Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Gillot, rapporteure pour avis.

Mme Dominique Gillot, rapporteure pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, rapporteure pour avis de la commission de la culture, je m’en remets à l’analyse des chiffres telle que l’ont dressée les rapporteurs spéciaux de la commission des finances. En dépit d’un périmètre si changeant année après année, ces derniers ne se sont pas laissé aveugler par les comparaisons.

Pour ma part, je m’en tiendrai à l’analyse que nous avons formulée en commission.

Alors que le Gouvernement se vante d’avoir sanctuarisé le budget de l’enseignement supérieur en ces temps d’austérité jamais connus, je me dois de faire remonter le malaise profond qui étreint nos universités et la communauté étudiante.

L’augmentation de seulement 1 % des crédits de paiement de la MIRES correspond à une perte d’au moins 0,7 % en pouvoir d’achat. La croissance réelle des crédits budgétaires de l’enseignement supérieur doit être ramenée à 373 millions d’euros.

Une augmentation de la dotation de fonctionnement des universités, qui s’établit à 46 millions d’euros en 2012, inférieure à l’inflation, ainsi qu’une compensation très insuffisante de leur glissement vieillesse-technicité, le GVT, devraient dès lors déboucher sur un gel des recrutements, voire sur une suppression de postes au sein des établissements publics d’enseignement supérieur, dont la situation budgétaire est très critique.

C’est là le nœud du problème : les difficultés rencontrées par les présidents d’université dans le passage aux responsabilités et compétences élargies se sont clairement cristallisées autour de l’évolution de la masse salariale, notamment du fait du GVT non pris en compte dans les transferts de charges.

Le recul de la date de départ à la retraite des personnels – quatre mois de plus par an –, l’augmentation de la masse salariale liée aux évolutions naturelles de carrière, les mesures de revalorisation de certaines catégories de personnels, l’augmentation de la charge de travail induite pour les enseignants chercheurs liée à la mise en œuvre des objectifs du plan « Réussir en licence », voilà autant de paramètres décidés sur le plan national qui échappent à la maîtrise budgétaire des responsables d’université.

Alors, soyons honnêtes : les 14,5 millions d’euros débloqués par le ministère afin de compenser le GVT solde des universités sont une goutte d’eau dans la mare des difficultés de nos universités, malmenées sur le chemin de l’autonomie.

S’agit-il d’une rallonge bienveillante de la part du Gouvernement ? Non ! Ces 14,5 millions d’euros seront dégagés après redéploiement sur le programme 150, donc au détriment d’autres actions en faveur de l’enseignement supérieur.

S’agit-il d’une compensation intégrale ? Non plus ! Le GVT positif global des universités s’établit à 20 millions d’euros ; 5 millions d’euros restent donc à financer.

Compte tenu de la faiblesse globale de leurs dotations de fonctionnement, les universités au GVT négatif ne sont pas prêtes à mutualiser leurs ressources. Dans ces conditions, les universités les plus en difficulté sont contraintes à des gels de postes ou à des suppressions de filières pour éviter de présenter un budget en déséquilibre.

Malgré toutes les alertes, la sentence est lourde et stigmatisante : après avoir enregistré, pour la deuxième année consécutive, un budget en déficit, huit universités – ou cinq… ou sept… – seront placées sous tutelle de leur rectorat. Faut-il donc comprendre que la réforme « vertueuse » de l’autonomie des universités conduit à accentuer les inégalités territoriales de notre système d’enseignement supérieur, en sanctionnant nos universités de « territoire », qui doivent assumer des charges dont la montée en puissance n’a été ni prévue ni compensée par l’État ?

On en revient donc à l’irresponsabilité de l’État, qui s’abrite derrière des réformes de décentralisation et de renforcement de l’autonomie des acteurs locaux pour mieux se décharger de ses responsabilités financières et les obliger à une récession certes génératrice de moindres dépenses pour le ministère, mais catastrophique pour l’enseignement supérieur.

J’en viens au malaise de la communauté étudiante. Celle-ci, qui a crû de 1,7 % à la rentrée dernière, est en voie de paupérisation accélérée. Ce budget pour 2012 est, pour nos étudiants, objet de toutes les inquiétudes. La mise en place du dixième mois de bourse, juste prise en compte de la durée de la scolarité, vient occulter la baisse préoccupante d’autres dispositifs comme le fonds national d’aide d’urgence ou les aides à la mobilité internationale.

Le Centre national des œuvres universitaires et scolaires comme les autres opérateurs du programme et les associations voient leurs subventions une nouvelle fois siphonnées : 12,8 millions d’euros de crédits en moins en 2011, et 6,3 millions d’euros de moins en 2012. De surcroît, on nous a annoncé que le CNOUS n’était pas en capacité, actuellement, de verser le dixième mois de bourse.

On imagine mal, dans ces conditions, comment les CROUS parviendront à répondre aux besoins de logement étudiant ; l’engagement des nouvelles constructions ou les réhabilitations restent notoirement insuffisants au regard des objectifs fixés par le rapport Anciaux.

Les retards accumulés devraient repousser l’atteinte de ces objectifs à 2016. Il y a fort à craindre que les CROUS, compte tenu de leurs difficultés budgétaires, devront compenser la baisse de leurs marges de fonctionnement par un accroissement des loyers dans les résidences étudiantes.

Mais cela n’était sans doute pas suffisant. Le plafonnement du versement de l’aide personnalisée au logement en fonction du revenu des parents a été évoqué par M. Carrez, rapporteur général de la commission des finances de l’Assemblée nationale. Le secrétaire d’État au logement s’y est déclaré favorable, en totale mésestime du principe d’autonomie des étudiants.

À cela s’ajoute le doublement de la taxation des contrats de complémentaire santé, applicable aussi aux mutuelles étudiantes,…

Mme Dominique Gillot, rapporteure pour avis. … mais que notre assemblée a eu la sagesse de supprimer.

L’Assemblée nationale aurait été bien avisée de valider l’exonération des mutuelles étudiantes de cette taxe, quand on sait que 19 % des étudiants n’ont pas de complémentaire santé…

M. Jean-Jacques Mirassou. Voilà ! C’est la réalité !

Mme Dominique Gillot, rapporteure pour avis. … – contre 6 % de la population générale – et que 34 % d’entre eux renoncent à des soins. (Mme Maryvonne Blondin et M. Jean-Jacques Mirassou approuvent.)

Enfin, je veux évoquer l’impact désastreux de la circulaire Guéant du 31 mai 2011, qui s’attaque à l’immigration légale des étudiants étrangers.

Cette stigmatisation scandaleuse, traduite par une application administrative abusive, est contraire à l’esprit même de la loi de 2006, malmenée par un gouvernement qui entend ainsi, sur une rhétorique populiste, s’affranchir de la volonté du Parlement.

La schizophrénie du Gouvernement est préoccupante : ce dernier, alors qu’il cherche à promouvoir les intérêts de nos industriels en Asie, invitant même la Chine à racheter une partie des dettes publiques européennes, n’hésite pas à mettre en œuvre une politique de restriction des flux migratoires à l’égard des élites de ces pays émergents, condamnant la France à rétrécir dans l’imaginaire de la communauté internationale.

Bien sûr, monsieur le ministre, nous avons pu lire dans la presse, ces dernières semaines, votre analyse et les brillantes suggestions que vous avez faites. Je ne doute pas que vous fixerez aujourd’hui un cadre clair afin de permettre à l’enseignement supérieur et aux universités d’envisager leur avenir avec moins de pessimisme.

Cependant, compte tenu de ces analyses, la commission de la culture m’a suivie en donnant un avis défavorable à l’adoption des crédits de la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Daunis, rapporteur pour avis.

M. Marc Daunis, rapporteur pour avis de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les différentes interventions des rapporteurs spéciaux et des rapporteurs pour avis pourraient donner à penser que nous nous livrons à une sorte d’exercice imposé, et ce débat pourrait sembler éthéré compte tenu de la situation internationale.

La commission de la culture s’est attachée au contraire à analyser le budget de cette mission en l’inscrivant tout d’abord dans un constat : la fragilisation avérée de la recherche française, ne serait-ce que face à la concurrence croissante des pays émergents.

En 2008, la part mondiale de la France dans le système de brevet européen était de 6,3 %, contre 8,9 % en 1990.

Toujours en 2008, l’office des brevets des États-Unis a accordé deux fois plus de brevets à des inventeurs d’Asie qu’à des Européens – 31 % contre 16 %.

C’est le premier volet de notre rapport, et, dans cette perspective, nous ne pouvons hélas ! que relever des évolutions budgétaires préoccupantes pour l’avenir de notre pays.

Examinons les chiffres.

Les crédits de la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur » s’élèvent à 25,79 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 25,44 milliards d’euros en crédits de paiement.

Notre collègue Michel Berson, rapporteur spécial, l’a excellemment exposé : l’engagement du Président de la République ne sera pas tenu.

Si l’enveloppe augmente en termes nominaux par rapport au dernier exercice, une baisse de 0,3 % en autorisations d’engagement et de 1 % en crédits de paiement en euros constants se cache en réalité derrière cette légère hausse.

Le budget de la mission, en euros et à périmètre constants, c’est-à-dire hors pensions, crédit d’impôt recherche et investissements d’avenir, est inférieur à celui de 2007.

L’objectif fixé par les conseils européens de Lisbonne et de Barcelone de porter à 3 % du PIB le budget de la recherche en 2010 n’est toujours pas atteint.

Si l’on analyse plus finement cette enveloppe, nous constatons que six des neufs programmes de la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur » consacrés à la recherche voient leurs crédits diminuer, en autorisations d’engagement comme en crédits de paiement. Le programme 192 en constitue l’illustration ô combien paradoxale quand il s’agit de celui de la recherche et de l’enseignement supérieur en matière économique et industrielle.

Les grands organismes de recherche, déjà très affectés par des baisses de crédits l’an dernier, sont de nouveau fragilisés par les évolutions budgétaires pour 2012. Certains de ces organismes ont ainsi été contraints de réduire leur personnel ou de diminuer les crédits accordés à leurs laboratoires, et ce alors même qu’ils se situent aux premières places mondiales dans leur domaine et qu’ils contribuent, par la qualité de leurs équipes, à attirer sur notre territoire les plus grands groupes étrangers, comme nous l’ont confirmé des représentants de Google France.

C’est ainsi que la subvention allouée aux quatre organismes que nous avons auditionnés est en baisse, comme cela a été rappelé : de moins 1,05 % pour l’Institut national de recherche en informatique et en automatique, l’INRIA, à moins 15,1 % pour l’Institut Français du Pétrole-Énergies nouvelles ! Ces fleurons de la recherche française mondialement reconnus pour la qualité de leurs travaux et leur capacité à valoriser leur recherche sont mis à mal par ce budget.

La recherche publique doit être soutenue et les partenariats entre recherche publique et privée favorisés. Quels plus beaux exemples de réussite que les instituts Carnot ?

La commission de l’économie regrette aussi vivement que l’Agence nationale de la recherche, l’ANR, subisse cette année une nouvelle baisse. (M. Jean-Pierre Plancade, rapporteur pour avis, acquiesce.) J’attire votre attention sur le fait que 20 % environ des dossiers présentés sont acceptés. Toutes les agences européennes et mondiales ont estimé que ce seuil était critique : en dessous de 20 %, c’est la crédibilité même de l’ANR qui est entamée, et il serait souhaitable que nous restions dans l’épure des 25 % à 30 %.

J’en viens au crédit d’impôt recherche. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

Ce dispositif apparait désormais comme majeur pour la recherche et développement en France ; il doit être soutenu. Néanmoins, la part prise par le crédit d’impôt recherche pour cette première dépense fiscale de l’État, avec 5,27 milliards d’euros pour 2012, invite à une meilleure maîtrise de cet outil fiscal et à une attention particulière envers les TPE-PME et la création d’emplois.

De même, la commission s’est légitimement interrogée sur les moyens de sécuriser et de contrôler son attribution, sur les critères d’éligibilité, les secteurs bénéficiaires et, plus généralement, sur l’absence d’inscription cohérente dans une logique plus large de soutien global à la recherche.

Enfin, le crédit d’impôt recherche a souvent été présenté comme un outil anti-délocalisation. Nous constatons cependant que, après les sites de production, s’opèrent des délocalisations de centres de recherche et développement d’entreprises ayant bénéficié du crédit d’impôt recherche.

Bref, mes chers collègues, une évaluation globale et approfondie du dispositif s’impose.

C’est dans cet esprit que la commission de l’économie a adopté plusieurs amendements que j’ai eu l’honneur de lui présenter.

En conclusion, l’analyse de ce budget laisse à penser que la pérennité et le développement de notre recherche ne sont pas garantis. Nous le regrettons, car investir pour et dans une économie de la connaissance demeure le meilleur garant du maintien de l’activité économique de notre territoire et donc des emplois actuels et futurs.

Pour toutes ces raisons, la commission de l’économie a émis un avis défavorable sur le budget de cette mission. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Houel, rapporteur pour avis. (Très bien ! sur les travées de lUMP.)

M. Michel Houel, rapporteur pour avis de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, sur le « marché » en pleine reconfiguration de la recherche mondiale, la France n’est plus aux avant-postes, en termes tant de publications que de brevets. À une plus vaste échelle, c’est l’Europe entière qui se trouve distancée, occupant, selon une récente étude, la dix-neuvième place sur quarante-quatre pays.

La raison principale de ce lent déclin est la montée difficilement résistible des « économies nouvelles » : la Chine, qui compte à ce jour autant de chercheurs que les États-Unis, est désormais troisième investisseur en termes de recherche et développement !

Face à cette lente érosion de ce qui constituait jusqu’à peu notre avantage comparatif, la capacité d’innovation, le Gouvernement a décidé d’agir de façon résolue, et nous pouvons lui rendre hommage.

M. Charles Revet. Tout à fait !

M. Michel Houel, rapporteur pour avis. En 2007, le chef de l’État faisait en effet de la recherche et de l’enseignement supérieur sa priorité, promettant d’y consacrer 9 milliards d’euros supplémentaires.

Presque cinq ans après, où en sommes-nous ? N’en déplaise à certains, les engagements ont été respectés, puisque, si l’on inclut le présent budget, 9,39 milliards d’euros supplémentaires auront été alloués à ce secteur.

Conséquence vertueuse, la dépense intérieure en recherche et développement s’est accrue de 15 % depuis 2007.

M. Michel Houel, rapporteur pour avis. Certes, l’effort public en faveur de la recherche est moins spectaculaire pour 2012, du fait d’une conjoncture économique et budgétaire difficile. Mais dans un tel contexte, une augmentation du budget de la MIRES de, respectivement, 1,69 % et 1,02 % en autorisations d’engagement comme en crédits de paiement, pour un total de 25,79 milliards d’euros, me semble tout à fait remarquable.

Il est à noter que, parmi les différents ministères participant à l’effort public en faveur de la recherche, le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche voit ses crédits reconduits cette année.

Certes, les dotations aux grands organismes de recherche sont pour certaines en baisse, du fait des économies demandées à tous les établissements publics de l’État. Lors des auditions, un fait assez symptomatique nous est apparu : des établissements dont les crédits avaient baissé étaient allés chercher des ressources nouvelles à l’extérieur. En outre, certains réussissaient à équilibrer leur budget avec autant d’apports extérieurs que de subventions !

Mais, d’une part, ces économies sont moindres de moitié pour le secteur de la recherche ; sans doute pourrez-vous nous le confirmer, monsieur le ministre. D’autre part, elles sont l’occasion pour les organismes de recherche d’adopter un modèle de financement favorisant leur indépendance, en augmentant leurs ressources propres, comme le font avec succès l’INRIA ou IFP-Énergies nouvelles. Je viens de l’évoquer.

Je dirai enfin quelques mots du crédit d’impôt recherche, dont les vertus ont été vantées récemment dans différents articles de presse, même si c’est une niche fiscale coûteuse.

Le crédit d’impôt recherche est, dit-on, l’instrument fiscal de soutien à la recherche le plus généreux au monde. S’élevant à 5,27 milliards d’euros pour 2012, l’enveloppe qui y est consacrée progresse de 174 millions d’euros, soit 3,3 % supplémentaires. Et c’est heureux lorsque l’on constate ses effets positifs sur le coût du travail, réduit de l’ordre d’un tiers pour les entreprises, sur l’activité économique, largement stimulée, dans un facteur allant de 2 à 4, ainsi que sur l’attractivité à l’égard des entreprises étrangères – oui, mes chers collègues, celles-ci s’installent en France grâce au crédit d’impôt recherche ! – dont le nombre de projets d’investissement en recherche et développement sur notre territoire a plus que triplé entre 2008 et 2011.

Si tous ces éléments, tant sur la mise en perspective des évolutions budgétaires depuis 2007 que sur le projet de budget pour 2012, m’ont conduit à donner un avis favorable à l’adoption des crédits de la MIRES, la commission de l’économie a toutefois voté en sens inverse, et je me devais de vous rapporter ici son avis. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Je vous rappelle aussi que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt-cinq minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.

Mme Catherine Morin-Desailly. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous, parlementaires, sommes bien placés pour connaître le contexte financier particulièrement difficile dans lequel s’inscrit le débat budgétaire aujourd’hui. Aussi, la stigmatisation systématique de l’État accusé de désengagement ne me semble très sincèrement ni honnête ni responsable.

M. Charles Revet. Très bien !

Mme Catherine Morin-Desailly. S’agissant des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur », on peut observer qu’un effort particulier a été fait pour préserver le secteur, comme l’a noté M. Plancade dans son rapport écrit ; il l’a d’ailleurs réaffirmé en conclusion de son intervention ici-même à cette tribune.

Tant pour la recherche que pour l’enseignement supérieur, la légère augmentation des crédits de la mission traduit donc la priorité donnée par le Gouvernement au financement des dépenses d’avenir, dans la droite ligne de la stratégie de Lisbonne.

Il est en effet indispensable de soutenir la montée en puissance des réformes engagées par le Gouvernement, même si, contexte oblige, cela se fait moins vite et moins intensément que prévu. Cette montée en puissance se traduit en termes financiers par des crédits en hausse de 9 milliards d’euros par rapport à 2007. La commission des finances les a, quant à elle, évalués à 5,6 milliards d’euros. Cela se traduit aussi par un fléchage de 60 % des investissements d’avenir ouverts par la loi de finances rectificative de 2010 sur la recherche et l’enseignement, ainsi que par l’augmentation du crédit d’impôt en faveur de la recherche.

Au-delà des finances, le secteur a fait l’objet de réformes structurelles d’importance. Les interlocuteurs ne remettent d’ailleurs pas vraiment en cause le principe de ces réformes qui étaient indispensables. Je pense notamment à la loi relative aux libertés et responsabilités des universités, dite loi LRU, aux pôles régionaux d’enseignement supérieur et de recherche et pôles de compétitivité.

Bien sûr, les objectifs visés par la LRU ne sont pas aujourd’hui complètement réalisés. Il faut donner du temps pour que les nombreux acteurs qui concourent à sa réussite adaptent leur gestion ou leur activité à ce nouveau cadre. Je pense notamment aux huit établissements universitaires visés par le rapport de notre collègue Jean-Pierre Plancade, qui rencontrent des difficultés financières pour la deuxième année consécutive.

Il faut donc veiller, monsieur le ministre, malgré les contraintes budgétaires, à mieux ajuster les dotations des universités par rapport à l’inflation, sans quoi l’autonomie de gestion sera vouée à l’échec !

Ces ajustements, comme ceux qui ont été proposés dans le rapport d’information de 2009 de nos collègues Jean-Léonce Dupont et Philippe Adnot, doivent impérativement être opérés par le ministère pour pouvoir maintenir le cap de la réforme des universités, afin que le paquebot que constitue l’université française ne prenne pas les vagues de face. C’est ainsi qu’il pourra trouver son rythme de croisière…

M. Jacques Legendre. Très bien !

Mme Catherine Morin-Desailly. Au-delà des aspects techniques de l’autonomie des universités, la LRU vise à combattre le fort taux d’échec des étudiants. Aussi sommes-nous attentifs à l’exécution du plan « Réussir en licence » dont vous pourriez, monsieur le ministre, nous donner un état des lieux.

La loi prévoit aussi qu’on investisse davantage dans le domaine de l’insertion professionnelle des étudiants. Elle a clairement confié aux universités une mission « d’orientation et d’insertion professionnelle », notamment en les obligeant à créer un « bureau d’aide à l’insertion professionnelle des étudiants ». Il s’agit malheureusement trop souvent de coquilles vides où ni les étudiants ni le monde socio-économique ne sont intégrés.

Quant à l’appréciation de l’insertion professionnelle, on constate certes que 91,4 % des diplômés de master trouvent un emploi dans les trois ans – heureusement ! –, mais on n’a pas d’éléments d’appréciation qualitative de cette mesure, notamment les niveaux de salaires, les types de contrats, l’adéquation de l’emploi par rapport à la formation. Aussi, monsieur le ministre, nous restons attentifs aux analyses qualitatives sur l’insertion professionnelle.

La reprise économique et l’attractivité de la France passeront indubitablement par la capacité de l’État et des universités, désormais autonomes, à créer des passerelles entre l’enseignement et le monde de l’entreprise. Je tiens à rappeler à cet égard ce que l’on doit à notre collègue anciennement rapporteur Jean-Léonce Dupont, qui, au moment de la LRU, avait dû fortement batailler pour que les conseils d’administration s’ouvrent à des personnalités qualifiées dans ce domaine.

Pour répondre à cet enjeu de la création de passerelles entre ces deux mondes, le moyen de l’alternance semble le plus adéquat pour conjuguer formation et insertion professionnelle. Au niveau de la formation, l’alternance permet de confirmer ou d’infirmer les choix d’orientation. Au niveau de l’insertion, l’alternance semble le seul moyen de renverser la tendance haussière du chômage des jeunes ou encore les très nombreuses « surqualifications » des diplômés sur le marché du travail.

L’alternance généralisée, qui a fait ses preuves dans les formations techniques, ou encore l’immersion précoce dans le milieu hospitalier des étudiants en médecine ne pourraient-elles pas gagner nos universités de droit, de langues, d’économie et de sciences ?

Ce devrait être en tout cas l’objectif numéro un de la formation. En ce sens, des expérimentations pourraient être menées par des universités. C’est précisément la présence de professionnels dans les conseils d’administration des universités qui peut permettre un premier rapprochement entre ces deux mondes.

M. Charles Revet. Très bien !

Mme Catherine Morin-Desailly. Enfin, je ne doute pas que l’employabilité de nos diplômés des universités pourrait être encore améliorée si le niveau de langue, notamment en anglais, était renforcé. Ce n’est pas seulement l’ancien professeur d’anglais que j’ai été qui vous parle ! En effet, monsieur le ministre, force est de constater que l’économie et l’emploi ne connaissent pas de frontières, encore moins au sein de l’Union européenne. La maîtrise et l’approfondissement d’une langue étrangère doivent donc constituer un enseignement obligatoire à chaque étape du cursus universitaire.

S’agissant de l’enseignement supérieur, reste à évoquer l’accompagnement de la vie étudiante. Si on ne peut que se réjouir de l’octroi d’un dixième mois de bourse pour les étudiants, dont j’avais déjà souligné l’opportunité l’année dernière, il faut garder à l’esprit que cette mesure ne suffit hélas pas à résoudre le problème de la paupérisation des étudiants.

Disposant d’un budget extrêmement contraint, les étudiants sont conduits à négliger leur santé : en effet, 15 % d’entre eux tendent à renoncer à des soins pour des raisons financières, et 180 000 d’entre eux ne sont inscrits auprès d’aucun organisme de sécurité sociale alors qu’il s’agit d’une obligation. Monsieur le ministre, pourriez-vous nous détailler les pistes que vous envisagez de poursuivre afin de répondre à cette préoccupation majeure des associations étudiantes ?

Tout aussi préoccupante, la question du logement constitue une contrariété qui s’aggrave sous l’effet conjugué de la hausse des loyers et de la baisse de l’offre de logements, de nombreux bailleurs témoignant leur réticente ou proposant des logements insalubres à des étudiants désarmés.

Dans ce contexte, on ne peut que saluer l’expérimentation menée dans les académies de Lille et Lyon, permettant, grâce au « passeport étudiant », de garantir les loyers du parc locatif privé et d’avancer la caution, par un fonds abondé de 1 million d’euros, géré par la Caisse des dépôts en partenariat avec des banques privées.

Au-delà du parc locatif privé, il est indispensable de poursuivre les efforts destinés à étendre le parc social de logements étudiants afin d’atteindre l’objectif du plan Anciaux : disposer d’une capacité d’accueil de 185 000 chambres à horizon 2016, contre 161 500 aujourd’hui.

Voilà, mes chers collègues, les préoccupations dont je souhaite me faire l’écho concernant l’enseignement supérieur. La poursuite, l’ajustement et l’approfondissement de l’autonomie des universités me semblent constituer un enjeu déterminant, favorisant la dynamique universitaire et les expérimentations dont l’université a besoin ; la vie étudiante doit également mobiliser toute notre attention, car la croissance économique et la cohésion sociale nécessitent une jeunesse bien formée, dans des conditions de vie qui lui permettent de se consacrer pleinement à son apprentissage.

Enfin, je formulerai deux remarques concernant la recherche, sujet que j’ai brièvement évoqué au début de mon intervention.

Premièrement, les études l’attestent, le numérique constitue aujourd’hui un important gisement de croissance, d’emplois et d’innovation. De nouvelles opportunités s’ouvrent dans tous les domaines pour les acteurs les plus entreprenants et les plus innovants de notre pays.

Aussi les investissements de l’État dans ce domaine sont-ils plus que jamais stratégiques. Il faut absolument poursuivre et renforcer le programme issu du grand emprunt, maintenir le crédit d’impôt recherche, inciter au développement de pôles de compétitivité dans ce domaine également, en rapprochant les étudiants, les chercheurs et les entreprises innovantes.

Deuxièmement, les membres du groupe UCR apprécient l’effort consacré au secteur de la recherche et de l’innovation ces dernières années : ils saluent tant les budgets en hausse, les crédits du grand emprunt que le crédit d’impôt recherche.

Certes, il est légitime de souhaiter toujours mieux, chers collègues. Toutefois, j’observe que notre pays n’a jamais consacré autant de moyens à la recherche : Jean-Pierre Plancade le souligne d’ailleurs dans son rapport. (M. Daniel Raoul s’exclame.) Monsieur Raoul, je ne fais que citer les conclusions de notre rapporteur, qui a conduit des travaux au sein de notre commission ! Il est légitime de mentionner son nom.

Mes chers collègues, la France se situe au cinquième rang mondial pour les dépenses intérieures de recherche et développement derrière les États-Unis, le Japon, la Chine et l’Allemagne. Mais, monsieur Daunis, s’il est un sujet majeur aujourd’hui, il s’agit à nos yeux de la mobilisation des acteurs français au niveau européen.

Une fois de plus, face aux défis qui nous attendent, dans la perspective d’une Europe plus intégrée, c’est à cette échelle – en articulant efficacement le programme-cadre de recherche et développement ainsi qu’EUREKA aux programmes nationaux – que la France pèsera réellement au niveau mondial.

C’est également en investissant massivement dans des recherches d’avenir, tels les nanotechnologies, les énergies renouvelables, la médecine ou encore le numérique, que notre pays s’imposera à l’avenir dans des projets industriels de dimension européenne sur les marchés internationaux.

Plus et mieux d’Europe, voilà ce dont la France a réellement besoin ! Telle est la conclusion de mon intervention. (Applaudissements sur les travées de lUCR et de lUMP.)