M. Roland Courteau. Très bien !

M. Jacques Mézard. Depuis le mois de novembre 2008 et le premier plan de sauvetage des banques, l’État français détient 5,73 % du capital de Dexia, l’autre mode d’intervention ayant consisté en une garantie de financement. Il s’agit bien d’une préoccupation majeure pour notre pays, pour nos concitoyens et – nous le savons tous dans cet hémicycle – pour nos collectivités territoriales.

C’est dans ce contexte qu’il convient aujourd'hui de vous interroger, monsieur le ministre. Comment l’État pourra-t-il assumer une telle recapitalisation, alors que, nous le savons aussi, d’autres établissements que Dexia sont instables ? Comment en évaluer précisément le coût ? Comment justifier que les participations que l’État a prises ou s’apprête à prendre dans certaines banques ne lui donnent aucun droit de regard sur la politique de ces établissements ?

Pour le moment, votre gouvernement a fait le choix d’adosser le véhicule de refinancement des prêts aux collectivités portés par Dexia à la Caisse des dépôts et consignations, avec pour objectif d’alléger ses besoins de liquidités.

Là encore, une telle initiative ne va pas sans susciter quelques inquiétudes ; plusieurs orateurs, notamment Mme la rapporteure générale de la commission des finances, l’ont rappelé. Mais c’est aussi, et M. le président Marini vient de le souligner, la clé de l’avenir !

Dans ces conditions, le nouveau plan prévu par ce troisième collectif budgétaire pour 2011 peut-il permettre de redonner des marges de manœuvre suffisantes en termes de liquidité au groupe Dexia ?

Bien sûr, nous n’ignorons pas qu’à l’origine de ce texte se trouve d’abord l’impérieuse nécessité d’alléger de 10 milliards à 12 milliards d’euros les besoins en liquidités de Dexia, pour lui permettre d’abord, eu égard à la situation du marché interbancaire, de gagner du temps. Mais si une telle démarche s’avère nécessaire, elle n’est certainement pas suffisante car il est désormais impératif de s’orienter vers des mesures structurelles plus durables. Il est temps que l’État reprenne toute sa place et ne se contente plus de venir pallier les irresponsabilités de certains dirigeants et certaines de leurs erreurs, les fautes avérées de gouvernance.

Nos concitoyens attendent qu’il soit mis un terme à certaines rémunérations exorbitantes de dirigeants et de traders de banques.

C’est aussi pourquoi nous soutenons la mesure adoptée hier par la commission des finances du Sénat, mesure qui vise à interdire bonus et dividendes aux banques bénéficiant du soutien de l’État. C’est une simple disposition de bon sens ! Comment pourrait-il en être autrement ?

De plus, mes chers collègues, en l’absence de mesures structurelles, il faut bien reconnaître qu’à ce jour le plan de sauvetage mis en place en 2008 demeure une opération négative pour les finances publiques.

Faut-il rappeler qu’à l’époque déjà la question se posait du choix de la garantie et des contreparties que l’État pouvait en attendre, contreparties qui se font toujours désirer et qui se feront toujours désirer.

Alors que l’État a investi directement 1 milliard d’euros au capital de Dexia à l’automne 2008, à ce jour sa participation enregistre une perte latente d’environ 920 millions d’euros. Si l’on élargit le champ à la Caisse des dépôts et consignations et à CNP Assurances, deux entités parapubliques qui ont apporté 2 milliards d’euros en octobre 2008, la facture potentielle s’alourdit même de 1,8 milliard d’euros.

Monsieur le ministre, il aura donc fallu cette grave crise financière pour que l’on en revienne à l’esprit qui avait conduit il y a bien longtemps, au début du XIXe siècle, à la création de la Caisse des dépôts et consignations, laquelle avait la charge de ce type de financements « sous la surveillance et la garantie de l’autorité législative » – il n’est pas inutile, aujourd’hui, de le rappeler.

Dexia s’est égarée en élargissant ses activités à la gestion d’actifs, aux marchés de capitaux, aux assurances, aux services aux investisseurs, jusqu’à vendre aux collectivités des prêts ultrasophistiqués, variables, structurés, de l’ordre de 10 milliards d’euros, et qui se sont pour certains révélés particulièrement toxiques.

Mes chers collègues, la question qui se pose est bien celle du retour à court ou à moyen terme aux fondamentaux des activités d’un établissement comme Dexia, qui s’est aventuré dans le monde de la finance. Mais aujourd’hui, et une fois de plus, c’est au contribuable français qu’il reviendra d’assumer, avec d’autres pays, le coût de ces dérives graves en matière de gouvernance et de choix stratégiques pour un établissement qui occupait une place centrale dans le financement et le quotidien des collectivités territoriales.

Quoi qu’il en soit, en attendant les premiers effets des mesures prévues par ce projet de loi, le « cas Dexia » et son sauvetage par l’État constituent d’ores et déjà un nouvel exemple de la dérive d’un système bancaire dérégulé. Il faut une volonté politique forte.

Je rappelle, comme le fait du reste Mme la rapporteure générale dans son rapport, que Mme Christine Lagarde, alors ministre de l’économie, s’était engagée en octobre 2008 devant le Sénat sur les contreparties qui seraient demandées aux banques en échange du soutien de l’État. Elle évoquait « deux catégories de contreparties : des contreparties d’ordre économique, d’une part, […] et des contreparties éthiques, d’autre part […] ».

C’est pourquoi, monsieur le ministre, mes chers collègues, les membres du groupe RDSE apporteront majoritairement leur soutien aux amendements de la commission des finances, particulièrement à celui qui vise à assortir le soutien public à une banque d’un certain nombre de conditions. C’est une question de principe, mais c’est aussi une question de respect du contribuable et du citoyen.

Nous n’approuverons le projet de loi dans son ensemble pour garantir le financement de Dexia qu’à cette condition, à savoir l’adoption par notre assemblée des amendements de notre commission des finances.

Mes chers collègues, exiger un vote conforme n’est pas un message de rassemblement si nécessaire face à une telle crise. C’est l’inverse. Il est au contraire essentiel que chacun fasse un effort dans l’intérêt national. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

M. le président. La parole est à M. Jean Arthuis.

M. Jean Arthuis. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la liquidation d’une banque est un acte grave.

Ce soir, nous sommes invités à autoriser le Gouvernement à consentir une garantie pour que cette liquidation soit ordonnée. C’est la fin d’une belle aventure qu’avait connue la Caisse d’aide à l’équipement des collectivités locales, caisse qui s’était transformée en Crédit local de France. Vous vous souvenez sans doute qu’à l’époque Pierre Richard, fondateur et ancien président de Dexia, déclarait que « sans en avoir conscience, le secteur local a basculé dans un nouveau monde ». Il ajoutait qu’il fallait que les collectivités aient « un vrai banquier et non plus un distributeur de prêts administrés ».

Je me souviens également que Michel Rocard, Premier ministre, voulait créer ce qu’il appelait « un financier de la décentralisation, capable de mobiliser l’épargne, de perfectionner la gestion, de réduire la dette, de maîtriser les investissements ». Malheureusement, les péripéties du Crédit local de France, devenu Dexia, nous amènent ce soir à autoriser l’État à délivrer sa garantie.

On est sorti des taux administrés, on a dérégulé. Le Crédit local de France est devenu une société anonyme, qui a vu une partie de ses titres introduits en bourse en 1991. La privatisation est intervenue en 1993. Les dirigeants ont voulu faire de cet établissement une banque mondiale des collectivités territoriales. Ils ont pris une participation aux États-Unis dans une société de rehaussement de crédit en faveur, précisément, des collectivités territoriales. Malheureusement, la crise des subprimes est intervenue et le groupe a perdu, après avoir fusionné avec le Crédit communal de Belgique, des fonds considérables, de l’ordre de 5 milliards d’euros.

Ce n’est pas la première fois que le Parlement est appelé à autoriser le Gouvernement à donner sa garantie à Dexia. Nous l’avions déjà fait en 2008. Je constate que les efforts accomplis par les nouveaux dirigeants de Dexia ont porté leurs fruits, mais malheureusement la crise des dettes souveraines sonne le glas de ce groupe. À cet égard, monsieur le ministre, je souhaite, comme l’a exprimé voilà quelques instants Mme la rapporteure générale, que vous nous confirmiez qu’il n’est pas question de maintenir Dexia Crédit Local en marche opérationnelle. Cette entité doit assurer la liquidation de ses actifs et de ses dettes, mais elle ne doit pas apparaître demain comme un possible concurrent de la nouvelle entité qu’il faudra bien mettre en place pour permettre aux collectivités territoriales d’accéder aux crédits dont elles ont besoin pour financer leurs investissements.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très juste !

M. Jean Arthuis. L’été aura été meurtrier pour Dexia. Les événements se sont enchaînés : crise des dettes souveraines, dégradation de la note de la banque par l’agence Moody’s. Le résultat est là et les gouvernements ont pris leurs responsabilités pour éviter une faillite désordonnée, qui se serait nécessairement propagée à d’autres institutions et aurait créé des dommages collatéraux très importants.

Je ne reviendrai pas sur les garanties, car elles ont fait l’objet de discussions denses et exigeantes. La Caisse des dépôts et consignations a répondu à sa vocation puisqu’il y va ici de l’intérêt général. Cependant, la Caisse doit veiller, elle aussi, à la préservation de sa note et à son crédit comme à son autorité. Les négociations ont abouti, l’accord est équilibré, le gouvernement belge, le gouvernement luxembourgeois et notre gouvernement ont assumé leurs responsabilités.

Des questions peuvent subsister. Que se passera-t-il au bout de dix ans si certaines opérations ne sont pas soldées et s’il faut de nouveau émettre des titres qui ne seraient pas garantis par l’État alors même que les créances susceptibles d’être recouvrées présenteraient des risques de pertes significatives ?

Globalement, il me semble que nous pouvons donner notre accord aux garanties que ce projet de loi de finances rectificative contient et sur lesquelles nous allons délibérer ce soir.

Il me paraît très important que le financement des collectivités territoriales puisse être organisé. Je salue donc l’initiative du Premier ministre, qui a décidé de débloquer 3 milliards d’euros sur les fonds d’épargne. Les appels d’offres seront lancés dans les tout prochains jours et nous pouvons d’ores et déjà imaginer que le taux que prendront en charge les emprunteurs tournera autour de 4 %. Espérons simplement qu’il ne s’agira pas d’une situation de rente pour les établissements qui seront agréés à consentir des prêts dont le financement sera assuré par les fonds d’épargne !

Il s’agit d’une mesure d’urgence. Aussi, il est absolument indispensable de mettre en place un établissement capable d’assurer le financement des collectivités territoriales. Aujourd’hui, dans la France entière, des maires, des présidents d’établissement public de coopération intercommunale, des présidents de conseil général, des présidents de région sont en difficulté parce que les banques sollicitées ne sont pas en mesure de répondre positivement à leurs besoins en matière d’investissements. Ces dernières ont du mal à emprunter à long terme alors que les prêts à consentir sont des prêts sur dix, quinze ou vingt ans. Une telle transformation ne peut s’accomplir.

Le secteur bancaire est soumis aux nouvelles normes prudentielles de Bâle III. Or, précisément, prêter sur de longues durées est coûteux en termes de fonds propres. Au surplus, la rémunération et les commissions sont relativement modestes. Dans ces conditions, il deviendra difficile de financer les investissements des collectivités territoriales.

Je salue donc l’initiative qui consiste à inviter la Caisse des dépôts et consignations et la Banque postale, partenaire de grande proximité de la Caisse des dépôts et consignations et qui collecte elle-même les produits du livret A, à mettre en place l’institution qui, demain, prendra en charge ces financements. Il y a là, monsieur le ministre, une urgence particulière, car chacun s’accordera à reconnaître que le financement des investissements publics n’est pas tout à fait le même que celui des investissements des entreprises par le secteur concurrentiel.

Ce n’est pas, à proprement parler, un retour à la case départ puisque l’établissement qui va être créé devrait s’apparenter davantage au Crédit local de France dans sa première version qu’à la Caisse d’aide à l’équipement des collectivités locales. Il faudra peut-être imaginer qu’une partie des fonds d’épargne soit mise à la disposition des collectivités territoriales, car il s’agit bien ici d’investissements concourant à l’intérêt public.

Cet exercice nous contraint à perdre nos illusions sur les bienfaits de la dérégulation alors en vogue dans les années quatre-vingt, auprès des gouvernements de gauche comme de droite. Aujourd'hui, la crise nous place devant une épreuve implacable : nous devons non pas faire preuve d’idéologie, mais au contraire être pragmatiques et reconnaître que, si la Caisse des dépôts et consignations doit garantir la protection de l’épargne de nos concitoyens, elle doit aussi assurer le financement des travaux d’intérêt général. C’est bien ce qui nous préoccupe aujourd'hui.

Par conséquent, je souhaite que les services du MINEFI fassent diligence pour que, dans les meilleurs délais, une telle institution puisse être mise en place. Dans ces conditions, peut-être la société de crédit foncier DexMA restera-t-elle le véhicule de financement des collectivités territoriales.

Le groupe de l’Union centriste et républicaine votera ce projet de loi de finances rectificative pour 2011. Il soutiendra également l'amendement de la commission des finances qui tend à introduire dans le dispositif des considérations que l’on peut qualifier d’éthiques et qui ont déjà fait l’objet d’initiatives de notre part dans un passé récent. (Applaudissements sur les travées de lUCR et de lUMP ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste-EELV. – M. Jacques Mézard applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. François Marc.

M. François Marc. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le Parlement est appelé à légiférer dans l’urgence. Déjà, voilà quelques semaines, il s’agissait de répondre aux inquiétudes liées aux marchés : ainsi, le 7 septembre dernier, avons-nous adopté un projet de loi de finances rectificative pour 2011 en ce sens. Aujourd'hui, il s’agit d’aider une banque en grande difficulté. Sans doute demain le Gouvernement nous demandera-t-il de donner notre accord au renforcement du Fonds européen de solidarité financière, si les délibérations en cours et à venir se passent bien.

Nous sommes face à une situation inquiétante. Cette brusque accélération de l’histoire financière de notre pays nous conduit à penser que la taxation des transactions financières aurait sans doute permis de générer des ressources qui auraient évité que nous n’ayons à chaque instant à solliciter les contribuables ; mais cela est une autre histoire.

Ce soir, il nous faut prendre en considération la situation très critique du groupe Dexia. Les spécificités de cet établissement, héritées du passé, l’ont rendu particulièrement vulnérable à la volatilité des marchés financiers.

En effet, malgré les efforts entrepris depuis 2008 dans le cadre du plan de restructuration – à cet égard, je tiens à rendre hommage aux équipes actuelles de Dexia mais aussi aux milliers de salariés de ce groupe qui, au cours des dernières années, n’ont pas démérité mais ont au contraire tout fait pour redresser cette société –, le groupe Dexia a continué de pâtir d'un bilan fortement déséquilibré.

Dans ce contexte, aggravé par l'annonce, au début du mois d'octobre, de la mise sous surveillance de la notation du groupe par l'agence Moody’s, une intervention des États était devenue nécessaire. Le Gouvernement a donc décidé de mettre en œuvre, en coordination avec les gouvernements belge et luxembourgeois, des mesures de garantie devant permettre de restaurer la confiance des investisseurs dans le groupe Dexia et de donner l'assurance aux clients et aux créanciers du groupe que celui-ci serait en mesure de continuer à honorer ses engagements.

Il s'agit donc, par ce texte, de restructurer de façon ordonnée la banque Dexia. Si l'on fait masse des opérations proposées au Parlement, 90 milliards d'euros seront affectés à une structure de reprise d'actifs logée au sein de Dexia et en Belgique. Tous ces actifs ne sont pas mauvais, mais tous ne sont pas bons. Dès lors que les États garantissent ce refinancement jusqu'en 2021, il faudra faire les additions dans dix ans et, comme il est hautement probable que tous les actifs n'auront pas atteint leur maturité, des pertes devront être constatées. Ce sont les actionnaires qui devraient les supporter, à raison de leur participation au capital de Dexia, soit, pour la France, entre la Caisse nationale de prévoyance, la Caisse des dépôts et consignations et l’État, environ 25 %.

Il faut ici plus particulièrement attirer l'attention, monsieur le ministre, sur les 3,35 milliards d'euros de risques non chiffrables qui ne sont pas garantis par l'État dans le cadre de cette garantie supplémentaire et qui le sont par conséquent dans le cadre de la première garantie, c'est-à-dire jusqu'en 2021. À cette date, la Caisse des dépôts et consignations ne bénéficiera plus de la garantie de refinancement des États et n'aura plus pour seul interlocuteur, en cas de difficultés, que Dexia ou ce qu'il en restera.

Ce risque de 3,35 milliards d'euros pourrait peser, à l'échéance de dix ans, sur la Caisse des dépôts et consignations. Il faut donc que le Gouvernement se préoccupe davantage de ces 3,35 milliards d'euros qui risquent d’échoir à la Caisse des dépôts et consignations sans garantie d'État et alors même que Dexia ne sera peut-être plus un interlocuteur solvable. C'est là, je crois, un sujet majeur de préoccupation que met en lumière ce projet de loi de finances rectificative pour 2011 et je ne suis pas sûr que toutes les assurances aient été données à nos collègues députés lundi soir en la matière. Monsieur le ministre, sur ce sujet, vos précisions seront les bienvenues.

Face à ce constat, quelle réponse l’État peut-il apporter à la question posée aujourd'hui par la situation de Dexia ?

Premièrement, il est aujourd'hui nécessaire d'éviter un défaut qui aggraverait la crise et entraînerait un risque systémique. Dexia étant inscrite parmi les banques soumises à une telle conjecture, il n'est pas possible, quelles que soient l'incompréhension et même l’exaspération de nos concitoyens devant l'action, voire l'inaction, des dernières années, de laisser Dexia faire défaut, car, nous le savons, les conséquences seraient pires que celles auxquelles nous sommes exposés en décidant de garantir ce que Dexia a souscrit.

On ne peut que partager la volonté de recréer un établissement de financement des collectivités locales. Il est en effet urgent – d'autres l'ont fait remarquer avant moi – que les collectivités puissent compter sur une nouvelle banque publique, après le désengagement de nombreux établissements. Il convient d'ailleurs de souligner que, en 2010, la part des collectivités locales dans les investissements publics a régressé en France, passant de 75 % à seulement 63 %. Nous sommes donc conduits à constater que, à force de réformer les moyens des collectivités locales, leur capacité d'investissement a substantiellement baissé.

Deuxièmement, s'il importe d'éviter le défaut, il convient dans le même temps de condamner le modèle économique sur lequel Dexia a pu prospérer pendant plusieurs années.

Le modèle économique qui a longtemps prévalu et selon lequel il n'y aurait jamais de crise de liquidités ne peut plus être accepté tel quel. Les États ont dû secourir Dexia une première fois en 2008. Avec cette crise de liquidités, ils sont amenés une nouvelle fois à venir au secours de cette banque.

Troisièmement, il nous faut reconnaître que l'exaspération ou l'incompréhension de nos concitoyens sont légitimes. Ceux qui sont responsables de la situation et de la dérive ne sont pas appelés à rendre des comptes. Ceux qui n'y sont pour rien, en revanche, devront contribuer par leurs impôts à apurer les dettes laissées par les premiers. Convenons, mes chers collègues, que, dans ces conditions, on peut comprendre la réaction de nos concitoyens. Car les responsables de la déconfiture de Dexia sont connus ; certains se sont retirés des affaires fortune faite. (Plusieurs sénateurs du groupe socialiste-EELV opinent.) Cette fortune a été en partie consacrée en 2008 quand, en violation des engagements pris par le gouvernement français, Mme Lagarde a par exemple accepté que le principal dirigeant de cette banque bénéficie pendant vingt ans d'une retraite chapeau de 600 000 euros par an.

MM. Martial Bourquin et Jacques-Bernard Magner. Scandaleux !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Cela représente 13 millions d’euros !

M. François Marc. Dès lors qu'en 2008 les États sont venus au secours de cette banque, il aurait été souhaitable et probablement possible qu’ils conditionnent leurs interventions à la suppression de ces avantages indus. La question de la responsabilité des ex-dirigeants de Dexia comme celle de la régularisation des rémunérations exorbitantes des dirigeants et des traders des banques sont des sujets que, hélas ! le Gouvernement a jusqu'à présent refusé de traiter sur le fond.

La rémunération des dirigeants de banque reste un problème. Ces dernières années, nous avons suggéré à maintes reprises que soient encadrées ces rémunérations, afin qu'elles s'établissent à des niveaux plus raisonnables. Le Gouvernement s'est malheureusement assez largement opposé à nos propositions.

M. François Marc. Il n'est plus possible aujourd'hui d'accepter que ces rémunérations perdurent, quand on mesure les efforts demandés au quotidien à nos concitoyens.

En matière de régulation bancaire, certes, de nouvelles règles prudentielles ont été édictées lors du G20 du mois d'avril 2009 mais, concrètement, très peu a été fait en termes tant de contrôle effectif, de paradis fiscaux ou de rémunérations des dirigeants. Il nous semble qu'aujourd'hui la démesure règne ; c'est vrai pour les rémunérations des dirigeants des principales banques françaises.

La vérité, monsieur le ministre, c'est que Dexia a sombré comme les autres banques – sans doute un peu plus – dans les délices de la financiarisation spéculative. Et nous ne pouvons que regretter ici que des choix politiques assumés aient largement laissé le pouvoir aux marchés financiers.

On n'a eu de cesse de nous répéter au cours des dernières années qu'on allait se satisfaire de l'autorégulation et que le code de bonne conduite des banquiers suffirait à rétablir une situation saine dans notre pays.

M. Jean-Jacques Mirassou. C'est un vœu pieux !

M. François Marc. Nous voyons aujourd'hui le résultat du manque de régulation et les conséquences de cette confiance accordée au code de bonne conduite. (Très bien ! sur les travées du groupe socialiste-EELV.) Le constat d'échec est patent. Incontestablement, mes chers collègues, s'il faut aujourd'hui apporter un concours au sauvetage de Dexia, nous soutiendrons ces dispositions ainsi que les exigences formulées à travers l'amendement présenté par Mme la rapporteure générale.

En effet, une nouvelle ambition régulatrice est nécessaire : il faut aujourd'hui plus d’encadrement, plus de régulation, plus d’exigence éthique. Faute de quoi, nous aurons encore demain à décider d’actions de soutien. Ce n'est plus tolérable. C'est la raison pour laquelle il nous faut adopter ce texte en y incluant les recommandations de Mme la rapporteure générale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Bernard Piras. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cela a été rappelé, nous examinons aujourd’hui le troisième projet de loi de finances rectificative pour 2011. Celui-ci a pour objet de permettre à la banque franco-belge Dexia de réaliser son démantèlement dans les meilleures conditions.

Dès à présent, je tiens à saluer le Gouvernement pour sa capacité de réaction. La décision du démantèlement de Dexia s’inscrit dans un contexte économique et financier international difficile qui nous oblige à la plus grande réactivité.

La rapidité d’intervention et de réponse du Gouvernement est à souligner. Cela n’a pas été le cas aux États-Unis lors de la faillite de Lehman Brothers et l’on sait la suite qui est advenue.

Le contexte nous oblige aussi à la plus grande transparence. Dès lors, permettez-moi, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, de revenir plus précisément sur les raisons de ce démantèlement.

Dexia est fragilisée depuis la crise des subprimes en 2008. À la suite de la faillite de la banque Lehman Brothers, l’établissement s’était déjà retrouvé asphyxié sur les marchés financiers. Pour sortir de cette situation, les gouvernements belge et français avaient injecté 6 milliards d’euros à son capital et apporté une garantie sur le financement. En échange, Dexia s’était vu imposer une restructuration drastique.

Ainsi, en deux ans seulement, sous la conduite de son patron Pierre Mariani, la banque a diminué de 73 milliards d’euros son bilan et réduit de manière significative ses besoins de financement à court terme. Le redressement de Dexia était alors, pensait-on, sur la bonne voie.

Malgré les efforts considérables faits par la direction, Dexia a été frappée de plein fouet par la crise des dettes souveraines, qui, compte tenu de son modèle économique, très critiquable par ailleurs, l’a placée dans la situation que nous connaissons.

Ce modèle économique, quel est-il ? La banque, qui pouvait emprunter de l’argent à bas coût à court terme, s’endettait pour acheter des obligations à long terme qui lui rapportaient beaucoup plus : il s’agissait d’obligations grecques, portugaises et même islandaises.

Pour garder ces obligations au bilan, il fallait que Dexia renouvelle ses ressources financières fréquemment, et ce dans un contexte de crise des dettes souveraines, dans lequel les banques sont réticentes à se prêter de l’argent entre elles.

Ainsi, le problème de cet établissement financier est un problème de liquidité, ce modèle économique n’étant plus viable dans la situation actuelle.

Aujourd’hui, l’objet de ce projet de loi de finances rectificative est double : apporter une garantie à Dexia et envoyer un message fort aux marchés financiers, de sorte que ces derniers lui refassent confiance et qu’elle puisse se refinancer normalement.

La première garantie concerne donc le refinancement de Dexia, qui pourra emprunter sur les marchés avec la garantie des trois États.

Pour Paris, cette garantie porte sur un montant maximum de 32,85 milliards d’euros et une durée maximale de 10 ans.

Elle ne sera activée que si Dexia fait défaut sur les emprunts qu’elle aura contractés sur les marchés. Je sais que cette durée inquiète un certain nombre de personnes, mais, à ma connaissance, et M. le ministre le confirmera sans doute, il est difficile, au regard des règles imposées par la Commission européenne, de prévoir une durée supérieure. De mon point de vue, cela ne serait pas possible.

La seconde garantie porte sur les 10 milliards d’euros de crédits de Dexia qui vont, en France, tomber dans le giron de la Caisse des dépôts et consignations, la CDC.

Cette somme se décompose ainsi : 8 milliards d’euros de crédits aux collectivités territoriales, 1,5 milliard d’euros aux hôpitaux et 500 millions d’euros aux bailleurs sociaux.

Or certains de ces prêts sont toxiques et, pour protéger la CDC, Paris a décidé de mettre en place cette garantie ; celle-ci n’entrera en jeu que si les pertes dépassent 500 millions d’euros et elle sera plafonnée à 6,65 milliards d’euros.

En tant que représentants des collectivités territoriales, nous savons l’importance que tenait Dexia dans le financement de ces dernières.

Le groupe UMP se félicite, par conséquent, de ce que, sur l’initiative du Gouvernement, les besoins de financement à court terme des collectivités soient satisfaits, jusqu’à la fin de l’année, grâce à une enveloppe de 3 milliards d’euros de prêts que prélèvera la CDC sur les fonds d’épargne.

Au-delà devrait être mis en place un pôle de financement public des territoires. Il sera organisé autour de la Banque postale, à hauteur de 65 %, et de la Caisse des dépôts et consignations, à hauteur de 35 %.

Il y va, par conséquent, de la responsabilité de notre Haute Assemblée d’adopter ce collectif budgétaire.

Nous avons une responsabilité à l’égard de la zone euro, car il importe de ne pas aggraver la crise dans laquelle elle est plongée, ce plan s’inscrivant dans un objectif de préservation de la stabilité des systèmes bancaires et des marchés financiers.

Nous avons également une responsabilité à l’égard des collectivités territoriales que nous représentons, étant donné la place importante de Dexia dans leur financement. Ce plan garantit – j’insiste sur ce point – aux déposants, aux créanciers et aux collectivités locales la sécurité qu’ils sont en droit d’attendre et redonne à cette banque de meilleures conditions d’accès aux liquidités, ce dont elle a besoin.

Ainsi, vous l’aurez compris, les enjeux sont tels que voter contre ce collectif budgétaire serait une posture politicienne, un signal très néfaste envoyé aux marchés. Le rejet de ce texte serait la preuve d’une irresponsabilité dangereuse en pleine crise des dettes souveraines.

La validation de ce plan par une loi de finances rectificative est en fait une condition essentielle pour restaurer la confiance et pour soutenir la croissance.

Enfin, rappelons également que tout cela aura un coût pour Dexia, puisque ces garanties seront rémunérées. L’État peut ainsi espérer réaliser un gain de 164 millions d’euros.

En conclusion, je tiens à souligner de nouveau l’engagement déterminé du Gouvernement en faveur des collectivités locales et de l’avenir de leur financement.

Monsieur le ministre, je vous sais gré d’offrir à nos collectivités locales un nouvel acteur public solide fournissant des produits de crédit simples et transparents, ce qui est important en cette période de restriction des conditions d’accès au crédit pour nos collectivités, puisque, comme l’a rappelé Jean Arthuis voilà quelques instants, les critères de Bâle III vont désormais fonctionner à plein.

Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera le présent projet de loi de finances rectificative. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)