M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° II-86 rectifié bis, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, et ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Liens entre la Nation et son arméeDont Titre 2 

 

10 000 000

 

10 000 000

Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant

10 000 000

 

10 000 000

 

Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondialeDont Titre 2

 

 

 

 

TOTAL

  10 000 000

 10 000 000

10 000 000 

  10 000 000

SOLDE

0

0

Quel est l’avis de la commission sur cet amendement rectifié ?

M. Gérard Miquel, vice-président de la commission des finances. Les raisons qui ont poussé la commission à demander le retrait de l'amendement précédent la conduisent à formuler la même demande s'agissant de cet amendement, même modifié.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Laffineur, secrétaire d'État. Votre incohérence est totale ! Vous déposez un amendement visant à renforcer de 20 millions d’euros les possibilités d’intervention du programme 169, afin de mettre en œuvre dès le 1er janvier 2012 la revalorisation de la retraite du combattant. Puis, ayant appris que c’était impossible, vous décidez de lui affecter 10 millions d'euros !

Mme Éliane Assassi. De toute façon, vous vous opposez à cette mesure !

M. Marc Laffineur, secrétaire d'État. Soit vous voulez appliquer la revalorisation dès le 1er janvier 2012, et dans ce cas 20 millions d'euros sont nécessaires ; soit vous ne réclamez que 10 millions d'euros, mais alors la revalorisation ne pourra pas être mise en œuvre le 1er janvier 2012. Je ne comprends pas votre raisonnement !

Mme Éliane Assassi. Vous êtes de mauvaise foi !

M. Marc Laffineur, secrétaire d'État. Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Alain Néri, pour explication de vote.

M. Alain Néri. Je serai bref, puisque je me suis déjà exprimé à ce sujet durant le débat.

J’aborderai seulement, du point de vue technique, ce que vous présentez comme la mesure phare de votre budget, monsieur le secrétaire d'État : l’action 01 du programme 169, Administration de la dette viagère, qui financera le seul point marquant de votre budget pour l’année 2012.

Cette action regroupe deux sous-actions : Pensions militaires d’invalidité de victimes de guerre et allocations rattachées ; Retraite du combattant.

Les crédits de paiement de la première sous-action se montaient à 1,71 milliard d'euros en 2011 ; en 2012, ils seront inférieurs à 1,61 milliard d'euros, ce qui représente une baisse de 101,28 millions d'euros. Parallèlement, les crédits de paiement de la seconde sous-action, qui s’élevaient à 793 millions d'euros en 2011, progresseront de 9,5 millions d'euros en 2012, pour atteindre 802,5 millions d'euros.

Il apparaît donc que votre spectaculaire augmentation de quatre points d’indice de la retraite du combattant masque en réalité une baisse de 91,78 millions d'euros des crédits destinés au financement de l’ensemble de la dette viagère. Autrement dit, les anciens combattants ont attendu quatre années pleines pour devoir finalement auto-financer l’une des nombreuses promesses non tenues du Président de la République !

C'est la raison pour laquelle nous soutenons l’amendement de Cécile Cukierman. J’ajoute que, puisque cette dernière a accepté de rectifier son amendement en ne réclamant plus que 10 millions d'euros, et que le texte du Gouvernement prévoyait une augmentation de 9,5 millions d'euros, cet amendement est parfaitement « dans les clous », si vous me permettez l’expression !

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.

Mme Cécile Cukierman. La situation est complexe. Pour ma part, je considère qu’il vaut mieux une petite revalorisation que pas de revalorisation du tout.

J’ajoute, à l’intention des représentants des associations qui assistent à nos débats, que nos marges de manœuvre sont limitées par les règles de la LOLF, auxquelles le groupe CRC s’est toujours opposé car elles diminuent le pouvoir du Parlement. Monsieur le secrétaire d'État, vous pouvez nous tourner en ridicule parce que nous rectifions nos amendements en séance publique, mais ce sont précisément ces règles qui nous y obligent.

Nous nous contenterons donc de cet amendement rectifié, conforme à la LOLF, même si nous aurions souhaité faire davantage. Comme je l’ai dit au début de mon intervention, il vaut mieux agir un peu que pas du tout !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-86 rectifié bis.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Nous allons maintenant procéder au vote des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », figurant à l’état B.

Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits, modifiés.

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président. J’appelle en discussion les articles 49, 49 bis et 49 ter, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ».

Anciens combattants

Article 32 et état B
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2012
Article 49 bis (nouveau)

Article 49

I. – Aux deuxième et à la fin de l’avant-dernier alinéas de l’article L. 256 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre, le nombre : « 44 » est remplacé par le nombre : « 48 ».

II. – Le I entre en vigueur à compter du 1er juillet 2012.

M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, sur l'article.

M. René-Paul Savary. Je tiens tout d'abord à vous remercier de votre implication, monsieur le secrétaire d'État. En effet, c’est en partie grâce à cette implication qu’ont pu être obtenues un certain nombre d’avancées.

Certains pourront toujours estimer que ces efforts sont insuffisants. Néanmoins, votre action mérite notre respect et nos encouragements, car le Gouvernement a tenu une bonne part de ses engagements et a pris ses responsabilités.

À nous de prendre les nôtres, mes chers collègues : nous partageons tous le même devoir de mémoire.

Vous comprendrez que, étant élu dans le département de la Marne, j’accorde une attention toute particulière à ces questions, et ce d’autant plus que nous approchons du centième anniversaire de la bataille de la Marne, qui sera célébré en 2014.

J’évoquerai quelques pistes afin de transmettre ce devoir de mémoire aux générations futures, s'agissant notamment de la présence de l’armée dans les manifestations et du rôle de l’éducation nationale.

L’armée est indispensable au devoir de mémoire. Il est essentiel d’entretenir et même de renforcer le lien entre les soldats engagés et les associations patriotiques, afin que ces dernières puissent continuer de les soutenir et de les accompagner lors des manifestations commémoratives.

Concernant l’éducation, au-delà du vote des crédits de la présente mission, j’attire votre attention, mes chers collègues, comme l’ont déjà fait certains d’entre vous, sur l’importance de la transmission de notre héritage historique. Cette nécessaire transmission doit s’appuyer sur un projet éducatif, mis en œuvre dès le plus jeune âge.

Le dispositif entier de la journée défense et citoyenneté, JDC, a été réformé tant dans son contenu que dans sa durée. Toutefois, cette seule journée ne suffit pas à éveiller une véritable conscience citoyenne. Parallèlement, le service civique doit être plus largement développé.

Si le ministère de la défense prend en charge ses soldats et les honneurs dus à leur mémoire, c’est le ministère de l’éducation nationale qui possède les moyens pratiques de transmettre cette mémoire au quotidien. Cela s’appelle l’école républicaine !

J’en viens aux dates commémoratives. Les 11 novembre et 8 mai ne sont pas seulement des jours fériés dans un calendrier scolaire : ils devraient être l’occasion d’apprendre le « pourquoi du commémorer » ! Ces jours pourraient être consacrés à des projets scolaires ou éducatifs, de véritables projets de vie destinés à inculquer, puis à développer la conscience citoyenne chez les plus jeunes.

C’est cette conscience citoyenne qui est et restera le garant de notre mémoire collective et des valeurs républicaines, qui constituent le fondement de notre société !

J’achèverai mon propos en exprimant le souhait que nous rassemblions, plutôt que de les diviser, toutes celles et ceux qui veulent transmettre ce devoir de mémoire à travers les dates commémoratives.

Quoi de plus beau pour un enfant que d’écouter, connaître et comprendre l’histoire de ses grands-parents ou arrière-grands-parents ? Ce n’est pas une histoire de droite ou de gauche, c’est tout simplement l’histoire de la France.

Il est déjà bien difficile de faire comprendre à nos enfants l’atrocité vécue ; il serait donc déraisonnable de nous quereller au sujet des dates de commémoration. À chaque date son symbole, cela va de soi, mais il nous appartient de veiller à ce que notre nation témoigne sa reconnaissance à tous ceux qui l’ont servie, à tous les moments de son histoire. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 49.

(L'article 49 est adopté.)

Article 49
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Article 49 ter (nouveau) (début)

Article 49 bis (nouveau)

I. – À l’avant-dernier alinéa de l’article L. 50 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre, le nombre : « 12 000 » est remplacé par le nombre : « 11 000 ».

II. – Les deux derniers alinéas de l’article L. 50 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre sont applicables aux pensions de conjoint survivant et d’orphelin en paiement au 1er janvier 2012, à compter de la demande des intéressés. – (Adopté.)

Article 49 bis (nouveau)
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Article 49 ter (nouveau) (interruption de la discussion)

Article 49 ter (nouveau)

Le Gouvernement dépose un rapport d’information, avant le 1er juin 2012, sur l’opportunité et les modalités de modification du décret n° 2010-890 du 29 juillet 2010 portant attribution du bénéfice de la campagne double aux anciens combattants d’Afrique du Nord afin que soit attribué le bénéfice de la campagne double à l’ensemble des anciens combattants d’Afrique du Nord.

M. le président. La parole est à M. Alain Néri, pour explication de vote.

M. Alain Néri. Dans la mesure où le Sénat a adopté l'amendement n° II-86 rectifié bis, qui prévoit que la revalorisation de quatre points d’indice de la retraite du combattant s’appliquera dès le 1er janvier 2012, cet article doit être modifié, la date du 1er janvier 2012 se substituant à celle du 1er janvier 2012.

M. le président. Aucun amendement n’ayant été déposé sur cet article, je suis obligé de le mettre aux voix en l’état.

Veuillez poursuivre, mon cher collègue.

M. Alain Néri. Monsieur le président, dans ces conditions, nous ne voterons pas l’article 49 ter, car, tel qu’il est rédigé, il est en contradiction avec notre précédent vote et incompatible avec la cohérence de notre démarche.

Je précise que le fait que nous ayons voté les crédits de la mission tels qu’amendés signifie que nous avons en réalité rejeté le projet de budget présenté par M. le secrétaire d'Etat : le projet de budget que nous avons adopté est un projet bonifié grâce auquel les revendications légitimes des anciens combattants que sont le droit à la reconnaissance et le droit à réparation seront satisfaites dès 2012.

M. le président. Je vous rappelle, mon cher collègue, que l’article 49 ter porte sur le dépôt d’un rapport par le Gouvernement…

M. Roland du Luart. Très bien ! S’ils n’en veulent plus, cela fera faire des économies !

M. le président. Je mets aux voix l'article 49 ter.

(L'article 49 ter n’est pas adopté.)

M. le président. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ».

Mes chers collègues, avant d’aborder l’examen des crédits de la mission « Outre-mer », nous allons interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures cinquante, est reprise à dix-huit heures cinquante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Article 49 ter (nouveau) (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2012
Discussion générale

6

Communication du Conseil constitutionnel

M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 24 novembre 2011, qu’en application de l’article 61-1 de la Constitution le Conseil d’État a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité (2011-218 QPC).

Le texte de cette décision de renvoi est disponible au bureau de la distribution.

Acte est donné de cette communication.

7

Article 49 ter (nouveau) (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2012
Deuxième partie

Loi de finances pour 2012

Suite de la discussion d'un projet de loi

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2012
Outre-mer

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2012, adopté par l’Assemblée nationale.

Outre-mer

Deuxième partie
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2012
Article 32 et état B

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Outre-mer ».

La parole est à M. Georges Patient, rapporteur spécial.

M. Georges Patient, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la vie chère, la vie toujours plus chère outre-mer qu’en métropole, de surcroît dans un contexte de plus grande pauvreté puisque les ménages vivant en dessous du seuil de pauvreté y représentent le quart de la population contre 13 % dans l’hexagone, alimente une tension sociale préoccupante.

Rappelez-vous, madame la ministre : les graves crises de la fin de 2008 et de 2009 ont trouvé leur source dans l’augmentation des prix de l’énergie, en particulier du carburant et des produits alimentaires.

Malgré cela, les économies des outre-mer n’ont pas connu d’embellie notable : l’augmentation des prix y est en moyenne supérieure à 3,5 %, alors qu’elle n’est que de 1,5 % en métropole.

Depuis le 20 septembre, Mayotte est en proie à une grave crise sociale du fait du coût de la vie et d’une réalité socio-économique qui, visiblement, n’a encore une fois pas été suffisamment prise en considération.

En effet, madame la ministre, les seules réponses apportées à la crise économique et sociale durable des outre-mer sont les mesures très limitées de la LODEOM, la loi du 12 mars 2009 pour le développement économique des outre-mer, et du CIOM, le conseil interministériel de l’outre-mer du 6 novembre 2009, mesures qui n’ont d’ailleurs pas toutes été mises en œuvre.

S’agissant de la LODEOM, je constate ainsi que, presque deux ans et demi après son adoption, plusieurs décrets nécessaires à son application ne sont toujours pas parus.

Premièrement, est concernée la création des groupements d’intérêt public chargés de régler les situations d’indivision, trop fréquentes dans les départements d'outre-mer et qui rendent souvent le foncier indisponible. J’insiste, madame la ministre, sur la nécessité de mener à bien la création de ces GIP dans les meilleurs délais.

Deuxièmement, est concernée la création des groupements d’intérêt public chargés de gérer le dispositif de continuité territoriale.

Troisièmement, le décret permettant de déterminer la structure des prix et des coûts des compagnies aériennes qui effectuent des liaisons avec l’outre-mer n’est toujours pas paru. Or ce décret est absolument nécessaire, notamment parce que nous craignons que l’aide à la continuité territoriale ne se traduise par une augmentation des prix des billets et ne bénéficie donc pas aux ultramarins.

Quatrièmement enfin, nous attendons toujours le décret d’approbation du schéma minier en Guyane. J’en profite, madame la ministre, pour réitérer une demande locale unanime : le schéma d’aménagement régional doit être le document directeur et l’emporter sur le schéma minier, ce qui n’est actuellement pas le cas.

S’agissant ensuite des mesures du CIOM, une ambigüité existe quant à leur efficacité.

D’après les réponses qui nous ont été fournies par le Gouvernement, 85 % de ces mesures seraient « réalisées ou en cours de mise en œuvre ». Tout est dans la nuance, mais il n’empêche que ce pourcentage est sujet à controverses. En effet, lors d’un débat qui s’est tenu en séance publique à l’Assemblée nationale le 18 mai dernier, des taux plus proches de 20 % que de 85 % ont été évoqués. Je m’interroge, madame la ministre : serait-ce que les 65 % de décisions faisant la différence auraient pu être mises en œuvre depuis le mois de mai ?

En tout état de cause, je pense qu’il serait très utile qu’un bilan objectif, associant les élus et la délégation générale à l’outre-mer, puisse être mis en œuvre jusqu’à la réalisation complète de l’ensemble des décisions du CIOM.

La traduction budgétaire des décisions du CIOM dans les crédits de la mission « Outre-mer » est en tout cas limitée puisqu’elle se borne à 13 millions d’euros.

Venons-en aux crédits de cette mission pour l’année 2012.

Dans la version initiale du projet de loi de finances, ces crédits connaissaient une quasi-stagnation par rapport à 2011 : ils s’élevaient à 2,18 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 2,03 milliards d’euros en crédits de paiement, soit des hausses respectives de 1,1 % et de 2,9 %.

En réalité, ces crédits ne faisaient que retrouver leur niveau de l’année 2010, les hausses ne faisant que compenser la diminution votée entre les années 2010 et 2011. Je reviendrai à la fin de mon intervention sur les modifications importantes qui leur ont été apportées par l’Assemblée nationale.

Cette stagnation des crédits depuis 2010 marque un arrêt par rapport à 2009 et 2010. Elle résulte d’une diminution très forte des dépenses fiscales en faveur des outre-mer. En effet, le montant global des niches fiscales qui sont rattachées à la mission et qui bénéficient aux territoires ultramarins diminue de 382 millions d’euros, soit une baisse de 11,5 %.

Aussi, je m’inquiète vivement des conséquences pour les outre-mer de la politique gouvernementale de réduction des niches fiscales. En effet, si cette politique peut se justifier au regard de l’impératif de réduction du déficit budgétaire de l’État, elle ne pèse pas de manière identique sur l’ensemble des territoires français.

En 2011, les dépenses fiscales rattachées à la mission « Outre-mer » s’élevaient à 3,31 milliards d’euros, soit un montant largement supérieur aux 2,18 milliards d’euros en autorisations d’engagement et aux 2,03 milliards d’euros en crédits de paiement de la mission. Ce déséquilibre traduit la priorité accordée par l’État aux dispositifs fiscaux pour favoriser le développement des outre-mer français par rapport aux dotations budgétaires. C’est la raison pour laquelle les départements et collectivités d’outre-mer subissent plus que les autres territoires les effets de la politique de réduction des dépenses fiscales. La diminution de 382 millions d’euros du montant des dépenses fiscales entre les années 2011 et 2012 est loin d’être compensée par l’augmentation des crédits de la mission, qui n’est que de 23,2 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 57,6 millions d’euros en crédits de paiement.

En plus de subir, au même titre que la métropole, la politique de rigueur et de réduction des niches fiscales, les outre-mer sont touchés par des mesures de rabot spécifiques. En conséquence, ils subissent une forme de « double peine » : une fois, au même titre que la France entière, une autre fois, au titre des mesures de soutien spécifiques, alors même que les outre-mer sont dans une situation économique et sociale plus difficile que le reste de la France.

Il faut donc veiller à ne pas pénaliser excessivement les territoires ultramarins, pour lesquels la dépense fiscale a historiquement constitué un axe d’action privilégié. Au total, c’est donc bien à une diminution nette de l’effort consenti par l’État au profit des territoires ultramarins que nous assistons.

D’ailleurs, le document de politique transversale fait apparaître, à l’image de l’évolution de la mission « Outre-mer », une quasi-stagnation des crédits globalement consacrés par l’État à la politique en direction des territoires ultramarins. En effet, ceux-ci augmentent de 0,5 % en autorisations d’engagement et de 0,4 % en crédits de paiement.

Pour conclure cette intervention, je veux indiquer que l’Assemblée nationale a fortement réduit, une première fois en première délibération et une seconde fois en seconde délibération, les crédits de la mission : de 58 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 66 millions d’euros en crédits de paiement. Cette baisse s’inscrit dans le plan de réduction de 1,5 milliard d’euros des dépenses de l’État et touche presque l’ensemble des dispositifs de la mission « Outre-mer » : la compensation à la sécurité sociale des exonérations de charges sociales, l’aide à la rénovation hôtelière et l’aide au fret, le service militaire adapté, les contrats de projets entre l’État et l’outre-mer, l’insertion et la coopération régionale, l’appui à l’accès au financement bancaire.

M. Roland Courteau. Cela fait beaucoup !

M. Georges Patient, rapporteur spécial. En définitive, le budget adopté par l'Assemblée nationale est en diminution de 1,5 % en autorisations d’engagement et de 0,4 % en crédits de paiement par rapport à celui de l’année dernière, confortant le désengagement de l’État de la politique en faveur des outre-mer.

M. Roland Courteau. Oui, il fallait le dire !

M. Georges Patient, rapporteur spécial. Je ne puis terminer cette intervention sans évoquer la situation du département dont je suis l’élu, la Guyane, qui connaît une baisse significative des crédits qui lui sont affectés, de l’ordre de 4 millions d’euros.

Compte tenu du temps qui me reste, je me limiterai à réitérer des questions qui demeurent sans réponse.

Qu’advient-il de la base avancée, les Jeux olympiques et la Coupe du monde approchant ?

Quid de la restructuration financière des communes de Saint-Laurent du Maroni et de Roura ?

Pourquoi les engagements pris avec les opérateurs immobiliers quant à la reprise de la SA HLM ne sont-ils pas respectés ?

En matière de santé, quels efforts sont consentis pour améliorer le traitement de la drépanocytose en Guyane ? Je rappelle que cette maladie y est fréquente. C’est même un problème majeur de santé publique, car elle touche un enfant sur 250 naissances.

L’hospitalisation des mineurs dans les unités adultes des services de psychiatrie constitue un autre sujet d’inquiétude. Une adolescente de 16 ans s’est récemment pendue à l’hôpital psychiatrique de Cayenne. Faudra-t-il attendre un autre suicide pour que des mesures soient prises ?

Enfin, madame la ministre, vous connaissez la situation très difficile du service départemental d’incendie et de secours, le SDIS, de Guyane, dans bon nombre de domaines. Les agents ont été en grève pendant près de deux semaines, ce mois-ci. Quand comptez-vous répondre à leur demande légitime de disposer d’un hélicoptère ? Je rappelle que le SDIS de Guyane est le seul SDIS de France à ne pas bénéficier de possibilités de secours aérien, malgré l’étendue du territoire desservi.

Madame la ministre, je n’étais déjà pas favorable au budget de la mission tel qu’il était présenté dans la version initiale du projet de loi de finances. Les modifications apportées à l’Assemblée nationale ont conforté la commission des finances dans le souhait de proposer au Sénat de rejeter les crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

M. le président. La parole est à M. Éric Doligé, rapporteur spécial.

M. Éric Doligé, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à la suite de l’intervention de notre collègue Georges Patient, qui a présenté un cadrage global du budget de l’outre-mer pour l’année 2012, je détaillerai les principales évolutions marquantes entre les années 2011 et 2012.

La mission « Outre-mer » est composée de deux programmes : le premier est consacré à la politique en faveur de l’emploi, le second rassemble un ensemble de mesures disparates en faveur des conditions de vie en outre-mer.

Dans la version initiale du projet de loi de finances, les crédits du programme « Emploi outre-mer » augmentaient en 2012 de 1,3 % en autorisations d’engagement et de 4,7 % en crédits de paiement. À la suite des modifications apportées par l’Assemblée nationale, ces crédits baissent de 2,8 % en autorisations d’engagement et connaissent une moindre augmentation en crédits de paiement, de l’ordre de 0,6 %.

Ces crédits sont principalement utilisés pour rembourser à la sécurité sociale le coût des exonérations de charges sociales spécifiques à l’outre-mer. D’après les dernières évaluations fournies à la commission des finances, les montants consacrés à ce dispositif devraient suffire à résorber la dette de l’État aux organismes de sécurité sociale au début de l’exercice 2012. C’est une très nette amélioration de la situation par rapport aux sous-budgétisations très marquées que nous avions connues en 2008 et 2009.

Ce que nous regrettons en revanche, c’est de n’avoir reçu du ministère aucune évaluation du montant qui sera nécessaire en 2012 et, par conséquent, de ne pas pouvoir estimer si l’enveloppe de 1,17 milliard d’euros initialement prévue au présent budget sera ou non suffisante. Cette question est d’autant plus importante que les crédits consacrés à ces remboursements ont été rabotés de 40 millions d’euros à l’Assemblée nationale.

Ce programme en faveur de l’emploi comportait par ailleurs 27 millions d’euros au profit de l’aide au fret et de la rénovation hôtelière. Ces deux mesures ont été votées dans le cadre de la loi pour le développement économique des outre-mer, la LODEOM. Toutefois, leurs décrets d’application n’étant parus que tardivement, 2011 a été la première année de leur mise en œuvre. Il nous faut donc attendre encore pour pouvoir évaluer leurs effets. L'Assemblée nationale a supprimé 10 millions d’euros prévus pour cette action. Dans ce contexte, madame la ministre, les dispositifs visés seront-ils pleinement opérationnels en 2012 ?

Enfin, la dotation dédiée au service militaire adapté, le SMA, progressait de 16,7 % en crédits de paiement dans la version initiale du projet de loi de finances. Cette hausse reste de 13,9 % après la diminution votée à l’Assemblée nationale. Elle atteint 68 % depuis 2009, ce qui traduit bien l’engagement pris par le Président de la République de doubler la capacité d’accueil du dispositif. En 2014, ce seront 6 000 jeunes qui bénéficieront des actions d’insertion mises en œuvre par le SMA, dont l’efficacité a été prouvée.

Le second programme de la mission, « Conditions de vie outre-mer », est très hétérogène et présente des performances moins satisfaisantes.

Les crédits de la ligne budgétaire unique, la LBU, consacrée au financement du logement social sont stables en autorisations d’engagement, mais augmentent de 10 % en crédits de paiement. Ils n’ont pas été modifiés par l’Assemblée nationale, conformément au souhait du Gouvernement de faire de la politique en faveur du logement social une priorité.

Toutefois, nous constatons que l’effort de l’État – près de 275 millions d’euros – ne permet pas la réalisation du nombre de logements sociaux qui seraient nécessaires. Seulement 7 500 logements neufs environ ont été construits en 2010. Or les besoins pour l’ensemble des territoires concernés s’élèvent à plus de 20 000 logements par an. Par conséquent, la réalisation ne représente qu’environ un tiers du niveau qu’il faudrait atteindre pour faire face aux besoins réels.

Nous ne pouvons donc que constater que, malgré la montée en puissance du dispositif de défiscalisation du logement social, la performance de l’action menée par l’État n’est pas suffisante. Cela résulte, certes, du montant de la LBU, mais aussi des problèmes de disponibilité du foncier rencontrés en outre-mer. À cet égard, nous attendons avec impatience la mise en œuvre du dispositif de cession à titre gratuit des terrains de l’État en outre-mer, sur laquelle, madame la ministre, vous pourrez nous apporter les précisions nécessaires.

Le second programme de la mission comporte également les crédits consacrés à la politique de continuité territoriale, réformée par la LODEOM et gérée par l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité, la LADOM. Je ne reviendrai pas ici sur l’ensemble des conclusions formulées par la Cour des comptes sur la LADOM, après une demande de contrôle de la commission des finances de la Haute Assemblée. Toutefois, je rappelle que nous nous inquiétons du risque de sous-budgétisation des crédits par rapport aux besoins exprimés par les ultramarins. Il faudra tirer les leçons des réalisations de l’année 2011, première année de mise en œuvre du nouveau dispositif résultant de la LODEOM.

Enfin, et ce sera ma dernière remarque sur ce programme, les crédits consacrés au fonds exceptionnel d’investissement ne s’élèveront qu’à 17 millions d’euros en autorisations d’engagement. Lors de sa création, en 2009, ce fonds avait été doté de 40 millions d’euros. Madame la ministre, faut-il conclure de cette diminution que le fonds n’est plus un outil privilégié d’action de l’État en faveur des investissements portés par les collectivités territoriales d’outre-mer ?

Nous y reviendrons lors de la présentation des deux amendements adoptés par la commission des finances, mais je tiens à souligner les grandes difficultés financières rencontrées par les collectivités territoriales d’outre-mer. Nous avions largement insisté sur ce sujet lors de notre mission commune d’information sur la situation des départements d’outre-mer.

Ces difficultés résultent en partie des majorations de traitement dont bénéficient les fonctionnaires affectés en outre-mer. Sur ce sujet, le Gouvernement entend-il prendre des initiatives ?

Comme l’a indiqué Georges Patient, la commission des finances a décidé de proposer au Sénat le rejet des crédits de la mission « Outre-mer ». À titre personnel, je préférerais qu’ils soient adoptés. Il me semble que les diminutions votées par l’Assemblée nationale sont proportionnelles à l’effort demandé à l’ensemble des ministères. J’ai la conviction que ces réductions budgétaires sont particulièrement nécessaires dans le contexte actuel de nos finances publiques, même si, évidemment, j’aurais souhaité que l’État puisse faire plus en faveur de nos territoires ultramarins. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)