Mme Marie-Thérèse Bruguière. … qui ont chacune leur légitimité et leur utilité.

L’enjeu est bien de les faire fonctionner sur le mode de la complémentarité et non sur celui de la concurrence. Nous avons donc voulu mieux articuler leurs actions respectives.

Mes chers collègues, c’est en faisant confiance au conseiller territorial que nous obtiendrons l’organisation la plus efficace, celle qui répond aux enjeux et aux défis propres à chaque territoire.

Nous n’avons jamais souhaité la mort ou la disparition de nos régions. La région sera consolidée grâce au conseiller territorial, qui va enfin rapprocher cette collectivité de la population. En effet, ne vous en déplaise, les conseillers régionaux étaient jusqu’à présent des ovnis politiques ! Nous avons d’ailleurs tous pu nous en rendre compte lors des dernières élections régionales : 50 % d’abstention, cela signifie bien quelque chose.

Le conseiller régional n’a actuellement aucune proximité, et, en tant qu’ancienne conseillère régionale, je mesure la portée de mon propos. Et c’est certainement la raison du mépris que vous affichez à l’égard du département et du canton. Prétendre que cette grande réforme est la victoire du rond-point et de la salle des fêtes sur les investissements du futur, c’est tout simplement nier la réalité locale.

Le conseiller territorial sera ancré dans un territoire parfaitement identifié et contribuera à une meilleure articulation entre les interventions des départements et celles des régions.

Cela permettra aussi d’enrayer l’excessive concentration des investissements au profit des départements chefs-lieux de région, au détriment des petits et des moyens. Mais cela aussi, vous semblez le nier....

J’ajouterai un point. Depuis que l’on parle du conseiller territorial, c'est-à-dire depuis 2009, on n’a de cesse d’invoquer la parité. Mais, dans mon département où des élections ont eu lieu en 2005, on compte seulement deux femmes sur 49 conseillers généraux ! Nous pensions que la loi de 2009 nous permettrait de rectifier le tir ; or, après les dernières élections cantonales de 2011 – c’est donc tout récent ! –, rien n’a changé !

Par conséquent, avant d’affirmer que nous avons voté une loi scélérate pour la parité, il faudrait que chacun regarde chez soi. Certes, cette réforme n’est peut-être pas très bonne pour la parité, mais, actuellement, aucune place n’est faite aux femmes,…

M. Gaëtan Gorce, rapporteur. Sauf dans les conseils régionaux !

Mme Marie-Thérèse Bruguière. … et ce dans tous les départements !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Regardez chez vous !

Mme Marie-Thérèse Bruguière. Justement ! Il faudrait d’abord que chacun regarde chez soi avant d’aller voir ce qui se passe chez les autres ! Je le répète, dans mon département, les conseillers généraux ne sont quasiment que des hommes : seulement deux femmes sur 49 conseillers généraux ; faites le calcul !

M. Gaëtan Gorce, rapporteur. Et dans les régions, vous voulez renoncer à la parité !

M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre, sur l’article.

M. Antoine Lefèvre. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la création du conseiller territorial figurait à l’article 1er de la loi de réforme des collectivités territoriales ; c’est dire son importance dans ce dispositif.

Dans l’exposé des motifs du projet de loi initial, a été rappelé le rôle essentiel qui sera dévolu au conseiller territorial : il sera le garant de la cohérence des interventions du département et de la région. Il permettra une bonne articulation entre la région et les départements qui la composent, grâce à la mutualisation des moyens et la coordination des actions.

Ce collège unique d’élus, appelés à siéger simultanément dans les assemblées régionales et départementales, doit contribuer à donner une plus grande cohérence aux différentes politiques locales.

En effet, actuellement nos concitoyens se plaignent de l’éloignement des élus régionaux qui ne sont pas réellement territorialisés. Pour s’en convaincre, il suffit, comme le soulignait à l’instant Marie-Thérèse Bruguière, d’examiner les chiffres décevants de la participation aux dernières élections régionales, chiffres particulièrement décevants pour une élection locale !

Beaucoup n’ont pas voté parce qu’ils ne connaissent pas le conseil régional et encore moins ceux qui y siègent. Ma collègue Marie-Hélène Des Esgaulx l’a très bien rappelé.

Du fait du scrutin de liste régional, l’électeur ne connaît pas, même au bout de six ans de mandat, son conseiller régional ! Je le sais, car j’ai été moi-même conseiller régional.

Or, en siégeant à la fois au conseil régional et au conseil général, le conseiller territorial constituera un lien privilégié entre la population et l’assemblée au sein duquel il siégera, à l’échelle de son territoire. À mon sens, cet élu aura ainsi plus de poids sur son territoire.

La création du conseiller territorial, lequel siégera à la fois au conseil général et au conseil régional, tend en réalité à la « cantonalisation » des élus régionaux sur le territoire d’un canton, à l’inverse de ce qu’ils étaient auparavant : n’ayant pas de véritable attache territoriale, ils étaient considérés comme étant hors-sol.

Certains ont prétexté que, du fait de ce système, un conseiller territorial défendrait son territoire à la région et ne serait pas capable d’avoir une vision globale du développement régional. Voilà qui me paraît particulièrement insultant pour tous les actuels conseillers généraux qui, tout en défendant les intérêts de leur canton, possèdent une véritable vision du département et défendent également l’intérêt général de la collectivité départementale.

Tout à l’heure, mon collègue Dominique de Legge a évoqué des exemples d’aménagements et d’infrastructures en Bretagne. Je citerai pour ma part un exemple pris dans mon département de l’Aisne, dirigé, vous le savez, par notre collègue Yves Daudigny : l’ensemble des conseillers généraux, de gauche comme de droite, soutiennent de façon unanime les efforts de la collectivité départementale en faveur de la mise à deux fois deux voies de la RN2, axe structurant de notre département dont Yves Daudigny et moi-même avons déjà parlé.

Or, les conseillers régionaux de Picardie, parce qu’ils ne sont pas suffisamment territorialisés, n’apportent pas le même soutien à cette RN 2, malgré une convergence politique des trois départements avec l’exécutif du conseil régional.

Il en était d’ailleurs de même lorsque mon prédécesseur Paul Girod dirigeait le département, avec là aussi une convergence politique et des difficultés.

J’ai la faiblesse de penser qu’un conseiller territorial aura à cœur de garder la même cohérence et de soutenir les mêmes dossiers au conseil général et au conseil régional.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est bien cela le problème !

M. Antoine Lefèvre. Enfin, pour conclure, je voudrais répondre à ceux qui ont comparé le conseiller territorial à un élu génétiquement modifié ou à un ovni.

En 2004, lorsque j’étais conseiller régional de Picardie, Charles Watelle, conseiller général socialiste du canton de Wassigny dans l’Aisne, était également conseiller régional à mes côtés. Pendant toute la durée de son mandat, je n’ai à aucun moment entendu de la part de ses collègues ou de ses concitoyens la moindre critique sur l’exercice de ce double mandat. Personne, à l’époque, ne l’a traité d’EGM, d’ovni, ou que sais-je encore. À mon sens, il a d’ailleurs plutôt été, dans une certaine mesure, un vecteur de rapprochement et, parfois, de cohérence entre les deux collectivités dont il était l’élu.

Voilà pourquoi j’ai voté, en conscience, cher Alain Bertrand, la réforme territoriale, et voilà pourquoi, toujours en conscience, je suis contre cette proposition de loi et son article unique. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. René Beaumont, sur l’article.

M. René Beaumont. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à cette heure avancée de la nuit, vous permettrez à un élu qui pratique depuis plus de quarante ans les collectivités locales de livrer son impression sur ce dossier.

Comme l’a brièvement et intelligemment rappelé M. le ministre chargé des collectivités territoriales, dont je tiens à saluer l’investissement personnel sur ce dossier, « le conseiller territorial est une réponse adaptée aux nombreux défis qui se posent à nos territoires ».

L’institution de ce nouvel élu, dans la réforme de décembre 2010, fait partie d’un tout, qui marque une étape importante pour notre paysage institutionnel.

Il s’est agi alors, pour nous, de nous interroger sur la gouvernance de notre pays dans le triple rapport des communes aux communautés de communes, des régions aux départements et des collectivités locales à l’État.

Il peut être utile de rappeler d’abord que les rapports entre les collectivités continuent de s’exercer, en France, dans le respect d’une autonomie totale qui se caractérise par l’absence de tutelle d’une quelconque collectivité sur une autre, ce dont aucun pays voisin ne peut se targuer.

Quant au rapport de ces collectivités avec l’État, il s’effectue toujours en conciliant une centralisation aiguë du champ réglementaire et une décentralisation approfondie des moyens financiers.

Comme l’a souligné l’un de nos collègues députés lors des débats à l’Assemblée nationale, il s’agit là d’une étape importante dans le rapport communes-communauté.

J’en veux pour preuve l’achèvement de la carte intercommunale, prévue désormais pour 2013 – rappelons qu’aujourd’hui 89 % des communes et 93 % de la population sont en intercommunalité –, mais aussi l’élection directe des délégués intercommunaux, grâce au scrutin fléché, ainsi que la création de métropoles, d’ailleurs vigoureusement défendues ici même par notre éminent collègue socialiste Gérard Collomb.

Il s’agit aussi, et surtout, en ce qui nous concerne ce soir, d’une étape importante dans les relations région-départements, avec la création de conseillers territoriaux siégeant alternativement dans les deux assemblées. Ces derniers créeront ainsi une vraie cohérence entre celles-ci – d’aucuns ont souligné les incohérences qui existent actuellement – et supprimeront de très onéreuses concurrences telles que la gestion des collèges et des lycées, du tourisme ou du développement économique, par exemple.

En effet, tel est bien le sujet central de ce débat, que vous tentez d’esquiver en proposant, assez basiquement je dois l’avouer, la suppression de ce nouvel élu.

Vous nous avez assez rarement habitués à autant de conservatisme, mes chers collègues socialistes. Vous souhaitez, par un statu quo rétrograde, le retour à une situation institutionnelle dont tout le monde s’accorde à dire aujourd’hui, et depuis plus de dix ans maintenant, qu’elle ne favorise plus aucune synergie, qu’elle est un frein réel à la démocratie locale et, surtout – et c’est plus grave en ces périodes de pénurie –, qu’elle conduit à un gaspillage important d’argent public.

Notre pays, qui a la plus faible densité moyenne d’habitants en Europe, se doit de défendre nos territoires et, avec eux, la démocratie de proximité, si chère à nos concitoyens. C’est notre conception bien française de la démocratie et de la République, et nous y tenons particulièrement.

Et pourtant, vous avez milité, avant nous et depuis longtemps à nos côtés, pour la décentralisation. Je commence vraiment à douter de la confiance que vous portez aujourd’hui aux institutions décentralisées, que vous voulez ce soir sanctuariser dans leur costume d’autrefois.

La décentralisation est pourtant une belle évolution, un bien commun de notre République. Elle fait partie d’un héritage que chacun peut assumer et revendiquer, comme nous l’a rappelé utilement Jean-Patrick Courtois. Elle n’est ni de droite ni de gauche. Elle mérite par conséquent mieux que des postures tacticiennes et politiciennes de campagne électorale.

Nous ne sommes pas ici en campagne électorale, nous sommes réunis ce soir pour améliorer le fonctionnement de nos institutions en l’adaptant au XXIe siècle.

Pour notre part, nous avons fait le choix, voilà maintenant un an, de renouveler notre confiance aux élus locaux et de créer un nouvel élu, le conseiller territorial, sur un territoire agrandi, avec des compétences enrichies et une accessibilité conservée.

Ce soir, nous risquons de retarder dangereusement une réforme qui s’imposera demain. Que de temps perdu pour l’amélioration de la démocratie locale, que vous prétendez pourtant défendre, mes chers collègues ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, sur l’article.

M. Philippe Dallier. À cette heure avancée de la nuit, je préfère laisser de côté le papier que j’avais préparé et vous livrer quelques vérités, mes chers collègues.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur. Si vous avez trouvé la vérité, tant mieux pour vous !

M. Philippe Dallier. Si certains avaient encore des doutes, ils savent désormais, après ce long débat, où se trouvent les conservateurs et les réformateurs sur ce sujet !

Le conseiller territorial peut vous déplaire, mes chers collègues, mais, à tout le moins, ce gouvernement a eu le courage de proposer une réforme. Celle-ci ne vous convient pas. Dont acte ! On attendait logiquement de votre part une contre-proposition. Au lieu de cela, c’est le vide, le néant ! La seule chose que vous proposez, c’est de revenir en arrière, de ne rien changer en quelque sorte !

Il me semble pourtant que nous pourrions au moins nous rejoindre sur un constat relativement inquiétant pour les élus locaux.

Nos concitoyens le disent de plus en plus fréquemment sur le terrain : ils ne comprennent rien à notre organisation territoriale !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous avez déjà dit tout cela !

M. Philippe Dallier. Et bien vous souffrirez une nouvelle fois d’entendre cette vérité, madame Borvo Cohen-Seat !

Nos concitoyens connaissent leur maire, leur conseiller général – tout au moins pour ceux qui habitent en milieu rural –, mais ne connaissent ni les conseillers régionaux ni les délégués communautaires, et ne savent pas qui s’occupe de quoi, qui est responsable de quoi.

La seule chose certaine pour eux, c’est l’augmentation continue des impôts locaux. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.) On peut débattre des raisons de cette hausse, mais c’est une réalité !

Nos concitoyens nous reprochent également de ne pas être efficaces sur les grandes politiques publiques. Et pour cause : tout le monde s’occupe de tout, comme cela a été dit à de nombreuses reprises ! Pourtant, sur ces travées, nombreux ont été ceux qui n’ont pas voulu bouger d’un pouce sur ce sujet, et nombreux sont ceux qui réclament cette garantie absolue qu’est la clause de compétence générale.

Face à la pénurie d’argent public, il va falloir rationaliser, et vous le savez ! Mais personne ne veut bouger !

Arrêtons-nous quelques instants sur la façon dont la décentralisation a progressé au cours des quarante dernières années. En 1971, à travers la loi Marcellin, on proposa la fusion des communes. Mais celle-ci était optionnelle. Et que croyez-vous qu’il se passât ? Strictement rien, personne n’ayant jamais rien voulu lâcher !

La première grande loi de décentralisation constitua une avancée importante, mais se traduisit aussi par la création de structures nouvelles ; la deuxième suivit le même chemin.

Revenons à l’intercommunalité : à la suite de la première loi, intervenue au début des années quatre-vingt-dix, très peu de communes se saisirent de l’intercommunalité. Pourquoi ? Parce qu’il fallait lâcher du pouvoir sans réelles contreparties !

Jean-Pierre Chevènement passa alors par là et, comme il nous l’a lui-même rappelé à plusieurs reprises, il eut alors l’idée de génie de proposer aux élus locaux de s’organiser en intercommunalités contre une subvention de l’État et la garantie que les communes pourraient continuer à exercer leurs compétences.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’était déjà le cas en 1992 !

M. Philippe Dallier. Cela a fonctionné !

La conséquence de ces quarante années d’histoire de la décentralisation, c’est un système au bout du rouleau. Nous le savons tous dans cette assemblée !

Croyez-moi, mes chers collègues, j’ai voté le texte sur le conseiller territorial de bon cœur ! Je regrettais simplement qu’il n’aille pas assez loin.

J’espère que nous pourrons progresser vers la rationalisation et la suppression d’un niveau. Lequel ? Nous pouvons en débattre.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous savons tous que vous voulez supprimer le département !

M. Philippe Dallier. Certains peuvent en effet se demander si c’est plutôt la région ou le département qui pâtirait de cette réforme.

Mais l’on peut aussi imaginer des situations différentes selon les territoires, parce que les élus locaux se seront saisis de cette opportunité pour proposer la réorganisation qui leur semble la plus adaptée.

À cet égard, je veux vous dire, monsieur Richert, combien je suis admiratif de ce qui se passe en Alsace, où droite et gauche sont capables de se mettre autour d’une table pour discuter et tenter d’élaborer un nouveau système. Ailleurs, nous en étions incapables.

En Île-de-France, nous avons été incapables, à l’occasion du débat sur le Grand Paris, d’avancer ne serait-ce que d’un centimètre sur la gouvernance, parce que personne ne veut rien lâcher. Quand on a de l’argent, on ne veut pas le lâcher ! Quand on a du pouvoir, on ne veut pas le lâcher ! Voilà la vérité !

Le système est à bout de souffle ! Alors, de grâce, laissons vivre ce conseiller territorial. Il sera bien temps d’y revenir une fois que nous aurons mesuré les effets de la réforme. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUCR.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, sur l’article.

M. Jean-Claude Lenoir. J’ai écouté avec beaucoup d’attention M. le rapporteur exposer les motifs pour lesquels il faudrait, selon lui, adopter cette proposition de loi.

Nous connaissons le talent de M. Gorce, mais le meilleur avocat dans le prétoire n’emporte pas forcément la conviction du tribunal ou des jurés…

Je reprendrai les trois arguments que vous avez développés, monsieur le rapporteur.

Premièrement, la création du conseiller territorial répondrait principalement à un souci d’économies. Vous siégiez alors à l’Assemblée nationale, monsieur Gorce : je vous suggère donc de relire le compte rendu des débats, et vous verrez que rien ne vous autorise à dire qu’il s’agit là du fondement de la loi du 16 décembre 2010.

Deuxièmement, avec le conseiller territorial, les électeurs ne pourraient plus choisir leur exécutif… Je me permets simplement de vous rappeler que d’autres assemblées sont déjà dans cette situation, monsieur le rapporteur.

Dans les communes de moins de 3 500 habitants, ce sont les conseillers assis autour de la table qui désignent un exécutif.

Les conseils généraux, de surcroît depuis qu’ils sont renouvelés par moitié, sont également dans cette situation, que le retour en arrière que vous proposez ne ferait que conforter.

Et comment les majorités se font-elles à Paris, à Lyon et à Marseille ? Les électeurs ne votent pas pour une liste emmenée par celui qui deviendra le maire de la ville ; ce sont bien les conseillers municipaux de ces grandes villes qui choisissent leur exécutif.

Troisièmement – et il me semble là que vous dépassez toutes les limites –, vous avez invoqué la proximité pour revenir en arrière, plaidant que les conseillers régionaux actuels seraient plus proches du terrain et des citoyens.

J’étais moi-même conseiller général et conseiller régional dans une vie antérieure : j’étais reconnu dans mon canton, assez connu dans ma région. Il n’empêche que le conseiller régional reste bien le grand inconnu des élus que nous sommes ; personne ne peut le contester.

Demandez à vos concitoyens, aux maires – je ferai éventuellement cet exercice devant vous –, demandez à chacun d’entre nous de citer les conseillers régionaux de son département. Je suis absolument persuadé que la plupart d’entre vous seraient incapables de les citer tous.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur. C’est très désagréable pour M. Richert !

M. Jean-Claude Lenoir. Je plaide pour le lien, pour la proximité. La légitimité de l’élu vient non pas seulement de l’élection, mais du lien direct avec son territoire, un lien avec ceux qui l’ont mandaté, et c’est l’intérêt du dispositif qui a été proposé.

En plus, le système présenté assure une vraie cohérence entre le département et la région.

Je disais à l’instant que j’avais été conseiller général et conseiller régional. Combien peuvent témoigner que les deux ne fonctionnent pas ensemble ? Moi-même j’appartenais à deux assemblées qui étaient politiquement semblables. Pour autant, nous ne disposions pas des passerelles permettant de coordonner les actions, de planifier ces dernières et de les rendre cohérentes.

Aujourd’hui, vous voulez faire marche arrière. En réalité, mes chers collègues, j’attire votre attention sur certaines intentions, émanant notamment du parti socialiste. La poussière qui recouvrait ces propositions – elles remontent en effet à quelques années ! – a été chassée hier dans le cadre de l’accord – même si quelques exégètes réfutent le mot « accord »… –conclu, semble-t-il, …

Un sénateur de l’UMP. L’accord sur le désaccord !

M. Jean-Claude Lenoir. … entre les Verts et les socialistes.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est un autre sujet !

M. Jean-Claude Lenoir. On reparle de la généralisation de la proportionnelle. En effet, voilà quelques années – moins de dix ans –, cette proposition figurait au programme du parti socialiste. En 2002, Lionel Jospin s’était engagé à ce que, s’il était élu Président de la République, les conseillers généraux soient élus à la proportionnelle. (Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame.) C’est un système qui nous éloigne du citoyen et du territoire.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. La moitié du Sénat est élue à la proportionnelle !

M. Jean-Claude Lenoir. Monsieur le rapporteur, je vous ai déjà fait un compliment, et j’en ajouterai un autre.

L’homme cultivé que vous êtes a cité la fable de La Fontaine La chauve-souris et les deux belettes, comme vous l’aviez d’ailleurs déjà fait à l’Assemblée nationale, le 6 juillet dernier. Mais je n’insinue nullement que votre culture s’arrête à ces quelques vers de La Fontaine…

M. Gaëtan Gorce, rapporteur. Si, je dois l’avouer !

M. Jean-Claude Lenoir. Permettez-moi simplement pour terminer, puisque vous avez semble-t-il un faible pour les rongeurs, de citer une autre fable de La Fontaine : Le lion et le rat.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur. J’espère que ce n’est pas la seule que vous connaissez !

M. Jean-Claude Lenoir. Ce que La Fontaine écrivait motive notre ténacité, notre détermination : « Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage. » (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Cela plaira à Mme Des Esgaulx !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La rage, cela vous va très bien !

M. le président. La parole est à M. André Reichardt, sur l’article.

M. André Reichardt. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je m’adresse à celles et ceux qui sont encore présents sur les travées de la majorité sénatoriale puisque, manifestement, cette question du conseiller territorial n’intéresse plus grand monde à cette heure dans cette partie de l’hémicycle.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Nous sommes très attentifs !

M. André Reichardt. Sur les travées de l’UMP du moins, nous ne répéterons jamais assez l’affirmation selon laquelle l’abrogation du conseiller territorial serait une erreur gravissime pour notre pays.

M. André Reichardt. Comme l’ont rappelé mes prédécesseurs, le conseiller territorial constitue effectivement la bonne réponse au renforcement de la complémentarité de l’action des départements et des régions.

L’enjeu, c’est de faire fonctionner ces deux types de collectivités territoriales sur le mode de la complémentarité et non sur celui de la concurrence.

L’objectif est simple pourtant : il s’agit de favoriser les synergies, de supprimer les doublons, de simplifier et d’accélérer les démarches pour les élus locaux, les entreprises et les citoyens.

Ce conseiller territorial, tel que nous avons fait le choix de l’instituer, doit siéger à la fois au conseil général et au conseil régional. Il pourra simplement développer une double vision à la fois proche des territoires et stratégique, en raison des missions exercées par les régions. C’est tellement vrai, mes chers collègues, que, en Alsace, il a d’ores et déjà permis le regroupement des départements et de la région, et cela constitue un challenge et une chance formidable pour notre région, que je vous invite à copier.

Il est vrai que le conseiller territorial est conçu pour favoriser au mieux une excellente articulation entre l’action des départements et celle des régions, respectant leurs compétences, leurs spécificités et leurs atouts : la proximité pour l’aspect départemental et la vision stratégique d’avenir pour la région.

Ce conseiller territorial doit être l’interlocuteur unique des différents acteurs territoriaux, et notamment des maires. Le même élu s’occupera des collèges et des lycées – et pourquoi devrait-il en être autrement ? Le même élu s’occupera de formation et d’insertion – et pourquoi devrait-il en être autrement ? Il donnera de la cohérence dans les choix de financement et permettra d’accélérer le montage des projets.

Mes chers collègues de la majorité sénatoriale, n’ayez pas peur ! N’ayez pas peur du conseiller territorial !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. À force d’écouter le Président de la République, on a peur !

M. André Reichardt. C’est en lui faisant confiance que nous obtiendrons l’organisation la plus efficace, celle qui répond aux enjeux et aux défis propres à chaque territoire.

Le Gouvernement est le seul à avoir eu le courage de prendre cette question à bras-le-corps en engageant une réforme historique avec un objectif clair : simplifier l’organisation territoriale pour renforcer la démocratie locale et rendre nos territoires plus attractifs.

M. André Reichardt. Je vous l’ai dit : pour l’Alsace, c’est en marche. Cessez de dire que cette réforme tourne le dos à la décentralisation. ! Ce n’est pas vrai, c’est tout le contraire !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Sous la houlette des préfets !

M. André Reichardt. Elle la renforce, elle la conforte en donnant aux élus des outils mieux adaptés aux initiatives locales.

Permettez-moi de revenir sur l’Alsace. Que seraient les départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin face au monstre que constitue le Land du Bade-Wurtemberg juste en face, la Haute-Bavière derrière et le Piémont ? Seul le conseiller territorial permet d’arriver à ce que nous voulons.

Cette réforme, mes chers collègues, renforce les libertés locales, celles dont Tocqueville disait qu’elles sont « la force des peuples libres ».

C’est pourquoi, avec nombre de collègues, je soutiendrai l’amendement que notre collègue François-Noël Buffet présentera afin de supprimer l’article unique scélérat qui nous est présenté aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)