M. le président. Sur les articles du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisi d’aucun amendement.

Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?...

Le vote est réservé.

Vote sur l’ensemble

Article 45
Dossier législatif : proposition de loi de libéralisation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je donne la parole à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je tiens à intervenir, car je ne m’inscris pas dans le consensus ambiant.

La commission mixte paritaire s’est réunie notamment pour mettre un terme à la divergence existant entre l’Assemblée nationale et le Sénat sur l’article 4, relatif à l’accès à titre accessoire des huissiers et notaires à l’activité de vente aux enchères. M. Houillon a déposé en CMP – où il a été adopté – un amendement tendant à introduire, pour l’appréciation de ce caractère accessoire, des critères établis par la jurisprudence. Il me semble toutefois qu’il aurait été plus pertinent de fixer un plafond précis, comme le souhaitait notre rapporteur.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. En effet !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Or il n’en a rien été.

Quoi qu’il en soit, nous regrettons, au-delà des modalités de mise en œuvre, le principe même de la libéralisation de la vente de meubles aux enchères dont nous avons déjà à déplorer les conséquences.

La proposition de loi a pour objectif affiché de préserver « la compétitivité du marché de l’art en France ». Or la compétitivité que vous tenez tant à conserver n’apparaît pas être celle des petites et moyennes structures nationales. En effet, à l’instar de la précédente loi sur le sujet, qui remonte à 2000, le présent texte est le résultat du lobbying intense des deux géants que sont Christie’s et Sotheby’s.

Il est donc bien difficile de croire en cette réforme et à la sincérité de ses objectifs. En effet, la proposition de loi n’oblige à rédiger aucune étude d’impact. En outre, les galeristes et les antiquaires n’ont pas été sérieusement auditionnés.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Mais si !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. J’en viens maintenant aux conséquences du texte. S’il prétend vouloir relancer le marché de l’art en France en dérégulant le fonctionnement des mises aux enchères, il provoquera en fait l’effet inverse en démantelant toutes les protections juridiques et en niant les spécificités culturelles de notre pays.

Les différents acteurs, qui assurent sur l’ensemble du territoire le maintien d’une économie locale dont nous avons besoin malgré tout, seront les premiers touchés. Avec la mainmise donnée par la proposition de loi aux géants, parce qu’il s’agit bien de cela, le caractère puissamment spéculatif du marché de l’art sera renforcé et ces petits acteurs n’auront plus qu’à mettre la clé sous la porte.

Aussi, bien loin d’être convaincus, nous avons de bonnes raisons d’être inquiets de la stricte application que ce texte opère de la directive Services. Nous persisterons donc à voter contre la proposition de loi.

M. le président. La parole est à M. Yann Gaillard.

M. Yann Gaillard. Mon propos consistera moins en une explication de vote qu’en un remerciement anticipé. Je suis en effet assez ému de voir aboutir le travail que Philippe Marini et moi-même avons initié, avec le concours très important de Marie-Hélène des Esgaulx, qui était à l’époque rapporteur de la commission des lois sur ce texte.

Depuis la réforme constitutionnelle, la discussion en séance publique porte sur le texte élaboré par la commission, et non plus sur la version initiale. Ce changement m’avait énervé à l’époque.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ah !

M. Yann Gaillard. Mais, tout compte fait, le texte de la commission était excellent.

La France est aux prises avec des géants, comme vient de le rappeler Mme Borvo Cohen-Seat. Il n’est donc pas négligeable d’avoir un instrument qui nous permette de nous défendre, de subsister.

Le marché de l’art doit être défendu de bien des manières, mais certainement pas en assujettissant les objets d’art à l’impôt de solidarité sur la fortune !

M. Christian Cointat. Très bien !

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire.

(La proposition de loi est adoptée.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinquante-cinq, est reprise à dix-sept heures.)

M. le président. La séance est reprise.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi de libéralisation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques
 

5

 
Dossier législatif : projet de loi fixant le nombre des conseillers territoriaux de chaque département et de chaque région
Discussion générale (suite)

Conseillers territoriaux

Discussion en procédure accélérée et adoption d’un projet de loi dans le texte de la commission

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi fixant le nombre des conseillers territoriaux de chaque département et de chaque région
Question préalable

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, en procédure accélérée, du projet de loi fixant le nombre des conseillers territoriaux de chaque département et de chaque région (projet n° 689, texte de la commission n° 697, rapport n° 696).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

M. Philippe Richert, ministre auprès du ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration, chargé des collectivités territoriales. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le 23 juin dernier, le Conseil constitutionnel a invalidé, pour un motif de procédure, la loi fixant le nombre des conseillers territoriaux de chaque département et de chaque région. Cette loi avait été votée dans les mêmes termes par l’Assemblée nationale, le 10 mai, et le Sénat, le 7 juin.

La Haute Juridiction a précisé sa jurisprudence sur la procédure parlementaire choisie par le Gouvernement pour l’examen de ce projet de loi. Ainsi, le Conseil constitutionnel a jugé que le deuxième alinéa de l’article 39 de la Constitution, qui précise que « les projets de loi ayant pour principal objet l’organisation des collectivités territoriales sont soumis en premier lieu au Sénat », devait s’appliquer à un projet de loi fixant le nombre d’élus d’une collectivité.

M. Philippe Richert, ministre. La question de savoir si un projet de loi fixant les effectifs d’une assemblée délibérante a pour « principal objet l’organisation des collectivités territoriales » est un sujet complexe, à la frontière des interprétations, sur lequel la Haute Juridiction n’avait jamais eu à se prononcer depuis la révision constitutionnelle de 2003, qui a introduit dans la Constitution le deuxième alinéa de l’article 39.

Le Conseil constitutionnel a tranché ce point de jurisprudence. Le Gouvernement en prend donc acte. Il en a tiré toutes les conséquences en déposant sur le bureau du Sénat un nouveau projet de loi ayant le même objet que celui invalidé.

En effet, la décision du Conseil constitutionnel du 23 juin ne remet pas en cause les ajustements opérés par le Gouvernement pour répondre aux observations contenues dans la décision du Conseil constitutionnel du 9 décembre 2010 sur les écarts de représentation démographiques.

Le projet de loi soumis à la Haute Assemblée, qui reproduit intégralement les dispositions de la loi annulée, complète la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales ; il rend le tableau des effectifs de conseillers territoriaux, auquel renvoyait l’article 6 de la loi adoptée par le Parlement le 17 novembre 2010, conforme à la décision du Conseil constitutionnel du 9 décembre 2010.

Ces effectifs sont inchangés dans seize des dix-sept régions n’ayant fait l’objet d’aucune remarque de la Haute Juridiction. Ils sont ajustés de façon minimale au sein des régions relevées par le Conseil constitutionnel, afin de respecter le « tunnel » de plus ou moins 20 % par rapport à la moyenne régionale. Enfin, le nombre des futurs conseillers territoriaux de la région Guadeloupe, qui ne compte qu’un département, est augmenté de quarante-trois à quarante-cinq, pour mieux tenir compte des réalités démographiques d’un archipel constitué de plusieurs îles et assurer une représentation satisfaisante de ses trente-deux communes.

La procédure parlementaire, qui n’a jamais été exempte d’aléas, ne doit pas faire perdre le sens de l’essentiel : la réforme territoriale, qui est une réforme de fond, est déjà en cours. Elle doit se poursuivre. Le Président de la République a clairement rappelé son attachement à cette réforme le 27 juin dernier, lors de la conférence de presse sur les investissements d’avenir, comme il a pu le redire lors de son déplacement de jeudi dernier à la rencontre des élus locaux du Lot-et-Garonne, auquel j’ai participé à ses côtés.

Mesdames, messieurs les sénateurs, j’invite donc le Sénat à renouveler le vote positif qu’il a déjà émis à deux reprises sur le tableau des effectifs des conseillers territoriaux. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, en remplacement de M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après la censure intervenue, pour des raisons de fond, le 9 décembre 2010, nous sommes, une nouvelle fois, appelés à nous prononcer sur la répartition des conseillers territoriaux par département et par région à la suite de la décision du Conseil constitutionnel du 23 juin 2011.

Dans sa décision du 9 décembre 2010 sur la loi de réforme des collectivités territoriales, le Conseil constitutionnel a confirmé que la création des conseillers territoriaux et le mode de scrutin retenu pour leur élection étaient conformes à la Constitution, et c’est bien l’essentiel ! Toutefois, il a estimé que le tableau de répartition des conseillers territoriaux était contraire au principe d’égalité des électeurs devant le suffrage. En effet, le juge constitutionnel a constaté que l’écart entre le quotient électoral départemental et la moyenne régionale était supérieur à 20 % dans six départements ; il a jugé que cet écart était « manifestement disproportionné », ce qui l’a conduit à censurer la répartition des conseillers territoriaux dans son ensemble.

Le tableau dont nous avons discuté le 7 juin dernier tirait les conséquences de cette censure en modifiant le nombre de conseillers territoriaux dans les six régions qui avaient fait l’objet de la censure du Conseil constitutionnel et en Guadeloupe. Comme la commission l’avait alors souligné – je vous renvoie au rapport de Jean-Patrick Courtois sur le projet de loi n° 500 –, le nouveau tableau ne laissait subsister aucun écart de plus de 20 % entre le quotient départemental et la moyenne régionale, sauf dans les départements auxquels le « plancher » de quinze conseillers territoriaux avait été attribué. Il semblait donc, sur le fond, pleinement conforme à la Constitution.

Ce tableau a cependant été censuré, pour des raisons de procédure, par la décision du Conseil constitutionnel rendue le 23 juin 2011. Dans cette décision, le Conseil a clarifié sa jurisprudence sur l’étendue de la priorité du Sénat dans l’examen des textes intéressant l’organisation des collectivités territoriales.

Lors de la révision constitutionnelle du 28 mars 2003, le Constituant avait donné au Sénat un droit de priorité sur les textes relatifs aux collectivités territoriales. Le deuxième alinéa de l’article 39 de la Constitution dispose ainsi que « les projets de loi ayant pour principal objet l’organisation des collectivités territoriales sont soumis en premier lieu au Sénat ».

Comme le Conseil constitutionnel l’avait souligné à l’occasion de sa décision sur la loi de réforme des collectivités territoriales, cette priorité s’exprime « sans préjudice du premier alinéa de l’article 44 », c’est-à-dire du droit d’amendement. C’est pourquoi il n’avait pas censuré l’intégration, lors des discussions sur le projet de loi de réforme des collectivités territoriales en première lecture à l’Assemblée nationale, du tableau de répartition des conseillers territoriaux.

Cette jurisprudence doit nous inciter à réfléchir. Le projet de loi constitutionnelle relatif à l’équilibre des finances publiques, baptisé « règle d’or », montre que l’on ne peut pas bouleverser la procédure parlementaire sans modifier la Constitution et qu’il est parfois complexe d’articuler la priorité du Sénat et celle de l’Assemblée nationale. Mais à chaque jour suffit sa peine…

En tout état de cause, force est de constater que la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur l’étendue de la priorité conférée à la Haute Assemblée par l’article 39 était, jusqu’à la décision du 23 juin 2011, extrêmement lacunaire. Ainsi, le Conseil a jugé que les projets de loi ayant pour objet de préciser les conditions dans lesquelles sont organisées les procédures conduisant à la prise de décision dans le domaine de compétence des collectivités locales faisaient partie de la « priorité sénatoriale » – il s’agit de la décision du 30 juillet 2003 sur la loi organique relative au référendum local. Néanmoins, il a semblé retenir une appréciation restrictive de la notion d’« organisation des collectivités territoriales », notamment en considérant que le texte relatif à l’expérimentation locale ne devait pas être soumis en premier lieu au Sénat... De larges doutes subsistaient donc sur la portée des dispositions de l’article 39, d’autant que, selon une règle ancienne et clairement établie par la jurisprudence constitutionnelle, les dispositions de nature électorale ne sont pas relatives à l’organisation des collectivités territoriales et peuvent donc librement être soumises en premier lieu à l’Assemblée nationale.

Ces doutes ont été, pour la plupart d’entre eux, levés par la décision du 23 juin 2011, qui consacre la doctrine selon laquelle toutes les dispositions regroupées sous l’intitulé « organisation » par le code général des collectivités territoriales doivent être considérées comme relevant de « l’organisation » de ces mêmes collectivités au sens de l’article 39 de la Constitution. Ainsi, il est désormais clair pour chacun d’entre nous que les projets de loi dans lesquels figurent de telles dispositions devront, à l’avenir, être soumis en premier lieu au Sénat, sous peine de provoquer une nouvelle censure constitutionnelle.

La commission des lois s’est réjouie que le Conseil constitutionnel ait précisé son interprétation de l’article 39 et que, ce faisant, il ait réaffirmé la spécificité du Sénat comme représentant des collectivités territoriales. De ce point de vue, la décision du 23 juin est pleinement satisfaisante pour la Haute Assemblée. Je suis sûr, monsieur le ministre, que vous serez d’accord avec moi, comme M. le garde des sceaux, d’ailleurs ! (Sourires.)

Ces rappels étant faits et dans la mesure où nous abordons, sur le fond, la question de la répartition des conseillers territoriaux pour la troisième fois, je me contenterai de dire quelques mots sur le projet de loi qui nous est soumis cet après-midi, sinon je risque de lasser.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous ne nous lassons jamais de vos explications ! (Sourires.)

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Sur la forme, j’observe que ce texte nous est soumis en premier lieu. Le Gouvernement a donc respecté la jurisprudence du 23 juin 2011.

Sur le fond, le projet de loi est l’exacte reprise, sans aucun changement, du texte que nous avons adopté en séance publique au début du mois de juin ; comme je l’ai déjà souligné, la répartition qui résulte de ce tableau respecte la décision du Conseil constitutionnel du 9 décembre 2010 et permettra de garantir l’égalité des citoyens devant le suffrage.

La commission des lois vous propose donc, mes chers collègues, d’adopter le présent texte sans modification. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Yann Gaillard. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre groupe est satisfait que le Conseil Constitutionnel lui ait donné raison contre vous au moins sur un point : les projets de loi ayant pour principal objet l’organisation des collectivités territoriales doivent être soumis en premier lieu au Sénat. Vous regrettez, j’en suis sûre, de ne pas nous avoir suivis quand nous avons présenté, entre autres arguments, ce motif d’irrecevabilité, sous prétexte qu’il s’agissait de fixer le nombre de conseillers territoriaux par territoire et non d’organiser les territoires, distinction trop subtile aux yeux du Conseil constitutionnel…

Chacun l’avait bien compris, monsieur le ministre, vous vouliez que votre loi soit votée d’abord par l’Assemblée nationale afin de peser sur le Sénat, dont la majorité était plus réticente. Si vous nous aviez écoutés, vous auriez évité deux censures consécutives.

Il nous reste donc à débattre une nouvelle fois des conséquences d’une réforme des collectivités territoriales, dont l’économie générale n’est pas acceptable. Elle est d’ailleurs mal acceptée par un très grand nombre d’élus de toutes sensibilités et souvent mal perçue par nos concitoyens quand ils en mesurent la portée.

Dans sa globalité, la réforme était très sérieusement « pensée ». Il s’agissait de supprimer les départements et de faire passer les trente-six mille communes à quelques milliers, tout en organisant la reprise en main par l’État des collectivités locales. Une telle entreprise devait faire l’objet d’une consultation des élus, d’une révision constitutionnelle et d’un référendum, du moins le pensais-je.

Pour y échapper – vous n’aviez ni l’accord des élus locaux ni la majorité pour réviser la Constitution, et vous ne pouviez pas vous risquer à un référendum –, vous avez organisé votre projet en plusieurs étapes, qui ne sont pas encore terminées : d’où le maintien « fictif » des départements, le « coup de chapeau » à la commune, mais, par contre, la création d’un conseiller à deux têtes, l’intercommunalité forcée et les superpouvoirs des préfets.

Il est nécessaire de dire une nouvelle fois avec force que vous portez un coup très grave à la démocratie locale que les sénateurs de la majorité aiment pourtant évoquer, surtout en campagne électorale, et ce d’un double point de vue, institutionnel et financier.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Tout le monde est en campagne électorale !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous revenez sur les lois de décentralisation de 1982, qui avaient fait des régions des collectivités à part entière, avec une assemblée délibérante issue du suffrage universel direct.

En effet, les conseillers territoriaux dont nous parlons aujourd’hui seront des représentants des cantons à la région. Dans le même temps, ces conseillers territoriaux, en nombre moindre que les conseillers généraux, seront plus éloignés des citoyens, ce qui, ajouté à la suppression de la compétence générale des départements, correspond bien à votre objectif de réduction de la réponse aux besoins sociaux et démocratiques. Vous devez vous en expliquer !

Votre réforme de la fiscalité locale – avec la suppression de la taxe professionnelle, sans compter la révision générale des politiques publiques, la RGPP – contribue à retirer aux collectivités leur autonomie de décision. Vous devez également vous en expliquer !

Je le répète, dès la loi de 2010, nous avions critiqué le fait qu’un tel bouleversement des besoins et du fonctionnement des collectivités locales ne fasse pas l’objet d’une révision constitutionnelle et d’une consultation populaire. Ajoutons que vous aviez dissocié, dans la discussion, la répartition des compétences des changements institutionnels, ce qui paraît tout aussi sujet à contestation.

Vous en conviendrez, de nombreux motifs d’irrecevabilité demeurent.

J’en reviens au projet de loi n° 500 fixant le nombre des conseillers territoriaux de chaque département et de chaque région, devenu n°689 après le deuxième passage devant le Conseil Constitutionnel.

Si le tableau des répartitions a été rectifié à la demande du Conseil constitutionnel, celui-ci a omis de se pencher sur un principe constitutionnel qu’il a lui-même rappelé, à savoir le principe d’égale représentation des populations, auquel il peut être dérogé, mais de « manière proportionnée » au but poursuivi. C’est ce qu’il avait dit à propos d’un précédent découpage législatif. Avec votre répartition, on en est loin dans les départements.

Nous savons que vous distinguez volontiers populations et territoires, mais nous ne savons pas ce qu’est un territoire sans sa population !

Mme Éliane Assassi. Exactement !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le Conseil constitutionnel ne semble pas s’être préoccupé non plus de l’incongruité que constitue pour une collectivité la suppression de l’élection de son propre organe délibérant. Il ne s’est pas plus préoccupé du recul du principe de parité – et de pluralisme – que constitue l’établissement du suffrage uninominal à deux tours pour les régions. Mais, nous le savons tous, le Conseil constitutionnel a besoin d’une révision constitutionnelle, que vous n’avez pas voulu aborder en 2008, quant à son mode de désignation.

Peut-être faudrait-il aussi, en tant que parlementaires, chargés du contrôle du Gouvernement, nous interroger sur les coûts. Votre réforme était censée contribuer à la baisse des dépenses par une diminution du nombre d’élus indemnisés.

D’emblée, cet objectif était contestable, car les élus ont une grande utilité et un coût assez limité. Toute comparaison européenne peut d’ailleurs le montrer aisément : nos élus ne coûtent pas bien cher ! Du côté des économies, on peut d’ores et déjà considérer qu’il n’y a rien à attendre de la réforme, selon vos propres estimations, et l’on peut même estimer que la création du conseiller territorial va engendrer des frais de fonctionnement supplémentaires non négligeables.

Vous vous acharnez à faire adopter ce projet de loi. Vous avez vos raisons, sans doute à rechercher du côté des nouveaux découpages des cantons,…

M. Philippe Richert, ministre. Oh !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. … qui, hélas ! ne nous sont pas encore connus. Encore une chose que nous ne savons pas !

Vous savez que la majorité des élus est hostile à la création de ce conseiller territorial…

M. Éric Doligé. Mais non !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je parle des élus locaux !

… ainsi qu’à bien d’autres aspects de votre réforme. Aussi la démocratie devrait-elle, à brève échéance, l’emporter.

M. Philippe Richert, ministre. Nous verrons !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le conseiller territorial devrait donc retomber aux oubliettes. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.

M. Jean-Jacques Mirassou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a quelques semaines de cela, à l’occasion du deuxième examen du texte, je vous confiais ma fascination, mêlée de consternation, en observant la majorité présidentielle à l’œuvre.

À la fascination et à la consternation succèdent aujourd'hui la lassitude – elle atteint toutes les travées de l’hémicycle – et l’indignation. Elles sont toutes deux à l’ordre du jour au moment où s’ouvre cette discussion, puisque nous sommes à nouveau convoqués – c’est le mot ! – dans l’hémicycle pour débattre d’une réforme dont les représentants des collectivités territoriales n’ont pas fini, si elle est votée, de découvrir les vices cachés et les insuffisances, après en avoir subi les errements.

Ce retour du conseiller territorial est dû à ce que l’on peut qualifier d’erreur monumentale. Le 7 juin dernier, ici même, dans le cadre de la même discussion, je m’interrogeais à voix haute : « En effet, comment se fait-il que le Sénat, procédure accélérée ou pas, soit amené, en contradiction avec l’article 39 de la Constitution, à se prononcer après l’Assemblée nationale sur un texte qui relève avant tout de ses compétences ? »

L’Assemblée nationale, faut-il le rappeler, s’était déjà déterminée, le 10 mai dernier, et nous étions nombreux dans l’hémicycle à voir dans cette date anniversaire un choix funestement symbolique pour la nature et l’avenir même de la décentralisation.

Aujourd’hui, le Conseil constitutionnel donne pleinement raison à tous ceux qui s’étaient exprimés en ce sens : « Considérant que le projet de loi déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale, première assemblée saisie, avait pour unique objet de fixer le nombre des conseillers territoriaux composant l’assemblée délibérante de chaque département et de chaque région ; qu’au nombre des règles d’organisation des collectivités territoriales figure la fixation des effectifs de leur assemblée délibérante ; qu’ainsi c’est à tort que le projet de loi dont est issue la loi déférée n’a pas été soumis en premier lieu au Sénat ; ».

La procédure d’adoption de la loi était donc, il faut le dire clairement, contraire à la Constitution.

Rappelons que, le 16 décembre 2010, cette réforme n’avait été adoptée que de justesse par notre assemblée. Du reste, à l’issue de ce vote, on avait perçu une forme de soulagement honteux de la part de ceux qui avaient adopté ce texte et qui n’étaient pas au bout de leur peine. Alors qu’il avait toutes les raisons d’être rejeté, ce texte a été adopté, il faut bien en convenir, sur l’injonction de l’exécutif, malgré la fronde permanente des élus locaux, perceptible jusque dans l’hémicycle.

Le mépris dans lequel est tenue la Haute Assemblée sur des sujets qui la concernent au premier chef, couplé au mauvais sort que fait subir le projet de loi aux collectivités territoriale, mérite d’être souligné, à plus forte raison après la décision du Conseil constitutionnel.

Voilà donc comment, avec un parcours que je qualifierais d’erratique, nous nous retrouvons à débattre une fois de plus de la réforme instaurant le conseiller territorial, réforme dont la gestation chaotique risque d’entacher sérieusement sa crédibilité.

Il nous faut donc une fois de plus évoquer la fameuse fusion du conseiller général et du conseiller régional. Vous ne serez pas surpris, monsieur le ministre, de constater que nos positions n’ont pas changé et qu’elles se fondent sur les mêmes arguments. Nous croyons à la vertu de la pédagogie, et nous espérons encore un sursaut dans les rangs de la majorité.

M. Jean-Claude Peyronnet. On peut toujours rêver !

M. Jean-Jacques Mirassou. Ce sont toujours les mêmes qui pointent les mêmes tares de ce « conseiller territorial », créature hybride que vous vous échinez à créer contre vents et marées, en faisant preuve d’un amateurisme perceptible sur le fond et, maintenant, sur la forme.

Voilà un mois, je m’interrogeais sur la décision des Sages, à la suite de la saisine des parlementaires socialistes pour atteinte à la libre administration des collectivités locales. Comme d’autres l’avaient fait avant moi, je manifestais ma perplexité quant à la nature du message que le Conseil constitutionnel avait voulu faire passer au pays en se contentant de censurer l’article 6 du projet de loi de réforme des collectivités territoriales.

Sur le fond, nous le pensions à l’époque et nous continuons de le penser, cette réforme entraînera une confusion des genres dans notre paysage institutionnel : en raison même de sa nature hybride, le désormais tristement célèbre conseiller territorial remettra en cause, par ses décisions, l’autonomie du conseil général ainsi que celle du conseil régional auquel il appartiendra ; de ce fait, il portera atteinte à la libre administration des collectivités territoriales, avec des interférences intempestives. Ce constat est maintenant largement partagé par les élus locaux, qui vont observer avec la plus grande attention le vote de chacune et de chacun d’entre nous.

Le Conseil constitutionnel s’était contenté à l’époque d’opérer un simple zoom sur le tableau de répartition en opérant une « frappe chirurgicale » qui consistait à faire passer le tableau initial de 3 496 à 3 493 conseillers territoriaux. Sans commentaire…

Dans un autre registre, voilà plus d’un an que le Gouvernement tente de justifier cette réforme par les économies qu’elle permet de réaliser au niveau des collectivités territoriales.

La RGPP prétend tailler dans le « gras » de l’État. Pourtant, avec cette réforme, vous allez créer des postes de dépenses supplémentaires pour les collectivités, lesquelles vont bien devoir donner aux conseillers territoriaux des moyens pour travailler, notamment en termes de locaux et de fonctionnement.