités sécuritaires, mais ignore les garanties des libertés fondamentales qui y sont normalement associées et que l’on retrouve dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Je prendrai un exemple précis : la directive impose aux États membres d’assurer aux étrangers le droit au recours, le droit à l’unité familiale, aux soins médicaux d’urgence et à la scolarisation des enfants mineurs, dans l’attente de l’exécution des mesures d’éloignement.

Or les dispositions du projet de loi en la matière vont à l’encontre de la lettre de cette directive et des autres. Avec l’allongement du délai de saisine du juge des libertés et de la détention, qui passe de quarante-huit heures à cinq jours, l’étranger pourra être laissé cinq jours sans voir aucun juge.

De même, le droit au recours concernant l’obligation de quitter le territoire et l’interdiction de retour sur le territoire français est limité : le juge doit statuer seul en soixante-douze heures, alors qu’une décision réfléchie et collégiale serait pourtant le meilleur moyen d’avoir une justice objective pour une décision qui aura des conséquences graves sur l’étranger, notamment en termes de vie privée et familiale.

Le projet de loi restreint ainsi de manière drastique les droits de la défense des étrangers. La prise en charge des mineurs étrangers n’est pas non plus évoquée dans votre texte quand la directive insiste pourtant sur la prise en compte de « l’intérêt supérieur de l’enfant ».

Monsieur le ministre, l’Europe, c’est aussi la Cour européenne des droits de l’homme. En tant que maire de Strasbourg, capitale européenne qui défend l’Europe de la paix et des droits de l’homme, et où siège cette Cour, vous savez que je suis particulièrement sensible à cette institution.

L’article 5 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales dispose notamment : « Toute personne arrêtée ou détenue [...] doit être aussitôt traduite devant un juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires et a le droit d’être jugée dans un délai raisonnable, ou libérée pendant la procédure. » Le projet de loi ne respecte en aucune manière cet article. À mon avis, la Cour ne manquera pas de s’opposer à son application.

Monsieur le ministre, cette Europe que vous cherchez à instrumentaliser sera, en réalité, le dernier rempart contre vos réformes régressives à l’égard du droit des étrangers. C’est la raison pour laquelle nous voterons contre le projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – M. François Fortassin applaudit également.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour permettre les derniers préparatifs de la retransmission par Public Sénat et France 3, à dix-sept heures, des questions cribles thématiques sur les problèmes énergétiques.

L’examen du projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité reprendra à dix-huit heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinquante, est reprise à dix-sept heures.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité
Discussion générale (suite)

7

questions cribles thématiques

les problèmes énergétiques

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle les questions cribles thématiques sur les problèmes énergétiques.

Je rappelle que l’auteur de la question et le ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes. Une réplique d’une durée d’une minute au maximum peut être présentée soit par l’auteur de la question, soit par l’un des membres de son groupe politique.

Ce débat est retransmis en direct sur la chaîne Public Sénat et sera rediffusé ce soir sur France 3, après l’émission Ce soir (ou jamais !) de Frédéric Taddeï.

Chacun des orateurs aura à cœur de respecter son temps de parole.

La parole est à Mme Évelyne Didier.

Mme Évelyne Didier. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, à la suite de l’accident nucléaire majeur qui touche le Japon, le Premier ministre a saisi l’autorité de sûreté nucléaire afin de réaliser une étude de sûreté des installations nucléaires visant à déterminer si des améliorations seraient nécessaires, en France, à la lumière des enseignements tirés de l’accident de Fukushima. Nous appuyons cette initiative et nous resterons vigilants sur la transparence et l’information due au public.

Cela étant dit, la mission telle que définie par le Gouvernement ne nous satisfait pas sur trois points.

Premier point : son objet. Nous demandons que l’audit porte sur toutes les installations nucléaires, y compris les installations militaires.

Deuxième point : les exigences requises en matière de sûreté ne sauraient se limiter aux cinq points énumérés. D’autres aspects doivent être envisagés, comme le vieillissement des matériels et des installations. Je suis particulièrement sensible à cette question au regard des inquiétudes légitimes que suscite la doyenne des centrales non loin de chez moi, la centrale de Fessenheim.

Mais surtout, au-delà des garanties techniques, nous sommes attachés à l’aspect social et managérial de la sûreté nucléaire. Je veux parler de l’organisation du travail, du recours à la sous-traitance et des garanties sociales. Les collectifs de travail, les habitudes de coopérations et la transmission des savoirs sont les fondements de la culture de la sûreté dans une entreprise.

Troisième point : l’étude doit être conduite dans des conditions garantissant la transparence et la publication des résultats avec une expertise contradictoire. Elle doit être menée sur le terrain, en association étroite avec les représentants des salariés, notamment les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, ou CHSCT.

Monsieur le secrétaire d’État, nos concitoyens ont le droit de savoir ; l’État a le devoir de les informer. Au regard de ces éléments, êtes-vous prêt à donner une traduction concrète à nos propositions afin que l’étude sur la sûreté concerne l’ensemble des installations nucléaires, que l’aspect social ne soit pas éludé et qu’elle associe de manière large les représentants de la société civile et ceux des travailleurs du secteur concernés.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Charles Gautier. Quel rapport ?

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation. Madame Didier, vous me permettrez tout d’abord d’excuser M. le ministre Éric Besson, qui, comme vous le savez, est actuellement aux États-Unis pour préparer le G8 sur le numérique et qui, de surcroît, aura l’occasion, au cours de ce déplacement, de faire le point sur un certain nombre de sujets liés aux questions énergétiques.

Vous avez raison, madame la sénatrice, l’exigence en matière de transparence et de sécurité est absolue dans le domaine du nucléaire. J’ai bien noté que vous vous réjouissiez que le Gouvernement ait annoncé, par la voix du Premier ministre, quatre jours après l’accident de Fukushima, le 15 mars, une revue critique de sûreté des centrales, confiée à l’Autorité de sûreté nucléaire, l’ASN, concernant les risques principaux, l’inondation, le séisme, la perte des alimentations électriques, la perte du refroidissement et la gestion opérationnelle des situations accidentelles.

Lorsque vous m’interrogez sur la participation des personnels et des représentants de la société civile, vous posez la question de la transparence. À ce sujet, le cahier des charges sera rendu public, de même que les résultats de l’audit sur l’ensemble des installations nucléaires, avec priorité aux centrales, comme cela a d’ores et déjà été dit par le Premier ministre.

Vous posez également la question précise des installations militaires. Il va de soi que la sûreté nucléaire est un sujet essentiel pour le ministre de la défense. Celui-ci veillera à ce que la sécurité de l’ensemble des installations soit vérifiée.

Mme la présidente. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour la réplique.

Mme Évelyne Didier. Monsieur le secrétaire d’État, vos propos confirment simplement les termes de la lettre de mission de l’ASN. En conséquence, je réitère mes questions.

Vous avez confirmé la transparence ; nous verrons ce qu’il en sera. Quant à moi, je vous confirme ma question concernant la transmission, l’aspect social et l’intégration. Il existe en effet un environnement qui favorise ou non la sûreté dans une entreprise, et particulièrement dans le nucléaire.

Je considère que je n’ai pas vraiment obtenu de réponse, mais vous aurez sans doute l’occasion de revenir sur ces points, monsieur le secrétaire d’État.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Boyer.

M. Jean Boyer. Monsieur le secrétaire d’État, permettez que je revienne sur la gestion gouvernementale de la filière photovoltaïque. Elle est dramatique. (M. Jean-Pierre Bel opine.) En effet, ce sont des milliers de projets, privés ou publics, qui ont été sacrifiés parce que le Gouvernement n’a pas eu l’objectivité de prévoir des quotas et des tarifs de rachat pour une durée déterminée. (M. Jean-Pierre Bel opine de nouveau.) Il a changé les règles avec une rétroactivité inacceptable, monsieur le secrétaire d’État, car les projets étaient fondés sur des conditions précises. Sans esprit polémique, je tiens à le dire, il n’y a pas eu de respect des engagements !

M. Jean-Pierre Bel. Absolument !

M. Jean Boyer. Il fallait clarifier les dimensions et les objectifs. Je veux parler en particulier des petits porteurs, lesquels représentent une réalité incontournable de la France rurale qui veut travailler, produire, avancer.

Aujourd’hui, monsieur le secrétaire d’État, il est trop tard et les dommages causés à de très nombreux porteurs de projets sont graves. Certes, il fallait réguler, mais il ne fallait pas casser une filière en changeant les règles en cours de route !

M. Roland Courteau. Il a raison !

M. Jean Boyer. J’ai dans mon département plusieurs dizaines d’agriculteurs qui, à l’inverse des investisseurs spéculatifs nationaux, ont établi des projets d’installations photovoltaïques sur des bâtiments agricoles. Compte tenu des difficultés du monde agricole, ces projets leur permettaient d’obtenir un complément de revenu nécessaire au maintien de leur activité.

M. Didier Guillaume. Eh oui ! Pour eux, c’est fichu ! On leur a menti !

M. Jean Boyer. Plusieurs d’entre eux avaient déposé leur projet dans les délais. Malgré les baisses successives des tarifs de rachat, ils avaient continué des démarches lourdes et coûteuses, s’élevant à quelque 20 000 euros. La plupart de ces agriculteurs ont engagé toutes leurs économies.

Un sénateur du groupe socialiste. Pour rien !

M. Jean Boyer. Aujourd’hui, après l’arrêté du 12 mars 2011, ils n’ont plus de nouvelles. Bien que leurs dossiers soient complets, ils sont toujours dans une attente insoutenable, monsieur le secrétaire d’État.

M. René-Pierre Signé. C’est l’indifférence !

M. Jean Boyer. Ils le savent, il fallait réguler. Mais il ne fallait pas pour autant casser la filière de ceux qui ont engagé des projets réfléchis et raisonnables.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Jean Boyer. Monsieur le secrétaire d’État, que comptez-vous faire pour redonner un peu d’espoir à ces agriculteurs et à d’autres qui, comme eux, sont en plein désarroi ? Quelle priorité donnez-vous au traitement de ces dossiers et à ces porteurs qui sont devenus – je me permets d’insister, monsieur le secrétaire d’État, car nous sommes assaillis par eux – des victimes innocentes ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Un sénateur du groupe socialiste. C’est un vrai scandale !

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. René-Pierre Signé. Il est embarrassé !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, vous avez parfaitement raison… (Ah ! sur les travées du groupe socialiste.) de souligner que le Gouvernement a changé les règles en cours de jeu. (Exclamations sur les mêmes travées.)

M. René-Pierre Signé. Ça avait trop bien commencé !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Mais s’il l’a fait, c’est parce que les objectifs fixés par le Grenelle de l’environnement ont été très largement dépassés. Or ces objectifs très largement dépassés pesaient sur le consommateur.

M. Roland Courteau. Ce n’était que des projets !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Vous avez raison de vous soucier de tous ceux qui se sont engagés et qui attendent de savoir quelle sera la règle.

Depuis la suspension intervenue, un nouveau dispositif de soutien a été présenté en mars dernier.

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Il prévoit une cible de nouveaux projets de 500 mégawatts par an pour les prochaines années.

Compte tenu des projets entrés en file d’attente avant la suspension, les perspectives de développement pour 2011 et 2012, qui restent soutenues, sont évaluées entre 1 000 et 1 500 mégawatts par an, soit davantage que la quantité installée en 2009 et 2010.

M. Marc Daunis. Vous tuez la filière française !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. La cible annuelle de 500 mégawatts sera réexaminée au milieu de l’année 2012 et pourra être revue à la hausse jusqu’à 800 mégawatts. Sur ces bases, les objectifs du Grenelle de l’environnement seront donc largement dépassés par rapport à la cible initiale.

Pour les projets d’une puissance supérieure à 100 kilowatts crête, qui sont ceux que vous mentionnez, un dispositif d’appel d’offres est en cours de préparation. Le cahier des charges sera élaboré avec la filière dans les prochaines semaines.

Vous avez raison, il sera indispensable de communiquer à l’endroit de tous ceux qui attendent les conditions d’exercice des nouveaux appels d’offres, arrêtées après négociations avec la filière.

M. René-Pierre Signé. Ils seront perdants !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Boyer, pour la réplique.

M. Jean Boyer. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse.

Dans la vie, quand on a eu un accident – j’en ai eu un il y a quelques semaines –, il faut en tirer des enseignements pour ne pas refaire le même parcours. Je ne prétends pas avoir de leçon à donner mais tirons ensemble des enseignements pour l’avenir.

En effet, le prix de rachat que vous avez fixé à l’injonction du biogaz issu de la méthanisation semble inférieur au coût de revient de la production d’électricité par biogaz aujourd’hui. Il devrait donc être relevé.

Il me semble indispensable que le Gouvernement ne cherche pas à faire de la communication sur la réussite d’un dispositif mais prenne en compte l’essentiel, à savoir la garantie et la pérennité des projets.

Monsieur le secrétaire d’État, à l’approche de la parution des décrets précisant les modalités d’injonction et les tarifs de rachat, par avance, je vous remercie très sincèrement et avec beaucoup de modestie de tirer les conclusions de la déception du photovoltaïque. Tout le monde préférera des tarifs raisonnables de rachat de biogaz, pourvu qu’ils soient au-dessus du coût de revient et, surtout, que leur stabilité soit garantie.

Mme la présidente. La parole est à M. François Fortassin.

M. Charles Gautier. Vas-y François !

M. François Fortassin. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la catastrophe nucléaire japonaise a provoqué une vive inquiétude chez nos concitoyens, qui ne sont d’ailleurs pas rassurés en apprenant l’allongement de la durée de vie des centrales nucléaires dont la maintenance sera, en outre, confiée à des sous-traitants.

En conséquence, les énergies renouvelables ont été remises au goût du jour. Un consensus existe dans de nombreux États pour préparer l’avenir énergétique. C’est une bonne chose mais, parfois, le développement de ces énergies se fait au détriment de la logique et du bon sens. On veut imposer un mode, pour ne pas dire une mode, en matière de production énergétique écologique.

S’agissant de l’éthanol et de la biomasse, je m’inquiète des répercussions que leur développement pourrait avoir sur la production alimentaire. Si le Brésil est un pays qui possède de vastes espaces où la production est satisfaisante, il n’en va de même de nos pays européens.

La plupart des énergies renouvelables ne peuvent pas être stockées et, par conséquent, elles ne peuvent pas être produites dans les moments où elles seraient les plus utiles.

Concernant l’éolien, intellectuellement intéressant, cette production d’énergie à partir de la force du vent est loin d’être satisfaisante dans beaucoup de circonstances. Quand il fait très chaud ou très froid, la pression est élevée, il n’y a pas de vent, donc les éoliennes ne fonctionnent pas. Quand les vents sont violents, cela ne fonctionne pas non plus, parce qu’il faut arrêter les éoliennes. Elles sont certainement très judicieuses…

M. René-Pierre Signé. Elles sont capricieuses !

M. François Fortassin. … dans les régions qui se trouvent en bordure de mer, parce que les vents sont réguliers. Mais ce n’est pas le cas dans toutes les régions françaises.

Il en va de même pour le photovoltaïque, qui fonctionne toute l’année mais beaucoup plus en été, alors que les besoins se font surtout sentir au cœur de l’hiver. Le bilan est donc plus que mitigé. Ne faudrait-il pas interdire les équipements au sol alors que des surfaces importantes – je pense aux toitures des bâtiments agricoles ou industriels, ou encore aux parkings très vastes qui jouxtent les centres commerciaux et les entrepôts – pourraient être aménagées avec des installations appropriées ?

L’énergie hydraulique est incontestablement l’énergie renouvelable qui présente le plus d’intérêt, mais elle requiert souvent de très lourds investissements.

Enfin, sachant que la meilleure énergie est celle que l’on ne consomme pas, ne serait-il pas nécessaire de réaliser en priorité des économies d’énergie, par exemple en rendant obligatoire l’isolation thermique de tous les logements destinés à la location ?

Monsieur le secrétaire d’État, je voudrais vous poser la question suivante : quelle politique le Gouvernement entend-il mener dans les quinze ans à venir pour développer de nouvelles énergies alternatives ? Peut-il nous garantir un avenir de ce côté ? (Applaudissements sur certaines travées du RDSE. – M. Jean Boyer applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, vous soulignez dans votre question l’un des inconvénients majeurs de l’éolien et du photovoltaïque, à savoir leur caractère intermittent.

L’électricité produite par ces deux filières dépend en effet fortement des conditions météorologiques, et elle est parfois « décorrélée » de la demande en électricité.

D’autres sources d’énergie renouvelable permettent toutefois de produire une électricité non intermittente à partir du biogaz, d’énergie hydraulique ou géothermique. Ces filières existent déjà dans notre pays et ont vocation à être développées plus fortement. En particulier, le tarif d’achat de l’électricité produite à partir de biogaz sera revalorisé avant la fin du mois pour accompagner l’essor de la filière méthanisation.

Il n’est cependant ni possible ni souhaitable que notre système électrique repose aujourd’hui exclusivement sur les énergies renouvelables. Pour fonctionner correctement, le système doit en effet disposer de moyens de production à puissance garantie : d’une part, des moyens de production de base – il s’agit de notre parc nucléaire –, d’autre part, de moyens de production de semi-base et de pointe, plus flexible – ce sont principalement des moyens de production hydraulique, mais également de moyens de production thermique, gaz et fioul, afin de répondre instantanément aux évolutions de la demande électrique, par exemple lors des pics de consommation le soir à dix-neuf heures en hiver.

Les énergies renouvelables permettent de diversifier ce bouquet énergétique – vous m’avez interrogé sur la stratégie à adopter ; en voilà un certain nombre d’éléments. Ces énergies contribuent à « décarbonner » notre électricité et à développer des filières industrielles françaises qui ont vocation à rayonner à l’international. Je pense notamment à l’éolien offshore pour lequel, vous le savez, le Président de la République a annoncé un certain nombre de décisions importantes : un appel d’offre de 3 000 mégawatts de capacité installée doit être lancé au mois de mai prochain sur un certain nombre de sites en France.

Vous avez évoqué les biocarburants, en particulier l’éthanol. Il est vrai que le risque de conflit alimentaire existe. C’est pourquoi le Gouvernement met désormais le cap sur ceux de la deuxième génération, qui ne sont pas en concurrence avec l’alimentation.

Pour conclure, j’évoquerai l’isolation thermique.

La nouvelle réglementation thermique pour les bâtiments est parue en 2011 et s’appliquera en 2012. Elle fixe un objectif qui est très ambitieux : 50 kilowattheures par mètre carré et par an.

Voilà quelques éléments précis qui répondent à votre question, monsieur le sénateur.

Mme la présidente. La parole est à M. François Fortassin, pour la réplique.

M. François Fortassin. J’ai écouté avec attention le discours incantatoire de M. le secrétaire d’État, de grande qualité sur le plan sémantique ! (Sourires sur plusieurs travées du groupe socialiste.) Pour autant, je ne suis pas vraiment convaincu, car j’en cherche vainement les lignes directrices.

Le biogaz, soit, mais quelqu’un ici peut-il me dire ce que sera sa production dans une dizaine d’années ? Ensuite, vous avez dit que l’hydraulique répond, par sa souplesse, à un certain nombre d’exigences. Cela, nous le savions déjà ! Dès lors, même s’il est pour moi très agréable d’être ici, j’aurais, à la limite, pu me dispenser de poser cette question. (Bravo ! sur les travées du groupe socialiste. – Mme Françoise Laborde et M. René-Pierre Signé applaudissent.)

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Fouché.

M. Alain Fouché. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, je me réjouis que ce débat ait été organisé, car l’accident nucléaire intervenu au Japon suscite des interrogations tout à fait légitimes en France.

Je tiens à rappeler que les règles relatives à la sûreté des centrales nucléaires varient d’un pays à l’autre. Surtout, elles ne sont pas les mêmes en France, au Japon et aux États-Unis.

Aussi, la sûreté de l’exploitation du parc nucléaire d’EDF fait l’objet de nombreux contrôles internes, par EDF, et externes, par l’Autorité de sûreté nucléaire.

Des inspections sont menées sur les sites, de façon programmée ou inopinée. En 2010, plus de 400 contrôles ont été réalisés.

À la suite de ces événements dramatiques, le Gouvernement a demandé à l’ASN de réaliser une étude de la sûreté des installations nucléaires françaises au regard des principales causes de l’accident en cours – séisme, risque d’inondation, perte des alimentations électriques, etc –, ce dont nous nous réjouissons.

Les résultats de cet audit seront connus d’ici à la fin de l’année 2011 et pourront conduire à un plan d’action pour renforcer la sûreté de ces installations.

Ne pensez-vous pas, monsieur le secrétaire d’État, qu’il est urgent de surseoir à la mise en place de la loi NOME, la loi portant nouvelle organisation du marché de l’électricité, et à l’arbitrage sur le prix de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique vendu par EDF à ses concurrents, tant que l’on ne connaîtra pas les charges que cette entreprise aura à supporter pour la mise en œuvre rapide de ce plan d’actions ?