M. Alain Gournac. Ce n’est pas bien !

M. Xavier Bertrand, ministre. Ah bon, madame le rapporteur ?

Mme Annie David, rapporteure. C’est faux ! Mensonges ! Lisez la fin du rapport !

Mme Catherine Procaccia. Les courriers qui ont été envoyés n’ont pas tous reçu de réponse puisque vous vous y êtes prise très tardivement.

Ainsi, en commission, vous êtes convenue de l’absence d’auditions liée aux circonstances, notamment à l’inscription un peu rapide de ce texte à l’ordre du jour de notre assemblée. Quelle précipitation !

En conclusion, parce que cette proposition de loi aura un impact économique désastreux pour notre pays, comme la loi imposant de manière uniforme et autoritaire la réduction du temps de travail à 35 heures ; parce que les dérogations prévues par la loi du 10 août 2009 pour les communes et zones touristiques, ainsi que pour les PUCE, ont été validées par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 6 août 2009 ; parce que Conseil constitutionnel a estimé que la loi ne porte aucunement atteinte au principe d’égalité entre salariés, encore moins aux droits individuels des salariés, et parce que les auteurs de cette proposition de loi n’ont pas respecté le protocole Larcher approuvé par le bureau du Sénat le 16 décembre 2009, mes collègues du groupe UMP et moi-même demandons le retrait de la proposition de loi n° 794 rectifié.

Mme Éliane Assassi. Vous avez dépassé votre temps de parole !

Mme Catherine Procaccia. Je n’ai pas dépassé mon temps de parole, madame la sénatrice ! Dois-je vous rappeler que Mme Isabelle Debré n’a pas pu faire son rappel au règlement ? (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Annie David, rapporteure. Sans hésitation, la commission émet un avis défavorable.

Je souhaite m’arrêter sur les arguments qui ont été avancés par Mme Procaccia, car ils ne me semblent pas recevables.

Certes, ce texte vise à revenir sur une loi qui a été votée en 2009. Néanmoins, mes chers collègues, le Sénat n’a-t-il pas adopté au mois de juin dernier, M. le ministre ne peut pas l’avoir oublié, la loi Fourcade, qui reprend une grande partie des dispositions de la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite loi HPST ? Ce texte datait également de 2009 et précédait de peu l’adoption de la loi Mallié. Je ne vois donc rien d’illogique à ce que nous modifiions la loi Mallié quelques mois après avoir révisé la loi HPST. Ce qui vaut pour l’un, vaut pour l’autre…

Par ailleurs, quelle différence, madame Procaccia, y aurait-il ici avec les textes budgétaires, votés en novembre et en décembre, qui font l’objet tout au long de l’année suivante de modifications ? Les diverses lois de finances rectificatives apportent la preuve qu’il faut prendre en compte l’évolution de la société. Nous n’avons pas d’autre ambition avec cette proposition de loi.

La loi Mallié, contrairement à ce que vous avez affirmé, madame la sénatrice, ne constitue pas un point d’équilibre. D’ailleurs, si tel avait été le cas, la majorité sénatoriale de l’époque l’aurait sans doute votée de manière beaucoup plus massive. Or ceux qui étaient au Sénat se souviendront que la majorité UMP était extrêmement divisée sur ce texte et ne l’avait emporté que de quelques voix ! (Protestations sur les travées de lUMP.)

M. Alain Gournac. On l’a voté !

Mme Annie David, rapporteure. Le texte a été adopté à quelques voix de majorité. Dire qu’il s’agit d’un texte d’équilibre est donc un mensonge !

M. Alain Gournac. Quelle audace !

Mme Annie David, rapporteure. De surcroît, l’ensemble des organisations syndicales sont opposées à la loi Mallié et au travail dominical. Où est le point d’équilibre ?

M. Alain Gournac. La loi a été votée, respectez-la !

Mme Annie David, rapporteure. Merci de m’interrompre, monsieur Gournac ! (Exclamations sur les travées de lUMP.)

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Vous avez bien interrompu le ministre !

M. Gérard César. Oh là là !

Mme Annie David, rapporteure. Parmi les organisations patronales, la Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises, la CGPME, et l’Union professionnelle artisanale, l’UPA, ont émis de fortes réserves, car elles sont très soucieuses du maintien et de la préservation des commerces de proximité. Elles nous ont fait savoir que l’ouverture le dimanche des magasins, notamment des grandes surfaces, risquait de mettre en péril les commerces dans les villages et les quartiers. (Protestations sur les travées de lUMP.)

Mme Annie David, rapporteure. Si vous souhaitez la fermeture des commerces de proximité, c’est votre choix ! Vous dites que nous supprimons des emplois mais, vous, vous fermez des commerces de proximité ! (Vives exclamations sur les travées de lUMP.)

M. Jackie Pierre. C’est incroyable !

Mme Annie David, rapporteure. La proposition de loi que nous examinons cet après-midi constitue, elle, un vrai point d’équilibre, car les dérogations au repos dominical seront proportionnées au but visé.

Avec la loi Mallié, les magasins de bricolage, comme tous les autres, peuvent ouvrir le dimanche dans les zones touristiques, sans volontariat, sans rémunération supplémentaire, sans repos compensateur pour les salariés.

La loi Mallié a donc introduit des discriminations entre les salariés puisque, dans les zones touristiques, les employés n’ont aucun droit sauf celui de se taire et d’aller travailler le dimanche. Dans les PUCE, il en va un peu autrement, mais le dispositif n’est pas pour autant satisfaisant : le salaire n’est pas forcément doublé et le repos compensateur n’est pas non plus obligatoirement accordé. La loi fait seulement mention du volontariat. Quand on sait que, dans les entreprises ou les commerces, les salariés sont soumis à leur employeur par un lien de subordination, on mesure toutes les limites du volontariat…

M. Gérard César. Et les comités d’entreprise, alors ?

Mme Annie David, rapporteure. Mme Jouanno a parlé des étudiants, qui pourraient travailler le dimanche. Son projet de société est de faire travailler les jeunes le dimanche pour qu’ils financent leurs études ? Je la laisse libre de ses choix ! (Protestations sur les travées de lUMP.)

Pour ma part, je ne souhaite pas que les étudiants issus de familles modestes soient contraints de travailler le dimanche pour payer leurs études, contrairement à leurs petits copains et petites copines d’un milieu plus favorisé. Ce serait discriminatoire ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV. – Vives exclamations sur les travées de lUMP.)

M. Pierre Hérisson. Laissez-les vivre !

Mme Annie David, rapporteure. J’en reviens aux arguments qui ont été développés à l’appui de la motion tendant à opposer la question préalable.

Vous avez affirmé que nous voulions revenir sur les PUCE, alors que, parmi les élus de gauche, certains y sont favorables. Je vous rappelle que vous étiez tous, à droite, opposés aux emplois-jeunes, mais je vous mets au défi de trouver une seule commune de droite qui n’a pas d’emploi- jeune sur son territoire ou, en tout cas, qui n’y a pas eu recours. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)

Vous nous dites aussi que 250 000 emplois seraient menacés. Monsieur le ministre, je pense que vous faites référence au rapport du comité de suivi, dont j’étais membre. Si le chiffre de 250 000 salariés est effectivement avancé dans ce rapport, il est précisé que le nombre de salariés concernés n’est pas connu avec précision et qu’il est largement surestimé puisque, d’une part, il compte les commerces alimentaires, et, d’autre part, il englobe l’ensemble des communes comportant des zones touristiques, notamment Lyon, Paris, Marseille. Ces chiffres sont donc assez hasardeux, monsieur le ministre.

Vous retrouverez ces précisions à la page 27 du rapport du comité de suivi, dont je vous épargne la lecture à cet instant, mais que je vous encourage à consulter puisqu’il est désormais disponible.

Vous nous dites aussi qu’il faut prendre en compte les réalités. C’est ce que nous faisons en écoutant les salariés qui viennent nous dire qu’ils veulent pouvoir bénéficier de leurs dimanches sans être obligés de travailler ces jours-là, qu’ils soient employés dans un commerce ou dans n’importe quelle entreprise.

M. Pierre Hérisson. Eh oui, le paradis n’est pas sur terre !

Mme Annie David, rapporteure. Enfin, madame Procaccia, il n’est pas du tout correct de votre part de dire que je n’ai pas engagé de discussions avec les organisations syndicales.

M. Alain Gournac. Il n’y a eu aucun respect des organisations syndicales !

Mme Annie David, rapporteure. J’ai sollicité par courrier l’ensemble des organisations et, si vous aviez lu mon rapport, vous y auriez trouvé les réponses qu’elles m’ont adressées. Les organisations m’ont répondu qu’elles étaient favorables à cette proposition de loi et qu’elles ne souhaitaient pas l’ouverture de négociations nouvelles. (Mme Catherine Procaccia proteste.) Je n’ai donc pas engagé de nouvelles négociations.

J’ai respecté à la lettre leur volonté, contrairement à M. Mallié qui, lui, n’avait engagé, à l’époque, aucune concertation syndicale. Le Gouvernement s’était d’ailleurs déchargé de sa responsabilité sur un député de sa majorité pour éviter la concertation avec les partenaires sociaux.

Mme Catherine Procaccia. Ce n’est pas vrai !

Mme Annie David, rapporteure. Cela avait fait partie de la longue discussion que nous avions eue à l’époque, vous vous en souvenez sans doute. M. Mallié n’avait engagé aucune concertation avec les partenaires sociaux, se contentant d’une visite à Plan de Campagne, dans sa circonscription. Il n’avait pas consulté les organisations syndicales au niveau national.

Par conséquent, me faire ce reproche, qui est injustifié,…

Mme Annie David, rapporteure. … c’est dire un mensonge puisque, dans le rapport du comité, figurent les réponses de l’ensemble des organisations syndicales que j’ai sollicitées.

La commission émet donc un avis défavorable sur cette motion. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Xavier Bertrand, ministre. Personne ici ne peut se faire le porte-parole de qui que ce soit, mais vous avez évoqué les organisations syndicales, madame la rapporteure. Sans surprise, parmi celles et ceux qui vous ont répondu, il y avait la CFTC, qui a toujours fait part de son opposition au principe même du travail du dimanche, ainsi que, sans davantage de surprise, la CGT.

Mais vous avez beaucoup parlé de la CGPME. Il est intéressant de lire dans le détail la réponse que celle-ci vous a adressée parce que l’on se rend ainsi compte qu’elle diffère quelque peu de ce que vous en avez dit à l’instant. (Ah ! sur les travées de lUMP.)

Voici ce qu’on peut lire à la page 61 du rapport de la commission : « Pour les commerces alimentaires : […] la CGPME considère que cette législation est adaptée à ce type de commerce et ne souhaite aucune modification de cette réglementation ». (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

Je n’invente rien, je ne fais que lire ce qu’a répondu la CGPME.

Mme Annie David, rapporteure. Mais ce n’est pas du tout pareil ! Lisez les pages suivantes !

M. Xavier Bertrand, ministre. J’y viens.

À la page 63, il est écrit : « Concernant les restrictions relatives à la négociation des conditions du travail dominical […] la motivation essentielle de la CGPME étant d’aider les petits commerçants à se développer […], elle demande que les conditions de travail du dimanche restent négociées au sein de chaque entreprise, sans remise en cause des accords existants. »

Cela signifie donc très clairement que la CGPME ne souhaite pas l’application d’une loi qui casse les accords existants. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Roger Karoutchi. Et voilà !

M. Xavier Bertrand, ministre. Quand on veut parler des syndicats comme des organisations professionnelles, on doit tout dire et tout reprendre.

Quant à la consultation des partenaires sociaux, certes, elle a eu lieu, au niveau national. Mais avez-vous interrogé les partenaires sociaux sur le terrain, …

Mme Annie David, rapporteure. Oui !

M. Xavier Bertrand, ministre. … à Plan de Campagne, par exemple ?

Moi, je me suis rendu sur place. Je commence à avoir un peu d’expérience ministérielle et je sais que, quand on sort de son bureau et que l’on va au contact, on est susceptible de faire moins d’erreurs. (Rires sur les travées du groupe CRC.)

J’ai rencontré des représentants syndicaux, notamment dans les Bouches-du-Rhône, dans le Val-d’Oise ; ils m’ont dit qu’ils avaient bien conscience des positions nationales, mais qu’ils veillaient avant tout à ce que la demande des salariés qui sont volontaires puisse être prise en compte.

J’ai effectué une visite dominicale à la librairie du Grand Cercle, dans le Val-d’Oise, en compagnie du maire de la commune, qui fut secrétaire d'État dans le gouvernement Jospin. Elle est elle-même totalement favorable à l’ouverture le dimanche et très demandeur en la matière. (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV). Elle m’a dit qu’elle ne savait pas quoi répondre à ces salariés qui veulent travailler le dimanche, sans même parler des habitants de la commune ou des communes environnantes, qui veulent tout simplement pouvoir accéder le dimanche à cette librairie, au passage, une librairie qui a été sauvée grâce à la loi Mallié.

Vous dites que certaines de ces ouvertures seraient illégales, par exemple à Plan de Campagne. Croyez-vous que tous ces bâtiments, que tous ces commerces sont apparus et ont grandi comme des champignons en toute illégalité ? La réalité, c’est qu’il y a un besoin et que des centaines de salariés, sur place, souhaitent travailler le dimanche ; si la loi n’avait pas évolué, on aurait assisté à un retour en arrière sans pareil.

La vérité, madame David, si l’on s’en tient à votre contribution au rapport du fameux comité parlementaire dont j’ai fait état tout à l’heure, figure à la page 58, où vous écrivez : « Nous proposons l’abrogation du travail du dimanche » - vous voulez donc revenir complètement sur le travail du dimanche ; telle est votre intention première - « ou pour le moins le vote d’une nouvelle loi plus équitable et respectueuse de l’intérêt des travailleuses et travailleurs ». Soit ! Mais, au-delà du slogan, la vérité, c’est que vous êtes contre le travail dominical.

Mme Annie David, rapporteure. Oui, je suis contre !

M. Xavier Bertrand, ministre. L’un d’entre vous m’a dit tout à l’heure qu’il y avait plus de femmes que d’hommes amenés à travailler le dimanche. Je citerai simplement – chacun choisira sa version en toute connaissance de cause – les derniers chiffres connus, qui sont ceux de l’INSEE. D’après cet institut, parmi les personnes qui travaillent occasionnellement ou habituellement le dimanche, il y a plus d’hommes que de femmes : 52,8 % contre 47,2 %.

M. Xavier Bertrand, ministre. Si j’ai cité ces chiffres, c’est pour que chacun des membres de cette assemblée, sur l’ensemble des travées, puisse avoir une connaissance de la réalité la plus exacte possible.

Mesdames, messieurs les sénateurs, on ne légifère pas avec des slogans, ni avec des doctrines.

M. Xavier Bertrand, ministre. On légifère dans le souci à la fois de protéger et d’avancer. Cette proposition de loi est en tout point contraire à cette double vocation. Voilà pourquoi le Gouvernement demande l’adoption de la motion qui a été défendue par Catherine Procaccia. (Applaudissements sur les travées de lUMP ainsi que sur plusieurs travées de l’UCR.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Muguette Dini, pour explication de vote.

Mme Muguette Dini. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je n’aborderai pas le fond de cette proposition de loi, qui a été largement évoqué, mais je voudrais faire part de quelques remarques.

Cette proposition de loi porte sur le repos dominical, expression qui suscite chez moi quelques réserves.

Première remarque, le repos dominical, institué en 1906, est associé, quoi qu’on en pense, à la messe du dimanche. Or chacun sait que nos concitoyens vont de moins en moins à la messe (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)

M. Alain Gournac. Sauf les communistes !

Mme Annie David, rapporteure. La liberté de culte ne nous gêne pas !

Mme Muguette Dini. … et que celle-ci est aussi célébrée le samedi.

Par ailleurs, d’autres religions ont également un jour de prédilection, en particulier le vendredi ou le samedi.

Je propose donc de dissocier le repos hebdomadaire du repos dominical.

Deuxième remarque : de nombreux services indispensables ou moins indispensables sont accessibles tous les jours, y compris le dimanche ; je pense aux transports, aux hôpitaux, aux maisons pour personnes âgées ou handicapées mais aussi aux spectacles, aux restaurants, aux commerces de proximité, aux parcs de loisirs, aux animations sportives, et bien sûr à beaucoup d’autres nécessitant la présence de salariés.

Troisième remarque : certains salariés sont volontaires pour travailler le dimanche. C’est le cas des étudiants, on l’a déjà dit, mais aussi des parents isolés, qui peuvent avoir ce jour-là un mode de garde familial ou amical. C’est le cas des parents non isolés, pour qui c’est aussi le moyen d’être plus présents dans la semaine auprès de leurs enfants, celui ou celle qui travaille le dimanche étant plus disponible un jour ou deux dans la semaine. Le travail dominical peut aussi convenir aux couples séparés, dans un régime de garde alternée des enfants un week-end sur deux, et, enfin, à tous ceux qui sont intéressés par la contrepartie prévue par la loi du 10 août 2009.

Si certains salariés, malgré les garanties introduites dans cette loi, ont pu être contraints à travailler le dimanche – et on ne peut que le déplorer –, de nombreux autres salariés souhaitent continuer à le faire par choix.

Quatrième remarque : à vous entendre, mes chers collègues, on a l’impression que, d’un côté, il y a les pauvres salariés du dimanche et, de l’autre, les affreux clients du dimanche. Mais vous savez bien que ce sont les mêmes : les clients qui fréquentent les PUCE pendant le week-end sont aussi des salariés !

M. Xavier Bertrand, ministre. Bravo !

Mme Muguette Dini. Qui fait ses courses en semaine ? Très peu de salariés disposent de temps pour cela. Vous trouvez majoritairement dans les grandes surfaces des retraités ou des personnes ne travaillant pas, dont celles qui travaillent le dimanche.

Et ces mêmes salariés-clients ne sont pas fâchés de ne pas se retrouver tous entassés dans les mêmes magasins, le samedi.

M. Xavier Bertrand, ministre. Très juste !

Mme Muguette Dini. Ils peuvent aussi apprécier de trouver, le dimanche, des grandes surfaces où l’on peut prendre son temps pour choisir ou faire des courses de dépannage.

Enfin, il est entendu que le sacro-saint dimanche doit être consacré à la famille, aux loisirs en famille, aux promenades dans la nature en famille, aux jeux éducatifs en famille…Mais c’est un monde idyllique que vous décrivez, chers collègues. Vous savez que de nombreux dimanches sont passés par les enfants devant divers écrans, parce que leurs parents sont fatigués ou démunis pour répondre aux exigences éducatives auxquelles nous aimerions idéalement les voir se conformer. (M. Jean-Louis Lorrain applaudit.)

Je ne sous-estime pas les inconvénients de certaines situations, mais, je vous en prie, laissez les gens respirer ! Arrêtez de tout vouloir réglementer ! (Applaudissements sur les travées de lUCR et de lUMP.) Le monde évolue, le monde du travail aussi.

La loi de 2009 est une bonne loi et je ne vois aucune raison de la modifier. C’est la raison pour laquelle je voterai la motion tendant à opposer la question préalable. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UCR et de lUMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Kerdraon, pour explication de vote.

M. Ronan Kerdraon. J’ai écouté avec beaucoup d’attention les différents intervenants, notamment Mme Procaccia à la tribune, ainsi que M. le ministre. Quel changement depuis le mois de septembre ! (Exclamations sur les travées de lUMP.)

M. Ronan Kerdraon. Depuis cette date, vous n’avez de cesse de caricaturer nos propositions (Rires sur les travées de lUMP.), avec toute la suffisance de ceux qui sont pétris de certitudes et perclus de rancœurs. (Protestations sur les mêmes travées.)

Vous n’avez de cesse d’asséner des chiffres extravagants pour affoler l’opinion.

M. Xavier Bertrand, ministre. Ce n’est pas nécessaire !

M. Ronan Kerdraon. Il y a là comme des petits relents d’avant-1981… (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste-EELV.) Nous mesurons ici combien vous avez du mal à avaler ce changement de majorité sénatoriale !

M. Ronan Kerdraon. On l’a encore vu dans la nuit de lundi à mardi dernier, quand vous avez caricaturé le PLFSS que nous avons voté ici.

Vous n’avez de cesse d’user de la démagogie comme arme politicienne.

Vous n’avez de cesse d’accumuler les contrevérités. (Exclamations sur les travées de lUMP.)

Plus l’échéance de 2012 approche, plus vos propos trahissent votre inquiétude, voire un certain affolement. Plus les échéances approchent, plus vous vous transformez en Fouquier-Tinville d’une droite aux abois. (Protestations sur les mêmes travées.)

Alors, sachez, mesdames, messieurs de la droite, sachez, monsieur le ministre, que vos propos, que votre attitude méprisante, ne font que nous renforcer dans notre volonté de proposer une alternative à votre politique de régression sociale, de stigmatisation des plus démunis.

Vous voyez derrière chaque salarié un fraudeur, voire un voleur, comme cela a été dit hier, alors que vous êtes responsables de la montée inexorable du chômage, du mal-être à Pôle emploi, que vous refusez d'ailleurs de reconnaître.

Alors, nous, monsieur le ministre, pour toutes ces raisons, nous rejetterons la motion tendant à opposer la question préalable ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Christiane Kammermann, pour explication de vote.

Mme Christiane Kammermann. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens, bien entendu, à m’associer aux très justes propos de notre collègue Catherine Procaccia.

La question du travail le dimanche et du repos dominical a été abordée, débattue dans ce même hémicycle. Il y tout juste deux ans, une loi a été votée par les deux assemblées afin de mieux encadrer le travail dominical.

Mme Annie David, rapporteure. La loi HPST aussi, et elle a été également modifiée !

Mme Christiane Kammermann. Cet après-midi, une nouvelle proposition de loi est soumise à notre examen, et, avec elle, son flot de réflexions et son lot de réactions passionnelles.

Alors que nous ne disposons toujours pas, depuis le vote de la loi de 2009, d’un véritable bilan sur l’éventuel impact sociétal du travail du dimanche,…

Mme Annie David, rapporteure. C’est bien de le reconnaître !

Mme Christiane Kammermann. … il faudrait aujourd’hui, à en croire certains syndicats, tout remettre à plat ! En effet, sur leurs sites internet, ces derniers appellent de leurs vœux « une remise à plat des critères et des compensations pour déroger au repos dominical, qui doit, lui, rester un fondement pour permettre de retrouver des repères sociaux collectifs pour vivre décemment en société. ».

Je comprends largement qu’il importe de privilégier ce qui reste de repères sociaux collectifs, mais, s’il revient au politique de le faire, on ne peut décider au-delà du libre arbitre et de la volonté de chacun.

En 2011, les modes de vie ont évolué, de même que le travail et le rapport à la famille. Même si nous le regrettons – je pense notamment à l’augmentation croissante des familles monoparentales, proportionnelle à celle du nombre de divorces –, nous sommes obligés de nous adapter au monde dans lequel nous vivons. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

L’ouverture, dans certaines zones, de commerces le dimanche répond non seulement à des critères de consommation, mais aussi à des critères d’organisation : bon nombre de Français sont heureux de pouvoir s’organiser autrement et d’aller faire leurs courses le dimanche.

En outre, elle permet à des étudiants de travailler parallèlement à leurs études,…

Mme Isabelle Pasquet. S’ils travaillent, c’est qu’ils n’ont pas le choix !

Mme Christiane Kammermann. … d’acquérir un début d’autonomie financière et une première expérience professionnelle. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.)

Enfin, certains Français sont satisfaits de travailler le dimanche et de pouvoir bénéficier des compensations financières qui en découlent.

Mme Christiane Kammermann. Dans ce débat, beaucoup d’entre nous mettent en avant la préservation de la structure familiale.

Je ne peux que m’en réjouir (M. Ronan Dantec s’exclame.), et j’aimerais que cet argument soit pris en compte dans d’autres discussions ! Toutefois, il est des Français qui n’ont pas fait ce choix de vie et qui, le dimanche, souhaitent travailler. Nous ne pouvons, au nom de valeurs et d’idéaux, ignorer ces réalités. (Exclamations continues sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)

Mes chers collègues, pardonnez ma franchise, mais je trouve regrettable que cette nouvelle proposition de loi soit, en réalité, pour un certain nombre d’entre vous, l’occasion d’affirmer une vision de la société rivée à un seul idéal politique, qui devrait primer sur les autres, sans que soit laissée aux Français la liberté de décider eux-mêmes.

Mme Annie David, rapporteure. De toute façon, ils ne l’ont pas !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous ne la leur avez pas laissée !

Mme Christiane Kammermann. Alors même qu’en 2009 les syndicats ont été réunis, consultés et écoutés, il faudrait revenir aujourd’hui sur ce qui a été fait à l’époque et bafouer le consensus général au nom du seul affichage politique.

À croire qu’en France toute décision, notamment celle de travailler ou non le dimanche, relève forcément de la lutte des classes, du combat entre capitalistes et anticapitalistes, de la problématique de patrons terrorisant leurs employés, de l’opposition d’une partie de la société, consumériste, à une autre, forcément plus humaniste. (Rires sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV. – Exclamations sur les travées de l’UMP.)

Mme Isabelle Debré. Ce n’est pas la peine de ricaner, à gauche !

Mme Christiane Kammermann. Vous ne perdez rien pour attendre : je ricanerai moi aussi le moment venu !

En tant que sénateur représentant les Français établis hors de France, je peux vous dire que, ailleurs dans le monde, le travail du dimanche ne s’inscrit pas en faux contre les valeurs familiales, religieuses et sociétales.

Mes chers collègues, sachons être à la hauteur de cette assemblée et gardons-nous de ces caricatures grossières, des prismes et autres carcans idéologiques.

La loi de 2009 avait pour objectif initial de régulariser certaines pratiques d’ouverture des magasins le dimanche et de protéger les salariés. Il s’agissait non pas de nier le principe du repos dominical (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.), mais de clarifier des situations et des pratiques qui avaient alors pris quelques longueurs d’avance sur le législateur.

En revanche, on ne peut légiférer sans tenir compte des modifications des rythmes de vie, le rôle premier du législateur étant de mettre le droit en accord avec les faits et les besoins de la société.