M. le président. La parole est à M. Michel Vergoz, rapporteur pour avis.

M. Michel Vergoz, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les crédits pour 2012 de la mission « Outre-mer » s’inscrivent dans un contexte particulier : celui d’une crise économique, certes, mais surtout d’une gestion des finances publiques qui, depuis 2007, a conduit le Gouvernement, d’improvisations en improvisations, à décider de mesures d’austérité qui frappent encore plus durement nos territoires.

Le budget de cette mission s’inscrit également dans le contexte d’une situation locale très dégradée, économiquement et socialement. La gestion chaotique des revendications sociales à Mayotte en est l’exemple récent le plus manifeste.

Plus de deux ans après le vote de la loi pour le développement économique des outre-mer, la « vie chère » subie dans nos territoires témoigne de l’échec de la politique menée ces dernières années, alors que le chômage est reparti à la hausse en 2010. Il atteint 29,5 % à la Réunion, 24 % en Guadeloupe, 21 % en Martinique et en Guyane.

Dans mon département, la Réunion, le taux de chômage des jeunes est aujourd’hui de 55 %, contre 22 % dans l’Hexagone, tandis que 10 % des foyers touchent le RSA, contre à peine 3 % en métropole.

Comment, avec de tels indicateurs, se gargariser d’une quelconque réussite ?

En réalité, le montant des crédits de paiement de la mission « Outre-mer », soit 1,98 milliard d’euros, traduit une baisse de l’effort financier de l’État envers les outre-mer, compte tenu de l’inflation.

D’ailleurs, les crédits de la mission, qui correspondaient à 0,58 % du budget de l’État en 2006, n’en représentent plus aujourd’hui que 0,50 %. C’est une claire traduction du fait que le Gouvernement se détourne ti pas ti pas des outre-mer, comme l’on dit chez nous.

Les dépenses fiscales diminuent de 382 millions d’euros en 2012, soit un recul de 11,4 %. Cette somme manquera au développement de l’outre-mer en 2012. Madame la ministre, mes chers collègues, vous admettrez que c’est considérable !

La dépense fiscale a, durant ces dernières années, et pour des raisons idéologiques, souvent été préférée à la dépense budgétaire.

Cette économie pour l’État, qui représente à peine 0,1 % de la dépense nationale globale, a donc un impact dérisoire sur le budget, mais entraîne des conséquences désastreuses pour les économies ultramarines.

Ces conséquences ont-elles été bien pesées ? À quand un audit sérieux, indépendant et transparent des mesures décidées ?

S’agissant des crédits dédiés au service militaire adapté, le SMA, ils progressent, en lien avec l’augmentation du nombre de volontaires pris en charge.

Néanmoins, nous nous interrogeons sur la pertinence de la réduction de la durée de formation dispensée à une partie d’entre eux, et, surtout, madame la ministre, nous resterons vigilants sur le respect de l’engagement que vous avez pris, devant nos collègues députés, de ne pas faire peser sur le SMA l’impact de votre plan d’austérité.

La ligne budgétaire unique, la LBU, a, hélas, été désacralisée au profit de la défiscalisation, au cours des dernières années.

Elle reste à un niveau largement insuffisant, vous le savez bien, pour faire face à nos besoins immenses. La conjonction d’une défiscalisation, appliquée de façon incontrôlée au logement intermédiaire, a entraîné une crise grave du logement social, consécutive à une explosion du coût du foncier.

Madame la ministre, certains ont même fait de la spéculation foncière une rente boursière depuis 2005. C’est pour le moins inédit, et c’est en France que cela se passe !

Pour ce qui est de la continuité territoriale, non seulement l’expression nous apparaît inappropriée, mais en outre elle traduit un détournement de sens du point de vue de l’outre-mer.

En effet, la seule région Corse, qui comprend 300 000 habitants à 200 kilomètres du continent, a bénéficié d’une dotation de continuité territoriale de l’État de 187 millions d’euros en 2010, dédiée uniquement au transport des résidents, alors que, pour tout l’outre-mer – 2,5 millions d’habitants, le territoire le plus proche étant à 8 000 kilomètres de l’Hexagone –, le budget dédié n’est que de 45 millions d’euros.

L’iniquité crève les yeux !

En tout état de cause, il me semble nécessaire de préciser qu’une continuité territoriale existe réellement lorsque trois critères sont réunis.

D’abord, les citoyens doivent être certains de disposer, toute l’année, d’un nombre de titres de transport qui leur assurent la libre circulation entre leur territoire et l’Hexagone, ce qui n’est pas le cas actuellement.

Ensuite, pour conforter leur libre circulation, ces mêmes citoyens sont en droit de se voir garantir un prix acceptable du titre de transport toute l’année, ce qui n’est pas le cas là encore.

Enfin, un coût de fret maîtrisé est censé leur assurer l’égalité économique avec la métropole, ce qui n’est pas le cas non plus.

Tel est le réel chemin à parcourir si nous voulons défendre l’idée même de la continuité territoriale.

Bref, ce projet de loi de finances pour 2012 est totalement décalé et injuste par rapport aux défis majeurs en outre-mer.

Les coups de rabot, les décisions improvisées, sans évaluation ni concertation, se succèdent sans qu’aucune ambition se dégage.

En conséquence, monsieur le président, mes chers collègues, la commission des affaires sociales vous propose de rejeter les crédits de la mission « Outre-mer ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Serge Larcher, rapporteur pour avis.

M. Serge Larcher, rapporteur pour avis de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, disons-le d’emblée, les crédits de la mission « Outre-mer » prévus pour 2012 ne sont pas à la hauteur des défis auxquels nous sommes confrontés.

Quelques chiffres me semblent particulièrement révélateurs.

Tout d’abord, dans le projet de loi de finances initial, la mission affichait une augmentation de ses crédits de 1,1 % en autorisations d’engagement, et de 2,9 % en crédits de paiement.

Sur l’initiative du Gouvernement, ces crédits ont été « rabotés » par nos collègues députés : le texte qui nous a été transmis par l’Assemblée nationale prévoit désormais une réduction des crédits de la mission de 1,6 % en autorisations d'engagement et de 0,4 % en crédits de paiement.

Ensuite, nous constatons une nouvelle réduction des dépenses fiscales en faveur – en défaveur, serais-je tenté de dire – des outre-mer.

Je rappelle que ces aides ont été déjà sensiblement réduites au cours des dernières années, dans le cadre non seulement de la LODEOM, mais aussi de la dernière loi de finances.

Entre 2011 et 2012, la dépense fiscale rattachée à la mission « Outre-mer » a ainsi diminué de près de 400 millions d’euros.

En conséquence, la commission de l’économie estime que le projet de budget, dont nous discutons aujourd’hui, ne porte aucune ambition pour nos outre-mer.

Madame la ministre, nous connaissons votre réponse : l’outre-mer doit participer à l’effort de réduction des déficits publics. Certes ! Mais, pour les outre-mer, c’est le régime de la double peine !

Quand le Gouvernement décide, par exemple, d’indexer l’évolution des aides personnelles au logement et des prestations familiales sur la croissance, autant dire de les geler, ou encore d’augmenter la taxe sur les mutuelles, ces décisions s’appliquent également dans tous les outre-mer. Il en est ainsi de la quasi-totalité des mesures d’économie annoncées au cours de ces dernières semaines.

Nos outre-mer sont donc victimes de la politique de rigueur à deux titres : en tant que parties intégrantes du territoire national et en tant que territoires disposant de dispositifs spécifiques destinés à favoriser leur rattrapage économique et social.

Or comment peut-on accepter que les territoires connaissant la situation économique et sociale la plus difficile participent davantage à l’effort national ?

Je vous rappelle, pour mémoire, que le PIB par habitant des départements d’outre-mer est inférieur de moitié au PIB par habitant dans l’Hexagone, et que le chômage y est trois fois plus important !

En réalité, vous demandez plus à ceux qui ont le moins !

Au-delà du budget, quel est le bilan des États généraux de l’outre-mer et des décisions annoncées lors du conseil interministériel de l’outre-mer, le CIOM, de 2009 ? La réponse à cette question est tout d’abord d’ordre empirique.

Le mouvement social à Mayotte et la réapparition du thème de la « vie chère » montrent que bien peu de chose ont changé.

Au cri des populations antillaises en 2009 a répondu, en écho, le cri de la population mahoraise.

En termes budgétaires, l’impact des décisions du CIOM est infime : il s’agit, pour 2012, de quelques millions d’euros inscrits dans la mission « Outre-mer » !

S’agissant de résultats, je prendrai l’exemple du logement, problématique centrale dans nos outre-mer. La production de logements sociaux a légèrement repris. En 2010, 6 500 logements de ce type ont été financés. Mais ces chiffres sont très en deçà des besoins.

Je vous rappelle que plus de 160 000 personnes sont en attente d’un logement social aux Antilles, à la Réunion et en Guyane, soit près de 10 % de la population, contre moins de 3 % dans l’Hexagone.

La ligne budgétaire unique, socle du financement du logement social, est stable. Il ne s’agit en rien d’une victoire pour les outre-mer aux yeux de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire. Cette stabilité est, au contraire, révélatrice du renoncement de l’État à toute augmentation des crédits budgétaires.

Enfin, beaucoup d’annonces ont été faites en matière de logement, lors de l’examen de la LODEOM et à l’occasion du CIOM, mais les résultats ne sont pas au rendez-vous.

Où en est le groupement d’intérêt public censé répondre au problème de l’indivision, institué il y a plus de deux ans par la LODEOM ? Le décret d’application n’est toujours pas publié.

Où en sont le décret sur la surcharge foncière et le dispositif visant à permettre la cession de terrains de l’État pour construire du logement social, deux mesures du CIOM que le ministère annonce avoir mises en œuvre ? Le décret sur la surcharge foncière ne devrait pas être reconduit en 2012.

Combien de terrains ont été cédés par l’État afin de construire des logements sociaux ? Aucun, le décret d’application n’ayant toujours pas été publié !

Ce constat est désolant et inquiétant, au vu des attentes de nos populations, suscitées par les états généraux de l’outre-mer.

En matière de logement comme dans bien d’autres domaines, la politique ambitieuse à l’égard de nos outre-mer fait encore et toujours défaut.

En conséquence, madame la ministre, mes chers collègues, la commission de l’économie, dont j’ai l’honneur d’être le rapporteur pour avis, s’est déclarée défavorable à l’adoption des crédits de la mission « Outre-mer ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Christian Cointat, rapporteur pour avis.

M. Christian Cointat, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, pour les collectivités d’outre-mer et la Nouvelle-Calédonie. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la mission « Outre-mer » présente un certain nombre de points positifs, mais aussi quelques aspects moins favorables. Les uns et les autres ont des conséquences sur les collectivités d’outre-mer et la Nouvelle Calédonie, dont je me préoccupe plus particulièrement, en tant que rapporteur pour avis de la commission des lois.

Parmi les points positifs, il convient de constater qu’en dépit de la crise financière à laquelle le monde est confronté l’effort de l’État en faveur de l’outre-mer est maintenu. Tant l’action globale de l’État que la part du budget relevant du ministère chargé de l’outre-mer, autrement dit la mission « Outre-mer », sont de niveaux comparables à ceux de l’exercice 2011.

Or chacun sait que, dans une période particulièrement difficile, le maintien des crédits, voire une légère progression, est un geste significatif méritant d’être apprécié.

Un deuxième élément positif se trouve dans l’intensité de l’effort de l’État, loin d’être négligeable, puisque l’ensemble des crédits dédiés à l’outre-mer ont connu une progression de plus de 22% entre 2008 et 2012 en crédits de paiement. Ce chiffre, à lui seul, démontre tout l’intérêt accordé par l’État à nos compatriotes ultramarins.

Je relève un troisième point positif dans la stabilisation, depuis plusieurs années, du périmètre d’intervention de la mission « Outre-mer », qui offre ainsi une meilleure lisibilité, avec plus de transparence financière.

On peut également se féliciter de voir que les priorités de développement du service militaire adapté sont préservées et qu’il en est de même pour l’incitation à la construction de logements sociaux si nécessaires, aux équipements, à l’accompagnement des collectivités locales, sans oublier, bien entendu, l’importance qui continue d’être accordée au principe de la continuité territoriale, même si, c’est vrai, dans ce domaine, comme dans d’autres d’ailleurs, des extensions et des aménagements méritent d’être envisagés.

En revanche, il faut bien le dire, d’autres aspects de ce budget sont plus contestables. Tel est le cas de la défiscalisation, qui ne donne pas l’impression d’être parfaitement maitrisée quant à ses effets.

Comme chacun sait, un budget doit viser trois objectifs : récolter de l’argent pour le fonctionnement de l’État, procéder à une répartition des crédits et inciter les citoyens à dépenser dans un sens utile à la Nation.

Force est de constater que, sur ce dernier point, la défiscalisation joue un rôle essentiel dans la politique suivie pour le développement de l’outre-mer, compte tenu de son niveau qui dépasse les 3 milliards d’euros, ce qui n’est pas rien.

Certes, on peut discuter de la pertinence de ce montant, qui prend notamment en compte l’octroi de mer, en l’absence de TVA. Il n’en reste pas moins élevé et donc significatif. Or il n’est toujours pas possible de disposer d’évaluations précises quant au rendement financier de cet instrument budgétaire, ce qui est regrettable, au vu des sommes en jeu. Madame la ministre, vous n’êtes pas la seule responsable, puisqu’il en va de même quand on se tourne du côté de Bercy.

Le tableau de bord est donc malheureusement incomplet pour un bon pilotage du rapport coût-efficacité du développement de l’outre-mer.

Un autre élément ayant soulevé les interrogations de la commission des lois se situe au niveau de l’élaboration même du budget. De fortes présomptions pèsent en effet sur l’insuffisance des moyens laissés au ministère chargé de l’outre-mer pour la définition et l’élaboration de sa politique.

Nous souhaitons, madame la ministre, que vous ayez plus de pouvoirs. Bien entendu, il ne s’agit pas de déposséder les ministères techniques de leurs compétences en matière ultramarine, car il faut, au contraire, les inciter à prendre en compte cette dimension.

Mais il convient de garantir une impulsion, une coordination et une vision à long terme, que seul le ministère chargé de l’outre-mer peut assurer. Un orchestre a besoin d’un chef pour être de qualité.

Mes chers collègues, je vais maintenant vous convier à faire rapidement le tour du monde, en faisant une brève escale dans chacune des collectivités concernées.

En Nouvelle-Calédonie, l’application de l’accord de Nouméa et des transferts de compétences y afférents se poursuit, parallèlement à la reprise économique constatée sur le marché du nickel. Il y règne un climat apaisé, et nous ne pouvons que nous en féliciter.

La Polynésie française n’a toujours pas retrouvé la croissance espérée, mais l’objectif de stabilité affiché dans le cadre de la loi organique que nous avons récemment votée a, semble-t-il, été atteint. Le développement des communes reste, plus que jamais, à l’ordre du jour.

Wallis-et-Futuna a du mal à consommer, pour des raisons difficiles à cerner – il est question de problèmes administratifs et techniques –, la totalité des crédits prévus dans son plan de développement en matière de santé. Cela étant, l’archipel ne dispose pas de moyens financiers suffisants pour couvrir les dégâts provoqués, à Futuna, par le passage, voilà plus d’un an, du cyclone Tomas. Il y aurait tout de même des progrès à faire dans ce domaine.

Pour Saint-Pierre-et-Miquelon, c’est toujours le statu quo qui domine. La coopération avec le Canada, qui permettrait d’ouvrir des perspectives intéressantes, n’est malheureusement pas encore finalisée.

Saint-Martin rencontre encore des difficultés financières et doit gérer une frontière extérieure de l’Union européenne, qui la sépare de la partie néerlandaise de l’île. Or, du fait même des accords historiques de Concordia, cette frontière ne peut être contrôlée : voilà un véritable paradoxe géopolitique !

L’île de Saint-Barthélemy est confrontée à un autre paradoxe. Le transfert des compétences qui lui a été accordé lorsqu’elle a changé de statut, passant de commune à collectivité d'outre-mer, devait s’accompagner d’une compensation financière de l’État.

Puisque la compétence fiscale a été considérée par le ministère des finances comme de nature à apporter un « potentiel fiscal » – j’emploie les guillemets à dessein – à la collectivité, celle-ci doit, en définitive, verser à l’État, chaque année, 5,6 millions d’euros indexés. C’est donc Saint-Barthélemy, mes chers collègues, qui subventionne la métropole !

Les TAAF, Terres australes et antarctiques françaises, sont le seul territoire subissant une chute libre des crédits, alors même qu’il s’agit d’un centre de recherche remarquable pour une meilleure connaissance de notre planète, qui a fait d’énormes efforts de rationalisation de sa gestion financière. Un tel recul est donc vivement regrettable.

Enfin, il serait temps que la France réaffirme sa souveraineté sur l’îlot de Clipperton. Cette zone exceptionnelle pour l’étude de la biodiversité est laissée à la merci des pollueurs et trafiquants de toutes natures.

Madame la ministre, mes chers collègues, au vu des éléments positifs évoqués précédemment, à mon sens supérieurs aux insuffisances constatées, j’ai invité la commission des lois à donner un avis favorable à la mission « Outre-mer ».

Toutefois, la commission a estimé, quant à elle, que les éléments négatifs précités étaient les plus importants et a donc finalement donné un avis négatif sur ce budget présenté en faveur de l’outre-mer pour 2012. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Félix Desplan, rapporteur pour avis.

M. Félix Desplan, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, pour les départements d'outre-mer. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’examen de la loi de finances pour 2012 le montre, dans un contexte de crise économique et financière, les outre-mer contribuent bien aux plans successifs de rigueur budgétaire conduits par le Gouvernement.

Dès 2011, la mission « Outre-mer » connaissait une baisse sensible de ses crédits. Elle en subit une nouvelle en 2012. Je ne m’attarderai pas plus avant sur l’évolution de son budget, qui vient d’être détaillée par mes collègues rapporteurs spéciaux et pour avis, me contentant de souligner une réalité : compte tenu de la priorité donnée ces dernières années à la dépense fiscale outre-mer, le coup de rabot sur les niches fiscales, sans aucune forme de compensation, a un impact beaucoup plus fort sur les territoires ultramarins que sur ceux de l’Hexagone.

Madame la ministre, un tel phénomène freine le développement des outre-mer, alors qu’ils vivent une situation très préoccupante.

En effet, malgré les mesures, de pur affichage, promises par le Président de la République à la suite des troubles sociaux qui s’y sont produits en février 2009, c’est toujours outre-mer que l’on enregistre les revenus moyens les plus bas, les plus fortes pénuries de logement et les taux de chômage les plus élevés, celui des jeunes actifs de moins de trente ans atteignant plus de 44 % en Guadeloupe.

Manifestement, les efforts annoncés n’ont pas été à la hauteur des enjeux. Leur diminution, actée aujourd’hui, en est d’autant plus inquiétante.

Je relèverai trois des points qui ont, entre autres, retenu l’attention de la commission des lois.

Le premier porte sur la rentabilité des choix effectués par l’État en faveur des outre-mer et sur la réalité des capacités d’évaluation de l’impact économique et social des mesures de soutien et d’accompagnement.

En d’autres termes, les priorités données aux politiques d’exonération et de défiscalisation, qui vont du soutien aux entreprises jusqu’au financement des logements sociaux, doivent s’accompagner d’une étude d’impact de ces dispositifs pour en mesurer toutes les conséquences économiques et sociales, ne serait-ce que pour privilégier les investissements les plus porteurs. L’évaluation, pourtant prônée par la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, n’a pas encore suffisamment pénétré les politiques en faveur des outre-mer.

Force est de constater également que les trois indicateurs de performance prévus au titre du programme 138 « Emploi outre-mer » ne permettent pas d’évaluer de façon complète et efficace l’impact des mesures considérées. Le même constat peut être avancé pour les cinq indicateurs de performance destinés à mesurer les crédits du programme 123 « Conditions de vie outre-mer ».

Cette problématique me paraît faire écho à celle de la réorganisation de l’administration centrale chargée de l’outre-mer.

N’y a-t-il pas désormais, en effet, urgence à revaloriser le ministère chargé de l’outre-mer par un rattachement direct au Premier ministre de l’actuelle délégation générale à l’outre-mer ? Il s’agit de lui conférer l’autorité suffisante pour coordonner l’action des différents ministères en faveur de l’outre-mer.

Je rappelle ici que, au regard des crédits affectés, la mission ne représente que 15 % de l’effort global de l’État en faveur de l’outre-mer, les 85 % restants étant répartis entre les différents ministères.

Le deuxième point concerne l’évolution institutionnelle de plusieurs territoires ultramarins, qui a marqué l’année 2010.

En Guyane et Martinique seront créées, dans trois ans, des collectivités uniques à statut particulier. Elles exerceront les compétences du département et de la région d’outre-mer, dans le cadre de l’article 73 de la Constitution.

À Mayotte, la départementalisation est effective depuis le 31 mars 2011. Cependant, elle ne s’est pas accompagnée d’une participation budgétaire suffisante de l’État. Les crédits alloués ont d’ailleurs été affectés principalement à la modernisation et au renforcement économique du territoire, alors que les besoins en matière de formation, par exemple celle des fonctionnaires de justice ou de l’administration territoriale, sont considérables. Savez-vous qu’il n’existe qu’un seul huissier de justice dans tout le département ?

Se pose, en outre, à Mayotte, la question du cadastre. De sa réforme dépend le niveau des recettes fiscales des collectivités territoriales. Or celle-ci, pourtant nécessaire, tarde à s’y mettre en place.

Dans les autres départements d'outre-mer, le cadastre est souvent incomplet et mal actualisé, pour une grande part en raison d’une pénurie de personnels ou de la fréquence des mutations.

Le troisième et dernier point a trait à l’insuffisance des moyens accordés à la justice dans les DOM. Elle conduit à s’interroger sur « la réalité de l’accès des citoyens à la justice comme sur le respect par l’État des droits des justiciables ». Je reprends là les termes employés par notre collègue rapporteur pour avis, Christian Cointat, et notre ancien collègue Bernard Frimat, qui, missionnés par notre commission des lois, se sont rendus, en février dernier, aux Antilles et en Guyane.

Ainsi, en Guadeloupe, les délais moyens de jugement du tribunal administratif de Basse-Terre sont de deux ans et demi, contre onze mois en métropole. Mais ils s’élèvent à cinq ans pour les dossiers non urgents.

En Martinique, le personnel de la cour d’appel de Fort-de-France est installé, depuis trente ans, dans des locaux préfabriqués, dégradés et insalubres. (M. Serge Larcher, rapporteur pour avis, acquiesce.) La construction de nouveaux bâtiments, plusieurs fois annoncée, a été chaque fois reportée.

Madame la ministre, mes chers collègues, bien d’autres carences pourraient être soulignées. En raison du temps qui m’est imparti, je m’en tiendrai cependant à ce bref exposé et conclurai sur la décision de la commission des lois de proposer le rejet des crédits de la mission « Outre-mer ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Thierry Foucaud.)