Mme Nathalie Goulet. La restauration !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. … et qui pourraient fort bien, sans modifier de manière sensible le comportement des agents économiques, supporter une TVA à 7 %. C’est ce que je proposais ici même l'an dernier. Cela représenterait simplement une réduction de 10 % de l’avantage dont bénéficient le secteur du BTP et celui de l'hôtellerie-restauration.

Enfin, il ne faut pas perdre de vue que l’essentiel réside dans le respect de notre trajectoire de convergence des finances publiques et que l’action publique doit aussi passer au moins autant par la réduction des dépenses que par les dépenses fiscales.

Certes, je quitte là très brièvement le débat sur les prélèvements obligatoires stricto sensu pour évoquer les sujets que nous examinerons lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2012 et sur lesquels nous avons commencé à nous pencher en commission des finances, mais je tiens à souligner que la réflexion menée sur l’évolution des finances publiques a trop longtemps privilégié la définition de nouvelles recettes.

Il faut donc se féliciter, madame le ministre, que le Gouvernement auquel vous appartenez ait eu le courage d’agir déjà sur les dépenses publiques. Cela s'inscrit dans une contrainte annuelle d'augmentation limitée à 0,6 % dans le cadre de la loi de programmation triennale des finances publiques, alors que l'augmentation annuelle moyenne sur les dix années précédentes était de 2,4 %. À ce sujet, il convient de rappeler que l’objectif de déficit de 3 % du PIB en 2013 repose sur une réduction sans précédent du rythme d’évolution des dépenses. Ce courage doit être d’autant plus souligné que nous sommes à la veille d’échéances électorales essentielles.

En ce qui concerne la méthode et à titre de conclusion, …

M. François Fortassin. Déjà ? (Sourires sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Monsieur Fortassin, mes collègues du groupe UMP ont accepté que je profite un peu du temps de parole qui leur est accordé. (Marques d’approbation sur les travées de lUMP.) J’espère que cela ne vous choquera pas. (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

M. Claude Domeizel. Ce n'est pas normal !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Je souhaite exprimer des doutes sur notre capacité collective à cibler telle ou telle catégorie de dépense. Si l’on souhaite « tailler dans le vif » et désigner les charges qu’il convient de diminuer, sans doute faut-il procéder dans la période actuelle de la même manière dans le domaine budgétaire et dans le domaine fiscal. De même que le rabot fiscal doit être réglé au plus large, la toise budgétaire doit être la plus uniforme possible. Les efforts à accomplir susciteront d’autant moins de contestations qu’ils seront partagés par le plus grand nombre.

Certes, le chemin qui va nous être proposé pour les prochaines semaines sera ardu et nous aurons à nous adapter aux circonstances. J’espère que ce débat sur les prélèvements obligatoires nous guidera, compte tenu tant des éléments d'ordre de grandeur que de la vision consolidée des enjeux qu’il doit nous apporter. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. Mes chers collègues, je tiens à préciser que le dépassement du temps de parole réservé à M. le président de la commission des finances sera décompté du temps de parole global accordé au groupe UMP. (Murmures sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Michel Berson. C'est la confusion des genres !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous abordons le débat sur les prélèvements obligatoires dans des circonstances bien différentes de celles de l’an dernier. La brutale aggravation du contexte économique depuis quelques semaines, avec la hausse du chômage et la crise des dettes européennes, nous contraint plus que jamais à avoir un discours sans langue de bois, sérieux et responsable.

M. Ronan Kerdraon. Tout à fait !

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Nous sommes également à la veille d’échéances électorales majeures pour notre pays et nous devrons présenter à nos concitoyens un bilan complet, une analyse détaillée et sincère de la politique menée depuis dix ans.

Le regard permanent des marchés nous interdit d’ailleurs de travestir la réalité. Celle-ci est malheureusement sombre. La situation de nos comptes publics, et singulièrement de nos comptes sociaux, est arrivée au bout d’une logique. Nous ne pouvons plus procrastiner. Le Gouvernement a gravement failli en laissant filer les déficits et en refusant de prendre les décisions qui pourtant s’imposaient et sont aujourd’hui plus nécessaires encore pour un retour rapide à l’équilibre des comptes sociaux.

Vous le savez bien, ces prélèvements sociaux ne permettent pas, et depuis trop longtemps, de couvrir les dépenses de sécurité sociale. Le ratio de couverture des dépenses par les recettes qui était, pour le régime général, de 96,6 % en 2008 – nous le jugions déjà très faible – est passé à 92,3 % en 2010. Il remonte en 2012 mais dépassera à peine 95 %. Vous le voyez, nous sommes très loin du principe, inscrit dans le code de la sécurité sociale, de l’équilibre de chacune des branches de la sécurité sociale !

Cette persistance de déficits à un niveau très élevé a conduit la Cour des comptes à analyser en détail leur nature et à chercher à en distinguer la part conjoncturelle et la part structurelle. D’après ses estimations, plus des deux tiers du déficit du régime général en 2010 ont un caractère structurel, essentiellement dû à une insuffisance de recettes. Avant la crise, la Cour des comptes avait évalué le niveau du déficit structurel de la sécurité sociale à environ 10 milliards d’euros, précisément celui qui est enregistré chaque année depuis 2004. On ne peut s’empêcher de penser que la situation aurait été bien différente si la sécurité sociale avait abordé la crise avec des comptes équilibrés...

Malheureusement, pour l’avenir, la distinction entre déficit structurel et déficit conjoncturel présentera peu d’intérêt. En effet, même en retenant l’hypothèse d’une croissance forte et régulière assortie d’une bonne maîtrise des dépenses de santé, le déficit annuel du régime général restera fixé aux alentours de 10 milliards d’euros jusqu’en 2014, comme le montre la prévision pluriannuelle de l’annexe B du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, bâtie, cette année encore, sur des hypothèses extrêmement volontaristes, à savoir une croissance annuelle de 2 % pour le PIB et de 4 % pour la masse salariale à partir de 2013.

Seules des mesures nouvelles significatives pourront donc permettre une réduction du déficit, le retour de la croissance étant tout juste suffisant pour stabiliser le solde actuel, contrairement à ce que nous a longtemps dit le Gouvernement.

Récemment, toutefois, vous semblez avoir un peu changé d’optique, peut-être sous la regrettable pression des marchés. Cela se manifeste par l’augmentation du taux des prélèvements obligatoires prévue pour 2011 et 2012. Cette hausse n’est en effet possible que grâce à l’adoption de mesures nouvelles. Mais, malgré tout, comme le montre également l’annexe B du projet de loi de financement de la sécurité sociale ou les perspectives de la loi de programmation votée l’année dernière, nous sommes encore très loin de l’équilibre.

Une question, terrible, se pose alors : le Gouvernement aurait-il abandonné tout objectif de retour à l’équilibre des comptes sociaux ? Nous le craignons et le déplorons.

Comme le souligne la Cour des comptes dans son rapport du mois de septembre, cette situation de déficit perpétuel des comptes sociaux est une véritable exception française. Aucun autre pays européen ne laisse filer ses déficits de la protection sociale au-delà des inévitables ajustements conjoncturels. En Allemagne, par exemple, il est même interdit aux caisses d’assurance maladie d’être en déséquilibre.

Pour quelle raison n’avons-nous pas compris – je ne peux m’empêcher de viser là, en premier lieu, le Gouvernement actuel – qu’il est totalement irresponsable de financer à crédit des dépenses courantes ? Est-il moralement admissible de prévoir d’imposer à nos enfants et à nos petits-enfants de payer nos dépenses de santé en plus des leurs ?

Bien sûr, les comparaisons internationales et même simplement européennes doivent être utilisées avec précaution, car tout dépend aussi de l’organisation de nos systèmes respectifs. Mais la Cour des comptes, qui s’est penchée avec discernement sur la question, considère que nous sommes réellement les seuls à enregistrer de manière constante de tels niveaux de déficits sociaux.

Aussi, face à la situation actuelle, je suis animé par deux certitudes : la première est que notre système de protection sociale est, cette fois-ci, réellement menacé du fait de l’ampleur des déficits atteints; la seconde est que nous devons cesser de reporter nos difficultés d’aujourd’hui sur les générations futures en creusant encore la dette.

Cela signifie que tous nos efforts et notre réflexion doivent désormais porter sur la manière de réduire les déficits des années à venir. Autrement dit : comment financer le maintien d’un haut niveau de protection sociale pour nos concitoyens, tout en tenant compte, bien sûr, du montant déjà élevé de nos prélèvements obligatoires et des contraintes de compétitivité d’une économie ouverte ?

La maîtrise des dépenses est évidemment essentielle – je le dis à nos collègues de l’opposition, ici, au Sénat –, dès lors qu’elle est juste et mise en œuvre dans un vrai souci d’efficience, mais ce n’est pas notre sujet de débat aujourd’hui.

La définition d’un niveau de recettes suffisant pour assurer une bonne couverture sociale est en effet la priorité. Je constate d’ailleurs qu’aucun observateur, aucune institution, aucun expert avisé n’exclut, en la matière, une hausse des prélèvements pour faire face aux dépenses supplémentaires, liées notamment au vieillissement de la population. La Cour des comptes elle-même – et on ne peut la suspecter de laxisme – ne cesse de rappeler, rapport après rapport, cette nécessité. Philippe Séguin, d’abord, puis Didier Migaud l’ont vigoureusement affirmé plusieurs fois devant notre commission.

Cette dernière proposera d’ailleurs, la semaine prochaine, des mesures concrètes lors de l’examen du PLFSS pour 2012. Mais il est d’ores et déjà possible de définir les grandes pistes qu’elle retient. Elles s’orientent autour de trois axes : en premier lieu, la révision des mesures coûteuses et sans fondement, au premier rang desquelles je place les exonérations de cotisations sociales sur les heures supplémentaires, votées dans le cadre de la loi TEPA d’août 2007, qui représentent un coût de 3,5 milliards d’euros pour la sécurité sociale (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.) ; en second lieu, l’amplification de la réduction des niches sociales, qui constitue un levier prioritaire pour le relèvement des finances publiques, au travers notamment de la hausse du forfait social, de l’accroissement des contributions sociales sur les retraites chapeaux, les stock-options ou les parachutes dorés ; …

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. … en troisième lieu, la mobilisation de nouvelles ressources, en organisant, par exemple, un meilleur ciblage des allégements généraux de charges sociales, dont le coût total est supérieur à 20 milliards d’euros.

Avant de terminer mon propos, je voudrais insister sur la dette sociale, qui, vous le savez, atteindra 141 milliards d’euros à la fin de l’année. Elle résulte, pour sa majeure partie, de l’accumulation des déficits sans précédent des dix dernières années. Le gouvernement actuel en porte bien l’entière responsabilité, puisqu’elle a plus que doublé depuis 2007.

Afin d’en permettre le remboursement, 15 milliards de prélèvements sont affectés à la CADES pour couvrir à la fois la charge d’intérêt et l’amortissement de cette dette. Est-il satisfaisant de devoir se priver aujourd’hui de ces ressources pour corriger les défaillances du passé ? Nous nous privons là d’une réelle marge de manœuvre qui contraindra tous les gouvernements jusqu’en 2025 !

Si nous avions augmenté la CRDS, recette en principe exclusivement affectée au remboursement de la dette sociale – comme l’a d’ailleurs toujours souhaité notre commission, y compris dans sa précédente configuration – au lieu de ponctionner les différentes branches, nous disposerions aujourd’hui de 9 milliards d’euros de ressources supplémentaires pour les différentes branches de la sécurité sociale. Cette somme correspond à la part de CSG prélevée sur le FSV – le fonds de solidarité vieillesse – et la branche famille et à la part du prélèvement social sur les revenus du capital antérieurement affectée au Fonds de réserve pour les retraites.

En conclusion, mes chers collègues, dans ce contexte très préoccupant pour les finances publiques et sociales de notre pays, notre commission a choisi de vous livrer deux messages, simples mais essentiels.

À l’évidence, nous ne pouvons plus continuer dans la voie tracée depuis dix ans : nous devons nous interdire de transférer des prélèvements sociaux aux générations futures, par le maintien de déficits structurels élevés et par le biais d’une gestion différée de la dette ; le retour à l’équilibre est une priorité.

Et, pour ce faire, nous devons sans tarder mobiliser les prélèvements nécessaires, en exploitant toutes les marges de manœuvre encore disponibles – il y en a ! – afin de préserver un modèle de protection sociale auquel nous sommes tous attachés et qui ne pourra survivre qu’avec une volonté très affirmée de mettre en place les recettes nécessaires à la couverture de besoins maîtrisés. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le rapporteur général de la commission des affaires sociales, Yves Daudigny, vient de dresser un tableau grave et même alarmant de nos finances sociales. Mme la rapporteure générale de la commission des finances l’avait également évoqué auparavant.

Notre sécurité sociale connait en effet les plus grandes difficultés ; notre système même de protection sociale est aujourd’hui menacé.

Tel est le résultat de la politique budgétaire, fiscale, sociale inefficace menée depuis des années. C’est la conséquence du refus systématique du Gouvernement de trouver des recettes pour assurer un meilleur équilibre financier de notre protection sociale et de l’inertie opposée devant les préconisations de tant d’experts, de tant de rapports, notamment de la Cour des comptes, pour une mobilisation plus active des niches sociales et fiscales.

Nous avons toutes et tous en mémoire, à la commission des affaires sociales – Yves Daudigny le rappelait à l’instant – les propos tellement clairs de Philippe Séguin sur le sujet. Didier Migaud ne dit pas autre chose, aujourd’hui, quand il déclare qu’il est urgent de recourir à ces assiettes largement exemptées de contributions sociales.

Nous le savons, les recettes existent. Nous sommes nombreux à l’affirmer et mon groupe ne fait pas exception.

Je pense à cet instant aux nombreuses interventions de Guy Fischer pour dénoncer le tabou des niches sociales et fiscales. Pourquoi, madame la ministre, est-il si difficile de les mobiliser ?

Votre gouvernement a préféré faire le choix de la maîtrise de la dépense publique, une « maîtrise ambitieuse », proclamez-vous même ! Or nous assistons plutôt à la réduction, parfois même l’amputation, de la dépense publique.

En matière de protection sociale, cette politique a des conséquences immédiates pour un grand nombre de nos concitoyens qui doivent subir sacrifices et injustices. Vous avez même, dans le cadre du PLFSS, que nous examinerons la semaine prochaine, fait des choix profondément injustes, par exemple en décidant l’assujettissement à la CSG du complément de libre choix – disposition heureusement supprimée par les députés –, puis en prévoyant le report de trois mois de la revalorisation des allocations familiales.

Madame la ministre, vous vous attaquez ainsi directement aux ménages les plus modestes, aux foyers avec de jeunes enfants. N’y a-t-il vraiment aucune autre « cible » à mettre à contribution ?

L’article XIII de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 dispose : « Une contribution commune est indispensable ; elle doit être également répartie entre tous les citoyens en raison de leurs facultés. »

Il s’agit d’un principe fondamental, auquel la commission adhère, mais que vous semblez avoir oublié ces dernières années. Ce n’est d’ailleurs pas moi qui le dis, mais le Conseil des prélèvements obligatoires en faisant référence, dans son rapport de mai 2011, à une enquête de l’INSEE qui indique que, depuis 2004, le niveau de vie des plus modestes a cessé d’augmenter plus rapidement que celui des niveaux intermédiaires, tandis que celui des plus aisés continuait de progresser, essentiellement en raison de l’augmentation rapide des revenus du patrimoine.

Les revenus du patrimoine : voilà une piste facile à exploiter ! D’ailleurs, le dernier collectif budgétaire a augmenté les prélèvements sociaux qui les affectent, mais de 1,2 point seulement !

N’était-il vraiment pas possible d’aller plus loin ? Pourquoi ne pas envisager que ces prélèvements sur les revenus du capital alimentent davantage le budget de l’État ?

Peut-être pourrez-vous nous expliquer, madame la ministre, pourquoi, dans le contexte actuel si tendu des finances publiques, le Gouvernement se prive d’une telle marge de manœuvre ?

Permettez-moi de faire une autre citation tirée du rapport du Conseil des prélèvements obligatoires : « Globalement, le taux d’effort moyen des ménages a augmenté de 4,3 points entre 1990 et 2009 […] Ce taux d’effort n’a pas augmenté de façon identique pour toutes les catégories de ménages. »

Dans le secteur social, c’est évident ! Avec l’addition, dans le domaine de la santé, des franchises, des dépassements d’honoraires ou encore de la hausse du coût des mutuelles, force est de constater que les efforts ne sont pas répartis équitablement. Ces ponctions sur les ménages ne sont pas du tout effectuées en proportion de leurs revenus.

Le débat de ce soir nous aura permis de faire le constat – Mme la rapporteure générale de la commission des finances l’évoquait également dans sa conclusion – qu’il est donc urgent de changer l’orientation de notre politique de prélèvements obligatoires. La commission des affaires sociales, dans sa nouvelle configuration, en a pleinement conscience.

Mes chers collègues, comme l’a annoncé Yves Daudigny, nous nous emploierons à faire des propositions audacieuses et constructives à l’occasion du débat sur le PLFSS. Il nous faut en effet mettre un terme à l’incroyable accumulation de déficits que nous connaissons aujourd’hui. Nous aurons surtout à cœur de répartir équitablement les efforts entre l’ensemble de nos concitoyennes et concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.

M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, quelques chiffres désastreux doivent nous faire prendre conscience de l’urgence d’une réforme de nos prélèvements obligatoires : un déficit budgétaire de98 milliards d’euros ; 10 points d’écart entre une dépense publique démesurée – 54 % du PIB – et des prélèvements obligatoires parmi les plus hauts de l’Union européenne – 44,2 % du PIB ; 75 milliards de déficit commercial, interne à l’Union européenne pour 60 %.

Votre tâche est ardue, madame la ministre, car avec une croissance modeste de 1 %, vous devez trouver 10 milliards d’euros sur le budget pour 2012. Il serait, me semble-t-il, prudent de considérer une hypothèse de croissance encore plus faible, et donc des recettes moins importantes. S’il y a un surplus par rapport aux prévisions, il devra être consacré à réduire le déficit.

Votre tâche devient schizophrénique dès lors que l’on compare nos impôts à ceux de nos partenaires et concurrents européens. Les nôtres devraient être baissés dans le cadre d’une harmonisation fiscale, mais le niveau de notre déficit budgétaire en rend, hélas ! l’augmentation inévitable.

J’y ajouterai une réduction urgente et indispensable de la dépense publique, qui excède de 162 milliards d’euros celle de l’Allemagne.

Comment entendre Alphonse Allais en demandant plus à l’impôt et moins au contribuable ?

M. François Marc. Très bien !

M. Aymeri de Montesquiou. Les classes moyennes sont surtaxées. Il n’est pas souhaitable de s’acharner encore plus sur elles.

Inspirons-nous du justicier Robin des Bois : après avoir, enfin, abrogé le bouclier fiscal, créons une cinquième tranche imposant les détenteurs des plus hauts revenus. Ce serait justice que ceux-ci participent proportionnellement à leurs revenus à l’indispensable effort fiscal national. Une fiscalisation des contrats dérivés à 0,01 % et des actions-obligations à 0,1 % pourrait rapporter 8 milliards d’euros. Il serait normal, car équitable, de taxer les stock-options et les parachutes dorés au niveau des revenus.

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. Aymeri de Montesquiou. Pour éviter un exode fiscal improbable, pourquoi ne pas prendre exemple sur les États-Unis, qui imposent leurs citoyens en fonction de leur appartenance à la collectivité nationale et non selon leur résidence ?

M. Jean Arthuis. Très bien !

M. Aymeri de Montesquiou. Les niches fiscales représentent une dépense fiscale approchant les 65 milliards d’euros, sur lesquels nous pourrions prélever 10 %.

M. Aymeri de Montesquiou. Je n’entrerai pas dans le détail : la baisse de la TVA dans la restauration, la loi Scellier, le PTZ, entre autres, s’ajoutent à toutes ces niches dont l’incidence positive est estimée comme nulle part Henri Guillaume, inspecteur des finances, dans un rapport publié pour la Cour des comptes, déjà cité par le président de la commission des finances, Philippe Marini.

M. François Marc. Il y en a beaucoup !

M. Aymeri de Montesquiou. L’alternative est la suivante : soit une réduction des niches selon les critères retenus par Henri Guillaume, ce qui provoquera un gigantesque lobbying, une pluie d’amendements, et tout cela nécessiterait beaucoup de temps alors qu’il y a urgence ; soit un coup de rabot uniforme, sans aucune modulation.

Soyons pratiques et recherchons l’efficacité : écoutons Saint-Just, qui affirmait que « nul ne saurait gouverner sans laconisme », car il avait parfois raison.

M. François Patriat. Il avait toujours raison !

M. Aymeri de Montesquiou. Notre déficit commercial se monte à 75 milliards d’euros. Il trouve son origine, pour près des deux tiers, au sein de l’Union européenne, ce qui souligne bien l’absence de compétitivité de nos entreprises. C’est pourquoi il nous est absolument impossible d’aggraver leur fiscalité.

J’insiste sur cette compétitivité : sa faiblesse n’est pas due à une mauvaise gouvernance ni à une productivité déficiente, car notre main-d’œuvre est l’une des meilleures ; c’est le niveau de nos prélèvements obligatoires qui en est très largement responsable.

En effet, l’imposition de la production représente près de 15 points de notre richesse annuelle, soit 2 de plus que la moyenne de l’Union, mais 4 de plus que l’Allemagne. Structurellement défavorisés au regard de nos principaux concurrents, nous sommes de moins en moins compétitifs.

Ne pénalisons donc pas encore plus notre économie en surtaxant les PME, qui représentent les deux tiers des emplois en France et dont la compétitivité, je le souligne de nouveau, est indispensable à notre croissance, et donc à l’emploi. !

M. François Marc. Très bien !

M. Aymeri de Montesquiou. Il est impératif de rapprocher le taux de l’impôt sur les sociétés des PME de celui de nos concurrents majeurs : l’Allemagne et l’Italie. De même, nous devons faire converger les politiques économiques et fiscales de tout l’Euroland, pour éviter les divers dumpings.

En revanche, les grandes entreprises du CAC 40, dont certaines sont en partie délocalisées à l’étranger, devraient être soumises à un taux d’imposition supérieur aux 15 % constatés en moyenne par la Cour des comptes, sur des bénéfices évalués à 46 milliards d’euros.

Résistons à la concurrence faussée des pays où les charges et les salaires sont infiniment plus faibles en augmentant la TVA à taux normal. Cela permettrait de baisser les charges, donc le coût de fabrication de nos produits, et, partant, d’améliorer notre compétitivité. Taxons ainsi la consommation plutôt que la production. L’incidence serait neutre pour les consommateurs, neutre pour leur pouvoir d’achat et compenserait, en partie, le dumping social et écologique de certains pays.

Même si nous considérons comme injuste toute mise en garde ou tout verdict négatif des agences de notation, il n’y a pas d’appel possible et leurs conséquences seraient très lourdes pour notre dette. Leur pression nous contraint – finalement, c’est heureux – à prendre nos responsabilités sur le fond et à ne plus viser que le court terme. Notre fiscalité sera le révélateur de notre justice sociale et d’une économie plus dynamique.

Chacun s’accorde à considérer que les convulsions qui ont frappé l’euro sont dues essentiellement à l’absence d’une politique économique et fiscale de l’Euroland. Nous devons donc absolument rapprocher nos fiscalités et nos politiques économiques afin de faire converger nos intérêts.

Madame la ministre, mes chers collègues, cette harmonisation indispensable trouverait sa traduction dans un poids accru de l'économie de l'Union européenne, la première du monde, et permettrait d’en faire, à moyen terme, la première puissance politique. Elle devra être mise en place au cours des cinq prochaines années de la future présidence, quel que soit celui qui en aura la charge. (MM. Jean Arthuis et Philippe Marini applaudissent.)

M. François Marc. Nous sommes d’accord sur l’essentiel !

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le débat qui nous occupe aujourd’hui peut être l’occasion d’une discussion de fond sur la conception de la fiscalité et de son rôle. Il prend une acuité particulière en cette période précédant l’élection présidentielle, mais aussi au moment où l’avenir de l’Europe pose de nouveau question. Je dis « de nouveau » à dessein, car, bien que certains semblent l’oublier, cette question a bien été soulevée à l’occasion d’un référendum précédent, mais il n’en fut pas tenu compte.

L’élection présidentielle devrait être marquée par le débat fiscal et social ; les positions des uns et des autres seront autant de repères pour que nos concitoyens fassent le choix de la société dans laquelle ils veulent vivre, au moment de leur vote.

Il y a toujours eu une façon particulière de concevoir la question des prélèvements obligatoires : garder les yeux rivés sur le pourcentage de ces prélèvements au regard du produit intérieur brut et fournir une interprétation ou une caractérisation de la société française dans son ensemble à mesure de la progression, ou non, d’un tel pourcentage.

Il fut un temps, pas très ancien, où le fait de dépasser les 40 % de prélèvements obligatoires suffisait pour certains à démontrer qu’un pays était entré dans une sorte de « socialisme rampant », la puissance publique sous toutes ses formes – État, collectivités locales, sécurité sociale – tendant à pourvoir à l’ensemble des besoins collectifs et individuels de la population.

Nous en sommes, dans le projet de loi de finances pour 2012, à un niveau de plus ou moins 45 %. Cependant, il ne viendrait à l’idée de personne de qualifier la politique du présent gouvernement, menée sous la direction de François Fillon et le patronage de Nicolas Sarkozy, de « socialiste ». (Sourires sur les travées du groupe CRC et sur plusieurs travées du groupe socialiste-EELV.)

Autant le dire, la part des prélèvements obligatoires pourrait être plus élevée encore que cela ne suffirait aucunement à qualifier une politique gouvernementale.

Malgré tout, il semble bien que le taux relativement élevé de prélèvements obligatoires dans notre pays ait eu, dans la dernière période, au moins un avantage : éviter à notre pays de connaître la même récession que bien d’autres ; je pense notamment à nos voisins espagnols, quand la surchauffe et la méfiance ont commencé à contaminer les marchés financiers internationaux à l’été 2008.

Il est encore heureux que la France, avec son système de sécurité sociale, son assurance chômage, quoique imparfaite, les effets redistributifs de ses impôts, bien que fortement réduits ces dernières années, et la rigidité de son code du travail – on ne licencie pas en France aussi facilement qu’ailleurs dans le monde –, ait disposé des moyens d’éviter que la situation ne devienne par trop compliquée.

On a vu d’ailleurs combien l’absence d’une politique de santé, prise en charge solidairement par le budget de l’État, avait pesé lourd lors de la crise des subprimes aux USA.

Cela dit, ces différents « amortisseurs », comme souvent le Gouvernement les a appelés, qui ont le prix de notre système de prélèvements, n’ont pas pu nous empêcher de voir croître le chômage dans des proportions toujours inquiétantes et, surtout, se réduire l’activité économique de manière particulièrement significative.

La reprise, bien modeste, de 2010 n’aura pas duré et nous sommes sur une perspective de ralentissement de l’activité en 2012, qui pose avec une force renouvelée la question de l’évolution de nos prélèvements.

Dans le rapport qu’elle a établi au nom de la commission des finances, notre collègue Nicole Bricq, rapporteure générale du budget, nous apporte des éléments fournis, à l’appui de la démonstration critique des politiques menées depuis 2007 et, pour tout dire, durant la législature précédente. Cette politique fiscale et sociale se caractérise par un bilan négatif pour la majeure partie de la population.

La législature et le mandat présidentiel qui s’achèvent auront été marqués par le plein succès des orientations fixées par le Président de la République.

Dans un contexte de maintien et même de renforcement final de la part des prélèvements obligatoires dans la richesse créée, nous avons pu voir se réduire la contribution au budget de l’État des plus grandes entreprises ainsi que des ménages les plus aisés et les plus fortunés.

Madame la ministre, mes chers collègues, n’était-ce pas le mandat assigné à Nicolas Sarkozy par ceux-là mêmes qui l’ont soutenu et qui furent invités à fêter son élection au Fouquet’s ? Je prendrai quelques exemples particulièrement éclairants à cet égard.

Depuis 2007, le Gouvernement a supprimé la taxe professionnelle, qui constituait, depuis sa création en 1976, l’une des exigences des milieux patronaux français.

Instrument ayant servi à rassembler les plus petites entreprises aux côtés des plus grandes, alors que les secondes ponctionnent pourtant les premières en les épuisant régulièrement avec des contrats de sous-traitance léonins, la taxe professionnelle, première ressource fiscale des collectivités territoriales, fortement allégée, avait encore une certaine dynamique, même si elle pesait plus lourd sur l’activité industrielle que sur la sphère financière.

La contribution économique territoriale, appelée à la remplacer, montre ses limites. Elle annule tout effet, positif ou négatif, des politiques d’aménagement local, puisque le fait d’accueillir des entreprises n’aura bientôt plus aucun intérêt sur le plan fiscal.

De surcroît, l’instauration de la contribution économique territoriale a mis à mal, quoi qu’on en dise, l’autonomie fiscale des collectivités territoriales.