Mme Renée Nicoux. C’est bien ce dont nous sommes persuadés !

M. Bernard Vera. Nous sommes loin du compte !

M. le président. La parole est à M. Bernard Vera.

M. Bernard Vera. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le débat qui s’ouvre aujourd’hui à l’occasion de l’examen de la proposition de loi visant à instaurer un nouveau pacte territorial, présentée par nos collègues socialistes, est très important. En effet, il dénonce très clairement les manquements de l’État à ses missions régaliennes et dessine des pistes pour trouver des solutions à la crise économique et sociale que nous traversons.

Cette crise est également une crise de confiance qui entache notre pacte républicain, comme en témoignent la colère et les inquiétudes des élus locaux. Au travers de la politique menée par le Gouvernement, ce sont les fondements mêmes de notre République, à savoir les principes de liberté, d’égalité et de fraternité, qui sont remis en cause par ses lois successives.

Au principe de la solidarité nationale, la majorité a opposé, depuis cinq ans, ceux de la concurrence entre les territoires, du repli identitaire, de la casse des mécanismes d’assurance collective, notamment dans le domaine de la santé et des retraites. Madame la ministre, la loi de finances rectificative que la majorité du Sénat vient d’adopter le prouve : votre politique bénéficie exclusivement aux plus fortunés.

Nous souscrivons évidemment à l’ensemble des constats que développent les auteurs de la proposition de loi dans l’exposé des motifs. Nous estimons comme eux que la mise en œuvre de la RGPP, le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux, la mise en concurrence des territoires et de leurs habitants, l’assèchement des ressources des collectivités territoriales et les transferts de charges non compensés, qui mettent les collectivités dans des situations intenables, ont eu un impact très négatif.

Contrairement au Gouvernement, nous estimons que la politique doit être pensée de manière durable, et non au travers de logiques comptables. En effet, une stratégie de recherche d’économies de court terme s’avère au final bien plus coûteuse pour la collectivité. La perte d’ingénierie publique a ainsi conduit à des échecs avérés, notamment lorsqu’un grain de sable ou un flocon de neige a suffi à enrayer le fonctionnement à flux tendu des services déconcentrés de l’État.

Nous souscrivons également à la volonté de doter les collectivités territoriales des ressources leur permettant de mener les politiques pour lesquelles elles ont été élues. Pour ce faire, il faut selon nous réviser non seulement la dotation globale de fonctionnement, mais également la fiscalité locale. Mais il nous semble aussi urgent de revenir sur la réforme des collectivités, qui conduit inexorablement à dévitaliser, au profit des intercommunalités et des régions, les échelons de proximité que sont les communes et les départements.

Nous partageons avec les auteurs du texte l’exigence de mise en œuvre d’une péréquation territoriale pour incarner le principe de solidarité et permettre l’égalité de tous devant les services publics. Il s’agit en effet d’un facteur de cohésion sociale sur l’ensemble du territoire. La péréquation doit toutefois se faire prioritairement par l’impôt. Il convient donc obligatoirement de revenir sur l’ensemble des cadeaux fiscaux accordés aux catégories les plus favorisées. Il est nécessaire de réorienter l’argent vers l’intérêt général.

Nous pensons qu’un changement politique majeur ne pourra s’engager sans un affranchissement préalable des contraintes insoutenables du traité de Lisbonne, qui enferme la France dans l’étau de l’austérité et d’un modèle économique ultralibéral.

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Qui l’a signé ?

M. Bernard Vera. Permettez-moi d’illustrer mon propos en m’appuyant sur quelques articles de la proposition de loi.

Concernant l’école, l’article 10 dispose qu’il est nécessaire de maintenir le nombre de postes d’enseignants et d’améliorer les conditions d’exercice de leur métier. Nous pensons, pour notre part, qu’il faut des enseignants plus nombreux et mieux formés. Nous estimons également qu’il est nécessaire de reposer la question de la finalité de l’éducation. Cette dernière ne consiste pas seulement à favoriser une insertion des jeunes dans la vie professionnelle, uniquement dictée par le marché de l’emploi, elle doit surtout viser à l’épanouissement d’adultes en devenir, en pleine possession de leur citoyenneté.

La question du logement est également un révélateur important de ces dysfonctionnements puisque la formation d’un marché spéculatif nourrit chaque jour davantage l’exclusion sociale. Pourtant, l’Europe indique aujourd’hui qu’il faut en ce domaine limiter l’intervention de l’État et que le droit au logement doit être reconnu non comme un droit universel, mais comme une simple assistance aux plus démunis.

En matière d’agriculture, s’il est nécessaire d’encourager une transition écologique, comme le préconisent très justement les auteurs de cette proposition de loi, une politique forte doit être menée en direction des territoires et de la diversification des cultures. Surtout, il est indispensable d’instaurer une véritable régulation des prix et des échanges dans le secteur agricole afin de garantir des prix rémunérateurs.

Concrètement, tous les indicateurs confirment qu’il ne s’agit ni de réguler le capitalisme ni de l’accompagner, mais de sortir de la financiarisation de l’économie et, parallèlement, de dégager d’urgence de nouvelles ressources pour financer des politiques de progrès pour tous, ce qui ne consiste évidemment pas à répartir le poids de l’austérité imposée par l’Union européenne.

Bien entendu, nous souscrivons aussi à la volonté de combattre la désertification des services publics sur le territoire national, non seulement dans les zones rurales, mais également dans les zones urbaines, puisque, partout, des hôpitaux, des tribunaux, des bureaux de poste ferment. (M. le rapporteur proteste.) Il convient selon nous de revenir sur les fondements de la politique gouvernementale, qui consistent à instaurer une concurrence libre et non faussée au service des usagers consommateurs.

Or l’expérience nous prouve qu’il s’agit là d’une impasse : les opérateurs ferroviaires de proximité, ou encore ceux des télécommunications, s’implantent prioritairement dans des zones rentables, laissant des pans entiers du territoire sinistrés. La question est donc bien celle de la conception même des services publics et de leur maîtrise publique.

À ce titre, tout le monde semble être d’accord pour moderniser l’État. Mais moderniser l’État, ce n’est pas l’amputer de ses missions pour confier ces dernières à d’autres échelons territoriaux ou au secteur privé ; c’est redéfinir l’intérêt de la nation et être capable de répondre concrètement aux besoins fondamentaux de nos concitoyens !

Moderniser l’État, c’est sortir du dogmatisme qui conduit à penser que le privé est toujours plus performant que le public.

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Ce n’est pas ce que nous pensons !

M. Bernard Vera. Aujourd’hui encore, nous avons la démonstration que cette théorie n’est pas fondée. Les partenariats public-privé s’avèrent en effet, selon une étude récente, plus coûteux que les marchés classiques.

Pour porter un nouveau pacte territorial et républicain, il faut donc s’attaquer à la répartition des richesses entre revenus du capital et revenus du travail, sortir de la dictature de la finance et de la libéralisation de l’économie. Il faut notamment créer un pôle public financier pour mettre enfin les banques au service de l’économie réelle et des territoires.

Vous le savez, nous avons toujours considéré qu’il fallait poser la question du service public en termes de réponse à des besoins fondamentaux. Par exemple, s’il est évidemment nécessaire de disposer de structures de soins de proximité, il est tout aussi indispensable que le service rendu y soit de qualité et accessible, ce qui ne semble évidemment pas d’actualité aujourd'hui, puisque la loi HPST a supprimé toute référence à un service public hospitalier.

Nous proposons donc comme préalable à ce pacte territorial l’abrogation de la réforme des collectivités territoriales, celle de la RGPP ainsi que celle des lois de privatisation.

Parallèlement, nous proposons la modernisation de la décentralisation en fonction du principe de proximité, afin d’optimiser les décisions publiques dans le sens de la satisfaction de l’intérêt général. Une telle modernisation passe par une redéfinition des rôles respectifs de l’État et des différents échelons territoriaux en France et en Europe.

Au rapport d’autorité que l’État instaure avec les collectivités, et qui conduit à la défiance, nous voulons renforcer le développement des coopérations. L’autonomie des collectivités territoriales doit également être réaffirmée, la démocratie participative encouragée et accompagnée d’une réforme de la fiscalité locale mettant enfin à contribution les actifs financiers des entreprises.

Permettre une nouvelle répartition des richesses empreinte de justice et un nouveau partage des savoirs et des pouvoirs, réaffirmer au final la primauté du politique sur l’économique et des peuples sur les marchés, voilà notre projet politique ! C’est la raison pour laquelle nous voterons contre le renvoi en commission du texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Pignard.

M. Jean-Jacques Pignard. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au début de mon mandat de sénateur, il m’est arrivé de me tromper de vote. Cette mésaventure m’a valu des sourires narquois et peu compatissants sur certaines travées. Je ne cache pas que, aujourd’hui, j’ai craint de m’être trompé à nouveau, non pas de vote cette fois, mais de lieu et de réunion.

J’avais tort : je suis bien au Sénat, et non pas dans une salle polyvalente. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Il s’agit bien d’un débat parlementaire, et non d’une réunion socialiste en vue des primaires pour l’élection présidentielle.

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Très bien !

M. Jean-Jacques Pignard. Nous sommes bien conviés à ce débat par un parlementaire du Massif central, et non par un député de la Corrèze ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Jacques Lozach. Il vous fait peur ?

M. Jean-Jacques Pignard. Qu’on ne s’y trompe pas : nous avons affaire à une « vraie-fausse » proposition de loi…

M. Jean-Jacques Pignard. … et à un « faux-vrai » catalogue électoral, sur la forme comme sur le fond.

Je commence par la forme.

Je vous laisse bien évidemment la paternité des formules, toutes marquées par l’outrance verbale, comme le fait de livrer « les biens publics aux appétits marchands » ou « la comptabilisation indécente des différentes coupes budgétaires ». L’intérêt général, selon vous, ne guide plus l’action publique.

Mais qu’est-ce que l’intérêt général ? Et qu’est-ce que l’indécence ? Ne pas remplacer un fonctionnaire partant à la retraite sur deux n’est chose ni agréable ni facile, mais ce n’est pas indécent.

Réduire les retraites ou les salaires de 15 % à 20 %, comme le font aujourd’hui les gouvernants de Grèce, du Portugal, d’Irlande ou d’Espagne – pour la plupart socialistes –…

Mme Renée Nicoux. C’est faux !

M. Jean-Jacques Pignard. … serait en revanche tout simplement indécent.

Il faut dire qu’ils n’avaient pas d’autre choix. À cet égard, prenons garde de ne pas être contraints un jour à des mesures que le FMI ou la Commission européenne nous imposeraient parce que nous ne les aurions pas prises nous-mêmes.

À titre personnel, je préfère l’homéopathie à la chirurgie ; à mon sens, l’intérêt général a tout à y gagner !

Les vingt-sept articles de la proposition de loi ne sont qu’un catalogue électoral. Vous le savez, la plupart d’entre eux sont dépourvus de portée normative : il en va ainsi de l’article 6, qui vise à mettre en place une conférence territoriale, de l’article 10, qui tend à élaborer un nouveau pacte éducatif ou encore de l’article 14, qui vise à instaurer un nouveau pacte national de protection et de tranquillité publique.

Ces vingt-sept articles forment un patchwork, pour ne pas dire un inventaire à la Prévert. À quand un vingt-huitième article prévoyant le retour des conseillers d’arrondissement institués par l’Assemblée constituante,…

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Tout à fait !

M. Jean-Jacques Pignard. … ou un article 29 revenant sur la suppression des sous-préfectures par Raymond Poincaré en 1926 ? (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Tout aussi surréalistes sont vos articles concernant la réforme territoriale ou la présence postale, qui ont donné lieu ici même à des dizaines, voire à des centaines d’heures de débats, et à des votes qui, certes, n’étaient pas conformes à vos vœux, mais qui, tout de même, étaient démocratiques ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

Surprenants, enfin, vos propos sur les pôles de compétitivité, réalisations qui, à vos yeux, n’ont qu’un seul tort : celui d’émaner de la majorité. Qu’on le veuille ou non, ces pôles constituent, comme d'ailleurs les pôles d’excellence rurale, des sources de développement économique important. J’en fais le constat tous les jours dans ma région et mon département.

Parlons maintenant du fond.

Y aurait-il dans cette assemblée des purs, qui défendraient le service public et la ruralité, et des pervers, qui en feraient litière ?

Beaucoup des questions que vous posez sont légitimes. Acceptez toutefois que nos réponses puissent diverger.

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Très bien !

M. Jean-Jacques Pignard. Le développement des territoires ruraux ne passe pas par le maintien sous perfusion financière d’« acquis territoriaux », comme il existe des « acquis sociaux ». En revanche, ce développement suppose la faculté, pour l’État, d’apporter des réponses adaptées aux besoins des territoires. La France rurale de 2011 n’est plus celle de Jules Méline : internet a remplacé le télégraphe Chappe ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Je ne prendrai qu’un exemple.

Dans un débat qui nous a beaucoup occupés, la réforme du service public postal, mon groupe avait déposé un amendement pour maintenir 17 000 « points de contact ». Certains sénateurs de l’opposition avaient alors dénoncé la suppression des bureaux de poste de plein exercice.

M. Bernard Vera. À juste titre !

M. Jean-Jacques Pignard. Soyons inventifs et pragmatiques : s’il faut assurer une présence postale sur l’ensemble du territoire, peu importe qu’une mairie, un commerce ou un bureau de poste assure le service public, pourvu que la mission soit remplie ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Claude Bérit-Débat. Mais qui paie ?

M. Jean-Jacques Pignard. Retirer un colis chez le fleuriste plutôt que dans un guichet jaune et bleu n’a pas de conséquence pour l’usager.

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Tout à fait !

M. Jean-Jacques Pignard. Je n’ai évidemment pas le temps de développer les vingt-sept articles qui nous sont proposés, mais les parlementaires avertis que vous êtes, mes chers collègues, savent bien que réunir dans un même texte hôpital, gendarmerie, poste,…

M. Jean-Jacques Lozach. Notre proposition de loi ne parle pas de La Poste !

M. Jean-Jacques Pignard. … fracture numérique et école n’a pas de sens.

Mme Renée Nicoux. Il s’agit de services publics !

M. Jean-Jacques Pignard. Ces débats ont eu lieu et ils auront lieu à nouveau, mais pas de cette façon ! (Ah ! sur les travées du groupe socialiste.)

Voilà pourquoi le groupe de l’Union centriste votera pour la motion tendant au renvoi en commission de cette proposition de loi. Du moins, c’est une formule, car le vrai débat n’aura pas lieu en commission, il aura lieu ailleurs, dans moins d’un an, avec tous les Français.

Aux questions que vous posez dans cette fausse proposition de loi, les uns et les autres apporteront leurs réponses. À dix mois de cette échéance, il serait un peu présomptueux de votre part de penser que seules vos réponses auront la faveur de nos concitoyens.

M. Jean-Jacques Pignard. L’avenir n’est à personne a priori, ni à vous ni à nous ! Il sera à ceux d’entre nous ou d’entre vous qui prépareront la France de 2012 à affronter les défis de ce monde et la dureté de ce temps ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Gérard Cornu. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Renée Nicoux. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Claude Bérit-Débat. Ça va changer !

Mme Renée Nicoux. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nos territoires ruraux sont un atout pour notre pays, comme vient de le dire Mme la ministre. Notre proposition de loi part du même constat, mais elle en développe la conséquence logique : il faut donner à ces territoires les moyens de rester des atouts.

Cette proposition de loi aurait pu nous fournir l’occasion d’aborder de véritables problèmes de fond. Je regrette donc que la majorité la balaie ainsi d’un revers de main.

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Mais non !

Mme Renée Nicoux. Sans nous faire aucune illusion sur le sort réservé à ce texte, comme d’ailleurs à la plupart des propositions de loi de notre groupe, nous espérions néanmoins susciter un débat sur les mesures concrètes proposées. Malheureusement, ce ne fut pas le cas en commission, et ce ne le sera pas non plus aujourd’hui dans cet hémicycle. Vous décidez de rejeter ce texte sans que nous puissions examiner avec attention les différents articles qui le composent.

M. Pierre Hérisson, rapporteur. C’est un programme électoral !

Mme Renée Nicoux. Or je peux vous affirmer que nos propositions sont loin d’être marquées du sceau de l’archaïsme, bien au contraire ! Ce ne sont pas des déclarations d’intention, mais des propositions concrètes, relayant les attentes d’une majorité de Français et d’élus, en dehors de tout clivage politique.

Je ne vous cache pas que ma surprise a été grande de constater, en commission, à quel point nos approches divergent quant au fondement même de cette proposition de loi, qui est pourtant simple : qu’ils soient périurbains ou ruraux, les territoires rencontrent aujourd’hui des problèmes aigus, dus notamment à la désertion des services de l’État, et il faut y apporter des solutions.

Pourtant, le rapport de la commission indique que notre constat est « largement excessif et orienté »,…

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Oui !

Mme Renée Nicoux. … que nos propos sont outranciers,…

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Oui !

Mme Renée Nicoux. … que nous portons des accusations sans fondement, et que, « à la lumière du panorama » de la politique menée actuellement par le Gouvernement, notre analyse est fausse !

J’en viens à me demander si nous vivons sur la même planète.

Mme Renée Nicoux. Nos concitoyens doivent faire face à la fermeture d’hôpitaux, de maternités de classes primaires, de gendarmeries et aux différentes restructurations judiciaires ou militaires qui vident nos territoires. Allez leur demander si notre diagnostic est excessif !

Allez demander aux élus locaux qui doivent répondre aux besoins croissants de leurs administrés, notamment dans les zones rurales, avec des budgets de plus en plus contraints, si nos déclarations sont dénuées de fondement !

Allez demander aux petits commerçants et artisans situés en zone rurale si leur situation économique n’est pas dramatique !

J’imagine bien que ce refus de tout dialogue n’est pas étranger au fait que certaines échéances électorales approchent : ce sujet est trop brûlant. Il vaut mieux repousser le débat qui, je l’imagine, trouvera toute sa place, je l’ai entendu annoncer tout à l’heure, dans le futur programme présidentiel de la majorité.

M. Pierre Hérisson, rapporteur. De l’opposition, plutôt !

Mme Renée Nicoux. J’espère bien que l’opposition abordera également ces questions !

Le rapport de la commission illustre parfaitement cette position : il critique longuement la forme de notre texte, mais se garde bien d’en aborder le fond. Il établit ainsi un catalogue à la Prévert des bonnes actions du Gouvernement en faveur de la ruralité, en oubliant soigneusement d’évoquer les effets dévastateurs de la RGPP, qui est menée parallèlement.

Or ces effets sont réels et notre analyse est très largement partagée par les élus, même parmi ceux de la majorité. J’en veux pour preuve la multiplication des rapports et les débats qui souscrivent à ce constat. J’en veux également pour preuve les séances de questions orales du mardi matin qui reflètent parfaitement le désarroi des élus de terrain.

Mme Renée Nicoux. J’en veux encore pour preuve la proposition de loi déposée le 15 février 2011 par une trentaine de députés de l’UMP « tendant à mettre en place un Plan Marshall pour la ruralité ». Son intitulé est plus qu’évocateur et son contenu symptomatique du malaise qui règne au sein même de vos rangs sur cette question, tout comme la décision de ne pas l’inscrire à l’ordre jour, d’ailleurs. Cette proposition de loi évoque bel et bien le désengagement de l’État de la politique d’aménagement du territoire, je vous l’assure !

Monsieur le rapporteur, je pense que notre constat n’est ni exagéré ni outrancier. Il est au contraire en phase avec les réalités locales et la crise que traversent actuellement nos territoires ruraux.

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Chacun son point de vue !

Mme Renée Nicoux. Vous nous indiquez que ce texte est prématuré.

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Oui !

Mme Renée Nicoux. Mais la situation est critique depuis de nombreuses années déjà, et il y a urgence ! Nous avons lancé le débat en janvier dernier ; maintenant, nous en venons aux propositions concrètes.

Face à l’aggravation des inégalités économiques, sociales et désormais territoriales, nous nous devons, en tant qu’élus de la République et représentants des collectivités locales, d’enclencher une nouvelle dynamique territoriale. La ruralité est, et doit rester, une chance pour notre pays, comme le démontre le vif regain d’intérêt des Français pour l’installation en zone rurale. La tendance démographique tend même à s’inverser : 75 % des cantons ruraux voient leurs populations augmenter et dix millions de Français aspirent à vivre en dehors des grands centres urbains.

Les pouvoirs publics doivent accompagner ce phénomène comme il se doit, en donnant réellement aux Français qui le souhaitent la possibilité de mener à bien leur projet de vie. Pour ce faire, nous devons mettre en place un nouveau pacte territorial. Nous devons restaurer et institutionnaliser le dialogue entre l’État et les collectivités territoriales, tant mis à mal ces dernières années.

Il nous apparaît également plus que jamais nécessaire d’assurer à nos concitoyens une organisation de l’offre de services publics, dans le respect d’un principe d’équité territoriale et de proximité. L’enjeu est crucial, car seul l’accès aux biens et services essentiels dans des conditions raisonnables permettra de maintenir les habitants sur un territoire et d’attirer de nouvelles populations.

Quand nous proposons de garantir un temps d’accès raisonnable aux services publics de santé, d’éducation et d’emploi, ce n’est par posture idéologique, mais bien par réalisme et par pragmatisme. Nous devons recréer les conditions d’égal accès des citoyens aux services publics sur l’ensemble du territoire. Sans infrastructures de transports adaptées, sans accès aux nouvelles technologies de l’information et de la communication, sans soutien aux activités économiques locales, nos territoires, qu’ils soient ruraux ou périurbains, n’auront pas de perspectives de développement adaptées aux attentes des Français.

Mes chers collègues, je regrette profondément cette occasion ratée d’engager un débat de fond sur des mesures concrètes pour un développement harmonieux de nos territoires et une plus grande prise en compte des spécificités rurales ou périurbaines, qui, à bien des égards, souffrent des mêmes maux. La commission renvoie à plus tard l’examen de questions qui, de toute évidence, embarrassent la majorité.

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Pas du tout !

Mme Renée Nicoux. Vous nous affirmez qu’il faut attendre les conclusions des trois missions communes d’information en cours.

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Oui !

Mme Renée Nicoux. N’est-ce pas une façon de refuser la réalité ?

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Non !

Mme Renée Nicoux. D’ailleurs, les travaux menés par la mission d’information sur les conséquences de la RGPP pour les collectivités territoriales et les services publics locaux le confirment : la réorganisation des services déconcentrés de l’État inspire aux élus locaux et aux Français un profond « sentiment d’abandon ». L’addition des politiques sectorielles menées depuis plusieurs années se traduit par d’importants dégâts collatéraux en termes d’aménagement du territoire.

Nous ne pouvons plus continuer dans cette voie ! Ces politiques privent nos territoires d’oxygène alors qu’ils ont besoin, au contraire, d’un nouveau souffle. Telles sont les raisons pour lesquelles le groupe socialiste estime urgent qu’un nouveau pacte territorial soit mis en place, un pacte territorial en phase avec les besoins de nos concitoyens et en phase avec les attentes des élus locaux. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.

Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, « le nouveau pacte territorial », voilà trois mots qui sonnent harmonieusement à mon oreille et ont éveillé ma curiosité autant que mon intérêt !

Comment en aurait-il été autrement pour une élue locale d’un département classé « rural » ? Ce département, qui joue aujourd’hui la Belle au bois dormant, espère son prince charmant et se désespère de sa vie végétative ; ce département s’est piqué le doigt au fuseau ou au rouet des réformes combinées de l’État et des collectivités territoriales.

Mme Anne-Marie Escoffier. Ce département jouit pourtant d’une richesse exceptionnelle, celle de ses femmes et de ses hommes, qui ont démontré depuis longtemps les valeurs fortes qui sont les leurs, qu’il s’agisse du travail, de l’engagement et de la solidarité. Malgré cet atout humain remarquable, voilà un département qui s’étiole et s’abandonne à une paresse maligne. Ce constat vaut, je le crois, pour d’autres départements ruraux.

La réforme de l’État, en resserrant le dispositif étatique sur le plan régional, en opérant, de fait, une « reconcentration », a singulièrement réduit la voilure des compétences du préfet de département : ses seuls vrais domaines d’action restent l’ordre public et la gestion de crise, les autres responsabilités étant dévolues à l’échelon régional.

Proximité, que n’a-t-on pas dit en ton nom pour te sacrifier sur l’autel de la RGPP !