M. Jacques Blanc. Heureusement que les canadairs sont venus chez nous !

M. Jean Desessard. Vous avez démantelé le service public. Nous n’avons plus de pompes à incendie, les spéculateurs les ont accaparées pour remplir leurs piscines. Et vous nous demandez aujourd'hui avec frénésie de remplir les seaux et de faire la chaîne pour éteindre l’incendie ! Ce n’est pas suffisant pour répondre à la crise !

C’est pourquoi il faut de changer de politique. Ça suffit ! Il faut que ça change en France et en Europe ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Jean-Pierre Fourcade. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur ce qu’ont excellemment indiqué le rapporteur général du budget, ainsi que mes collègues du groupe UMP Jean Bizet et Fabienne Keller sur la Grèce et sur l’ensemble des problèmes ; je souscris pleinement à leurs analyses.

Mon intervention portera essentiellement sur l’endettement de notre pays, qui se situera cette année entre 82 % et 85 % de notre produit intérieur brut, le PIB.

Auparavant, je souhaite apporter mon entier soutien aux mesures fiscales et budgétaires proposées par le Gouvernement pour réduire le déficit et conserver la trajectoire vers l’objectif de 3 % du PIB en 2013, en dépit de l’affolement des marchés financiers, de la crise grecque et de la nécessité de défendre l’euro. Comme cela a été souligné ce matin, il est clair que la rapidité est plus importante que le pinaillage sur telle ou telle mesure.

Voilà deux ans, j’avais écrit à M. le Premier ministre et à Mme Lagarde – M. le président de la commission des finances s’en souvient – pour leur indiquer qu’il était essentiel de ne pas trop s’écarter de l’évolution de l’économie allemande en matière tant de déficits que d’endettement.

M. René-Pierre Signé. Ils ne vous ont pas écouté !

M. Jean-Pierre Fourcade. Je tiens à le dire aujourd’hui, il faut rattraper le temps perdu et avoir le courage de réduire les dépenses publiques, de revenir sur les exonérations injustifiées et de rétablir l’équilibre des comptes sociaux.

Mme Nicole Bricq. C’est mal parti !

M. Jean-Pierre Fourcade. Ce que nous propose le Gouvernement va dans la bonne direction, même si j’estime, pour ma part, qu’il aurait fallu aller un peu plus loin, notamment en réduisant davantage le déficit annoncé pour 2011.

M. René-Pierre Signé. Vous voulez faire payer les pauvres !

M. Jean-Pierre Fourcade. Pourriez-vous pour une fois avoir l’amabilité de me laisser parler, mon cher collègue ?

M. René-Pierre Signé. Mais je vous écoute ! Simplement, je ne suis pas d'accord !

M. Jean-Pierre Fourcade. Ce n’est pas la peine de m’interrompre tout le temps !

M. René-Pierre Signé. On vous écoute, mais on ne vous approuve pas !

M. Jean-Pierre Fourcade. Permettez-moi de vous faire part de quelques chiffres, mes chers collègues.

L’endettement de l’État, c'est-à-dire sa dette négociable, s’élève aujourd’hui à 1 308 milliards d’euros. Et l’adoption du plan d’aide à la Grèce, combinée aux mesures que nous avons envisagées et même déjà commencé à mettre en œuvre pour l’Irlande et le Portugal, entraînera une augmentation de notre endettement brut de 40 milliards d’euros d’ici à la fin de l’année 2014.

Dans ces conditions, il me paraît nécessaire de préciser les conditions de soutenabilité de la dette publique française, qui est, mes chers collègues, le véritable sujet de notre débat.

M. Jean-Pierre Fourcade. Notre dette comporte un certain nombre d’éléments de risque. À cet égard, je voudrais poser quelques questions.

D’abord, c’est la partie indexée sur l’inflation qui nous oblige aujourd’hui à majorer le crédit budgétaire prévu pour 2011 de 2,5 milliards d’euros à 4 milliards d’euros. Comme les taux auxquels nous empruntons à dix ans se sont nettement détendus – ils sont aujourd'hui de 2,7 % –, pourquoi n’arrêtons-nous pas d’émettre des emprunts indexés sur l’inflation ?

Ensuite, près de 70 % des 184 milliards d’euros que nous empruntons cette année sur les marchés sont souscrits par des non-résidents. Dès lors, pourquoi ne fait-on pas des efforts en direction des résidents, en essayant de mobiliser davantage l’épargne de notre pays, qui – nous le savons – est forte et se dirige souvent vers d’autres placements ?

Enfin, notre endettement continuera à croître en 2012 et en 2013, puisque la moitié des 184 milliards d’euros que nous empruntons aujourd'hui sert à rembourser le capital tandis que l’autre moitié est employée pour financer le déficit budgétaire.

Que faudra-t-il emprunter sur les marchés pour financer les remboursements qui tombent en 2012 – ils s’élèveront à 116 milliards d’euros –, ainsi que le déficit budgétaire qui subsistera l’année prochaine ?

Aujourd'hui, mes chers collègues, dans le déficit du budget de l’État tel qu’il ressort du présent projet de loi de finances rectificative – il s’établit à 95,7 milliards d’euros –, la charge des intérêts de la dette équivaut à peu près au déficit résiduel hors charge ; c’est de l’ordre de 48 milliards d’euros ou 49 milliards d’euros de part et d’autre. C’est donc le déficit résiduel qu’il faut réduire en deux ou trois ans. Tel est l’enjeu ; tel est l’effort à fournir.

Je crois savoir que le projet de budget envisagé pour 2012 comportera une forte réduction du déficit, de nature à nous rapprocher des objectifs fixés. Mais il faudra continuer dans cette voie en 2013, ce qui, je pense, sera encore plus difficile.

C’et pourquoi il faut, me semble-t-il, opérer en plusieurs étapes pour essayer de retrouver une situation convenable des finances publiques.

Première étape, nous devons diminuer les dépenses publiques. En effet, je crois qu’il serait vain d’essayer de réduire notre déficit budgétaire en augmentant les impôts dès maintenant, car cela laisserait subsister un montant de dépenses publiques extrêmement important et nous interdirait de pouvoir entamer le remboursement de la dette par la suite. Il importe donc, et je pense que c’est la politique suivie par le Gouvernement, de réduire nos dépenses, afin de pouvoir faire autre chose une fois que nous aurons atteint l’objectif d’un déficit à 3 % du PIB.

Deuxième étape, il faudra stabiliser notre endettement en capital à partir de 2014 en reprenant les cessions d’actifs, qui sont abandonnées depuis trois ans. En effet, nous votons chaque année une prévision de remboursement de dettes de l’ordre de 5 milliards d’euros dans le projet de loi de finances et voilà trois ans que nous n’avons rien fait en ce sens ! Il faudra donc envisager un retour des cessions d’actifs et poursuivre la réduction des niches fiscales et sociales.

Troisième étape, et la plus difficile, pour réduire l’endettement de l’État, de la sécurité sociale, des collectivités locales et des autres acteurs financiers – la dette globale s’élève aujourd'hui à 1 650 milliards d’euros –, il faudra évidemment réformer la fiscalité. C’est là qu’il faudra envisager des impôts nouveaux pour commencer à faire un effort de remboursement, ce qui me paraît essentiel pour répondre de manière positive à l’inquiétude de nos concitoyens et à la nervosité des marchés financiers.

Le véritable enjeu sera de retrouver un niveau d’endettement le plus proche possible de celui de l’Allemagne, c’est-à-dire autour de 80 % du PIB. Je n’entrevois pas – peut-être me direz-vous le contraire, monsieur le ministre – la possibilité de revenir rapidement au niveau d’endettement prévu par le pacte de stabilité et de croissance, c'est-à-dire 60 % du PIB. Étant aujourd'hui à 85 % du PIB, nous pourrons revenir au niveau des Allemands, c'est-à-dire à 80 % du PIB, mais je ne pense pas que nous puissions vite atteindre les 60 % du PIB.

Mes chers collègues, compte tenu du constat que je viens de formuler, le texte dont nous sommes aujourd'hui saisis me paraît constituer un effort de réglage que nous devons accepter.

En effet, en raison de la conjoncture, les recettes sont évidemment moins importantes. L’augmentation du déficit budgétaire tient essentiellement à la diminution des rentrées fiscales de l’impôt sur les sociétés et à l’obligation de majorer les charges de la dette pour tenir compte des obligations indexées.

Au-delà de l’accord donné au programme d’aide à la Grèce et de défense de l’euro, car les deux éléments sont liés – beaucoup de forces internationales sont opposées au maintien de la monnaie unique et voudraient bien que la Grèce sorte de la zone euro –, je pense que nous devons faire preuve de courage et de constance. Le texte que le Gouvernement nous propose va, me semble-t-il, dans ce sens. À mes yeux, même si un certain nombre de mesures peuvent faire l’objet de débats, l’important est l’avenir de notre pays et l’évolution de la soutenabilité de nos finances publiques !

C'est la raison pour laquelle je voterai le présent projet de loi de finances rectificative sans la moindre arrière-pensée. (Applaudissements sur les travées de lUMP, ainsi que sur certaines travées de l’Union centriste et du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Humbert. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Jean-François Humbert. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis le début de nos travaux ce matin, je cherche en vain dans l’hémicycle mes collègues sénateurs du Doubs et, plus généralement, de la région Franche-Comté. Ils ne sont pas là, mais ils sont excusables, car ils participent à l’accueil républicain de M. le Président de la République, qui est aujourd'hui en Franche-Comté.

Mme Éliane Assassi. Ils sont au garde-à-vous !

M. Jean-François Humbert. Nicolas Sarkozy inaugure en effet ce jour la branche est de la ligne à grande vitesse Rhin-Rhône, à laquelle j’ai consacré beaucoup de temps et d’énergie lorsque j’occupais les fonctions de président du conseil régional de Franche-Comté.

Cette ligne constitue un progrès réel pour la Franche-Comté et pour les régions voisines, mais il faut maintenant la terminer, avec les branches ouest, sud, et les éléments qui manquent en direction de Mulhouse.

Malgré le choix cornélien auquel j’ai été soumis, j’ai décidé de ne pas participer à cette inauguration et d’être présent au Sénat en raison de l’importance du présent projet de loi de finances rectificative et de son volet européen, consacré à l’aide à la Grèce. (Applaudissements sur plusieurs travées de lUMP.) C’est cet aspect du texte que je souhaite évoquer.

Au cours de ces derniers mois, je me suis rendu en Irlande, au Portugal, en Espagne et, avec Simon Sutour, en Grèce.

Juste avant l’été, après notre séjour bref à Athènes, nous avons présenté, au nom de la commission des affaires européennes, un rapport sur la situation de la Grèce, rapport qui insistait particulièrement sur deux points. D’une part, il fallait que le futur plan d’aide prenne en compte les conséquences sur la population du programme d’austérité déjà lancé. D’autre part, il fallait faire cesser la cacophonie au sein de l’Union européenne au sujet des solutions à retenir.

La question de la participation du secteur privé était, on s’en souvient, le point qui soulevait le plus de difficultés, avec en filigrane la question d’un défaut de la Grèce. Car toute restructuration de la dette grecque faisait peser un risque sur le système bancaire grec et, au-delà, sur le système financier européen.

Le compromis adopté le 21 juillet dernier a permis de circonscrire un tel risque. Le secteur privé dispose d’un éventail de solutions : rééchelonnements, reprofilage, souscription de nouveaux titres à l’échéance… Et le fonds européen de stabilité financière est habilité à intervenir si nécessaire en garantie auprès de la Banque centrale européenne.

Globalement, de telles formules se sont révélées pertinentes. Les assurances contre le défaut de paiement n’ont pas été déclenchées, alors que l’implication du secteur privé est importante, puisque sa participation sera de l’ordre de 54 milliards d’euros d’ici à 2014 et de 135 milliards d’euros d’ici à 2020.

Le nouveau plan d’aide à la Grèce tente également de redonner un espoir à la population en prévoyant un soutien concret pour faciliter le retour à la croissance, grâce à la mobilisation d’environ 8 milliards d’euros pour des projets d’infrastructure. Dans le même sens, la durée de remboursement des prêts déjà accordés par le Fonds européen de stabilité financière est allongée, tandis que les taux d’intérêt sont abaissés. Le plan donne ainsi à la Grèce de meilleures chances de reprise économique.

Enfin, le plan traduit un renforcement de la mutualisation financière entre les États de la zone euro. Les compétences du Fonds européen de stabilité financière et du mécanisme permanent qui lui succédera en 2013 sont notablement accrues. Le Fonds pourra désormais intervenir à titre préventif si la situation d’un État l’exige, y compris en participant à la recapitalisation du secteur bancaire. Il pourra également acheter des obligations sur le marché secondaire, ce qui est important. À l’heure actuelle, la Banque centrale européenne, la BCE, est amenée à intervenir sur ce marché pour empêcher une envolée des taux de la dette publique de certains pays membres. Or ce type d’intervention, qui n’entre pas dans les missions de la BCE, ne saurait se prolonger indéfiniment sans fragiliser la Banque elle-même.

Avec ce rôle élargi du Fonds européen de stabilité financière, les États membres disposeront d’un instrument fort de mutualisation de leurs dettes. Cela conduit à relativiser le débat sur les euro-obligations, qui ne doivent être considérées ni comme une solution magique, comme certains semblent le croire, ni d’ailleurs non plus comme un épouvantail. En réalité, nous sommes déjà engagés dans un processus de mutualisation de la dette, et ce processus est inséparable de l’assainissement coordonné des finances publiques. Laisser entendre que les euro-obligations nous dispenseraient des efforts budgétaires, c’est répandre une illusion dangereuse.

Surtout, ce n’est pas en avançant des solutions dépendant d’un futur plus ou moins lointain que nous aiderons à résoudre la crise de la dette souveraine en Europe. C’est maintenant qu’il faut agir. Il est grand temps de concrétiser les engagements pris, car les tentatives de certains États membres d’obtenir des arrangements particuliers, ainsi que les doutes complaisamment instillés ici et là, ont fait renaître une atmosphère délétère.

Il est vrai que la crise de la dette déborde largement le cadre de la zone euro et de l’Europe. La dégradation de la note américaine suffit à le souligner. Nous ne sommes pas devant une crise de l’euro, qui est au contraire une monnaie solide, mais devant un mouvement de défiance à l’égard des États, européens ou non, qui n’accomplissent pas les réformes nécessaires et qui financent leurs besoins courants par la dette.

En ce qui concerne l’Europe, la voie est d’ores et déjà bien tracée : il s’agit de poursuivre l’assainissement concerté des finances publiques et de renforcer la coordination des politiques économiques et budgétaires. Il n’y a pas de salut pour nos pays en dehors de cette cohérence européenne.

C’est bien cette voie que nous suivrons en votant à la fois le plan d’aide à la Grèce et les mesures d’assainissement qui nous sont aujourd’hui soumises. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de finances rectificative qui nous est soumis a pour objet principal la ratification des accords conclus par le Conseil européen pour venir en aide à la Grèce. Incidemment, il comporte des dispositions complémentaires à effet budgétaire immédiat destinées à gager la volonté du Gouvernement de mener le combat pour assainir nos finances publiques dans les meilleurs délais.

S’agissant de la Grèce, je comprends les hésitations qui se sont exprimées ici ou là. Cependant, si les autorités grecques ont maquillé leurs comptes publics pour masquer l’ampleur de leurs déficits et de leur endettement, s’ils ont transformé le pacte de stabilité et de croissance en pacte de tricheurs et de menteurs, c’est avec la complicité des autres États membres de la zone euro. Nous partageons la responsabilité de l’impéritie. La faillite de la Grèce aurait deux conséquences, qui ont été rappelées.

D’abord, ceux qui détiennent des créances sur la Grèce perdraient leurs avoirs.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Parmi ces créanciers, se trouvent des banques et des compagnies d’assurances françaises, peut-être même les titulaires de contrats d’assurance-vie.

M. René-Pierre Signé. Des imprudents !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ensuite, le crédit de l’euro serait ruiné et chaque État membre reprendrait sa monnaie nationale. Or toutes nos dettes sont en euro. Bonne opération pour ceux dont la monnaie s’apprécierait. Redoutable épreuve pour ceux dont la monnaie se déprécierait. Demandons-nous dans quel cas de figure se trouverait la France.

Aider la Grèce, oui, mais à condition de transformer radicalement la gouvernance de l’Europe, de nous préparer à fédéraliser les questions budgétaires et financières.

S’agissant des dispositions d’ordre budgétaire tendant à assainir nos finances publiques, je ferai deux observations.

Première observation, le vrai débat aura lieu dans quelques semaines, lorsque nous examinerons le projet de loi de finances pour 2012 – nous évoquerons la création de tranches supplémentaires dans le barème de l’impôt sur le revenu pour les plus hauts revenus – et le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012. Peut-être sera-t-il de nouveau question d’une hausse de la contribution pour le remboursement de la dette sociale, la CRDS, afin d’éviter de laisser à la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES, une dette que la France ne pourrait pas rembourser ?

La tâche qui nous attend ne doit pas être sous-estimée. Il y a urgence à rompre avec tout déni de réalité. La mise en cause des niches fiscales doit faire justice de tous les intérêts catégoriels. Nous devons démontrer, mes chers collègues, notre capacité à mettre en harmonie nos discours alarmistes sur la situation de nos finances publiques et nos votes dès qu’il s’agit de remettre en cause des niches fiscales. Nous vivons une période préparatoire, une sorte d’entraînement. Le Gouvernement procède à une avancée salutaire qui doit être saluée comme telle, car il s’agit d’un effort courageux. Il faut en remercier nos ministres ici présents.

Deuxième observation, il y a urgence à assainir nos finances publiques, mais, madame, monsieur le ministre, il est tout aussi urgent d’améliorer notre compétitivité pour recréer de l’emploi et enrayer les délocalisations. La baisse des charges sociales ne saurait attendre. Préparons-nous à fiscaliser les ressources de l’assurance maladie et des allocations familiales. Madame la ministre, pourra-t-on parler de TVA sociale, de TVA emploi, de TVA anti-délocalisation ? Je fais confiance aux experts en communication. Quoi qu’il en soit, le fond demeure.

Je me permets d’insister sur le fait qu’il est impératif de mettre en œuvre rapidement des mesures de compétitivité. C’est à ce prix que nous pourrons retrouver de la croissance et enrayer le chômage. L’urgence est, bien sûr, la ratification du plan d’aide à la Grèce. La commission des finances a examiné en fin de matinée la motion tendant à opposer la question préalable et les trente-neuf amendements déposés sur ce texte. Elle en demandera le retrait ou le rejet, observant que la plupart d’entre eux trouveront utilement leur place dans le projet de loi de finances pour 2012. Par principe, comme chacun d’entre vous, mes chers collègues, je suis très réservé sur le vote conforme lors de l’examen d’un projet de loi, pour ne pas dire que j’y suis opposé. Mais ne nous trompons pas de rendez-vous. Reconnaissons que l’adoption du texte qui nous est soumis aujourd’hui est urgente pour la Grèce et pour la zone euro. En ce qui concerne les mesures budgétaires, fiscales et sociales, le vrai rendez-vous aura lieu dans quelques semaines, lors de l’examen du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. François Baroin, ministre. Je veux tout d’abord remercier M. le président Arthuis de ses encouragements pour les efforts menés. Je n’oublie rien de nos échanges de l’an dernier et je sais votre engagement en la matière, monsieur le président.

En additionnant le collectif qui vous est présenté aujourd’hui et les perspectives du projet de loi de finances pour l’année prochaine, nous en arrivons à la somme que vous-même, M. le rapporteur général et la commission des finances du Sénat aviez fixée pour que notre pays soit dans les clous et tienne ses objectifs en matière de réduction des déficits publics. Vous aviez peut-être quelques semaines d’avance, mais au final nous tombons d’accord, animés d’un même esprit de sincérité et de responsabilité. Je suis heureux de le souligner devant la Haute Assemblée.

Je remercie également les sénateurs de la majorité, notamment ceux de l’Union centriste et naturellement ceux de l’UMP, du soutien qu’ils nous ont apporté. Tous ont fait preuve d’un esprit de responsabilité qui les honore en cette période difficile où nous devons concentrer nos forces. Leur appui et leur engagement donnent à notre pays l’énergie et la force qui lui sont nécessaires pour tenir ses engagements européens, dans un contexte international où nous discutons beaucoup d’État à État.

Plusieurs éléments ont attiré mon attention.

D’abord, certains ont fait preuve de scepticisme en ce qui concerne la mise en œuvre des décisions du 21 juillet dernier, en particulier par rapport au plan grec. Nous sommes très lucides sur la situation et pragmatiques. L’accord intervenu le 21 juillet dernier, comme je l’ai souligné, est techniquement un bon accord. Il a été conclu au plus haut niveau, celui des chefs d’État et de gouvernement. Il est la bonne réponse à la fois pour stabiliser la zone euro, pour aider la Grèce et pour éviter la contagion. Nous devons naturellement encourager les autres pays signataires à accélérer leurs calendriers : plus nous serons efficaces et rapides dans la mise en œuvre opérationnelle de ces décisions, plus nous rassurerons les investisseurs et les marchés.

Je remercie ensuite MM. Humbert et Fourcade. Je ne répondrai pas à l’ensemble des questions techniques posées par Jean-Pierre Fourcade, je dirai simplement que j’approuve l’essentiel de ses observations. A cette occasion, je tiens à vous rendre hommage, monsieur le sénateur, pour votre action, pour votre œuvre, pour vos éclairages et pour vos conseils dont nous avons toujours pu profiter en temps et en heure, parfois même avec un peu d’avance. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. de Montesquiou a mis en lumière la nécessité d’améliorer la soutenabilité de la dette grecque. Il a raison. C’est ce que nous nous efforçons de faire grâce à ce nouveau plan. Certes, des difficultés subsistent, mais nous nous efforçons de les résorber les unes après les autres. Quelques discussions techniques se poursuivent. L’enjeu est d’accélérer le calendrier parlementaire. La France et l’Allemagne sont aux avant-postes de cette mobilisation calendaire. Il est évidemment nécessaire que les dix-sept fassent ratifier rapidement cet accord par leurs parlements respectifs.

Mme Bricq, vous avez relevé le fait que plusieurs pays, dont la Finlande, demandent la mise en place de garanties en échange de leur soutien au plan grec. Soyons clairs : la mise en réserve de collatéral pour garantir la participation de tel ou tel pays ne nous semble pas souhaitable. Cette position est également celle de l’Allemagne. Techniquement, les discussions se poursuivent pour essayer d’apporter des réponses politiques aux exigences du gouvernement finlandais. Tout cela met surtout en lumière la nécessité d’avoir une majorité forte et solide.

La France ne connaît pas de problèmes de coalition, car son exécutif dispose d’une majorité loyale, solide et prête à apporter son soutien. C’est ce qui donne de la puissance à la voix de notre pays ; certains, qui pourraient être tentés de prôner la coalition dans l’exercice du pouvoir, devraient s’en souvenir. Au demeurant, notre position est la suivante : tout l’accord du 21 juillet et rien que l’accord du 21 juillet.

Mme Nicole Bricq. Cet accord n’est pas bon !

M. François Baroin, ministre. Je suis d’accord avec MM. Marini et Bizet : la condition première du succès de ce plan est, bien évidemment, la construction d’un programme crédible de redressement économique et financier pour la Grèce.

Les efforts demandés sont ambitieux, personne ne le cache. Ils sont nécessaires au regard des enjeux. La Grèce doit être au rendez-vous des engagements qu’elle a pris. Le passé nous prouve que c’est possible puisque ce pays a déjà réalisé 5 points de PIB de consolidation budgétaire entre 2009 et 2010. Nous faisons tout notre possible pour rester à ses côtés et l’accompagner dans cette voie, mais il faut que la Grèce satisfasse aux demandes de la troïka constituée par le FMI, la BCE et la Commission européenne.

S’agissant du Fonds monétaire européen, la proposition formulée par M. Marini est intéressante. D’une certaine manière, ce que nous proposons pour l’évolution du Fonds européen de stabilité financière, c’est qu’il puisse fonctionner à l’instar du Fonds monétaire international, en s’appliquant à la zone euro. Ce fonds peut négocier par anticipation, intervenir sur les marchés secondaires, discuter avec les États pour aider notamment à la recapitalisation des établissements bancaires qui en auraient besoin, discuter avec la Banque centrale européenne, C’est donc bien en quelque sorte un fonds monétaire européen et nous allons continuer sur cette ligne.

Ce fonds va ensuite engendrer un mécanisme européen de stabilité qui, lui, s’inscrira dans la durée et qui ne nécessitera pas d’être approuvé de nouveau par les parlements nationaux. C’est donc un outil pérenne qui est mis en place et qui traduit bien la naissance d’un fonds européen.

À juste titre, Philippe Marini a mis en lumière la problématique des eurobons. Évidemment, à gauche, on considère que c’est la pierre philosophale et la réponse à toutes les questions.

Mme Nicole Bricq. Non, vous ne nous avez pas écoutés !

M. François Baroin, ministre. Peut-être, madame Bricq, êtes-vous un peu plus éclairée que vos amis de la rue de Solferino… J’ai également entendu certains à l’Assemblée nationale dire que tout cela ne marcherait pas. C’est aussi absurde que de dire que la démocratie ne marche pas. Laissons le temps à la vie démocratique de se dérouler.

Mais pour certains, les eurobons, c’est ici et maintenant.

M. François Baroin, ministre. Philippe Marini l’a parfaitement démontré : mettre en œuvre des eurobons tout de suite, c’est faire porter sur la France et sur l’Allemagne l’essentiel de l’effort. La question des eurobons, c’est-à-dire celle de la mutualisation des dettes, ne peut intervenir qu’à la fin du processus. Ce n’est qu’après la consolidation budgétaire, les plans d’économie, la préservation de la croissance convalescente que pourra ensuite, éventuellement, dans la perspective d’une future gouvernance de la zone euro, se poser la question de la mutualisation des dettes européennes. C’est dans cet ordre et non pas dans le sens inverse que les choses se feront.

Ne faites donc pas croire à l’opinion qu’il existe une solution miracle. Les eurobons ne sont pas la solution miracle. D’ailleurs, les Allemands n’en veulent pas. Or que peut-on faire sur une telle question sans les Allemands, puisqu’ils sont à la fois les premiers contributeurs et ceux qui ont montré le chemin de la réduction rapide des déficits ? Nous devons, là aussi, être raisonnables et responsables.

Madame Keller, vous avez raison d’insister sur la nécessité de mettre en place une taxe sur les transactions financières. Vos vœux seront bientôt exaucés. Je m’apprête à formuler à Bruxelles, avec le ministre allemand des finances Wolfgang Schäuble et conformément à la volonté du Président de la République et de la Chancelière allemande, une proposition visant à instaurer une taxe sur les transactions financières. Nous souhaitons, là encore, accélérer le calendrier et nous nous efforcerons d’être prêts dans les meilleurs délais.

Monsieur Bizet, vous savez que la gouvernance économique européenne est une idée chère au Président de la République. Je souhaite bien entendu que celle-ci soit mise en œuvre au plus vite. C’est indispensable si nous voulons être crédibles.

Afin de garantir la stabilité de la zone euro, il nous faut tirer les enseignements de cette crise à répétition, qui est éprouvante pour l’économie, pour les partisans de l’Europe et pour celles et ceux qui, comme nous, considèrent que la monnaie n’est pas négociable et qu’elle doit être l’objet de toutes les attentions et de tous les soutiens.

Nous devons tirer les leçons de cette crise et donc renforcer, densifier, structurer. Nous devons mettre en œuvre un processus de décision plus clair, plus rapide et plus stable au niveau de la zone euro et définir des modalités de convergence économique, budgétaire et fiscale. C’est ce chemin-là que nous empruntons sous l’impulsion déterminante du Président de la République, au côté de la Chancelière allemande.

Par ailleurs, un certain nombre d’entre vous ont contesté la crédibilité du scénario économique défini par le Gouvernement. Mme Bricq, toujours elle, nous indique, triomphante, que le parti socialiste avait dès l’été déclaré que notre prévision de croissance n’était pas la bonne.