Mme la présidente. La parole est à M. René Beaumont, rapporteur pour avis.

M. René Beaumont, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour la diplomatie culturelle et d’influence. Madame la présidente, monsieur le ministre d’État, monsieur le président de la commission, messieurs les rapporteurs spéciaux, mes chers collègues, le meilleur ambassadeur de la France, c’est sûrement sa culture. Les crédits de la diplomatie culturelle sont donc un très bon « placement budgétaire », si l’on peut s’exprimer ainsi.

Reconnaissons aussi qu’avant la réforme engagée depuis 2010 et la création de l’Institut français, de CampusFrance et de France Expertise Internationale, il était difficile de considérer que l’organisation de notre réseau culturel était conforme à la maxime selon laquelle « tout ce qui n’est pas clair n’est pas français ».

Mais les choses sont en train d’évoluer de façon remarquable, en particulier sous l’impulsion de Xavier Darcos, qui a d’ailleurs lui-même reconnu qu’en prenant son élan de façon très dynamique l’Institut français avait pu susciter quelques inquiétudes, en particulier des alliances françaises.

Monsieur le ministre d’État, nous sommes très attachés, dans cette enceinte, à ce réseau des alliances et nous croyons utile de le conforter en leur apportant, de façon très solennelle, des garanties d’apaisement. En commission, vous nous avez donné des assurances, que, je l’espère, vous renouvellerez ici.

À bien des égards, le mouvement qui est en marche est très positif et, à mon sens, il aurait justifié que la commission des affaires étrangères n’en vienne pas à rejeter les crédits de l’action extérieure de l’État.

Certes, une fois appliqué le « rabot » adopté par l’Assemblée nationale, les crédits de la diplomatie d’influence régressent très légèrement, mais la situation actuelle de nos finances publiques pouvait laisser présager le pire !

En outre, je déduis des propos tenus par le ministre d’État lors de son audition que la diplomatie culturelle bénéficiera en priorité de la prochaine embellie budgétaire, même si, pour l’heure, nous ne pouvons déterminer quand elle se produira.

Mes chers collègues, nous devons dès à présent conforter les personnels concernés sur ce point et leur assurer que leur dévouement au service du rayonnement de notre pays sera, dans les prochaines années, soutenu par des moyens supplémentaires.

J’en viens à la situation et aux perspectives de notre réseau d’enseignement français à l’étranger, que j’ai plus particulièrement analysé conformément à la répartition des tâches opérée au sein du binôme que j’ai eu le plaisir de former avec mon collègue Jean Besson.

À mes yeux, le meilleur ambassadeur de notre culture, c’est – et de loin – l’enseignement français à l’étranger. En effet, sur les cinq continents, nos enseignants assument avec une efficacité remarquable leur double mission de diffusion de notre langue et de notre influence, au service de nos compatriotes.

Sur le plan organisationnel, l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, l’AEFE, illustre l’efficacité du statut d’établissement public.

La subvention versée à l’AEFE augmente légèrement dans le projet de loi de finances initial et s’élève à 422,5 millions d’euros. Du reste, par la qualité de sa gestion des 238 établissements conventionnés, qui scolarisent près de 180 000 élèves, l’AEFE a accru ses ressources propres et son fonds de roulement grâce aux effectifs supplémentaires accueillis au cours de l’année scolaire 2010–2011.

Le « rabot » des crédits du programme 185 va certes se traduire par une réduction de ce fonds de roulement. Il s’agit d’une simple opération de trésorerie, qui ne porte pas atteinte, en principe, à sa capacité d’intervention actuelle : monsieur le ministre d’État, nous souhaiterions, bien entendu, que le Gouvernement puisse nous le confirmer.

Financièrement, les précédents orateurs, et en particulier M. Yung, rapporteur spécial, ont déjà évoqué le principal risque auquel s’expose ce réseau : celui d’être étouffé par son succès.

En effet, l’afflux des demandes de scolarisation dans toutes les parties du monde, d’une part, et la vétusté du parc immobilier, d’autre part, nous imposent de mener une politique d’investissement immobilière ambitieuse, d’autant plus difficile à financer par l’AEFE que la dernière loi de programmation des finances publiques lui interdit de recourir à l’emprunt bancaire à long terme.

À cet égard, monsieur le ministre d’État, compte tenu de la solidité financière de cette agence, il serait juridiquement envisageable et somme toute assez logique d’assouplir cette réglementation, inscrite dans le code de la santé publique, qui cible particulièrement l’endettement colossal des hôpitaux publics : toutefois, je ne me fais guère d’illusions quant au sort d’une telle initiative parlementaire en la matière.

Transformée en établissement public industriel et commercial, l’AEFE échapperait certes à cette interdiction d’emprunter, mais son statut actuel donne entière satisfaction : pourquoi modifier une recette qui a fait ses preuves ? La commission m’a donc suivi pour souligner notre préférence pour la pérennisation du dispositif de financement actuel, encore provisoire, qui permet à l’État de jouer le rôle de banquier de l’AEFE par le biais du Trésor public.

Dans le même temps, comme nous l’a indiqué sa représentante, l’AEFE doit assumer la charge relative à la contribution aux pensions civiles des personnels et gérer l’aide à la scolarité dont l’ampleur croissante et bénéfique se traduit par de nombreuses heures supplémentaires de comptabilité.

Compte tenu de la stabilisation de la subvention budgétaire, ne nous voilons pas la face : l’Agence doit essentiellement tabler sur une prochaine majoration des prélèvements sur les familles. Ce constat nous conduit à attirer l’attention du Gouvernement sur la nécessité de veiller à ne pas dépasser un certain seuil de tolérance qui, sur le terrain, sera sans doute bientôt atteint.

La France perdrait sans doute alors une partie de son influence dans le monde. Or telle n’est pas votre ambition, je me permets de le supposer, monsieur le ministre d’État.

Ainsi, compte tenu, d’une part, de la stabilité de la subvention budgétaire de l’AEFE et, d’autre part, de la réponse favorable que vous ne manquerez pas de m’accorder au sujet du problème de l’immobilier scolaire, j’invite volontiers mes collègues à voter les crédits du programme 185 « Diplomatie culturelle et d’influence. » (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Hélène Conway Mouret, rapporteure pour avis.

Mme Hélène Conway Mouret, rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour les Français de l’étranger. Madame la présidente, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, il est des programmes budgétaires dont l’objet relève également du symbole. Le programme 151 est de ceux-là. Consacré aux Français à l’étranger et aux affaires consulaires, il regroupe : la gestion de notre réseau de consulats et les aides de toute nature apportées aux Français domiciliés hors de France ; l’aide à la scolarité, via les bourses et la prise en charge des frais de scolarité ; l’instruction des demandes de visa.

À travers ces trois actions, ce programme illustre une triple universalité que l’on souhaiterait croire encore possible : universalité des compétences de nos consulats, universalité de leurs implantations, universalité des bénéficiaires des services offerts.

Avec un budget de 368,5 millions d’euros, lequel nous permet de gérer le deuxième réseau consulaire au monde et d’assurer l’éducation de ceux de nos jeunes Français qui, faute d’une aide, pourraient en être exclus, le but semble atteint.

Certes, en comptabilisant les 16,8 millions d’euros alloués à la préparation des élections présidentielle et législatives de 2012 et à l’aide à la scolarité, ces fonds augmentent. Néanmoins, on ne saurait s’attacher à la seule apparence de ce budget dont l’augmentation est avant tout due à des crédits exceptionnels, tandis que les dépenses sont, elles, minorées.

Des crédits exceptionnels en effet. Sur les 16,8 millions d’euros d’augmentation que je viens de citer, 10,3 millions sont consacrés à la préparation des élections, dont 8 millions sont d’ailleurs versés par le ministère de l’intérieur au titre de la mise à jour des listes électorales, de la multiplication des modalités de vote dans le cadre des élections législatives – notamment via l’introduction du vote électronique – et, enfin, de la communication nécessaire pour en expliquer la mise en œuvre.

Ces dotations sont nécessaires, j’en conviens : mais par leur objet même, ces crédits ponctuels ne seront pas appelés à être renouvelés l’année prochaine.

Par ailleurs, ce budget ignore des évolutions structurelles, qui en révèlent immédiatement les carences. En effet, le nombre de Français expatriés croît en moyenne de 4 % par an depuis plusieurs années. En tenant compte des Français de passage qui, dans l’urgence, se tournent vers les services consulaires, de la paupérisation des familles et de la crise économique qui épargne peu de pays, il apparaît que les demandes d’aide augmentent, tandis que le montant qui leur est consacré stagne.

De surcroît, l’excellence de notre réseau d’enseignement à l’étranger et le nombre croissant d’enfants scolarisés entraînent mécaniquement une augmentation des demandes d’attribution de bourse et de prise en charge des frais de scolarité pour les élèves français des classes de lycée.

L’année dernière à cette tribune, mon prédécesseur s’était félicité du moratoire imposé par la commission des finances, qui avait limité cette prise en charge aux seules classes de lycée. Cependant, pourquoi accepter que les grandes entreprises qui emploient nos compatriotes à l’étranger fassent l’économie de ce coût ? Pourquoi aider les familles qui n’en ont pas besoin, alors que le seul critère pertinent devrait être, en la matière, les ressources des parents ?

Moratoire donc, sagesse d’une dépense encadrée ? La sagesse consisterait surtout à redéfinir les conditions financières de l’accès au réseau de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger. Or cette belle cause, votre projet de budget l’ignore, puisque nous savons d’ores et déjà que 23,5 millions d’euros feront défaut en 2013…

M. Robert del Picchia. C’est faux !

Mme Hélène Conway Mouret, rapporteure pour avis. … pour financer l’aide à la scolarité et que rien n’est prévu pour y remédier.

Enfin, monsieur le ministre d’État, je formulerai deux remarques concernant l’instruction des demandes de visa pour accéder au territoire national.

Premièrement, la délivrance des visas conserve une dimension symbolique majeure en matière de politique étrangère. Or les instructions et la détermination de cette politique vous échappent aujourd’hui, au bénéfice de M. le ministre de l’intérieur.

Deuxièmement, la délivrance des visas produit d’importantes recettes. Toutefois, la rentabilité d’une activité ne peut constituer le seul critère d’affectation des ressources et des personnels dans un poste consulaire qui doit assurer avant tout des missions de service public.

Si on fait abstraction de cette dernière action, on constate que l’augmentation du nombre de nos compatriotes expatriés et donc de leurs besoins, l’acceptation fataliste de la prise en charge des frais de scolarité par les familles et la suppression de 140 emplois au ministère rendent peu vraisemblable l’ambition initiale que j’évoquais : l’universalité de notre réseau.

Pour ces différents motifs, la commission des affaires étrangères s’est prononcée contre l’adoption des crédits de la mission 151 consacrée aux Français à l’étranger et au réseau consulaire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

Mme la présidente. La parole est à M. Robert del Picchia, rapporteur pour avis.

M. Robert del Picchia, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour les Français de l’étranger. Madame la présidente, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, étant donné la période de crise budgétaire que nous traversons, nous pouvons nous satisfaire du budget qui nous est présenté pour les Français de l’étranger. À ce titre, nous sommes reconnaissants à M. le ministre d’État de l’engagement dont il a fait preuve en défendant le maintien des crédits de son ministère au niveau actuel, tant auprès du Premier ministre qu’à Bercy.

Mes chers collègues, les Français de l’étranger comprennent tout à fait les difficultés auxquelles le Gouvernement est confronté et, dans leur grande majorité, ils acceptent les mesures adoptées et les contraintes imposées.

Dans cette perspective, j’évoquerai brièvement les mutations de notre réseau consulaire, composé de 233 consulats et de 494 consuls honoraires.

Le Quai d’Orsay s’efforce de faire évoluer ses implantations au profit de pays émergents, pour de bonnes raisons tels le poids des communautés, les priorités politiques, les intérêts économiques et culturels. Cette politique s’est traduite par l’ouverture de dix nouveaux consulats, notamment en Chine, en Russie et en Inde. Dans le même temps, plusieurs postes ont été transformés en consulats généraux à gestion simplifiée.

Cependant, s’ils la comprennent parfois, les Français de l’étranger acceptent difficilement cette restructuration et ce nouveau découpage de la carte consulaire. La téléadministration facilite les démarches consulaires, j’en conviens ; mais la fermeture des consulats n’est pas toujours bien perçue par les Français résidant dans les pays concernés. Il semble donc important de mieux informer ces derniers ainsi que leurs élus, de les écouter voire de les consulter.

J’en viens aux échéances électorales de 2012.

L’organisation de cette tâche a commencé dès l’adoption de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, créant les onze sièges de député des Français de l’étranger.

Les listes électorales ont été progressivement mises à jour en coopération avec l’INSEE. Il est prévu d’installer quelque 800 bureaux de vote, chiffre qui semble tout à fait satisfaisant. Du reste, le ministère de l’intérieur a consenti une avance de 8 millions d’euros pour financer les tâches relevant de sa compétence. Des remboursements complémentaires pourront d’ailleurs être accordés le cas échéant.

Le ministère des affaires étrangères a décidé, pour sa part, de consacrer 1 million d’euros à l’information de nos compatriotes à l’étranger, par le biais de messages diffusés notamment par RFI, TV5 ou France 24.

Mes chers collègues, je vous avoue avoir été agréablement surpris, hier, à New York, en consultant Internet sur Yahoo, pour ne pas le citer, de voir s’afficher un courriel du ministère des affaires étrangères concernant le vote des Français de l’étranger et les modalités d’inscription sur les listes électorales.

M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères. Pendant ce temps-là, nous examinions le budget de la défense.

M. Robert del Picchia, rapporteur pour avis. À mes yeux, il s’agit là d’une excellente initiative.

M. Didier Boulaud. Le message ne précisait pas pour qui voter ? (Sourires.)

M. Jean Besson. Excellent !

M. Robert del Picchia, rapporteur pour avis. Non, pas encore, cher collègue Didier Boulaud, mais cela viendra ! (Nouveaux sourires.)

Aux prochaines élections législatives, les électeurs pourront notamment voter par Internet.

Dans cette perspective, afin de prévenir les déboires déplorés lors des derniers scrutins, nous avions prévu d’organiser un test grandeur nature début décembre ; reporté à plusieurs reprises, cet exercice est désormais repoussé au 29 janvier, ce qui ne laisse pas de nous inquiéter. En effet, nous ignorons si ce test sera concluant ; or, si des difficultés se font jour, il ne restera plus guère de temps pour remédier aux défaillances du système.

Je reviendrai sur la question des aides à la scolarité dans la suite de la discussion générale ; pour l’heure, en qualité de rapporteur pour avis, je rappelle qu’il existe deux types d’aides : les bourses et la prise en charge des frais de scolarité, la PEC. Déjà en hausse de 14 millions d’euros en 2011, les aides augmentent de 6 millions d’euros en 2012, passant de 119 millions à 125 millions d’euros.

Toutefois, mes chers collègues, cette augmentation bénéficie uniquement aux bourses – je dis bien « uniquement » ! –, dont les crédits ont doublé depuis la création de la PEC, passant de 46 millions à 93,6 millions d’euros. Quant aux fonds alloués à la PEC, ils restent stables, à hauteur de 30 millions d’euros environ ; son plafonnement a conduit à réduire cette enveloppe de 33 millions à 31,9 millions d’euros. Elle bénéficie à 7 500 élèves des classes de lycée, soit plus de 40 % des lycéens français à l’étranger.

En conclusion, mes chers collègues, en dépit de l’avis défavorable émis par la commission, je voterai à titre personnel pour les crédits de la mission « Action extérieure de l’État ». (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Leila Aïchi, rapporteure pour avis.

Mme Leila Aïchi, rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour les moyens de l’action internationale. Madame la présidente, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, le programme 105, qui représente, dans le PLF pour 2012, 61 % de la mission « Action extérieure de l’État », est crédité de 1,8 milliard d’euros en crédits de paiement, en légère régression de 1,3 % par rapport à 2011.

Je précise que, dans l’optique du nouveau plan de rigueur, ce montant a été minoré par deux amendements du Gouvernement, adoptés lors de la discussion du projet de loi à l’Assemblée nationale.

Le programme 105 est ainsi réduit de 5,5 millions d’euros en crédits de paiement pour 2012.

Je développerai particulièrement trois aspects du programme : la politique de coopération de sécurité et de défense, la politique de personnel dans notre réseau diplomatique et la politique immobilière.

S’agissant, en premier lieu, de la politique de coopération de sécurité et de défense, je vous précise, mes chers collègues, qu’il s’agit ici de prévention dans les zones à risques avérés ou potentiels, principalement axée sur la formation, le conseil et l’expertise technique.

Cette partie du budget voit ses crédits en personnels diminuer fortement pour 2012. La formation en souffrira inévitablement, alors qu’il s’agit de dépenses mobilisées pour éviter les conflits futurs ou stabiliser les zones qui ont traversé des conflits armés.

Et le moins que l’on puisse dire est que cette partie n’est pas celle qui mobilise le plus de fonds. Pour preuve : 85 millions d’euros seulement lui sont consacrés sur un budget total du programme 105 de 1,8 milliard d’euros.

En deuxième lieu, je souhaite aborder la politique du personnel dans notre réseau diplomatique.

À ce sujet, les chiffres que vous nous avez communiqués sont sans appel, monsieur le ministre d’État : le nombre de personnels affectés à notre réseau diplomatique est en nette diminution depuis 2007.

Durant la période 2009–2011, dans le cadre de la première phase de la révision générale des politiques publiques, le ministère des affaires étrangères et européennes a supprimé 700 emplois, pour 900 départs en retraite. Trois départs sur quatre n’ont donc pas été remplacés, et cela concerne toutes les catégories de personnel – fonctionnaires titulaires, contractuels ou recrutés locaux.

Pour autant, il ressort très nettement des différentes auditions menées dans le cadre de la commission des affaires étrangères que notre système a atteint un point critique, au-delà duquel l’existence même de notre réseau diplomatique serait remise en question. Cette situation est la conséquence directe de la RGPP, qui a été exclusivement abordée sous le prisme de la réduction des coûts, en faisant fi de la réévaluation des besoins.

Ainsi, les effectifs ont été systématiquement remis en cause sans tenir compte des réalités du terrain, ce qui risque bien évidemment de nous conduire à terme à des situations de blocage.

Nous possédons certes le deuxième réseau diplomatique au monde après celui des États-Unis, mais, en l’état de la situation, si les personnels qui partent à la retraite ne sont pas remplacés, avons-nous encore les moyens de nos ambitions ?

Enfin, j’analyserai en troisième lieu la politique immobilière de votre ministère à l’étranger, monsieur le ministre d’État, un thème sur lequel il m’a été impossible, dans le cadre de mes auditions, d’obtenir des réponses à des questions pourtant très simples, qui ne trouvent pas plus de réponses dans le budget que vous avez présenté. Ainsi, quelle est la nature de cette politique, quelles sont les raisons qui motivent ces cessions et acquisitions immobilières ? Il est bien difficile de le savoir.

Or je tiens à préciser que vous avez vendu pour plus de 70 millions d’euros de biens immobiliers cette année et que l’analyse de ces cessions apparaît surprenante à bien des égards. (M. Daniel Reiner opine.)

Au-delà du cas de la Belgique, où l’intitulé imprécis du bien ne permet pas de contrôle, l’analyse du programme des cessions en cours de finalisation pour 2011 fait apparaître deux situations pour le moins étonnantes.

L’existence de cessions d’ores et déjà effectives, alors qu’elles n’étaient pas mentionnées dans le budget pour 2011, constitue un premier écueil. Il y va ainsi des cessions d’un appartement en Allemagne pour 150 000 euros, d’un immeuble abritant l’Alliance française en Argentine pour 80 500 euros, d’une parcelle de terrain au Koweït, à Koweït City, pour 640 000 euros, ou encore d’un ancien immeuble du centre de coopération linguistique au Malawi pour 1 392 000 euros, soit un total de 2 262 500 euros de cessions non mentionnées l’année dernière, et déjà effectives en novembre 2011.

En ce qui concerne maintenant les estimations, il existe des écarts d’évaluation importants, à la hausse comme à la baisse.

L’on constate ainsi des prix de vente plus de trois fois supérieurs aux estimations – au Mali, la villa Bourbon a été cédée pour 644 119 euros, alors qu’elle était estimée à 195 684 euros ; à Madagascar, la villa Alligator a été vendue pour 171 000 euros, contre 49 000 euros estimés.

A contrario, l’estimation des locaux de la villa dite Zjeddboudjs, à Alger, s’est avérée être deux fois supérieure au prix de la cession – 10 millions d’euros, contre 4,99 millions d’euros.

Dans le même ordre d’idée, un logement de fonction à Brasilia, au Brésil, a été estimé 40 % au-dessus de son prix effectif de vente.

Au total, la somme de ces écarts constatés s’élève à 13 941 103 euros.

Il est certain que le flou observé sur les cessions du MAE interdit de facto une politique planifiée et cohérente pour la gestion du parc immobilier à l’étranger.

Il faut pourtant rappeler, pour mémoire, que « dans le cadre du contrat triennal de modernisation conclu en 2006 avec le ministère du budget, le ministère des affaires étrangères et européennes a accepté d’asseoir l’essentiel du financement de sa politique immobilière sur les recettes issues des cessions immobilières à l’étranger ».

Vous n’ignorez pas, mes chers collègues, que l’Union européenne traverse une crise financière, économique et sociale sans précédent. Or une part non négligeable des lignes budgétaires du programme 105 dépend du taux de change euro-dollar. En choisissant de retenir 1,40 dollar, contre 1,35 dollar pour 2011, on obtient une baisse mécanique de 3,57 % des budgets qui dépendent de cette devise.

Cette baisse artificielle, conjuguée au risque monétaire que représente actuellement la zone euro, nous semble non conforme à la réalité du budget du programme 105.

Enfin, je terminerai mon intervention par une note toute personnelle. J’ai été très surprise par la difficulté d’obtenir certaines informations, de même que par l’opacité et le manque de lisibilité des documents qui nous ont été remis…

M. Daniel Reiner. C’est vrai !

M. Alain Juppé, ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes. C’est bien la première fois que j’entends cela !

Mme Leila Aïchi, rapporteure pour avis. … alors qu’ils sont supposés éclairer les représentants du peuple que nous sommes.

Pourtant, monsieur le ministre d’État, l’article XIV de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, inscrite au préambule de la Constitution du 4 octobre 1958, dispose que « Tous les Citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs Représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée. »

M. Daniel Reiner. Très bien !

Mme Leila Aïchi, rapporteure pour avis. Au vu de ces éléments, vous aurez aisément compris pourquoi la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est défavorable à l’adoption des crédits du programme 105. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur pour avis.

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour les moyens de l’action internationale. Avec toute la prudence et la modestie qui siéent au nouveau et récent rapporteur que je suis, j’ai le sentiment, monsieur le ministre d’État, que l’environnement dans lequel se place l’examen du budget de votre ministère pour l’année 2012 se caractérise par quelques traits suivants.

D’abord, il se situe dans la ligne d’une longue série d’efforts, commencés avant même la RGPP, et destinés à rationaliser et à réduire les dépenses.

La réorganisation de l’administration centrale, le reformatage des postes à l’étranger et la diminution du nombre de postes du personnel témoignent de cet effort, qui était devenu indispensable au regard de l’importance des dépenses publiques de notre pays.

Cet effort n’est toutefois pas terminé, notamment en ce qui concerne le réseau culturel, et il est vraisemblablement encore possible de faire des progrès dans le redéploiement du réseau consulaire et dans les synergies et économies d’échelle à trouver en la matière avec nos partenaires de l’Union européenne.

Il n’empêche que cette réorganisation a produit l’essentiel de ce qu’elle pouvait donner. Cela veut dire que si le ministère devait de nouveau être sollicité dans les prochaines années, en raison du contexte économique et de la nécessité de réduire notre endettement, un choix crucial devrait vraisemblablement être fait entre la volonté de conserver tous nos postes et celle de conférer la plus grande efficacité possible à ceux qui apparaissent comme indispensables.

Les deux amendements du Gouvernement, adoptés par l’Assemblée nationale le 15 novembre dernier et qui étaient absolument nécessaires au regard de la situation européenne et internationale, illustrent cette crainte et nous rapprochent un peu plus de cette heure de vérité !

Toutefois, cette observation doit être tempérée par le fait que les crédits alloués à cette mission ne représentent qu’environ 1 % du budget général de l’État : aucune économie massive ne peut donc être attendue d’un ministère qui, par ailleurs, est essentiel pour l’action et le rayonnement de la France.