Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, vous me demandez si le Gouvernement est favorable à l’organisation d’un grand débat sur l’énergie ? Or un tel débat a lieu chaque jour, et depuis des semaines maintenant. D’ailleurs, toutes les initiatives, tant parlementaires que gouvernementales, que j’ai annoncées tout à l'heure montrent à quel point on débat, dans notre pays, de la question de l’énergie, et je m’en félicite.

Vous avez évoqué le sommet de Copenhague. Mais je tiens à vous dire que les émissions de gaz à effet de serre sont moindres en France que dans la plupart des pays industrialisés, grâce, précisément, au mix énergétique, sur lequel portait votre conclusion.

Pour répondre à votre question relative aux carburants, sachez que, le 9 mars dernier, j’étais, sur le terrain, avec Christine Lagarde pour annoncer des mesures visant à renforcer les opérations de contrôle et à favoriser la transparence.

Tout d’abord, la mise en place de l’Observatoire des prix et des marges des carburants et du fioul – nous venons d’intégrer ce dernier élément – nous a permis de constater que les professionnels ont strictement respecté leurs engagements, en ne répercutant pas toutes les augmentations liées au prix du pétrole brut.

Ensuite, le Premier ministre a annoncé une revalorisation de 4,6 % du barème kilométrique des frais de voiture et d’essence, une décision que nous assumons. Il s’agit d’une mesure ciblée qu’il importait de prendre en direction des Français qui travaillent et qui roulent. Sont ainsi concernés 5 millions de salariés – 95 % d’entre eux sont modestes dans la mesure où ils sont en dessous de la deuxième tranche d’imposition du barème de l’IRPP –, 600 000 commerçants et artisans et 500 000 professions libérales. De surcroît, la contribution des professionnels du secteur à hauteur de 115 millions d’euros me paraît à la fois juste et efficace.

M. Roland Courteau. Ce n’est pas beaucoup !

M. David Assouline. Que fait Total ?

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Par ailleurs, concernant votre question précise relative à la rénovation thermique des logements, le programme « Habiter mieux » de l’ANAH, l’Agence nationale de l’habitat, a été doté d’une contribution supplémentaire de 250 millions d’euros, ce qui porte l’enveloppe totale à 1,35 milliard d’euros. Ce sont plus de 300 000 foyers précaires qui bénéficieront de cette mesure.

M. Marc Daunis. Parlons du total, de l’enveloppe globale !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Pour conclure, je reviens sur l’accident de Fukushima, profitant de l’occasion pour répondre à M. Raoul qui a également abordé cette question dans sa réplique.

Ainsi que je l’ai dit voilà quelques instants aux groupes CRC-SPG et UMP, la réponse du Gouvernement en la matière a été immédiate : audit, transparence et sécurité. Car c’est ce que nous devons à nos concitoyens !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Pour notre part, nous serons au rendez-vous de la transparence. J’espère qu’il en sera de même pour vous, et ce dans l’esprit de tolérance que j’ai appelé tout à l'heure de mes vœux.

M. David Assouline. Vous êtes devenu un évêque !

Mme la présidente. La parole est à M. Didier Guillaume, pour la réplique.

M. Didier Guillaume. Monsieur le secrétaire d'État, si nous appelons de nos vœux un grand débat sur cette question, c’est parce que, d’après un sondage réalisé la semaine dernière, six Français sur dix se déclarent mal informés sur la production de l’électricité nucléaire en France.

Mme Odette Terrade. Absolument !

M. Didier Guillaume. Ce débat doit dépasser le cercle des avertis, il doit être mis sur la place publique.

M. Didier Guillaume. Doivent y participer les associations,…

M. Marc Daunis. Bien sûr !

M. Didier Guillaume. … les élus locaux, les industriels tels que AREVA ou EDF, ainsi que l’ensemble de celles et ceux qui veulent s’exprimer sur le sujet.

M. René-Pierre Signé. Il a raison !

M. Didier Guillaume. Ce débat citoyen que nous appelons de nos vœux servirait à crédibiliser la démarche du Gouvernement et des acteurs du secteur. En effet, les Français ne veulent plus de ces discours manichéens dont on ne sait s’ils tiennent de la vérité ou de l’enfumage.

Enfin, vous ne nous avez pas fait part, monsieur le secrétaire d'État, de la vision du Gouvernement sur notre mix énergétique.

M. Roland Courteau. Il n’y en a pas !

M. Didier Guillaume. Faut-il, oui ou non, continuer dans le tout-nucléaire, réduire la part du nucléaire, augmenter celle des énergies renouvelables ?

M. René-Pierre Signé. Le Gouvernement hésite !

M. Didier Guillaume. Je pense que les citoyens se saisiront de cette question lors des prochaines échéances électorales. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Françoise Laborde et M. Yvon Collin applaudissent également.)

M. Roland Courteau. Nous aussi !

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous en avons terminé avec les questions cribles thématiques consacrées aujourd'hui aux problèmes énergétiques.

Avant d’aborder la suite de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante, est reprise à dix-huit heures.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

8

Décisions du Conseil constitutionnel

Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel, par lettres en date du 12 avril 2011, le texte de deux décisions du Conseil constitutionnel qui concerne la conformité à la Constitution, d’une part, de la loi organique tendant à l’approbation d’accords entre l’État et les collectivités territoriales de Saint-Martin, de Saint-Barthélemy et de Polynésie française et, d’autre part, la loi organique relative à l’élection des députés et des sénateurs.

Acte est donné de cette communication.

9

Discussion générale (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité
Exception d'irrecevabilité

Immigration, intégration et nationalité

Suite de la discussion d'un projet de loi en deuxième lecture

(Texte de la commission)

Mme la présidente. Nous reprenons la discussion en deuxième lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l’Assemblée nationale, relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité.

Je rappelle que la discussion générale a été close.

La parole est à M. le ministre.

M. Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les sénateurs, je tiens tout d’abord à remercier les orateurs qui ont tenu à s’exprimer, toujours avec conviction.

Je remercie aussi le rapporteur, M. François-Noël Buffet, d’avoir montré que le Gouvernement et votre commission des lois étaient parvenus à de nombreux points d’accord sur ce projet de loi.

Je vais profiter des interventions de chacun pour préciser les intentions du Gouvernement.

Comme l’a rappelé Mme Catherine Troendle dans une analyse lucide, courageuse et parfaitement documentée (Mme Alima Boumediene-Thiery s’exclame.), le Gouvernement place, depuis l’origine, sa politique d’immigration sous le signe de l’efficacité républicaine.

En 2003, nous avons souhaité disposer d’un cadre juridique pour faire face à la crise rencontrée, à l’époque, par le système d’asile.

En 2003 et en 2007, nous avons souhaité mieux maîtriser le regroupement familial.

Comme l’ont souligné plusieurs d’entre vous, notamment Mme Anne-Marie Escoffier, la situation actuelle des pays de la rive sud de la Méditerranée nous fait aujourd’hui un devoir d’être encore plus efficace dans notre politique migratoire. Cette situation demande que nous agissions dans un esprit de vigilance.

Au lieu de cela, certains – mais je respecte, bien sûr, leurs convictions –, comme Mme Éliane Assassi ou M. Richard Yung, proposent que la France ouvre sans condition ses frontières. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Richard Yung. Ce n’est pas ce que j’ai dit !

Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas ce qu’on dit ! C’est de la caricature !

M. Dominique Braye. Puisque vous aimez les référendums, faites-en un ! Vous verrez le résultat !

Mme Éliane Assassi. Vous n’étiez même pas là, monsieur Braye, alors s’il vous plaît !

M. Claude Guéant, ministre. Madame Éliane Assassi, vous dites en particulier que l’Europe devrait accueillir 10 millions de migrants supplémentaires pour compenser les effets du vieillissement démographique !

Mme Éliane Assassi. Ce sont les économistes qui le disent !

M. Claude Guéant, ministre. Je vous laisse assumer la responsabilité de ces propos et je vous invite à aller les expliquer à nos concitoyens.

M. Claude Guéant, ministre. D’autant que, je le rappelle, la population active de notre pays s’accroît de 100 000 personnes par an, ce qui pose d’ailleurs une interrogation par rapport à l’immigration légale de travail.

Je précise qu’il n’est pas du tout dans l’intention du Gouvernement de mettre un terme à l’immigration de travail ; …

M. Richard Yung. C’est nouveau alors !

M. Claude Guéant, ministre. … il y a des compétences techniques dont nous avons besoin. Mais, avec 2,7 millions de demandeurs d’emploi,...

M. David Assouline. 4 millions !

M. Claude Guéant, ministre. ... nous pouvons aussi faire quelques actions de formation professionnelle.

J’appelle, du reste, votre attention sur le fait que 24 % des ressortissants extracommunautaires sont demandeurs d’emploi, ce qui incite aussi à la réflexion.

Au Gouvernement, nous considérons que la politique que vous suggérez se ferait au détriment de la cohésion nationale et de notre capacité de bonne intégration des migrants qui sont déjà régulièrement installés sur notre territoire.

M. Dominique Braye. Très bien !

M. Claude Guéant, ministre. Vous dites que vous voulez réguler l’immigration, mais, dans le même temps, vous êtes contre toutes les dispositions qui permettraient cette régulation. (Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. Dominique Braye. Ils veulent faire gonfler le FN !

M. Claude Guéant, ministre. Puisque j’en suis au rétablissement de quelques vérités (M. René-Pierre Signé s’exclame.), je me permettrai de vous suggérer, mesdames Éliane Assassi, Alima Boumediene-Thiery, lorsque vous estimez opportun de me citer, de le faire exactement au lieu de déformer mes propos, voire de me prêter des propos que je n’ai jamais tenus et qui sont purement et simplement inventés. (M. François Trucy applaudit. – Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

Mme Éliane Assassi. Ben voyons !

M. Dominique Braye. C’est leur technique habituelle !

M. Claude Guéant, ministre. Le Gouvernement propose de faire preuve d’un juste esprit de pragmatisme.

Mme Éliane Assassi. Il faut assumer vos propos !

M. Claude Guéant, ministre. Pragmatisme, quand il s’agit d’augmenter la durée maximale de rétention administrative, qui reste, par ailleurs, la plus basse en Europe. Pragmatisme, quand il s’agit de réorganiser le contentieux de l’éloignement. (Mme Alima Boumediene-Thiery s’exclame.)

Le texte que nous discutons aujourd’hui est bien la traduction de notre politique.

Cette politique, c’est de bien accueillir les étrangers dont nous acceptons le séjour...

M. René-Pierre Signé. Ce n’est pas ce que vous avez dit hier !

M. Claude Guéant, ministre. ... et de refuser l’immigration irrégulière,...

M. Dominique Braye. Très bien !

M. Claude Guéant, ministre. ... qui, somme toute, n’est que la négation de la loi votée par le Parlement de la République. (MM. Alain Dufaut et Dominique Braye applaudissent.)

Et, puisque la politique du Gouvernement est mise en cause, je voudrais en dire quelques mots.

Elle est tout sauf une politique de stigmatisation ou de division.

M. Dominique Braye. Absolument !

M. Claude Guéant, ministre. C’est tout le contraire ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

La politique du Gouvernement est de reconnaître les problèmes...

M. Dominique Braye. Absolument ! Rocard l’a dit avant nous.

M. Claude Guéant, ministre. ... qui se posent à notre société au lieu de les nier, puis de leur apporter des réponses.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Ce n’est pas le problème !

M. Claude Guéant, ministre. Lorsque la majorité organise un débat sur la laïcité, après, du reste, les débats du parti communiste et du parti socialiste sur le même sujet,...

Mme Éliane Assassi. Mais pas à partir de l’islam !

M. Claude Guéant, ministre. ... son objectif est clair : il est de faire en sorte que la France n’oublie pas ce principe fondamental de notre vie sociale, la laïcité,...

M. René-Pierre Signé. Ne nous donnez pas de leçon !

M. Claude Guéant, ministre. ... afin que tous nos compatriotes, quelles que soient leurs croyances, vivent mieux ensemble dans le respect des consciences de chacun.

M. Dominique Braye. Absolument !

M. Claude Guéant, ministre. Les Français attendent de nous une meilleure efficacité dans la mise en œuvre de nos procédures d’éloignement.

Mme Éliane Assassi. C’est pour cela qu’ils votent Front national !

M. Claude Guéant, ministre. J’entends bien les remarques de Mme Anne-Marie Escoffier sur la transposition « bien tardive » de la directive Retour.

À mon tour, je ferai deux observations.

D’abord, ce délai est celui de la procédure parlementaire, gage d’un débat démocratique.

Ensuite, ce délai est partagé par nos différents partenaires européens. La France n’est pas toujours exemplaire dans les transpositions, mais, en l’occurrence, quinze autres États membres de l’Union n’ont pas encore transposé la directive, parmi lesquels l’Allemagne, l’Italie, la Belgique ou les Pays-Bas.

J’entends aussi les remarques de M. Roland Ries. Toutefois, vous me permettrez de dire que les directives européennes n’enlèvent rien à la capacité d’initiative du Gouvernement français, ni, du reste, du Parlement.

M. David Assouline. Sauf que c’est pour limiter les droits !

M. Claude Guéant, ministre. Vous me permettrez d’ajouter que, contrairement à ce que vous assurez, dans le projet qui vous est présenté, la personne placée en rétention administrative a, dès la première heure et pendant un délai de quarante-huit heures, la possibilité de contester sa mise en rétention et l’arrêté de reconduite qui la concerne.

M. Dominique Braye. M. Roland Ries est parti !

M. Claude Guéant, ministre. De plus, ce recours a un effet suspensif sur l’exécution de la décision de reconduite.

Ces points éclaircis, permettez-moi de revenir sur la réforme du contentieux de l’éloignement, particulièrement sur le délai d’intervention du juge des libertés et de la détention.

Je ne crois pas, le Gouvernement ne croit pas, que cette réforme, attendue, puisse être contestable juridiquement. La commission des lois en convient, puisqu’elle ne revient pas sur le principe même de cette réforme, qui rétablit l’ordre logique des interventions du juge administratif et du juge judiciaire.

À l’exception de plusieurs sénateurs de l’opposition, qui souhaitent l’abandon de cette réforme,...

M. Richard Yung. C’est exact !

M. Claude Guéant, ministre. ... c’est un point qui, je crois, fait consensus. M. François Zocchetto nous a d’ailleurs rappelé l’urgence qu’il y avait à agir pour clarifier une procédure rendue aujourd’hui illisible par « l’enchevêtrement des compétences ». C’est d’ailleurs l’expression qui avait été utilisée dans le rapport de la commission présidée par M. Pierre Mazeaud.

Le débat porte donc surtout sur le délai fixé à l’intervention du juge des libertés et de la détention dans la procédure de placement en rétention et d’éloignement. La commission des lois propose la fixation de ce délai à quatre jours à compter du placement en rétention, plutôt que cinq jours.

Monsieur François Zocchetto, permettez-moi de souligner que, dans sa jurisprudence, le Conseil constitutionnel n’a pas indiqué un délai ferme à respecter – vous le savez, puisque vous l’avez rappelé. (Mme Alima Boumediene-Thiery s’exclame.)

M. David Assouline. On n’est pas d’accord !

M. Claude Guéant, ministre. Je note seulement qu’il n’a pas censuré le délai de quatre jours pour le maintien en zone d’attente. En revanche, il a censuré un délai de sept jours pour la rétention en 1980. En l’état, rien n’indique qu’il s’opposerait à une durée de cinq jours. Je souligne que cette proposition a fait l’objet d’un avis favorable du Conseil d’État, qui a validé ce délai.

La réforme que nous proposons ne vise qu’à remettre ce contentieux à l’endroit. D’abord, le juge administratif contrôle la légalité de la mesure d’éloignement et celle du placement en rétention. Ensuite, le juge judiciaire autorise la prolongation de la rétention.

Il n’y a là que de la logique et aucune remise en cause de la compétence du juge judiciaire. Je rappelle d’ailleurs que le recours devant le juge administratif suspend l’exécution de la mesure d’éloignement.

Bien sûr, le Conseil constitutionnel vérifiera, lorsqu’il sera saisi, la conformité de ce texte à une combinaison de principes à valeur constitutionnelle, dont la bonne administration de la justice et la compétence de la juridiction administrative.

Je suis convaincu que son analyse confirmera le fait que notre réforme s’inscrit dans le respect du principe de proportionnalité. Je le disais dans mon propos introductif, les exemples étrangers nous poussent, en tout état de cause, à le penser.

Enfin, le texte que nous examinons confirme la place centrale du principe d’équilibre au sein de notre politique d’immigration.

Grâce à la commission des lois, tout particulièrement grâce au travail de votre rapporteur, nous sommes parvenus à un juste consensus sur la question du séjour des étrangers malades. Comme l’a justement rappelé M. François Zocchetto, le Gouvernement souhaite seulement conserver l’état du droit qui existait depuis 1998 et jusqu’au revirement jurisprudentiel de 2010, qui a été rappelé.

La rédaction proposée par le rapporteur et le président de la commission des lois est indiscutablement plus claire que le texte qui vous avait été soumis par le Gouvernement. Elle fait une ouverture en permettant à l’autorité administrative de prendre en compte des « circonstances humanitaires exceptionnelles » tirées de la situation personnelle du demandeur pour décider l’attribution du titre même si les critères ne sont pas remplis.

Voilà, madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les sénateurs, les premières réponses que je voulais vous apporter. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – Mme Anne-Marie Escoffier applaudit également.)

Mme la présidente. Nous passons à l’examen des trois motions qui ont été déposées sur ce texte.

Exception d’irrecevabilité

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité
Question préalable

Mme la présidente. Je suis saisie, par MM. Assouline, Yung, Sueur et Anziani, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, M. Patient, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, d'une motion n° 3.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l’article 44, alinéa 2, du règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi, adopté avec modifications par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité (n° 393, 2010-2011).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à M. David Assouline, auteur de la motion.

M. David Assouline. Monsieur le ministre, vous avez déclaré la semaine dernière qu’il convient désormais de « s’attaquer » à l’immigration légale. Ces propos, que vous avez confirmés tout à l’heure, éclairent d’un jour nouveau notre discussion sur ce texte.

En effet, lors de nos précédents débats, la ligne que vous et votre majorité défendiez, du moins en apparence, était la suivante : votre sévérité avec les immigrés sans papiers était proportionnelle à votre volonté de faciliter la vie et l’intégration des immigrés légaux. C’était du moins ce que disait M. Hortefeux lorsqu’il se piquait de générosité ! Ce credo était pourtant démenti par les faits, puisque vous n’avez cessé de durcir les conditions d’accueil et de vie des travailleurs étrangers légalement installés en France.

Ce matin, dans le Val-d’Oise, vous avez dit vouloir réduire l’immigration légale pour favoriser l’intégration des étrangers déjà installés. Si vous continuez sur cette voie, vous nous direz demain qu’il faut diminuer le nombre de naturalisations pour permettre aux naturalisés de s’intégrer !

M. Dominique Braye. Vous êtes le roi de l’amalgame !

M. David Assouline. Peut-être même que vous nous expliquerez ensuite qu’il ne faut plus naturaliser du tout pour garder la pureté d’une identité menacée. (M. Dominique Braye s’exclame.) Vous pouvez aller très loin comme cela, puisque c’est le Front national qui dicte maintenant vos orientations !

Je lisais encore tout à l’heure un tract de ce parti, que j’ai laissé sur mon siège. Il condamne la politique de Nicolas Sarkozy concernant l’immigration en suivant cette même logique : l’immigration clandestine ne serait pas tout ; les immigrés légaux ne pourraient plus être intégrés, notamment par le biais du regroupement familial, dans la situation de chômage que connaît notre pays.

M. Dominique Braye. Ils continuent à faire monter le Front national ! Ils n’ont fait que ça !

M. David Assouline. Vous avez obtempéré aux injonctions du Front national, qui, vous le savez, ne s’arrêtera pas en si bonne voie. Si vous continuez sur cette pente, vous briserez toutes les digues ! On ne pourra plus différencier ceux qui défendent la République, comme c’est le cas de tous ceux qui siègent dans cet hémicycle, et ceux qui guident vos orientations.

M. Dominique Braye. Vous la défendez, vous ?

M. David Assouline. Une telle évolution sera certainement de nouveau perceptible au cours de la campagne pour l’élection présidentielle, car elle n’est dictée ni par l’intérêt général ni par celui de notre pays.

Aujourd’hui, vous acceptez les reproches de ce parti et adoptez son analyse, selon laquelle le problème est non seulement lié aux sans-papiers, mais également aux immigrés légaux, trop nombreux. Mais vous le faites au mépris de la réalité. La France accueille 20 000 travailleurs étrangers légaux par an. Est-ce trop ?

M. Dominique Braye. Oui ! Allez voir ce qui se passe au Canada !

Mme Alima Boumediene-Thiery. Nous ne sommes pas au Canada !

M. René-Pierre Signé. Monsieur Braye…

M. Dominique Braye. Présent ! (Sourires sur les travées de lUMP.)

M. David Assouline. Peut-on soutenir de bonne foi que ces immigrés seraient pour quelque chose dans les problèmes de vie quotidienne et, en particulier, de chômage auxquels sont confrontés les quatre millions de nos concitoyens sans emploi ?

Votre rôle, en tant que ministre de l’intérieur, est de rassurer, protéger et agir pour la sécurité et contre l’explosion de la violence, laquelle n’a cessé d’augmenter au cours des dernières années. Occupez-vous sérieusement de ce problème, et cessez d’être l’éternel directeur de campagne de l’éternel candidat Nicolas Sarkozy ! Vous êtes ministre de l’intérieur ; il est Président de la République : occupez-vous de la France et de la vie quotidienne de nos concitoyens, qui en ont besoin ! Ils vous l’ont dit lors des dernières élections cantonales. Cessez d’alimenter les polémiques, les divisions et les stigmatisations. Surtout, ne venez pas nous donner des leçons sur la laïcité.

M. David Assouline. La laïcité repose, dans notre pays, sur un pilier fondamental, l’école.

M. Dominique Braye. Il faut voir ce que vous en avez fait !

M. David Assouline. C’est là que, par la connaissance, on accède à l’esprit critique, à la raison, à l’ascenseur social et à la possibilité de se dépasser, quelles que soient les origines sociales. C’est à l’école que l’on apprend à vivre avec les différences dès le plus jeune âge.

M. Dominique Braye. Quelque 25 % d’analphabètes à 17 ans !

M. David Assouline. Mais vous et votre famille politique n’avez de cesse d’affaiblir l’école publique, en privilégiant, chaque fois que possible, l’école privée !

M. Dominique Braye. C’est la réforme Jospin ! Tout le monde le sait !

M. David Assouline. Dans la vie quotidienne, votre famille politique a toujours combattu la laïcité. Nous n’avons donc aucune leçon à recevoir sur ce sujet.

M. David Assouline. Nous continuerons à porter fièrement cette valeur fondamentale, qui est à l’opposé de la stigmatisation. La laïcité est l’organisation du vivre-ensemble et de la tolérance dans notre pays.

Tel est donc le contexte qui préside à la deuxième lecture de ce projet de loi.

Toutefois, je vous poserai une question avant d’entrer dans le vif du sujet,…

M. Dominique Braye. Nous n’y sommes pas encore ?

M. David Assouline. … afin que tous nos collègues sachent à quoi s’en tenir quant à la sincérité et la vérité de nos travaux.

Certains d’entre nous vont de nouveau consacrer beaucoup de temps et devoir faire preuve de conviction pour tenter de faire évoluer ce texte, au moins le discuter sincèrement. Or, voilà quelques jours, devant des parlementaires de la majorité, le Premier ministre aurait déclaré,…

M. Dominique Braye. Il a ou il aurait ? Vous inventez !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Calmez-vous, monsieur Braye !

M. David Assouline. … et cela n’a pas été démenti, que le texte de l’Assemblée nationale serait adopté sans modification, quels que soient les travaux menés par le Sénat et les éventuelles modifications apportées.

M. Dominique Braye. Vous inventez encore !

M. David Assouline. Mes chers collègues, quelles que soient les travées sur lesquelles vous siégez,…

M. Dominique Braye. Ne nous amalgamez pas !

M. David Assouline. … vous pouvez juger ainsi de la considération et du respect que ce gouvernement manifeste, une nouvelle fois, envers notre assemblée. Nous allons faire semblant, de nouveau, de remplir notre rôle de parlementaire, pour faire croire que le Sénat sert à quelque chose. Pourtant, il a été d’ores et déjà décidé que c’est le texte de l’Assemblée nationale qui sera définitivement adopté.

J’espère que, à droite comme à gauche, nous montrerons, une fois encore, que ce texte peut évoluer. Car chaque fois que les choses se sont passées ainsi, tous les regards se sont alors tournés avec respect vers le Sénat.

Lors de la première lecture, notre assemblée avait tenté, ça et là, d’amender ce texte, qui aurait ainsi moins prêté le flanc aux critiques du Conseil constitutionnel. Je suis très heureux que, sur la question de la déchéance de la nationalité, contre laquelle j’ai tant œuvré, vous ayez fait machine arrière, même si ce n’est pas par conviction. Vous nous disiez à l’époque que nous nous trompions entièrement sur ce sujet. Mais peut-être avez-vous estimé que les dispositions en question ne résisteraient pas à l’examen du Conseil constitutionnel.

Quoi qu’il en soit, cette affaire est derrière nous et j’espère qu’elle ne reviendra pas par la petite porte dans les jours qui viennent. Car rien n’y fait, nos collègues députés de la majorité s’entêtent à vous suivre, monsieur le ministre, dans votre course effrénée et démagogique.

La vraie réponse, en matière de cohésion, devrait pourtant être la fermeté dans l’application des principes de la République et de notre Constitution.