PRÉSIDENCE DE M. Thierry Foucaud

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons l’examen des crédits de la mission « Outre-mer ».

Tous les rapporteurs s’étant exprimés, nous en sommes parvenus aux interventions des représentants des groupes.

Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui d’explication de vote.

Je vous rappelle aussi qu’en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de trente minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Paul Vergès, doyen de notre assemblée, que je salue. (Applaudissements.)

M. Paul Vergès. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à l’Assemblée nationale ou au Sénat, le débat sur le budget de l’outre-mer ne rassemble généralement que les parlementaires ultramarins. Je salue donc les collègues de métropole présents ce soir, qui témoignent de leur intérêt pour nos territoires.

La situation outre-mer ne peut en aucun cas être réduite à celle de la métropole, alors que, trop souvent, la tendance est d’assimiler dans l’analyse et les mesures à prendre les outre- mer à la situation nationale.

L’exemple de la Réunion montre que, dans tous les domaines, les problèmes se posent de façon spécifique.

Nous avons aujourd’hui la conviction que nous nous situons à la fin d’une période et que nous devons en tirer toutes les leçons.

Ce qui pèse sur toute la situation à la Réunion, c’est le phénomène de la transition démographique, commune, d’ailleurs, aux continents d’Asie, d’Afrique et d’Amérique du Sud. Notre île comptait 245 000 habitants lors du vote de la loi du 19 mars 1946. Ils sont 850 000 aujourd’hui, et demain, dans environ quinze ans, ils seront un million. Comment faire face à ce défi, alors que les déséquilibres de la société réunionnaise et les incertitudes ne cessent de croître ?

Le secteur agricole, dominé longtemps par la filière canne-sucre, dont l’avenir est pour le moins incertain, ne représente plus que près de 8 % du PIB.

Le secteur secondaire, dans lequel le BTP joue un rôle moteur, est confronté à une crise sans précédent. Ce secteur atteint 12 % du PIB, notamment grâce aux performances des industries agroalimentaires.

Le secteur des services, marchands et non marchands, représente 80 % du PIB. Son dynamisme est bâti autour de la solvabilité d’un secteur public et parapublic alimenté par un système décidé par les gouvernements successifs au nom du coût de la vie. Ce système de surrémunération de 53 % d’un congé payé en France tous les trois ans et d’une retraite abondée de 35 % dure depuis 1947.

Autour de ce secteur, dynamique du fait de la croissance démographique, s’est construit, depuis un demi-siècle, un réseau de services avec des rémunérations supérieures de 30 % à 40 % et, parfois, 70 % par rapport à la France. En revanche, Il a fallu un demi-siècle de luttes pour parvenir à l’égalité sociale et à l’alignement du SMIC sur celui de la France dans le secteur privé.

Enfin, les échanges avec l’extérieur illustrent ces déséquilibres : le taux de couverture des importations par les exportations a chuté à 6 %, et 60 % de nos relations commerciales ont lieu avec l’Europe, éloignée de 10 000 kilomètres, et à l’écart du dynamisme de notre environnement géoéconomique.

La traduction sociale de ce mal-développement, c’est qu’un tiers de la population relève de minima sociaux, alors que 52 % vivent au-dessous du seuil de pauvreté national et que 70 000 foyers sont au RMI. Il y a 120 000 illettrés ; 27 000 ménages sont en attente d’un logement. Quant au niveau de chômage, il oscille autour des 30%, tandis que 120 000 chômeurs sont en recherche active d’emploi et que 150 000 personnes sont inscrites à Pôle emploi, sur une population active estimée à 330 000 personnes. Pour la jeunesse, l’avenir est obscurci, car 60 % des jeunes de moins de vingt-cinq ans sont frappés par le chômage.

La situation de la Réunion est manifestement, à la lumière de ces chiffres officiels, la plus grave de tous les outre-mer. Mais elle n’est pas la seule.

Il y a deux ans, les événements de Guadeloupe avaient surpris les autorités à Paris, lorsque les problèmes récurrents de l’outre-mer, le chômage et le coût de la vie, avaient explosé dans les rues. Le mouvement s’était alors étendu à la Martinique, en Guyane et à la Réunion, conduisant l’Etat à décider de mesures exceptionnelles.

Nous devons mesurer la signification de la crise persistante à Mayotte sans négliger la situation dans les îles du Pacifique. Il est raisonnable de penser que des explosions sociales dans l’un ou l’autre des départements ou collectivités d’outre-mer peuvent surgir de nouveau à n’importe quel moment.

Á cette crise structurelle, qui caractérise le mal- développement des sociétés des départements et collectivités d’outre-mer, se combinent aujourd’hui les conséquences de la crise mondiale qui aggravent les problèmes dans tous les domaines. La crise financière qui touche l’Europe et affecte la France a des conséquences budgétaires, sociales et économiques amplifiées et inévitables dans tout l’outre-mer.

Au-delà des seuls crédits du ministère, qui ne représentent que 16 % de l’ensemble des crédits affectés à l’outre-mer, tous ministères confondus, la contribution des ultramarins est importante dans la politique nationale des finances publiques.

Ainsi, la politique de rigueur affecte directement les populations. Par exemple, dans le domaine sanitaire, l’augmentation du prix des mutuelles ou le déremboursement de nombreux médicaments frappent durement les populations les plus défavorisées.

De plus, le gel des crédits ou concours alloués aux collectivités, l’indexation des prestations sociales sur le niveau national de l’inflation ou le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux ont des conséquences aggravées outre- mer, car ces mesures ne tiennent pas compte d’un niveau d’inflation supérieur à la moyenne nationale et des retards accumulés dans tous les domaines, retards sans cesse aggravés par la progression démographique.

Enfin, la politique de remise en cause de dispositifs fiscaux et des coups de rabots dans la défiscalisation conduite depuis deux ans, sans mesures de compensation ou de substitution, permet à l’État d’économiser des centaines de millions d’euros, mais déstabilise le fonctionnement des économies ultramarines.

Prenons l’exemple de la filière photovoltaïque, qui était en plein essor à la Réunion et qui contribuait à l’objectif stratégique de l’autonomie énergétique. Elle a été totalement déstructurée par la suppression des dispositifs fiscaux et financiers qui la concernaient. Cela a déjà provoqué la perte de 1 500 emplois et montre, à l’évidence, que le Gouvernement n’hésite pas à sacrifier toute une politique de développement durable sur l’autel des économies budgétaires.

C’est également le cas dans le secteur du BTP, déjà éprouvé ces dernières années par les coups de rabot de la défiscalisation et la suppression de grands chantiers – 8 000 emplois directs perdus dans le BTP entre 2008 et 2011 – et qui est maintenant confronté à la suppression du dispositif Scellier applicable aux départements d’outre-mer.

De même, la suppression brutale de l’abattement de 30 % de l’impôt sur les sociétés est un coup porté contre les PME, dans un contexte de crise et de chômage aggravé.

Toutes ces mesures, à l’évidence dictées non par le souci de justice fiscale mais par le souci d’économies budgétaires, ne peuvent être, à nos yeux, décidées sans étude d’impact et sans compensation. Or, ce sont des décisions brutales qui sont prises !

Dans ces conditions, faut-il s’étonner du faible impact du catalogue des mesures du Conseil interministériel de l’outre-mer, le CIOM, laborieusement mises en œuvre et qui s’avèrent totalement inopérantes face à toutes les mesures de régression sociale et économique ?

Au-delà des dispositions budgétaires qui font l’objet de notre débat, et qui sont d’ailleurs déjà dépassées par le nouveau plan de rigueur annoncé par le Premier ministre et les hypothèses pessimistes de croissance en 2012, c’est bien toute la politique engagée par les gouvernements successifs durant plusieurs décennies qui est aujourd’hui en cause et qui ne peut être fondamentalement modifiée par telle ou telle disposition prise nationalement, corrigée ou adaptée par tel ou tel amendement.

C’est pourquoi, à l’occasion de ce projet de budget totalement impuissant pour faire face à la gravité de notre situation et contre lequel je voterai, je voudrais lancer un cri d’alarme aux autorités de la République.

Il est urgent que la représentation nationale s’informe sur le niveau de la crise dans l’ensemble des outre-mer. Dans cet objectif, et à la lumière des travaux déjà réalisés dans le cadre des états généraux de l’outre-mer et surtout du rapport de la mission d’information sénatoriale présidée par notre collègue Serge Larcher, je proposerai que la représentation nationale soit saisie afin d’appréhender la situation nouvelle créée par l’accélération de la crise et de faire les préconisations qui s’imposent avant qu’il ne soit trop tard. Le moment des décisions courageuses est venu !

La décision du Président Bel de créer, au sein du Sénat, une délégation à l’outre-mer, décision que je salue, offre la possibilité d’impulser cette initiative.

Cette prise de conscience et de responsabilité s’impose d’autant plus que les rendez-vous qui nous sont posés dans l’immédiat sont décisifs pour notre avenir proche et ne peuvent être réglés qu’à la lumière d’une vision claire de notre développement.

C’est, en premier lieu, la convergence en 2014 de plusieurs échéances cruciales que nous devons préparer dès maintenant : le renouvellement du règlement sucrier, du nouveau régime de l’octroi de mer, des nouveaux programmes opérationnels européens 2014-2020 et du futur contrat de projet avec l’État, dans un contexte de contraintes budgétaires aggravées.

Mais 2014, c’est aussi l’horizon de la réforme des collectivités territoriales. Ce nouvel acte de décentralisation est attendu par tous les acteurs. La loi portant réforme territoriale est contestée en métropole et elle est totalement inadaptée aux régions d’outre-mer. Le Sénat a eu la sagesse d’abroger le dispositif créant le conseiller territorial.

La réouverture de ce dossier offre l’opportunité à la Réunion de préciser ses attentes, comme l’ont fait les autres régions d’outre-mer. C’est un rendez-vous crucial qui pose le problème de la gouvernance du développement durable et qui peut ouvrir, enfin, une nouvelle page des relations entre l’État et les régions et départements d’outre-mer.

Un autre enjeu décisif est l’impact des accords de partenariat économique, les APE, négociés entre l’Union européenne et les pays ACP, sur l’environnement géo-économique des régions d’outre-mer.

Nous devons également mesurer l’ampleur du défi majeur du logement, proclamé grande priorité nationale, et, en tout cas, urgence sociale outre-mer. À la Réunion, par exemple, 180 000 logements sont à construire d’ici à 2030, c’est-à-dire en dix-huit ans, ce qui représente 10 000 logements par an. Or nous parvenons péniblement à la construction de 2 000 logements sociaux par an. Sur ce plan, nous ne pouvons admettre que la défiscalisation du logement social soit un prétexte pour se satisfaire de la stagnation de la ligne budgétaire unique.

Les crédits de la LBU, inscrits au budget de l’outre-mer, sont largement insuffisants au regard des besoins et ne peuvent donc être sanctuarisés à leur niveau actuel.

Nous devons enfin, d’ici au 31 décembre de cette année, créer les conditions favorables au maintien, dans les départements d’outre-mer, de la prime salariale négociée entre les organisations syndicales et patronales lors des événements de 2009. Le Gouvernement doit prendre ses responsabilités et prolonger les exonérations de charges sur le bonus salarial au-delà de l’échéance fixée à l’article 3 de la LODEOM.

L’actualité récente de la Réunion a montré que la sous-estimation d’une situation et des décisions prises tardivement pouvaient provoquer des conséquences irréversibles. J’ai notamment à l’esprit les incendies du Maïdo, les 3 000 hectares brulés et la perte irrémédiable d’une part de notre biodiversité. Si les enseignements des incendies des hauts de l’ouest, survenus un an plus tôt, avaient été tirés, si les mesures de prévention avaient été prises et si, dès les premières heures des incendies du Maïdo, le Gouvernement avait mobilisé les moyens à la hauteur de la situation, les dégâts auraient pu être limités.

Faut-il aussi évoquer la sécheresse persistante et l’assèchement de la rivière Langevin, qui s’accompagne d’une perte de diversité de la faune et de la flore ?

Le feu couve aujourd’hui dans l’ensemble de l’outre-mer, engendré par la situation économique et sociale, avec ses inégalités massives et croissantes. Le Gouvernement a-t-il conscience de la gravité de la situation et saura-t-il agir avant qu’il ne soit trop tard ?

Prendre en compte l’urgence économique, sociale et culturelle, et ouvrir de nouvelles perspectives de développement en ayant le courage d’opérer les changements fondamentaux nécessaires : c’est le défi que nous avons à relever. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)

M. le président. La parole est à M. Michel Magras.

M. Michel Magras. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il me revient de m’exprimer au nom du groupe UMP sur les crédits de la mission « Outre-mer » pour 2012.

À ce titre, madame la ministre, le groupe UMP a souhaité s’adresser à vous en tant que représentante de la permanence gouvernementale, et souligner la politique qui a été conduite en faveur de l’outre-mer tout au long de la législature qui s’achève.

Au regard des engagements pris en 2007, je crois avant tout que ce quinquennat doit être placé sous le signe de la parole tenue. Le Président de la République, et avec lui le Gouvernement, se sont engagés sur des priorités dont on peut dire qu’elles ont été respectées, en dépit de la conjoncture difficile.

Le Président de la République avait dicté une feuille de route sur la base des principes suivants : « un rapport d’égal à égal, un rapport de maturité, un rapport de confiance mutuelle ; le respect des différences mais aussi la conscience profonde de ce qui nous rassemble ».

Chacun des territoires a été entendu.

Avec le CIOM, le Gouvernement a en effet mis en place un cadre permettant de prendre en compte les attentes propres à chaque territoire. L’outre-mer, comme chacun le sait, se caractérise d’abord par son hétérogénéité, tant dans sa composition que par ses besoins. Le conseil des ministres du 26 octobre dernier a dressé un premier bilan de l’action mise en œuvre. Le groupe UMP, pour sa part, se félicite de cet inventaire qui fait état de la réalisation de 90 % des 137 mesures, achevées ou en voie de l’être à brève échéance.

Le CIOM, comme vous le savez, a constitué une des réponses à la crise sociale qui a agité la Guadeloupe en 2009. C’est pourquoi nous tenons également à saluer la mission Doligé-Larcher, instituée sur l’initiative du président Gérard Larcher, qui s’est placée, et avec elle le Sénat dans son ensemble, au plus près de chacun des territoires.

La consécration de 2011 comme « Année des outre-mer » participait de la volonté, voire de l’exigence de mettre en avant nos territoires, leurs atouts et leurs potentialités, notamment économiques.

Toujours au titre du bilan, les chantiers institutionnels, quant à eux, sont à placer au crédit de l’engagement pris par le Gouvernement de respecter la volonté des territoires. Sur ce point, le groupe UMP se félicite non seulement que l’on ait offert aux populations la possibilité de s’exprimer, mais surtout que cette expression ait trouvé rapidement une traduction législative.

Ainsi, en Martinique et en Guyane, la population a été consultée sur deux projets alternatifs, et les lois organiques instituant les assemblées uniques ont été adoptées rapidement. De même, à Mayotte, la départementalisation a été achevée, faisant de cette île le 101e’ département français. En Nouvelle-Calédonie, on ne peut que se réjouir du dialogue retrouvé, tout comme, en Polynésie, de l’instauration des conditions de la stabilisation institutionnelle. J’ajouterai, pour clore ce chapitre institutionnel, le respect, en Guadeloupe, de la position des élus qui n’ont pas souhaité de consultation.

Unanimement, l’outre-mer a exprimé de manière forte, récurrente, une demande légitime de continuité territoriale. Initié par la loi Girardin, le dispositif n’a cessé d’évoluer pour mieux répondre aux attentes et en corriger les imperfections. C’est une mesure que le groupe UMP inscrit au crédit du bilan gouvernemental vers plus de justice et de lien avec la République.

Faire du logement et de l’emploi une priorité, cela s’impose dans le contexte de l’outre-mer, aujourd’hui comme au début du quinquennat.

En matière de logement, nous sommes en effet tous ici conscients de l’immensité des besoins. Mais, dans le contexte budgétaire actuel, le financement du logement social par le maintien de la LBU, complété par la défiscalisation, reste un moyen pragmatique pour maintenir un niveau et des délais de construction raisonnables. Avec le doublement des opérations financées sur trois ans, la défiscalisation du logement outre-mer donne des résultats encourageants.

Je sais aussi que nombreux sont ceux de mes collègues qui jugent ces dispositifs encore largement insuffisants face à l’ampleur des retards. Je suis persuadé que le Gouvernement a recherché une solution de compromis entre contrainte budgétaire et satisfaction des besoins.

Le groupe UMP se satisfait des avancées de la politique conduite dans le domaine du logement. Pour autant, nous vous demandons, madame la ministre, de tenir compte du rapport de l’Inspection générale des finances et de faire mener, à la lumière de ses conclusions, une analyse coût-bénéfice, afin d’envisager un rééquilibrage entre LBU et dépense fiscale dans ce même esprit de compromis, mais dans le seul but de répondre à l’urgence du logement en outre-mer.

L’étude de l’Inspection générale des finances conclut en effet : « Le mécanisme de défiscalisation renchérit environ d’un tiers le coût d’une opération pour l’État par rapport à un financement sur crédits budgétaires. » Le logement en outre-mer est une priorité pour le Gouvernement ; il l’est aussi pour le groupe UMP. Dans ces conditions, tout doit être mis en œuvre pour passer de l’encourageant au satisfaisant.

En matière d’emplois et de formation, si la politique menée ne peut être évaluée à l’aune de votre seul ministère, madame la ministre, puisque l’ensemble des financements ne se retrouvent pas au sein de la mission « Outre-mer », votre ministère a néanmoins en charge la gestion des crédits du service militaire adapté, le SMA, dont l’efficacité n’a cessé d’être démontrée. Ce dispositif a été renforcé en cours de mandature et devrait atteindre plus de 5 000 places en 2012.

Comme vous l’avez souligné, madame la ministre, la politique en faveur de l’emploi outre-mer ne peut se résumer au seul SMA, ni aux seuls dispositifs de formation et d’insertion. Elle doit s’inscrire dans un cadre global favorisant l’activité et la compétitivité des entreprises. Le groupe UMP approuve donc, sans réserve, que le Gouvernement ait fait du développement endogène un des piliers de la politique outre-mer.

En ce sens, la création des zones franches et le maintien des exonérations de charges sociales constituent des outils de nature à créer les conditions d’une compétitivité durable, de l’activité économique et, partant, de l’emploi. Nous vous encourageons à poursuivre dans cette voie.

Nous souhaitons néanmoins attirer votre attention sur la nécessité de définir un cadre fiscal pérenne permettant, par sa stabilité, de renforcer la visibilité des entreprises.

Avant de clore ce bilan général et non exhaustif de la mandature, permettez-moi, madame la ministre, mes chers collègues, d’évoquer un point qui me tient particulièrement à cœur.

Au titre de la mission sur le tourisme et l’environnement en Guadeloupe et en Martinique, qui m’a été confiée par la commission de l’économie, j’ai mené une réflexion sur la défiscalisation, en matière hôtelière en particulier, qui a abouti à une proposition qui me semble pouvoir s’appliquer à de nombreux secteurs.

Je proposais, en effet, de passer d’une défiscalisation « d’opportunité » à une défiscalisation « de projet », par le biais d’un mécanisme qui conditionnerait le bénéfice de l’exonération pour l’investisseur à des objectifs prédéterminés. Avec ce système, l’exonération serait accordée en plusieurs étapes, à la condition que chaque phase du projet ait été menée à son terme.

Ce dispositif devrait avoir un double bénéfice. D’une part, en liant davantage l’investisseur et l’exploitant par une obligation de résultat, on atténuerait l’effet d’aubaine qui a tendance, me semble-t-il, à réduire la portée de la défiscalisation. D’autre part, on situerait le rapport à la défiscalisation dans le long terme ; cela supposerait, certes, d’allonger la durée de l’avantage fiscal, mais inscrirait aussi celui-ci dans une optique de développement durable, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui

La défiscalisation peut être un outil utile s’il est mieux défini et mieux utilisé. Je crois qu’il est impératif et urgent, madame la ministre, de le corriger. J’espère que cette réflexion sera conduite à son terme.

J’en arrive aux crédits de la mission « Outre-mer » pour 2012.

Dans un monde idéal, nous aurions aimé que la mission « Outre-mer » n’ait pas à contribuer, elle aussi, à l’effort de réduction du déficit national, et même que ses crédits soient augmentés à hauteur des besoins. Mais, dans le monde réel, chacun doit apporter sa part à la situation des finances publiques.

Le groupe UMP considère que vous nous présentez, madame la ministre, un budget « de circonstance ».

Malgré tout, le niveau de crédits de paiement reste identique à celui de 2011 pour votre seul ministère qui, je le rappelle, ne gère que 12 % de l’ensemble des crédits de paiement que le budget de l’État consacre à l’outre-mer. La mission « Outre-mer » que vous nous présentez aujourd’hui nous semble, sans aucun doute, l’aboutissement d’arbitrages mûrement pesés, autrement dit de choix opérés parmi les priorités.

Mes chers collègues, dans ce contexte économique difficile, je n’ignore ni la déception de certains d’entre vous, ni le raisonnement selon lequel il faudrait, au contraire, renforcer les interventions budgétaires pour ne pas fragiliser davantage la situation de l’outre-mer. Madame la ministre, vous avez choisi pour votre part de tenir un langage de vérité.

Sans entrer dans le détail des chiffres, le groupe UMP tient à relever quelques grands axes du budget 2012.

Nous soulignons, tout d’abord, que les objectifs de la LODEOM ont été sauvegardés, et les zones franches maintenues, en dépit de la suppression de l’abattement d’un tiers au titre de l’impôt sur les sociétés. Cet arbitrage devra préserver l’essentiel du tissu économique ultramarin ; même lorsqu’il se traduira par une augmentation de l’impôt, l’effet attendu de la réduction sera sauvegardé pour une très large part.

S’agissant de la défiscalisation des investissements productifs, l’effort de 10 % pèsera sur l’investisseur, et non sur l’exploitant ultramarin, dont le taux de rétrocession a été maintenu.

De même, les exonérations de charges patronales et la défiscalisation du logement social ont été exclues du « coup de rabot » supplémentaire de 10 %.

Pour conclure sur la défiscalisation, je ne peux toutefois, à titre personnel, m’empêcher de regretter l’amputation de 10 millions d’euros des crédits de l’aide à la rénovation hôtelière, alors que j’avais plaidé pour que, au sein du secteur touristique, les crédits soient prioritairement orientés vers ce domaine.

La continuité territoriale, autre engagement de la LODEOM, conserve un niveau de crédits satisfaisant. Je crois que nous nous accordons tous à reconnaître les avancées de ce dispositif et les quelques ajustements qu’il mérite, afin, par exemple, de mieux prendre en compte le coût réel du transport au départ de la Polynésie et de la Nouvelle-Calédonie, par le biais du relèvement des plafonds de ressource dans cette région.

Je ne reviendrai sur le financement du logement social que pour souligner la sanctuarisation de la LBU.

En conclusion, le groupe UMP tient à saluer la création du conseil du SMA, et espère qu’il constituera une instance de renforcement et d’optimisation d’un dispositif qui fait incontestablement ses preuves en outre-mer.

Les membres du groupe UMP, particulièrement conscients que vous avez dû, madame la ministre, conduire votre politique en des temps de difficultés exceptionnelles, voteront les crédits de la mission « Outre-mer ». (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Gillot.

M. Jacques Gillot. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’examen des crédits de la mission outre-mer intervient dans un contexte où le Gouvernement a décidé l’application d’un plan d’austérité dont nous comprenons le principe mais dont nous réfutons les modalités.

Nous devons en effet en prendre conscience, la France d’outre-mer n’est pas épargnée par la crise.

À cette crise systémique s’est ajoutée une crise plus spécifique, identitaire, sociale et finalement politique, qui a révélé au grand jour d’importants dysfonctionnements que les parlementaires d’outre-mer dénoncent régulièrement, et ce depuis plusieurs années.

Certes, madame la ministre, votre Gouvernement n’a de cesse d’affirmer sa volonté de traiter avec la plus grande attention l’ensemble des préoccupations de nos compatriotes. Nous aurions néanmoins souhaité que ces engagements se traduisent dans les faits par un traitement équitable de nos réalités.

Comment en effet expliquer que, deux ans après sa tenue, la grande majorité des dispositions prévues dans le cadre du CIOM, n’aient pas encore fait l’objet de décrets d’application ? Pire, lorsque certaines mesures en font l’objet, elles se voient privées d’effet par un coup de rabot, à l’instar du dispositif de défiscalisation.

Que sont devenus les engagements d’aider nos territoires à combattre la vie chère et à favoriser un développement économique endogène ? Vous avez nommé trois fonctionnaires, mais aujourd'hui nous ne voyons pas les résultats de la stratégie que vous avez voulu mettre en place.

Où en est l’engagement de procéder au doublement des effectifs des jeunes accueillis par le service militaire adapté dès l’année 2012 ? Il faudrait nous préciser si le fait de réduire la durée de formation de ces jeunes correspond, selon vous, à l’augmentation de leurs effectifs.

Comment accepter la disparition programmée de l’Institut de formation aux carrières administratives, sanitaires et sociales de Dieppe, l’IFCASS, qui prépare des générations entières d’ultramarins aux emplois du paramédical et du social ?

Vous l’aurez compris, madame la ministre, plus que jamais, le regard de la métropole sur l’outre-mer doit évoluer en faveur d’une relation rénovée. Et je ne suis pas convaincu que la seule organisation de l’Année de l’outre-mer, pour louable qu’elle soit, suffise à faire évoluer les mentalités dans le contexte actuel !

C’est la raison pour laquelle il nous paraît urgent de rompre avec l’idée fausse d’une métropole qui donnerait et d’un outre-mer qui recevrait.

Rompre avec cette idée fausse, c’est réformer cette vision stigmatisante de l’outre-mer, limitée à une comptabilité scrupuleuse des avantages fiscaux octroyés et des dépenses fiscales tolérées.

Rompre avec cette idée fausse, c’est pour l’outre-mer accepter de contribuer à payer la facture de la crise, mais refuser d’être doublement mis à contribution en acceptant une diminution des crédits de la mission « Outre-mer » supérieure à celle des autres dépenses inscrites au budget de la Nation.

C’est avoir conscience que, au regard des forts taux de chômage de nos départements, la défiscalisation n’est pas une niche fiscale mais un dispositif voué à limiter les handicaps de nos économies insulaires.

Rompre avec cette idée fausse, c’est comprendre que la suppression de l’abattement de 30 % sur le bénéfice des entreprises imposables met en péril la capacité des PME d’outre-mer de mobiliser le crédit à l’investissement.

C’est admettre que la baisse de 10 % des avantages liés à la défiscalisation dans le domaine du logement porte un coup d’arrêt sévère à la construction de logements locatifs neufs en dépit de l’immensité des besoins des foyers ultramarins et alors même que le BTP connaît de graves difficultés.

Rompre avec cette idée fausse, c’est aussi opter pour une fiscalité qui tienne davantage compte de la réalité de l’organisation institutionnelle des chambres de commerce et d’industrie des DOM.

Rompre avec cette idée fausse, madame la ministre, c’est faire de la géothermie une source de recettes pour les collectivités en l’assimilant à un produit minier sujet à taxation.

C’est refuser que l’objectif partagé de rationalisation des dépenses de santé se traduise par la réduction des moyens de l’hôpital de Marie-Galante. Madame la ministre, je compte sur votre engagement pour intercéder auprès de Xavier Bertrand, pour qu’enfin les Marie-Galantais puissent bénéficier d’une offre de soins de qualité.

Rompre avec cette idée fausse, c’est faire enfin de l’emploi une vraie priorité en concrétisant l’engagement d’un véritable plan d’urgence pour l’emploi des jeunes.

Il faut aussi que l’on puisse combattre ce sentiment douloureux et humiliant d’être considérés comme des citoyens à part, alors que nombre d’ultramarins aspirent à s’investir dans une République plus ouverte à la diversité de ses composantes.

Madame la ministre, je sais qu’il est difficile d’obtenir des moyens au sein de ce Gouvernement. Nous aurions pourtant vraiment souhaité que le ministère de l’outre-mer puisse bénéficier d’un arbitrage favorable aux intérêts de nos territoires.

Je conclus : madame la ministre, ce qui doit nous unir, c’est notre adhésion au pacte républicain, c’est notre espérance que les lignes bougent et que les mentalités changent. Aussi, en attendant les réponses que vous voudrez bien nous apporter, je suis obligé de vous annoncer que je ne voterai pas les crédits inscrits à ce budget, qui en l’état actuel ne sont pas, à mes yeux, de nature à raffermir cette espérance. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)