M. Éric Bocquet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous pouvons, depuis hier, nous poser des questions sur le contenu de la discussion que nous allons entamer.

En effet, depuis quelque temps, tout portait à croire que le cadrage économique de ce projet de loi de finances pour 2012 était passablement obsolète et ne correspondait plus tout à fait à la réalité de la situation du pays, qu’il s’agisse de la croissance attendue, du niveau et de la qualité de l’emploi ou de la situation de nos échanges extérieurs.

Il est même probable que le service de la dette publique connaisse en 2012 une petite poussée de fièvre puisque la position de la France est, entendons-nous dire, en voie de dégradation relative ces temps derniers et que le fameux triple A accordé à notre dette publique n’en a apparemment plus pour très longtemps.

Au demeurant, ce triple A ne nous rapporte finalement pas grand-chose puisque les taux longs imposés à la France sont d’ores et déjà largement supérieurs à ceux qui sont consentis à l’Allemagne, et même supérieurs à ceux qui grèvent la dette publique des États-Unis. Nous en sommes à 3,22 % pour les obligations à dix ans quand l’Allemagne, de son côté, obtient 1,77 % !

Et voilà que le projet de loi de finances rectificative pour 2011, le quatrième du nom, qui vient d’être présenté au conseil des ministres, solde l’affaire !

Nous sommes, si tout est normal, amenés à débattre d’un projet de loi de finances pour 2012 qui n’a pas de sens et s’approche beaucoup plus de l’hypothèse d’école que de la réalité. Comment, d’ailleurs, parler de véritable débat quand nos ministres nous expliquent, à longueur d’intervention, qu’il n’y a pas d’alternative ? Margaret Thatcher, Premier ministre de la Grande-Bretagne de 1979 à 1990, portait déjà, en son temps, le surnom de TINA, acronyme de sa formule favorite : there is no alternative. Nous ne pensons pas, quant à nous, qu’il n’y ait pas d’alternative ; nous pensons, au contraire, qu’il y a encore d’autres choix à faire !

M. François Marc. Très bien !

M. Éric Bocquet. Voici maintenant que nous allons débattre pour la forme, mais cela nous permettra finalement de mieux appréhender les orientations profondes de chaque force politique engagée dans le débat démocratique instauré en vue de l’élection présidentielle d’avril-mai prochains et des législatives qui suivront. Oublions donc notre amertume de discuter un texte « mort né », mes chers collègues, pour voir si cette discussion générale peut, à tout le moins, éclairer nos concitoyens sur les enjeux de la politique budgétaire et économique, au moment où nous nous apprêtons à solliciter leur opinion.

Depuis déjà quelque temps, les membres du Gouvernement nous expliquent que la situation de crise que connaît notre pays est telle que nombre des réformes mises en œuvre depuis 2007 n’ont pas pu pleinement faire jouer leurs effets pour le bien-être général. Il est vrai qu’un catalogue de quelques-unes des mesures prises depuis lors montre assez vite les limites de l’exercice.

Je commencerai par la défiscalisation des heures supplémentaires.

Cette mesure, qui devait traduire dans les faits la logique du « travailler plus pour gagner plus », a été épinglée par la Cour des comptes, laquelle a considéré, à juste titre, qu’elle coûtait plus cher qu’elle ne rapportait à l’économie du pays.

La situation du chômage dans notre pays, indépendamment de la crise, celle des comptes sociaux, grevés par les exonérations associées, la stagnation même de la productivité apparente du travail sont autant de preuves que l’orientation fixée n’était pas la bonne du point de vue du plus grand nombre.

Pour les entreprises, en revanche, il semble bien que l’affaire ait été relativement fructueuse, puisqu’elles ont vu se réduire leur contribution au financement de la protection sociale et que la rémunération des heures supplémentaires leur a permis de faire l’économie, de temps à autre, d’une hausse normale des salaires plus importante.

Pour l’État, notons, au chapitre des menues recettes, une petite baisse du poids de la prime pour l’emploi, ce qui était l’objectif réel de la manœuvre.

Qu’en est-il de la réforme de l’imposition des patrimoines ? Je passe rapidement sur l’exonération de droits du conjoint survivant qui, dans bien des familles relativement modestes, a permis de gérer au mieux le traumatisme de la succession.

Pour en revenir à l’essentiel, je dirai qu’au nom d’une solidarité nationale inversée le Gouvernement a largement aidé les familles les plus aisées et les patrimoines les plus substantiels à faire de l’optimisation fiscale grâce au jeu subtil des donations-partages et à ses effets sur le montant des droits de succession à venir comme des droits appelés au titre de l’ISF chaque année.

Un ISF qui, pour des raisons purement électoralistes, a été « réformé » de telle sorte que les 300 000 plus modestes anciens redevables de cet impôt – qui disposent tout de même d’un patrimoine dont la valeur est comprise entre 790 000 euros et 1,3 million d’euros – ne paient désormais plus rien, tandis que ceux qui restent imposés ont bénéficié d’un très bel allégement de leur facture !

Même si vous êtes en partie revenus, au mois de septembre, un peu contraints et forcés, sur une partie des allégements de la fiscalité du patrimoine que vous aviez mis en œuvre, vous vous êtes évidemment gardés de revenir sur l’abaissement de l’ISF et vous avez préféré faire payer un peu plus d’impôt sur les plus-values aux véritables classes moyennes !

La mission assignée au Président Sarkozy d’alléger la fiscalité des plus hauts patrimoines a été largement respectée, et ce résultat peut être mis à l’actif de la législature…

Parmi les autres réformes mises en œuvre, celle de la fiscalité locale appelle, bien sûr, un regard particulier.

Après de longues années de propagande acharnée, après force colloques, articles de presse, interventions télévisées ou radiodiffusées, le patronat français a enfin trouvé le Gouvernement susceptible de mettre en œuvre la courageuse suppression de la taxe professionnelle, principale recette fiscale des collectivités locales. Si cet impôt méritait sans doute d’être réformé, fallait-il pour autant le supprimer et faire ainsi droit à une revendication fort ancienne du patronat puisqu’il la réitérait depuis 1976, le CNPF ayant passé le relais au MEDEF ?

En 2010, la taxe professionnelle a donc disparu, pour devenir cet impôt croupion que constitue la contribution économique territoriale, dont une part importante échappe d’ailleurs à toute décision locale puisqu’elle est fixée et répartie au niveau national au travers de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises.

L’affaire n’a pas été sans coûter quelques ressources puisque la suppression de la taxe professionnelle a mobilisé 11 milliards d’euros bruts pour être compensée.

Les plans sociaux ont-ils cessé ? Le nombre des chômeurs a-t-il diminué ? L’activité économique est-elle repartie de plus belle ? S’il fallait que nous ayons à prouver que la suppression de la TP n’a pas changé grand-chose à la situation économique de ce pays, ce serait bien par la réponse négative que nous pouvons apporter à ces trois questions !

À une époque où l’argent public doit être judicieusement utilisé, ainsi qu’on ne cesse de nous le répéter, le moins que l’on puisse dire est que vous n’avez pas été regardants sur la dépense, non plus que sur le résultat !

Le contribuable local, qui voit, lui, sa taxe d’enlèvement des ordures ménagères augmenter tous les ans, peut être amené à ne pas apprécier ce gaspillage !

Nous nous étonnerons toujours, mes chers collègues, que le débat sur la fiscalité locale n’ait jamais, depuis fort longtemps, concerné que le volet entreprises et que la révision des valeurs locatives soit toujours en panne.

Une autre réforme ? Je me souviens qu’en 2008, dans le cadre de la loi de modernisation de l’économie, le Gouvernement avait fait passer à la fois la création du statut d’auto-entrepreneur et l’ouverture à la concurrence de la distribution du livret A.

Dans le premier cas, je ne sais pas si le bilan est très probant. Un grand nombre d’entreprises se trouvent sous le régime de l’auto-entrepreneur, mais leur activité demeure assez réduite puisqu’elle permet de réaliser un chiffre d’affaires se situant aux alentours d’un de 600 à 700 euros par mois, ce qui ne peut évidemment suffire à assurer un revenu suffisant aux intéressés.

La seule chose dont on soit sûr, c’est que l’auto- entreprenariat a permis à l’État, comme à la sécurité sociale, de récupérer quelques recettes de poche, parce que le travail au noir a pu ainsi reculer. Il a donné en outre à quelques entreprises le moyen de gérer en douceur des plans sociaux, en transformant leurs salariés en pseudo-entrepreneurs indépendants.

Pour le livret A, le résultat n’est vraiment guère convaincant non plus. C’est que le livret A a fait, comme le livret de développement durable, l’objet d’une centralisation à géométrie variable, qui s’est surtout traduite par la mise à disposition des banques privées de plusieurs dizaines de milliards d’euros d’épargne populaire, sans obligation d’affectation.

Ni la construction de logements sociaux, indispensable pour répondre aux besoins collectifs – et il convient de demander au passage ce qu’est devenu le droit au logement opposable, dans l’état de tension que nous connaissons sur le marché immobilier des grandes agglomérations – ni le crédit aux PME n’ont connu dans la dernière période la moindre embellie, bien au contraire !

Il doit y avoir quelque chose qui n’a pas fonctionné – ou qui a trop bien fonctionné – dans ces différentes réformes ! On peut l’exprimer dans la formule suivante : l’argent a bel et bien été mis sous la coupe des marchés financiers, mais son utilisation n’a pas été aussi positive qu’on aurait pu le souhaiter.

Si le Gouvernement a respecté la feuille de route qui lui avait été fixée – alléger la fiscalité du patrimoine, liquider la taxe professionnelle, réduire encore le coût du travail –, tout cela s’est déroulé alors même que les comptes publics connaissaient des difficultés majeures et sans qu’aucun des maux dont souffre notre société – chômage, pauvreté, emploi des jeunes – ne trouve remède.

Changer de politique en changeant de budget est donc plus que jamais d’actualité et procède de la même nécessité.

Notre groupe ne votera évidemment pas ce projet de loi de finances pour 2012, adopté par la majorité à l’Assemblée nationale, car il est une nouvelle production des politiques que nous combattons bec et ongles puis 2007 ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)

M. le président. La parole est à M. Yvon Collin.

M. Yvon Collin. Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, c’est dans un environnement macro-économique fortement dégradé que nous abordons l’examen du projet de loi de finances pour 2012.

Depuis la crise des subprimes, déclenchée à l’automne 2008, les difficultés que l’on a cru, un temps – au demeurant très court –, pouvoir résorber à coup de plans de relance n’ont finalement jamais cessé de s’accumuler.

Aujourd’hui, la crise paroxystique des dettes publiques au sein de la zone euro contraint les États à réajuster sans cesse leurs politiques publiques, en particulier leur politique budgétaire.

Si la France n’est pas en première ligne sur le front des turbulences, elle est toutefois juste derrière la Grèce, l’Irlande et l’Espagne.

La situation du solde public de notre pays est critique. En effet, la prévision d’un déficit de 95,5 milliards d’euros pour 2011 nous place dans une position fragile, très fragile. La loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 a défini une trajectoire de redressement des comptes publics. Comme vous le savez, mes chers collègues, l’objectif affiché est celui d’un déficit cantonné à 3 % du PIB en 2013.

À cet égard, dans l’opposition comme dans la majorité, on peut le souligner, nous partageons la volonté de ramener la dette publique française à un niveau soutenable et accepté par la Commission européenne, mais aussi, ajouterai-je, toléré par les agences de notation.

Car, qu’on le veuille ou non, conserver le triple A est, vous le savez bien, madame la ministre, fondamental, d’une part, pour assurer un faible coût du capital pour les ménages, les entreprises et l’État, d’autre part, pour garantir la crédibilité du dispositif de stabilité financière de la zone euro, fondé sur les États crédités de cette notation ; je pense, en particulier, à la France et à l’Allemagne.

Cependant, pour réduire significativement notre déficit budgétaire, on ne saurait compter seulement sur un espoir de croissance, espoir qui risque fort d’être déçu dans le contexte économique actuel.

Même si l’acquis de croissance pour 2011 est confirmé à 1,7 %, alimenté par un léger rebond constaté au troisième trimestre – mais rien n’est moins sûr ! –, nous ne sommes pas au bout de nos difficultés, bien au contraire, car nous devrions entrer au quatrième trimestre dans une phase récessive, probablement annonciatrice d’une stagnation en 2012.

Dans ces conditions, les marges de manœuvre budgétaires sont faibles et une hausse des recettes fiscales paraît absolument inévitable. Madame la ministre, il est préférable de le dire franchement à nos concitoyens, qui se sont déclarés prêts à des efforts pourvu qu’ils se fassent dans la clarté et selon le principe de justice fiscale, à la différence de ce qu’ils ont pu observer au cours des dernières années.

À cet égard, j’évoquerai le débat sur les prélèvements obligatoires que nous avons eu voilà quelques jours. Nous avons été nombreux, sur les travées de la majorité sénatoriale, à relever, grâce à l’excellent rapport d’information de notre collègue Nicole Bricq, le temps perdu, le gâchis fiscal et l’improvisation.

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. Yvon Collin. Madame la ministre, vous me pardonnerez de me répéter, mais nous avions cru comprendre que, aux termes programme de stabilité 2009-2012, il était envisagé de ramener le taux des prélèvements obligatoires de 44 points à 43,4 points de PIB. Notre taux, qui figure déjà parmi les plus élevés de l’Union européenne, devrait sans doute atteindre 45 points de PIB. Autant dire que vous n’avez pas réussi à inverser la tendance.

Mais la crise n’explique pas tout : la Cour des comptes a estimé à 0,7 point de PIB l’augmentation du déficit structurel due aux mesures prises depuis 2007.

Madame la ministre, nous vous avons très souvent mise en garde – trop souvent peut-être, à votre goût ! – contre les conséquences de la loi TEPA. Vous auriez pu faire vôtre l’adage « faute avouée est à moitié pardonnée », mais c’est maintenant trop tard ! Beaucoup de nos concitoyens ont fait les frais de vos choix hasardeux, et j’espère qu’ils l’exprimeront l’année prochaine.

Vous avez bien tenté, il est vrai, de reprendre quelques-uns des cadeaux fiscaux que vous aviez accordés aux plus favorisés, en supprimant le bouclier fiscal ou encore en intégrant les heures supplémentaires dans le barème du calcul des allégements de charges. Malgré cela, la loi TEPA nous coûtera encore la bagatelle de 9,3 milliards en 2012.

Au regard de l’équilibre du projet de loi de finances pour 2012, je constate que vous persistez malheureusement à maintenir un cap qui vous a pourtant conduit à l’échec. Et l’aboutissement de cette politique, c’est désormais la rigueur, encore la rigueur, toujours la rigueur. Tout ce que vous pouvez offrir à nos concitoyens, au bout de quatre années d’exercice du pouvoir, c’est une cure d’austérité !

Vous nous avez encore expliqué tout à l’heure que nous n’avions pas le choix. Pourtant, la commission des finances du Sénat vous a démontré le contraire : nous avons adopté une trentaine d’amendements, qui traduisent ce souci d’équité, de rigueur et de justice, ce même souci qui a fait défaut à votre politique fiscale.

Mes chers collègues, les amendements proposés par la commission, que Mme la rapporteure générale vous a présentés tout à l'heure, prévoient des recettes supplémentaires pour un montant de 5,5 milliards d’euros. Naturellement, les sénateurs du RDSE qui sont membres de la commission des finances les soutiennent.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Merci !

M. Yvon Collin. Nous sommes notamment favorables à la taxation de l’ensemble des revenus de l’épargne selon le barème progressif. Le projet de loi de finances pour 2012 ouvre d’ailleurs ce chantier – c’est une première étape –, en commençant par les revenus tirés des dividendes.

Le Gouvernement a certes pris une initiative qui mérite d’être soulignée ; je veux parler de la contribution exceptionnelle de 3 % sur les hauts revenus. Mais pourquoi ne pas l’avoir rendue pérenne ? C’est ce que propose de faire la commission des finances.

Comme vous pouviez vous y attendre, nous sommes revenus sur certains volets de la loi TEPA, qui, contrairement à ce que vous martelez, n’étaient pas de nature à favoriser les petites successions. Ainsi que l’a démontré le rapport Guillaume, de nombreux dispositifs de la fiscalité immobilière se sont révélés juteux pour certains investisseurs particuliers, mais ils ont été totalement inefficaces, voire contre-productifs, quant à la fluidification du marché de l’immobilier. Là encore, je dois le dire, la commission a modifié le texte avec beaucoup de pertinence.

Tels sont, mes chers collègues, les quelques commentaires que je souhaitais vous livrer sur ce projet de budget, non seulement dans sa version initiale, mais également dans la version revue et corrigée que vous proposera la commission, une version que je crois plus juste et plus cohérente. La commission des finances a bien travaillé ; c’est en tout cas notre point de vue.

Pour autant, si ce rééquilibrage entre tous les contribuables est le bienvenu et si la restauration d’une trajectoire crédible de nos finances publiques est indispensable, il faudra beaucoup œuvrer pour stimuler la croissance.

À cet égard, j’espère que la zone euro ne va pas s’arrêter à une seule ambition commune : le retour à un solde public décent pour chacun des États membres. Il est impératif que les politiques budgétaires européennes convergent également sur leur contenu, car, actuellement, la diversité d’options dans les politiques nationales aboutit, nous le savons, à la survivance d’intérêts qui se concurrencent.

Dès 2007, j’avais publié, avec mon excellent collègue Joël Bourdin, au nom de la délégation du Sénat pour la planification,…

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Tout à fait !

M. Yvon Collin. … un rapport d’information au titre prémonitoire : « La coordination des politiques économiques en Europe : le malaise avant la crise ? »

M. Yvon Collin. J’avais, à l’époque, identifié les germes de la crise de l’euro, qui se sont nourris d’un défaut de coordination des politiques économiques en Europe. Et ce qui devait arriver est arrivé !

Il est urgent que les politiques des États membres se fassent plus coopératives pour que le projet européen sorte de l’ornière où il est tombé.

Il est également urgent que l’Europe prenne conscience des problèmes structurels qu’elle devra affronter à plus long terme du fait des perspectives très disparates de chaque pays en termes de croissance potentielle.

Par ailleurs, il faudra mieux asseoir la convergence économique en Europe et, pour ce faire, mieux assurer, par exemple, la rencontre entre l’épargne et l’investissement dans l’ensemble européen.

Enfin, il faudra résoudre les graves problèmes de concurrence fiscale qui minent les finances publiques des États qui choisissent de lutter contre l’exclusion sociale et la pauvreté.

L’Europe traverse une crise qui mérite mieux que certaines gesticulations, telles celles que l’on a pu observer lors du sommet du G20 à Cannes. Là aussi, j’espère que nos concitoyens feront confiance à ceux qui voient l’Europe comme un espace d’espérance et de progrès, pas seulement comme un vaste marché obligataire sous pression.

Mes chers collègues, l’actuel quinquennat se clôt sur l’échec d’une politique fiscale,…

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Eh oui !

M. Yvon Collin. … une politique qu’il faudra, de toute évidence, revoir dès le début du prochain quinquennat. Cette politique aura aggravé les inégalités, pesé sur la croissance, mis à mal le pouvoir d’achat des Français, déséquilibré les équilibres budgétaires et ébranlé la crédibilité de la France. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC. – Mme Nathalie Goulet applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Monsieur le président, madame la ministre, madame le rapporteur général, mes chers collègues, le projet de budget pour 2012 s’inscrit dans un contexte de crise que je ne rappellerai pas ici, me bornant simplement à préciser que cette crise est non pas une crise française ni une crise européenne, mais une crise planétaire.

Cette crise, qui est véritablement systémique, appelle, de ma part, quelques réflexions.

D’abord, elle exige de notre part réactivité, ténacité, responsabilité et vérité.

Le Gouvernement, avec le Président de la République en tête de pont, est à la barre du « navire France » et sait parfaitement faire preuve de la réactivité, de la ténacité, de la responsabilité et de la vérité qui s’imposent.

Permettez-moi de reprendre ces points un à un.

Réactivité : la critique formulée quant à la caducité d’une partie du présent budget, à la suite de l’annonce, il y a quelques jours, de nouvelles mesures et de la révision à la baisse, par le Gouvernement, de l’hypothèse de croissance pour 2012, est infondée. À moins qu’elle ne repose sur de vieux réflexes qui prouvent que d’aucuns n’ont pas pris conscience que plus rien ne sera comme avant et que la réactivité doit être permanente…

La meilleure preuve de cette réactivité est que certaines des mesures du plan Fillon du 7 novembre dernier ont déjà été intégrées par l’Assemblée nationale dans le projet de loi de finances dont nous entamons la discussion.

Ténacité : elle est parfaitement incarnée par Nicolas Sarkozy, dont personne ne remet en cause le volontarisme salutaire dans cette crise,…

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Il faut le dire aux marchés !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. … à l’opposé d’un capitaine de pédalo. (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV. – Mme Nathalie Goulet proteste également.) L’expression n’est pas de moi !

La capacité de négociation de notre Président et son implication personnelle lors du G20, nuit et jour, comme un capitaine à la barre, ont été remarquables, et particulièrement remarquées par nos partenaires européens.

Responsabilité : celle de ne pas renoncer aux mesures nécessaires, voire impopulaires, même à la veille d’une élection présidentielle. Et il en est de même de la responsabilité des collectivités territoriales, qui doivent aussi participer à l’effort ; j’y reviendrai ultérieurement.

Quant à la vérité, elle consiste à reconnaître que nous sommes, à droite et à gauche, coresponsables de la situation actuelle de nos finances publiques. Nous avons laissé filer nos déficits. Nous nous sommes reposés sur des acquis qu’il convenait de faire évoluer : 40 % de notre déficit est lié à la crise, et donc conjoncturel, les 60 % restants résultant de l’accumulation de déficits structurels hérités de ces trente dernières années, accumulés sous des gouvernements de droite, mais aussi de gauche.

Pour ma part, je souhaite rester optimiste : sans doute d’un mal naîtra un bien. Le fait de se retrouver au pied du mur peut même être salutaire. Il faut plus de gouvernance européenne, ce qui ne diluera pas pour autant la France dans une entité supranationale. La France ne sera jamais aussi forte qu’au sein d’une Europe forte.

L’enjeu de cette crise fait ressortir comme jamais notre souveraineté nationale, car des finances publiques saines, c’est la garantie de notre indépendance à l’égard des marchés.

La critique des agences de notation est évidemment de mise : elles n’ont vu venir ni la faillite d’Enron ni celle de Lehman Brothers. Concernant la dette américaine, certaines d’entre telles se trompent, paraît-il, de 2 000 milliards de dollars ! Et que dire de l’annonce erronée de la dégradation de la note de la France, censée avoir perdu son triple A ! Excusez du peu !

Toutefois, nous ne pouvons nous retrancher derrière tout cela, car les agences de notation sont quand même le miroir de nos faiblesses ! Il est toujours difficile, reconnaissons-le, de s’entendre dire certaines vérités. Mais, quoi qu’il en soit, il convient de remédier à nos faiblesses, de conforter l’avenir et, surtout, de ne pas léguer à nos enfants une dette abyssale, des retraites non financées, un système de soins déséquilibré.

Les mesures contenues dans le présent projet de loi de finances vont assurément dans le bon sens. Le budget que nous examinons, c’est, comme l’a indiqué Mme la ministre, le budget des engagements tenus, avec une réduction de 15 % du déficit budgétaire de l’État, qui vient s’ajouter à la baisse de 40 % du déficit de la sécurité sociale.

L’objectif d’augmentation maximale des dépenses fixé par le Parlement n’avait jamais été respecté depuis 1997. Or il l’est de nouveau depuis 2010.

En Europe, tous les pays, sans exception, font des économies sur leurs dépenses publiques, les considérant comme un pilier de leur stratégie de désendettement, en s’appuyant sur les mêmes leviers que nous : notamment le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, la réduction du train de vie des administrations ou encore la réforme des systèmes de retraite.

C’est cette politique mise en œuvre par le Gouvernement qui nous a jusqu’à présent permis de conserver notre triple A et nous a évité de connaître une situation analogue à celle que vivent actuellement la Grèce, le Portugal ou encore l’Irlande, des pays qui ont dû baisser les pensions et les salaires. Cette note n’est attribuée, ne l’oublions pas, qu’à douze autres pays dans le monde.

Cet effort d’économie de dépenses doit être partagé par tous, y compris les collectivités territoriales. Dans le cadre du plan Fillon du 24 août dernier, les dépenses de l’État seront réduites, en 2012, de 1 milliard d’euros supplémentaires. Les collectivités territoriales apporteront leur contribution à hauteur de 200 millions d’euros, l’équivalent du poids qu’elles représentent dans le budget de l’État hors charges de la dette et pensions, soit 20 %.

Le groupe UMP approuve pleinement cette politique d’efforts partagés. J’ajoute que, dans un objectif de cohérence avec le strict respect des règles que l’État applique à ses propres dépenses, la répartition de ces 200 millions d’euros a été assurée de manière à en minimiser l’impact. Le choix a été fait de stabiliser en valeur les dotations pour lesquelles une augmentation était prévue.

Des ponctions sur des compensations à venir, ainsi qu’un prélèvement exceptionnel sur les amendes, dont le produit devrait théoriquement augmenter, viennent compléter l’ensemble.

Cet effort s’accompagne d’une sanctuarisation de la DGF, première dotation en valeur. En outre, l’État poursuit ses ajustements de compensation des charges transférées aux collectivités territoriales.

Ainsi, la clause de revoyure prévue pour le revenu de solidarité active va permettre de réévaluer la compensation versée aux départements de manière pérenne, à laquelle s’ajoutent des ajustements ponctuels et la reconduction du fonds de mobilisation départementale pour l’insertion.

Le Gouvernement n’oublie pas non plus les territoires les plus fragiles. Au sein des dotations de l’État, le développement de la péréquation communale verticale va se poursuivre. Le Gouvernement développe également la péréquation horizontale.

Au-delà du fonds national de péréquation des droits de mutation à titre onéreux, qui est reconduit cette année, la mise en place en 2012 du fonds national de péréquation des recettes intercommunales et communales, le FNPRIC, est une avancée majeure en termes d’équité pour nos territoires.

Ce mécanisme de solidarité entre communes et communautés consiste à prélever une partie des ressources des intercommunalités et des communes isolées les plus riches pour la reverser aux intercommunalités et communes les plus défavorisées, classées en fonction d’un indice tenant compte de leurs ressources, du revenu moyen de leurs habitants et de leur effort fiscal. En fonction de ce classement, la moitié des intercommunalités et des communes isolées recevront une attribution de ce fonds.

Cette solidarité au sein du bloc communal se mettra en place progressivement : 250 millions d’euros en 2012, puis une montée en puissance chaque année pour atteindre, à partir de 2016 et chaque année, 2 % des ressources communales et intercommunales, soit plus de 1 milliard d’euros.

C’est la première fois qu’un tel fonds est mis en place au niveau national. C’est aussi la première fois que les intercommunalités sont désignées comme l’échelon de référence de ce mécanisme de solidarité, en cohérence avec la mise en œuvre de la réforme des collectivités territoriales.

À titre personnel, madame le rapporteur général, je déplore que vous n’ayez pas davantage souligné ces avancées contenues dans le budget 2012. Vous n’avez pas ménagé vos critiques ; pourtant, l’effort proposé par le Gouvernement est important et bien calibré. Vous déplorez un rendement maximal des mesures contenues dans ce budget de seulement 8 milliards d’euros. Mais c’est faux ! L’effort total supplémentaire sera de 17,4 milliards d’euros d’ici à 2016, dont 7 milliards d’euros en 2012.