M. Bernard Piras. Ce n’est pas comme cela dans la Drôme !

M. Jean-Paul Emorine. La situation est peut-être différente dans la Drôme, mais je vous fais part de mon expérience au quotidien.

Quand on parle des départements, il faut donc aussi considérer ce qu’ils font pour les communes. Or toutes les aides ont disparu, même en faveur des structures intercommunales.

M. Michel Berson. Vous êtes excessif ! Très excessif !

M. Jean-Paul Emorine. Quel est aujourd'hui le véritable problème des départements ?

Je reprendrai l’exemple de l’APA, que notre collègue Yannick Botrel a évoquée et dont j’entends dire qu’elle n’est pas compensée à 50 %. Un bref rappel historique s’impose.

Face à Arnaud Montebourg, j’étais le leader de l’opposition, et j’ai repris les débats de l'Assemblée nationale sur l’allocation personnalisée d’autonomie. J’ai constaté à cette occasion que Mme Guigou avait bien appelé les présidents de conseil général à faire un effort, mais qu’il n’était pas alors question de 50 %.

M. Michel Berson. C’était 50-50 !

M. Jean-Paul Emorine. Non, mon cher collègue, et je vous invite à relire les débats comme je l’ai fait, ce qui me permet d’avoir aujourd’hui bien en tête les proportions : Mme Guigou demandait un effort des deux tiers ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

Aussi, depuis une dizaine d’années, le Gouvernement compense l’APA dans les départements à hauteur de 33 % en moyenne.

D’ailleurs, le gouvernement Jospin n’avait même pas prévu la participation financière de l’État dans la loi de finances pour 2002. C’est le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin…

Mme Valérie Pécresse, ministre. Eh oui !

M. Jean-Paul Emorine. … qui a inscrit les crédits à verser aux départements au titre de l’APA.

Mme Valérie Pécresse, ministre. En effet !

M. Jean-Paul Emorine. Voilà pourquoi le problème qui se pose aux départements est bien celui de l’allongement de l’espérance de vie - phénomène dont nous pouvons évidemment tous et toutes nous féliciter – dans la mesure où le nombre de bénéficiaires de l’APA a été, en moyenne, multiplié par deux.

C’est ce problème que vous vivez, mes chers collègues, dans vos départements.

M. Bernard Piras. La solidarité nationale !

M. Jean-Paul Emorine. On s’y est attelé, mais on n’a pas encore réussi aujourd’hui à le régler.

Parlons plutôt de la manière dont nous pourrions mieux financer la dépendance,…

M. Bernard Piras. Par la solidarité nationale !

M. Jean-Paul Emorine. … mais ne faites pas le procès de l’État pour 200 millions d’euros !

La solidarité nationale doit s’exprimer sur l’ensemble du territoire et je suis convaincu que les maires accepteront bien volontiers un effort comme celui-ci. (On scande : Solidarité nationale ! sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

Vous ne remettrez pas en cause les politiques communales, pas plus que les politiques départementales et régionales. Mais j’aimerais que l’on parvienne un jour à attribuer aux collectivités des compétences clairement définies.

Notre collègue François Patriat notamment a indiqué tout à l'heure que l’État avait abandonné les services qu’il pouvait apporter aux collectivités locales en matière d’assistance à maîtrise d’ouvrage. Il faut, dites-vous, des agences techniques, parce qu’elles sont là pour conseiller. Mais on sait bien que ces agences ont un rôle politique (Mme la rapporteure générale s’exclame.) et qu’elles défendent les politiques des départements.

En matière de maîtrise d’ouvrage, il existe des cabinets d’assistance, et les petites communes ont la possibilité de passer une convention avec l’État pour disposer d’une assistance dite « ATESAT », l’assistance technique de l’État pour des raisons de solidarité et d’aménagement du territoire

M. Bernard Piras. Personne n’est disponible ! Il n’y a plus personne !

M. Jean-Paul Emorine. Mes chers collègues, avec les agences techniques, vous voulez prendre la main pour faire de la politique !

Mais, de grâce, pour 200 millions d’euros, je ne puis vous suivre. Vous l’aurez compris, je ne voterai pas de tels amendements.

M. le président. La parole est à M. Louis Pinton, pour explication de vote.

M. Louis Pinton. Mes chers collègues, j’ai écouté vos interventions avec beaucoup d’intérêt, et je remarque que toutes, quelle que soit votre appartenance politique, font état de problèmes financiers rencontrés par les départements et des rapports difficiles avec l’État eu égard à sa participation financière. Tout cela est vrai, et vous avez tous raison, mes chers collègues.

Permettez-moi cependant une observation.

Tous les départements sont soumis aux mêmes pressions et aux mêmes difficultés. Cela signifie que tous les départements devraient être dans la même situation. Ainsi, un département rural moyen – je connais bien cet exemple, pour être président du conseil général d’un département rural – a une population de 300 000 habitants, pour un budget de 300 millions d’euros. Mais certains de ces départements ruraux ont une dette de 350 millions d’euros, alors que d’autres ne sont pas du tout endettés. Or, lorsque je traverse ces départements, je ne vois pas de différence. (M. François Marc s’esclaffe.)

La représentation nationale devrait plutôt s’interroger sur la qualité de la gestion des départements, car, encore une fois, nous vivons tous les mêmes conditions. (M. Joël Bourdin applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.

M. Yves Daudigny. Je ne pensais pas intervenir dans ce débat parce que tous mes collègues ont déjà avancé avec force leurs arguments, mais, avec tout le respect que je lui dois, je me dois de répondre à notre collègue Jean-Paul Emorine.

Concernant les allocations transférées aux collectivités, peu m’importe ce qui a été voté à un moment par un gouvernement de gauche et ensuite transféré par un gouvernement de droite, qu’il s’agisse du RMI…

M. Éric Doligé. On le paie !

M. Yves Daudigny. … ou de la PCH. Ce qui compte, c’est la situation actuelle. Or les chiffres officiels de la CNSA, la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, démontrent que l’APA est compensée par l’État à hauteur de 27 %, une compensation qui est, chaque année, en diminution constante. L’État n’assure donc même pas le tiers du financement global de l’APA ! Or les départements voient leurs dépenses au titre de la PCH s’accroître et ils sont également amenés à participer aujourd'hui – heureusement dans une moindre proportion ! – au financement du RSA de base, ce qu’ils ne faisaient pas avant le transfert.

Telle est la situation actuelle, et c’est sur ces données que nous devons fonder notre jugement et délibérer.

Concernant l’ingénierie et l’ATESAT, je ne puis laisser passer de telles affirmations sans réagir.

Tout le monde le sait, l’ATESAT est en voie d’extinction dans nombre de départements. (M. Jean-Paul Emorine fait un signe de dénégation.) Dans les départements ruraux, le secteur privé ne peut apporter son soutien, faute de modèle économique pertinent. C’est que, dans ce cas, l’ingénierie suppose beaucoup de déplacements et des coûts élevés : ou bien les sociétés privées ne répondent pas ou bien elles proposent des projets qui n’ont rien à voir avec la réalité de la ruralité.

Nous avons besoin aujourd'hui de remettre en place de l’ingénierie publique dans les départements ruraux pour compenser la disparition des fameuses et historiques DDE, les directions départements de l’équipement, et DDAF, les directions départementales de l’agriculture et de la forêt, qui accomplissaient remarquablement ce travail dans des conditions économiques acceptables et supportables par les communes.

Alors, oui, chers collègues, nous créons des agences, conformément à la possibilité qui nous est offerte par les directives européennes et la législation en vigueur.

Quant à l’éternel millefeuille ou « mille et une feuilles », combien de fois avons-nous dit qu’il s’agissait plutôt d’un « mille et deux feuilles » avec la création par la loi des métropoles et des pôles métropolitains ? Mais tel n’est pas le sujet.

La question du département et de la région revient sans cesse, mais permettez-moi de rappeler deux vérités.

Tout d’abord, il existe dans tous les pays européens deux niveaux intermédiaires, comme en France, avec, bien sûr, des répartitions de compétences très différentes. Toutefois, l’Allemagne et l’Espagne, qui ont été citées, sont des États fédéraux ; la comparaison n’a donc pas de sens ici.

Ensuite, cessons de penser qu’un seul niveau de compétences coûtera moins cher.

M. Éric Doligé. Bien sûr que si ! C’est évident !

M. Yves Daudigny. Aujourd’hui, les départements entretiennent les collèges et les régions, les lycées. Si, demain, il revient à la seule région d’entretenir les collèges et les lycées, en quoi le coût sera-t-il moindre pour chauffer les collèges ou les repeindre ? Je voudrais que l’on m’explique…

Il en est de même pour l’entretien des routes. Le kilomètre d’enrobé coûtera-t-il moins cher si l’on supprime un échelon ? Évidemment non !

Il est certain, en revanche, qu’il faudra créer une administration régionale, qui sera ensuite disséminée dans les départements, ce qui coûtera plus cher.

Là où l’on pourrait avoir de moindres dépenses, c’est dans le domaine des associations, de la culture, par exemple. Or, bizarrement, la loi qui a été votée a prévu, dans son texte initial, que les départements, les régions et d’autres collectivités pourraient continuer d’intervenir conjointement sur plusieurs niveaux, dont celui de la culture.

Arrêtons de dire des contrevérités et cessons de considérer que les collectivités territoriales sont des variables d’ajustement, ainsi que certains l’ont affirmé à droite de cet hémicycle. Ce qui est en jeu, c’est non pas l’avenir des collectivités, mais bien l’action publique et l’investissement dans notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Au vote !

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure générale.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Je remercie tous nos collègues de part et d’autre de l’hémicycle d’avoir participé à ce débat important. Mais, de grâce, n’opposons pas ceux qui seraient vertueux à ceux qui seraient irresponsables, n’opposons pas les communes aux départements, n’opposons pas les départements entre eux. Ce qui est en cause ici, c’est le pacte de confiance entre l’État et les collectivités. Et ce problème se posera quelle que soit la majorité qui sortira des urnes aux prochaines élections.

Pour ma part, j’approuve pleinement avec, je l’espère, tous mes collègues ici rassemblés, le travail que va réaliser le président Bel en ouvrant les assises des collectivités locales : le Sénat s’honorera d’accueillir ces débats que nous pourrons reprendre.

Pour en revenir aux chiffres, je veux dire à nos collègues – cela ne va certainement pas les rassurer ! –, que les députés ont pris ces 200 millions d’euros à tous les niveaux. Bien sûr, il a été demandé aux parlementaires de se trancher en quelque sorte la tête, mais les communes ne sont pas, elles non plus, exemptées de l’effort qui est demandé par le Gouvernement, bien au contraire !

En d’autres termes, mes chers collègues, tout le monde y a droit !

M. Bernard Piras. Bien sûr !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Les seules qui, paradoxalement, s’en sortent moins mal que les autres, ce sont les régions. Mais on leur avait déjà tout pris avec la perte d’autonomie financière,…

Mme Valérie Pécresse, ministre. Oh !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. … alors que ce sont des collectivités stratégiques, de par la loi.

Madame la ministre, pour illustrer mon propos et vous montrer que les communes vont être très fortement mises à contribution, je prendrai un exemple qui va sans doute vous rappeler quelque chose, celui de Chelles, en Seine-et-Marne.

J’ai fait le compte, madame la ministre : sur dix ans, le transfert de charges représente peu ou prou 600 000 euros par an et la perte de pouvoir d’achat de la dotation globale de fonctionnement par rapport à l’indice des prix de l’INSEE est de 4 millions d’euros sur la période. (Exclamations sur les travées de lUMP.)

M. Bernard Piras. C’est ce que j’ai aussi chez moi !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Faites le calcul !

Mme Marie-France Beaufils avait raison de le dire. Il s’agit pourtant d’une ville de 50 000 habitants, la première du département ! Et ces comptes sont bien réels et non pas inventés. Or des efforts supplémentaires vont être demandés à cette commune. Voilà la réalité !

L’un d’entre vous a dit, à propos de l’amendement de la commission, que nous voulions plus. Non, nous ne voulons pas plus, mais nous ne voulons pas moins non plus ! Madame la ministre, nous voulons revenir au texte initial du Gouvernement, celui de 28 septembre.

Vous avez parlé de la crise,...

Mme Valérie Pécresse, ministre. Oui !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. ... qui vous a obligée à faire ces économies. Mais que ne les avez-vous proposées le 28 septembre ? Qu’est-ce qui a changé depuis ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Regardez la télévision !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Tout le monde sait que la France est dans une position critique, et vous savez pourquoi maintenant ! La vérité se fait jour petit à petit. C’est parce que personne ne croit à l’hypothèse de croissance que vous avez maintenue pendant des mois contre vents et marées. Vous la révisez au fur et à mesure, mais le compte n’y est toujours pas ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

La Commission européenne l’a encore dit la semaine dernière.

Mme Valérie Pécresse, ministre. C’est inexact !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Ce qui est vrai aujourd’hui l’était voilà deux mois.

Vous avez dit qu’il fallait agir sur les dépenses. Je souhaite vous rappeler le rapport d’information du 26 octobre 2011 que j’ai présenté au nom de la commission des finances sur les prélèvements obligatoires, le débat que nous avons eu sur ces prélèvements obligatoires et leur évolution le 2 novembre 2011 ainsi que le rapport général sur les grands équilibres du projet de loi de finances pour 2012.

Avec l’appui de la commission des finances, j’ai bâti un scénario pluriannuel qui concerne les dépenses de 2012 à 2017, et qui repose sur l’hypothèse d’une progression des dépenses publiques de 1 % en volume, alors qu’au cours de la période allant de 2008 à 2012 le Gouvernement n’a jamais fait mieux que 1,4 %. De plus, pour l’après-2012, vous prévoyez 0,5 %, ce qui est complètement irréaliste !

Alors ne dites pas que l’effort sur les dépenses est uniquement programmé par ceux qui siègent du côté droit de l’hémicycle, car ce n’est pas vrai ! Tout le monde sait qu’il faudra faire un effort sur les dépenses et un effort aussi sur les recettes.

L’effort doit être collectif, bien sûr, mais encore faut-il qu’il soit fondé sur un pacte de confiance. Quelqu’un a fait référence, M. Roger Karoutchi je crois, à l’Allemagne. Précisément, la commission des finances s’y est rendue au mois d’avril ; nous y étions avec le président Marini.

Concernant notamment l’effort de réduction du déficit et donc de la dette, on nous a bien montré qu’en Allemagne tout se règle par la négociation ! Les trajectoires sont vérifiées par une négociation annuelle au sein des Länder. Voilà ce qui manque à la France, où l’on impose tout sans négocier.

Depuis deux ou trois ans, toutes les conférences des exécutifs qui ont eu lieu se sont déroulées sous la même forme : un discours, et c’est tout. Il n’existe pas, en France, cette tradition de la négociation qui est pourtant si importante et que nous devrions adopter.

C’est tout l’enjeu du débat sur l’acte III de la décentralisation ! C’est à partir de là que nous mesurerons les efforts des uns et des autres, et non à partir de ce projet de loi de finances dans lequel vous voulez acter que les collectivités territoriales participent, à hauteur de 20 %, au milliard d’euros d’économies que vous proposez.

Quand j’examine la trajectoire que vous avez définie pour après 2012, je ne trouve pas, dans les documents budgétaires, trace d’une documentation. Comment faites-vous pour arriver à 0,5 % en volume ? Nous avons cherché, les administrateurs de la commission et moi-même, mais nous n’avons pas trouvé.

Il est trop facile d’affirmer que l’on agit sur la dépense alors que l’on n’en trouve aucune trace dans les documents budgétaires qui sont soumis au Parlement ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Madame le ministre, mes chers collègues, j’ai écouté avec grande attention les uns et les autres, en particulier en dernier lieu le rapporteur général, et je ne peux pas ne pas réagir sur plusieurs points.

Madame le rapporteur général, vous mettez en cause notre façon de procéder en la comparant à celle qui prévaut en Allemagne, mais vous ne pourrez certainement pas prétendre qu’en France l’État peut négocier avec les collectivités territoriales comme cela est possible en Allemagne fédérale ! Nous ne sommes pas un pays fédéral.

Vous avez évoqué les conférences des exécutifs. J’ai le souvenir de ces premières grands-messes. J’ai toujours trouvé qu’elles étaient assommantes, car les collectivités y sont représentées par des associations nationales qui, naturellement, ne sont aucunement mandatées pour prendre des engagements au nom de leurs membres.

Ce ne sont que des associations, des groupements d’intérêt aux niveaux communal, intercommunal départemental, régional.

Comment voulez-vous que, face à l’exécutif, les présidents de ces associations entrent dans une négociation ? Ils ne sont pas mandatés pour cela et leurs statuts ne le permettent pas. Face à l’exécutif, ils ne peuvent qu’exprimer les intérêts dont ils sont porteurs, c’est-à-dire qu’ils sont contraints de se placer dans une logique de groupe d’intérêt face à l’État central.

Et comment voulez-vous que l’État négocie individuellement avec chaque collectivité territoriale de ce pays ? À la vérité, l’État est dans son rôle lorsque, par exemple, animant sous ses différentes formes le comité des finances locales, il met sur la table les données économiques, financières et budgétaires qui s’imposent à tous.

Vous ne pouvez donc pas faire ce parallèle entre l’Allemagne fédérale et la France.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Ce n’est pas moi qui ai fait la comparaison la première !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Nous n’avons pas la même organisation, tant institutionnelle que locale, et ce n’est absolument pas une comparaison utile en ce qui concerne notre monde local.

Quand on parle de convergence franco-allemande, on parle des enjeux généraux des finances publiques, en particulier de fiscalité. Mais comment voulez-vous comparer la démarche de la France, forcément marquée par la présence de l’État central, de par sa structure étatique, à la culture de la négociation telle qu’elle est susceptible d’être pratiquée en République fédérale, chez nos voisins d’outre-Rhin ?

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Ce n’est pas moi qui ai pris cet élément de comparaison, c’est Roger Karoutchi !

M. Edmond Hervé. Rien ne vous empêche de la mettre en place, cette négociation ! Un article de la loi du 6 février 1992 relative à l’administration territoriale de la République vous le permet !

M. le président. Monsieur Hervé, je vous prie de laisser parler M. le président de la commission des finances, qui a seul la parole.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Mais je suis très intéressé par l’interruption d’Edmond Hervé et je suis prêt à en débattre avec lui.

Je tiens tout de même à rappeler que nous sommes dans une République unitaire et non fédérale, qu’il faut à chacun prendre ses responsabilités et que c’est la mission de l’État de faire partager la contrainte commune.

La décentralisation existe, mais il ne faut pas oublier que, pour une large part, les ressources de nos collectivités territoriales sont des dotations qui prennent naissance dans le budget de l’État. Il est vrai que nous appliquons la règle d’or dans chacune de nos collectivités. Mais comment et avec quoi ? Avec les dotations destinées à financer nos sections de fonctionnement !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Mes chers collègues, restons raisonnables !

Nous sommes dans une période difficile ; personne n’y échappe et personne n’y échappera. On ne peut pas entretenir la fiction selon laquelle, communes, intercommunalités, départements, régions pourraient être tenus à l’écart des difficultés de l’heure.

Dans notre monde local, nous avons, c’est vrai, un problème de clarté dans la distribution des responsabilités. C’est le vrai sujet, car chacun peut présenter la réalité à sa façon ; elle est tellement complexe qu’il faut être, comme la plupart d’entre nous, d’excellents gestionnaires locaux pour s’y retrouver.

Comment alors éviter l’instrumentalisation de ce sujet ?

Mais, chers collègues, est-il responsable de dire que les 200 millions d’euros d’économies seraient un « coup de poignard » dans le dos des gestionnaires de collectivités territoriales ? Personne ne nie les difficultés ; on en rencontre partout. Mais, quand on sait ce que représentent 200 millions d’euros par rapport aux masses totales des transferts financiers aux collectivités territoriales, on doit garder le sens de la mesure !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Il est évident que notre système local n’est pas sans reproche. Il est non moins évident qu’il est difficile de s’y retrouver dans cette réforme réalisée de bonne foi, mais exagérément complexe, tant elle comporte d’atténuations et de méandres. Et la réforme de la taxe professionnelle n’arrange rien, ne simplifie rien. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Ce que je dis n’est pas nouveau ! J’ai rapporté cette réforme et, avec la commission des finances, je me suis efforcé de la rendre supportable, acceptable, afin qu’elle atteigne ses objectifs économiques et que les collectivités territoriales, notamment le bloc communal, qui était très mal traité dans le projet initial, puissent s’en sortir correctement.

Le travail particulièrement difficile que nous avons accompli était justifié par les enjeux économiques. Mais il est vrai qu’à la sortie ce n’est pas plus de simplicité ; c’est plus de complexité.

Madame le ministre, nous aurons à en reparler, sur la base de simulations je l’espère, pour réfléchir, au regard du couple territorialisation/péréquation, à la façon de tirer vers le haut toutes les collectivités territoriales de ce pays, compte tenu des missions qui sont les leurs.

Mes chers collègues, les choses n’étant déjà pas simples, de grâce, n’instrumentalisons pas ce débat ! Ne faisons pas entrer trop de représentations exagérément corporatives dans nos délibérations ! Les missions qui nous sont imparties par la période que nous vivons sont d’un autre ordre que cette défense pied à pied de chaque élément de l’organisation existante ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Valérie Pécresse, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, au terme de ce débat extrêmement riche, je vous invite à ne pas tomber dans le simplisme, ni dans la caricature.

Contrairement à ce que vous avez dit sur les travées de la gauche, le Gouvernement n’a nullement stigmatisé les collectivités territoriales. (M. Bernard Piras s’exclame.) Il dit seulement qu’un effort très important est consenti par l’État sur ses dépenses.

M. Bernard Piras. Vous avez la mémoire courte !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Avec une diminution de 1,5 milliard d’euros, la progression de la dépense publique est limitée à 0,6 %. C’est un budget historique de ce point de vue, car, depuis 1945, jamais les dépenses de l’État n’avaient baissé d’une année sur l’autre !

Si Mme Nicole Bricq ne trouve pas une croissance de 0,8 % des dépenses entre 2010 et 2012,...

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. En 2008 !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Mais depuis la crise, madame Bricq !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Justement, la crise, c’est 2008 !

Mme Valérie Pécresse, ministre. C’est l’été 2008, donc le budget 2009. C’est là que s’est creusé le déficit !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Mais il y a eu des lois de finances rectificatives !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Cette année-là, le déficit a atteint 7,5 % du PIB. Nos filets sociaux et notre plan de relance ont amorti une croissance en récession.

M. Jean-Marc Todeschini. Il n’y avait pas que cela !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Ne revenons pas sur le passé ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

Voulez-vous vraiment un petit cours sur la question ? J’y suis prête. Nous avons toute la nuit, mesdames, messieurs les sénateurs ! (Sourires.) Mais j’aimerais mieux que nous dépassions ces querelles stériles et que l’on cesse de chercher toujours qui a été responsable de quoi.

L’État va faire diminuer ses dépenses de 0,6 % cette année. De son côté, la sécurité sociale, dont les dépenses devaient croître naturellement de 4,4 %, fera un effort en concédant une hausse de seulement 2,5 %, soit 2 % de moins que ce qui était attendu en tendance. Chacun fait donc des économies.

Oui, certaines collectivités locales sont soumises à de fortes contraintes financières, et je ne dis pas le contraire, mais sachez reconnaître aussi que d’autres ont su anticiper et ont d’ores et déjà commencé à réduire leurs dépenses.

D’une manière générale, il est selon moi abusif de parler des collectivités locales dans leur ensemble, chaque situation étant différente.

Qu’y a-t-il en effet de commun entre la situation décrite par Roger Karoutchi d’une région d’Île-de-France qui, dans la perspective du Grand Paris, devrait percevoir 130 millions d’euros de recettes supplémentaires, et un département rural – je n’en citerai aucun ! – qui n’a pas vu ses droits de mutation à titre onéreux retrouver son niveau d’avant 2008 ?

Qu’y a-t-il de commun entre le département de Paris, qui enregistre cette année plus de un milliard d’euros de recettes de DMTO – une manne providentielle due à l’augmentation de la valeur de l’immobilier entre 2011 et 2012 dont le département profite sans avoir eu véritablement à agir - et un département qui doit trouver ses propres ressources pour faire face aux nouveaux services qu’implique le vieillissement de sa population ?

Les communes, quant à elles, sont totalement épargnées par le coup de rabot que je vous propose,…