compte rendu intégral

Présidence de M. Jean-Pierre Bel

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Questions d'actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je rappelle que l’auteur de la question dispose de deux minutes trente, de même que la ou le ministre pour sa réponse.

emprunts des collectivités locales

M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey.

M. Hervé Maurey. J’aimerais attirer l’attention du Gouvernement sur la situation financière de plus en plus difficile des collectivités locales.

Je n’évoquerai pas ici la suppression de la taxe professionnelle,…

M. Roland Courteau. Vous pourriez le faire !

M. Hervé Maurey. … dont je ne conteste pas le bien-fondé économique, pas plus que je ne reviendrai sur le gel des dotations de l’État, qui peut se comprendre eu égard à la situation de nos finances publiques, sous réserve que l’État ne transfère pas de nouvelles charges et qu’il allège réellement certaines normes.

Je souhaite évoquer une difficulté nouvelle, apparue cet été du fait de la crise financière : la raréfaction des prêts consentis aux collectivités locales.

Alors qu’il suffisait jusqu’à présent à celles-ci de solliciter les établissements financiers pour obtenir un emprunt, en ayant même généralement le choix entre plusieurs offres, elles ne reçoivent très souvent aujourd’hui aucune réponse à leurs demandes ou obtiennent un accord sur des montants très inférieurs à leurs besoins et à des coûts beaucoup plus élevés qu’auparavant.

Cette évolution, récemment aggravée par la faillite de la banque Dexia, résulte du manque de liquidités des banques, qui préfèrent, malgré des risques plus élevés, prêter aux entreprises ou aux particuliers en échange de leurs dépôts.

Cette situation est extrêmement préoccupante, car les collectivités, de manière totalement imprévue, ne peuvent faire face aux investissements inscrits dans leur budget au titre de l’année 2011. Selon l’Association des maires de France, il manquerait entre 3 milliards et 7 milliards d’euros aux collectivités locales, qui, en outre, ne disposent d’aucune visibilité pour l’année 2012.

Pour répondre à cette situation, le Premier ministre a annoncé que la Caisse des dépôts et consignations débloquerait 3 milliards d’euros au bénéfice des collectivités territoriales. C’est une bonne nouvelle, mais nous n’avons, pour le moment, aucune indication sur les modalités et le calendrier d’attribution de cette enveloppe.

Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous donner des informations sur ce sujet, sachant que la fin de l’exercice budgétaire est désormais proche et que les investissements des collectivités locales représentent 70 % du total de l’investissement public ?

Au-delà de cette enveloppe destinée à faire face à l’urgence de la situation, le Gouvernement a annoncé la création d’une agence de financement, à laquelle participeront la Caisse des dépôts et consignations et la Banque postale. Monsieur le ministre, quand cette structure verra-t-elle le jour et comment fonctionnera-t-elle ?

Enfin, pouvez-vous nous confirmer que le Gouvernement ne voit pas dans la raréfaction des prêts aux collectivités une manière de diminuer leur dette, qui ne représente, je le rappelle, que 10 % du total de la dette de notre pays ? (Applaudissements sur les travées de lUCR et sur certaines travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Philippe Richert, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargé des collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, les collectivités territoriales rencontrent en effet, depuis cet été, des difficultés pour emprunter auprès des établissements de crédit afin de financer leurs investissements, et ce quel que soit le niveau de garanties qu’elles peuvent offrir.

Deux raisons principales expliquent ce phénomène.

Premièrement, il s’agit de l’anticipation par les banques, dans un contexte de tensions financières, de la mise en œuvre des nouvelles normes prudentielles de Bâle III. C’est une réalité que nous ne pouvons pas nier : les banques se doivent d’appliquer ces normes.

M. Jean-Louis Carrère. Elles ne le font pas !

M. Philippe Richert, ministre. Deuxièmement, cette situation s’explique par le retrait de Dexia.

Dès cet été, j’ai rencontré l’ensemble des responsables des institutions bancaires qui, en France, participent au financement des collectivités territoriales. Les besoins de financement d’ici à la fin de l’année s’élevaient alors à environ 1,5 milliard d’euros, auxquels se sont ensuite ajoutés quelque 3 milliards d’euros en raison du démantèlement de Dexia.

Le 7 octobre dernier, le Premier ministre a demandé à la Caisse des dépôts et consignations de mettre à disposition des collectivités territoriales une enveloppe de 3 milliards d’euros dans les mêmes conditions qu’en 2008, lors de la crise financière. À l’époque, 5 milliards d’euros avaient été mobilisés, une moitié de ce montant étant directement destinée aux collectivités territoriales, l’autre devant permettre aux banques de couvrir les besoins de financement exprimés ; en réalité, 2,5 milliards d’euros seulement avaient été utilisés. Sur le même principe, l’enveloppe de 3 milliards d’euros sera elle aussi répartie entre les collectivités territoriales et les établissements de crédit.

Par ailleurs, à la suite du démantèlement de Dexia, le Gouvernement a pris la décision de mettre en place, dans les mois qui viennent, un pôle de financement public des collectivités territoriales, sous la forme d’une filiale conjointe de la Banque postale et de la Caisse des dépôts et consignations.

M. Roland Courteau. À partir de quand ?

M. Philippe Richert, ministre. Ainsi, nous avons répondu tant aux besoins immédiats des collectivités territoriales qu’à ceux de l’année prochaine. (Applaudissements sur les travées de lUMP et sur certaines travées de lUCR.)

M. Roland Courteau. Nous sommes éblouis, mais pas éclairés !

politique du gouvernement et malaise des territoires

M. le président. La parole est à M. François Rebsamen.

M. François Rebsamen. Ma question s’adressait à M. le Premier ministre, mais je ne doute pas que, en son absence, un des membres de son gouvernement saura me répondre.

Dimanche 25 septembre, un événement historique s’est produit : pour la première fois depuis le début de la Ve République, le Sénat a connu l’alternance. (M. Jean-Pierre Michel applaudit.)

En effet, malgré un mode de scrutin défavorable, la gauche a conquis la majorité sénatoriale et la Haute Assemblée est maintenant présidée par un socialiste, notre collègue et ami Jean-Pierre Bel, que je salue. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Comment expliquer ce bouleversement ?

Certes, il résulte presque mécaniquement de la victoire de la gauche aux différentes élections locales…

M. François Rebsamen. … et du fait que celle-ci dirige aujourd’hui la quasi-totalité des régions, ainsi que la majorité des conseils généraux et des municipalités. (Murmures sur les travées de lUMP.)

Mais si le vent a soufflé si fort, c’est aussi parce que s’est rompu le pacte de confiance qui liait, depuis 1981, l’État et les collectivités locales.

Cette rupture vient de loin.

Elle trouve d’abord sa source dans la politique du Gouvernement, qui a corseté financièrement les collectivités locales, par des transferts de charges peu ou mal compensés,…

M. François Rebsamen. … par la suppression de la taxe professionnelle et par le gel des dotations budgétaires.

Elle découle ensuite d’une réforme territoriale mal pensée, qui n’est rien d’autre qu’une recentralisation masquée et qui a inquiété, déstabilisé et fragilisé beaucoup d’élus.

Elle résulte enfin du mépris affiché du Président de la République pour les élus locaux et de ses discours de stigmatisation permanente à leur égard.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. François Rebsamen. Le Premier ministre, qui a perçu ce malaise profond, a annoncé, à la suite de son entretien avec le président Bel, un moratoire sur la mise en œuvre de la refonte de l’intercommunalité. C’est un premier signe, certes, mais timide et notoirement insuffisant.

Pour notre part, nous voulons aller plus loin, repousser la date butoir de la refonte de la carte intercommunale et retirer aux préfets le pouvoir de l’imposer, en redonnant aux élus leur capacité de décision. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Tel est le sens de la proposition de loi que nous avons déposée et qui sera examinée dans cette enceinte le 2 novembre prochain, sur l’initiative du président de la commission des lois, Jean-Pierre Sueur.

Ce texte constituera le premier message de confiance que la nouvelle majorité sénatoriale enverra aux élus locaux.

Plusieurs sénateurs de l’UMP. La question !

M. François Rebsamen. Mesdames, messieurs les membres du Gouvernement, aurez-vous à cœur d’entendre les élus de nos territoires et de soutenir l’adoption de cette proposition de loi, qui permettra de substituer à la mise en œuvre d’une intercommunalité imposée à marche forcée un retour à l’esprit de la décentralisation, qui veut que les élus président eux-mêmes aux destinées de leurs collectivités ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Philippe Richert, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargé des collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser M. le Premier ministre, qui, se trouvant en déplacement en Corée, m’a chargé de vous répondre.

Il est exact que nous avons gelé les dotations aux collectivités territoriales.

M. Philippe Richert, ministre. Nous l’avons fait tout simplement parce que la France se trouve aujourd'hui dans une situation particulièrement difficile !

M. Roland Courteau. Cela fait des années !

M. Philippe Richert, ministre. Nous devons faire en sorte que notre pays puisse conserver sa note « AAA », non pas pour complaire aux agences de notation, mais parce que les intérêts de notre dette s’élèvent déjà, actuellement, à quelque 49 milliards d’euros par an lorsque nous empruntons à un taux de 2 %. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

M. Jean-Louis Carrère. À qui la faute ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Qu’avez-vous fait depuis dix ans ?

M. Philippe Richert, ministre. Si la note de notre pays venait à se dégrader, nous devrions emprunter à un taux de 4 %, de 5 %, voire de 6 %. Je vous laisse imaginer les conséquences d’une telle évolution !

Malgré une diminution des recettes de l’État de l’ordre de 20 %, le Gouvernement a garanti aux collectivités le même niveau de ressources qu’auparavant. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de lUMP. – Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

M. Jean-Jacques Mirassou. Ce n’est pas vrai !

Mme Cécile Cukierman. Les Français savent que c’est faux !

MM. Roland Courteau et Jean-Pierre Michel. C’est faux !

M. Philippe Richert, ministre. Regardez les chiffres !

M. Roland Courteau. Justement, on les regarde !

M. Philippe Richert, ministre. L’État a reversé aux collectivités 98 milliards d’euros en 2010, 99 milliards d’euros en 2011 ; ce montant atteindra 100 milliards d’euros en 2012 : grosso modo, il progresse de 1 milliard d’euros tous les ans ! Ces chiffres, vous ne pouvez les contester ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Bernard Piras. Et l’inflation ?

M. Philippe Richert, ministre. Pour ce qui concerne la réforme des collectivités territoriales,…

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous avez transféré les charges !

M. Philippe Richert, ministre. … nous avons souhaité engager une rénovation de l’intercommunalité.

Cette rénovation, nous l’avons entreprise…

M. Jean-Louis Carrère. À la hussarde !

M. Philippe Richert, ministre. … sur la base d’un travail de co-construction d’une carte de l’intercommunalité conduit par les préfets et associant l’ensemble des élus,…

M. Pierre-Yves Collombat. Ce n’est pas vrai !

M. Philippe Richert, ministre. … y compris bien sûr ceux de gauche, au sein de la commission départementale de coopération intercommunale.

M. Roland Courteau. Il faut un projet !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Même vos amis n’y croient pas !

Mme Cécile Cukierman. Les élus n’ont pas voté pour vous !

M. Philippe Richert, ministre. Ce travail doit permettre d’élaborer ensemble, d’ici au 31 décembre prochain, un projet qui pourra faire l’objet d’un très large consensus.

M. Bernard Piras. Le dernier mot aux élus !

M. Philippe Richert, ministre. Là où ce ne sera pas possible, l’adoption de la nouvelle carte de l’intercommunalité sera reportée après le 31 décembre 2011. Tous les élus qui le souhaitent, quelle que soit leur sensibilité politique, peuvent participer à ce chantier. Tel est l’engagement du Premier ministre et du Gouvernement ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Manifestation des Algériens à Paris le 17 octobre 1961

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le 19 octobre 1961, ici même, le sénateur de la Seine Jacques Duclos interrogeait Roger Frey, ministre de l’intérieur, sur la journée tragique du mardi 17 octobre précédent.

Ce jour-là, des milliers d’Algériens, ouvriers dans les usines de la région parisienne, vivant pour beaucoup d’entre eux dans le bidonville de Nanterre, sont venus à Paris manifester sur les grands boulevards contre le couvre-feu discriminatoire décrété à l’encontre des Français musulmans par le préfet Papon.

M. Roland Courteau. Scandaleux !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cette manifestation pacifique a été réprimée avec une violence inouïe : des morts sur les trottoirs, des corps dans la Seine, des disparus, des inhumations anonymes au cimetière de Thiais. Voici le bilan officiel : « 11 500 arrestations, 2 morts, 8 blessés par balle. La police a fait son travail. »

M. Roland Courteau. C’est un scandale !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pourtant, les témoignages, nombreux, de policiers, de journalistes, de photographes présents sur les lieux le 17 octobre amènent à estimer le nombre des victimes à plus de 200.

La vérité a fait son chemin ; nous la devons à Jacques Panijel, à Patrick Rotman et Alain Tasma, à Didier Daeninckx, à Jean-Luc Einaudi, à Yasmina Adi.

Toutefois, le travail de mémoire a été entravé. Deux conservateurs des archives de Paris ont été sanctionnés pour avoir témoigné au procès en diffamation intenté par Papon contre Jean-Luc Einaudi en 1999. Pourtant, Papon a perdu ce procès, premier pas vers la reconnaissance du crime du 17 octobre 1961.

Lundi dernier, des milliers de personnes, témoins survivants des événements, enfants, petits-enfants, jeunes d’aujourd’hui, ont défilé à Paris sur les grands boulevards, jusqu’à la plaque apposée par le maire de Paris sur le pont Saint-Michel, pour demander que soient enfin officiellement reconnus les massacres du 17 octobre 1961 et des jours suivants.

Mesdames, messieurs les membres du Gouvernement, cinquante ans après, les hautes autorités de notre pays doivent une parole de vérité aux peuples français et algérien.

M. Roland Courteau. Très bien !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le crime commis doit être reconnu et les responsabilités établies. Les archives de l’État doivent être soumises aux règles communes et ouvertes, afin de permettre l’établissement des faits ; la recherche doit être encouragée dans un cadre franco-algérien. Les familles ont droit à la vérité ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. Une autre question sur ce même thème devant être posée tout à l’heure, ma réponse s’articulera selon deux parties.

Madame la sénatrice, comme toutes les grandes questions historiques, la question que vous soulevez touche très profondément chacun de nos compatriotes. Permettez-moi, à ce titre, de commencer mon propos en évoquant un souvenir personnel.

À 13 ans, au seuil de l’adolescence, j’ai joué dans un film au côté d’une jeune comédienne dont je suis tombé éperdument amoureux. À l’issue du tournage, le visage de cette femme absolument exquise, aux qualités humaines et intellectuelles remarquables, est apparu en première page de France-Soir : elle venait d’être arrêtée, pour avoir été à la tête d’un réseau de porteurs de valises. Pour l’enfant de 13 ans que j’étais, ce fut un grand choc, suivi quelques mois plus tard par celui des événements du 17 octobre 1961.

Ce fut l’une des innombrables meurtrissures provoquées par la guerre d’Algérie. Dans cet hémicycle, chacun d’entre nous, à un moment ou à un autre, a été touché personnellement par cette période tragique et passionnelle de notre histoire.

Il est vrai que, durant des années, il a été difficile de savoir ce qui s’était exactement passé le 17 octobre 1961. Cela étant, madame la sénatrice, lorsqu’on voulait savoir, on le pouvait. Certes, tout le monde ne partageait pas cette volonté de savoir, mais on ne peut pas prétendre que, pendant toutes ces années, il a été impossible de consulter des documents. Personnellement, j’ai toujours su ce qui s’était passé le 17 octobre 1961, parce que ce sujet m’intéressait particulièrement.

Cinquante ans après, toutes les archives sont ouvertes et peuvent être consultées. Les dispositions réglementaires nécessaires ont été prises et, désormais, le devoir de mémoire peut s’effectuer. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Sécheresse

M. le président. La parole est à M. Alain Bertrand.

M. Alain Bertrand. Je souhaite appeler l’attention de M. le ministre de l’agriculture sur un sujet extrêmement grave : l’épisode de sécheresse qui frappe l’élevage français, en particulier la production d’herbe, de fourrages et de céréales.

Au total, soixante-cinq départements sont touchés, tandis que 333 millions d’euros ont été mobilisés pour le moment, sur la base d’un taux de perte de 30 %, le pourcentage définitif étant encore fortement incertain aujourd’hui.

Je prendrai l’exemple de mon département, la Lozère. À la fin du mois d’avril s’est installée une sécheresse terrible, accompagnée de gelées et suivie d’un épisode pluvieux fin juillet. Les conséquences ont été les suivantes : pas d’ensilage, une première coupe très faible, pas de deuxième coupe. À l’heure actuelle, les bêtes sont dans les pâturages, mais nous sommes obligés de leur apporter pratiquement tous les jours de la nourriture !

Les pertes varient de 45 % à 90 % pour les fourrages et de 50 % à 80 % pour les céréales, ce qui ne s’était jamais vu. Même en 1976, la situation n’avait pas été aussi dramatique ! Les prairies sont compromises pour 2012, et préparer la terre pour les semis de céréales d’automne est impossible.

Certes, des mesures ont été prises : dégrèvement partiel de la taxe foncière sur les propriétés non bâties, versement anticipé des aides de la politique agricole commune, mise en œuvre du dispositif d’indemnisation au titre des calamités agricoles. Pour la Lozère, l’État a versé un acompte de 1,9 million d’euros, sur 7,7 millions d’euros prévus.

Les conditions climatiques auraient pu évoluer, mais il n’en a rien été ; les situations sont différenciées, mais le manque de pluies persiste, notamment dans certains départements du centre de la France. Les bêtes vont devoir retourner dans les étables, or les granges sont vides. Chez moi, il gèle de nouveau depuis quatre jours. Mardi matin, la température était de quatre degrés au-dessous de zéro ! La situation est définitivement catastrophique dans un département comme la Lozère.

Que compte faire le Gouvernement, étant donné l’insuffisance caractérisée du dispositif actuel ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.) Est-il envisagé, par exemple, de reporter les annuités d’emprunts, pour répondre à une demande générale, de mobiliser une nouvelle enveloppe au titre des calamités agricoles et d’opérer une redistribution selon la situation climatique des départements, de repousser le paiement des cotisations à la Mutualité sociale agricole ?

Les agriculteurs sont des gens travailleurs, durs au mal, dignes de respect et d’attention. Ils entretiennent les deux tiers du pays. Il faut les soutenir, leur redonner espoir pour l’avenir ! Ils ne demandent pas l’aumône ! Le Gouvernement doit agir résolument pour sauver l’élevage français, menacé par la décapitalisation et la déstructuration : il s’agit d’une profession qui exporte et qui sert le pays ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées de lUCR.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé du logement. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser M. Le Maire, qui participe aujourd’hui, à Luxembourg, à une réunion du conseil européen des ministres de l’agriculture consacrée à deux dossiers essentiels : la réforme de la PAC et l’aide européenne aux plus démunis.

La sécheresse qui a frappé notre pays dès le printemps a durement touché les agriculteurs, notamment les éleveurs. Ceux-ci peinent à nourrir leurs bêtes.

Sous l’impulsion du Président de la République, le Gouvernement a, dès la mi-mai, tout mis en œuvre pour organiser la solidarité nationale, faciliter l’approvisionnement en fourrages, soulager la trésorerie des agriculteurs et, bien évidemment, indemniser les victimes de la sécheresse. (M. Ronan Kerdraon s’exclame.)

En premier lieu, nous avons souhaité organiser la solidarité nationale, d’abord en permettant le recours aux jachères et en autorisant les préfets à interdire le broyage des pailles au cas pas cas. En outre, nous avons encouragé la mise en place de contrats interfilières pour garantir la disponibilité de plus d’un million de tonnes de paille à moins de 25 euros la tonne. Enfin, nous avons facilité la circulation de ces pailles sur l’ensemble du territoire.

En deuxième lieu, nous avons entendu soutenir la trésorerie de nos agriculteurs. À la demande de M. Le Maire, les principaux réseaux bancaires partenaires de l’agriculture ont mis en place des dispositifs d’accompagnement des éleveurs victimes de la sécheresse, auxquels se sont ajoutés un aménagement des prêts contractés par les éleveurs dans le cadre du plan de soutien exceptionnel à l’agriculture d’octobre 2009, un allégement de la taxe sur le foncier non bâti et le versement anticipé de 75 % des indemnités compensatoires des handicaps naturels.

En troisième lieu, nous avons engagé le processus d’indemnisation des victimes de la sécheresse dès le 15 juin dernier. Les premiers arrêtés de reconnaissance de calamité agricole ont été pris le 12 juillet et les premiers versements sont intervenus dès le 15 septembre.

M. Jean-Jacques Mirassou. Donc, tout va bien ?

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Aujourd’hui, l’état de calamité agricole a été reconnu pour soixante-cinq départements.

Sur le plan européen, Bruno Le Maire a obtenu l’autorisation de verser de manière anticipée les aides de la politique agricole commune, à hauteur de 3,7 milliards d’euros.

Enfin, pour anticiper l’avenir, le Président de la République a récemment annoncé un plan de création de retenues d’eau sur cinq ans. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Dexia et les collectivités territoriales

M. le président. La parole est à M. Albéric de Montgolfier.

M. Albéric de Montgolfier. Compte tenu de l’importance de la question, je souhaite revenir sur le financement des collectivités territoriales.

M. le ministre chargé des collectivités territoriales l’a rappelé tout à l’heure, de nombreuses collectivités rencontrent des difficultés de financement et la Caisse des dépôts et consignations va débloquer une enveloppe de 3 milliards d’euros, prise sur les fonds d’épargne. Nous savons en outre que, à plus long terme, l’application des nouvelles normes prudentielles de Bâle III va conduire au retrait d’un certain nombre d’établissements de crédit du marché des prêts aux collectivités.

Monsieur le ministre, pouvez-vous déjà nous éclairer sur les modalités pratiques d’accès aux financements d’urgence de la Caisse des dépôts et consignations ? Quel est notamment le calendrier prévu pour l’adjudication de 1,5 milliard d’euros aux banques ?

Par ailleurs, que devront faire les collectivités qui rencontreraient de véritables difficultés de financement pour boucler leurs prêts en fin d’année ?

Enfin, à plus long terme, quelle piste privilégie aujourd’hui le Gouvernement pour assurer durablement le financement des collectivités territoriales ? Est-ce celle d’un rapprochement entre la Banque postale et la Caisse des dépôts et consignations ou celle de la création d’une agence de financement ? (Applaudissements sur les travées de lUMP, ainsi que sur certaines travées de lUCR.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.