Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la France est, juste avant la Grèce, l’État européen de l’OCDE dont le taux d’encadrement à l’université est le plus faible.

M. David Assouline. C’est vrai !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. De plus, notre pays se place au quatorzième rang mondial pour l’effort de recherche par rapport à son PIB, et au vingt-sixième sur trente-deux pour la part du budget civil consacré à l’enseignement supérieur et à la recherche.

Cette année encore, les modifications de périmètre ne facilitent pas la comparaison de budget à budget. De fait, il convient de déjouer l’opacité de la LOLF pour vérifier que le Gouvernement n’investit pas dans la recherche et l’enseignement supérieur. (Très bien ! sur les travées du groupe socialiste-EELV.) Entre 2002 et 2012, le budget de l’enseignement supérieur et de la recherche a régressé de 2,23 % du PIB à 2,15 % seulement.

Nous sommes donc loin de la promesse formulée par le Président de la République, d’augmenter chaque année le budget de l’enseignement supérieur de 1,8 milliard d’euros et de consacrer 3 % du PIB à la recherche.

Monsieur le ministre, vous ne cessez de vanter l’action menée en faveur de la recherche et de l’enseignement supérieur : à vous entendre, 9 milliards d’euros auraient été investis en cinq ans dans ce domaine. Toutefois, cette présentation trompeuse confond sciemment autorisations d’engagement et crédits de paiement, et inclut de surcroît les sommes du grand emprunt et le crédit d’impôt recherche.

Chaque année, le ministère gonfle artificiellement son budget, incluant crédits budgétaires et extrabudgétaires, et intégrant des engagements qui, en définitive, ne sont pas consommés.

II y va ainsi des crédits consacrés à l’opération Campus et des investissements d’avenir. Ces derniers ne correspondent pas au montant des fonds placés : ils ne sont financés que par les intérêts de ces sommes, et uniquement lorsqu’ils sont consommés.

Monsieur le ministre, avec 25,7 milliards d’euros en 2012, vous affirmez que la recherche et l’enseignement supérieur « restent prioritaires ». Il faut cependant soustraire à ce montant le transfert du paiement du compte d’affectation spéciale « Pensions » et l’inflation de 1,7 % afin de pouvoir le comparer aux années précédentes.

Dès lors, force est d’observer qu’en réalité le budget de l’enseignement supérieur et de la recherche accuse une baisse.

Cela n’a pas pour autant empêché le Gouvernement de ponctionner 23,1 millions d’euros supplémentaires sur ce budget, au nom de la mise en œuvre du plan de 1 milliard d’euros d’économies.

À ce titre, l’évolution du crédit d’impôt recherche est particulièrement préoccupante : ce dispositif voit ses crédits augmenter en 2012, quoique ayant été condamné par la Cour des comptes.

M. Laurent Wauquiez, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. Il faudrait savoir !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Seule ambition pour la recherche, cette niche fiscale au coût exorbitant n’a créé aucun emploi et n’a donc pas fait preuve de la moindre utilité. Bien au contraire, elle mobilise des fonds publics au service de la recherche privée, sans aucune contrepartie.

Au reste, loin de bénéficier aux PME, le CIR profite à de grands groupes privés, et ne les empêche pas d’investir globalement moins dans la recherche et développement : en effet, le montant des dépenses de recherche des entreprises françaises stagne à 1,3 % du PIB.

Alors même que se multiplient les évaluations pour les chercheurs du secteur public, soumis à compétition pour obtenir le financement de leurs projets, le montant du CIR accordé aux entreprises, qui est fonction du nombre de chercheurs déclaré par celles-ci, ne fait l’objet d’aucun contrôle.

Tandis que le CIR représente 2,5 fois le montant du budget du Centre national de la recherche scientifique, le CNRS, cet organisme de recherche, auquel s’ajoutent l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, l’INSERM, l’Institut national de la recherche agronomique, l’INRA et d’autres institutions voient stagner leurs crédits budgétaires.

La contrainte budgétaire pesant sur ces organismes de recherche constitue une menace pour leur action comme pour l’emploi, réduisant d’autant leur capacité à engager des recherches innovantes et de long terme.

Les dépenses de recherche du CNRS diminuent ainsi de 6 % en 2012, tandis que l’emploi précaire au sein de ces organismes représente plus de 30 % des postes au CNRS et plus de 40 % à l’INSERM.

La politique d’excellence – notamment via les projets IDEX, initiatives d’excellence et LABEX, laboratoires d’excellence – s’apparente quant à elle à un véritable plan social de la science : elle opère en effet une restructuration autour d’une dizaine de pôles à la visibilité mondiale, selon le seul critère de la compétitivité économique.

Ce faisant, une réelle dichotomie se fait jour entre quelques grands établissements d’élite auxquels l’essentiel des moyens est affecté et les autres universités, délaissées, qui accueillent pourtant la majorité des étudiants.

M. Jean-Jacques Mirassou. C’est un système à deux vitesses !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. La concentration des moyens est telle qu’au sein même des universités et laboratoires labellisés, les fonds sont inégalement répartis en faveur des projets qui sont dans le périmètre du projet IDEX.

Cette politique structure un système universitaire à deux vitesses, tout en favorisant le déploiement de partenariats public-privé, dont on sait qu’ils font peu de cas du service public de la recherche et de l’Université. (Mme Françoise Laborde acquiesce.)

Non seulement ces dispositifs sont extrêmement coûteux – chacun d’entre eux mobilise environ 1 milliard d’euros – mais ils ont été mis en œuvre sans la moindre consultation des conseils d’administration ni des conseils scientifiques.

Mes chers collègues, cette situation est catastrophique au regard des difficultés financières qu’éprouvent les universités : huit établissements universitaires sont actuellement en déficit, et sept d’entre eux ont vu leur budget placé sous la tutelle du recteur.

Monsieur le ministre, cette situation est pour le moins contradictoire avec l’objectif affiché d’autonomie des universités : ce faisant, elle illustre bien l’impasse dans laquelle nous mènent les réformes du Gouvernement !

La loi de réforme des universités, la LRU, a en effet transféré aux universités et à leur président la gestion de leur budget, notamment de leur masse salariale.

Mme Françoise Laborde. C’est vrai !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Cependant, l’augmentation du coût des salaires liée au glissement vieillesse-technicité, le GVT, ne peut plus être financée par tous les établissements universitaires tant le désengagement de l’État est important pour ce qui concerne les sommes globales versées aux universités.

Ainsi, les 14,5 millions d’euros du budget compensant le GVT sont insuffisants, d’autant qu’il n’a été établi aucun critère de répartition entre les universités.

Le mode d’autonomie mis en place par la LRU n’a pas permis l’émergence d’espaces de coopération et d’échanges nécessaires sur un même territoire, ayant pour simple effet de créer des superstructures non démocratiques, et renvoyant aux universités la gestion de la pénurie engendrée par un budget de l’enseignement supérieur en berne.

Monsieur le ministre, si vous vous défendez d’appliquer la RGPP à la recherche et à l’enseignement supérieur, ce n’est que pour mieux en déléguer la mise en œuvre aux universités qui, par répercussion, réduisent leur masse salariale et recourent de plus en plus fréquemment aux emplois précaires.

L’emploi contractuel est pourtant déjà très largement présent dans le secteur de la recherche et l’enseignement supérieur, où le nombre de travailleurs précaires est aujourd’hui estimé à 50 000 ! Un grand nombre de jeunes hommes et de jeunes femmes sont actuellement confrontés à des plans massifs de licenciement, afin de ne pas les voir devenir éligibles à la titularisation dans le cadre du projet de loi qui sera examiné en janvier prochain par le Sénat.

Cette précarité pose un autre problème : celui de l’attractivité de ces métiers pour les jeunes. En effet, nous faisons face à une véritable désaffection pour la carrière doctorale : le nombre de docteurs formés actuellement permet simplement de compenser les départs à la retraite.

La situation de la recherche et de l’enseignement supérieur est donc extrêmement préoccupante dans notre pays.

La LRU, l’augmentation démesurée du CIR et les initiatives d’excellence n’ont en réalité d’autres buts que de favoriser l’asservissement de l’Université aux entreprises et la concentration des moyens au sein des quelques pôles censés développer la compétitivité internationale des universités.

Mes chers collègues, le budget 2012 doit être rejeté car il est destructeur…

M. Jean-Jacques Mirassou. Ça, c’est clair !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. … pour le service public de la recherche et de l’enseignement supérieur.

Le CIR doit être révisé, afin d’impulser une réelle dynamique de croissance et d’emplois stables et qualifiés, notamment au travers d’un dispositif d’aides directes réservées aux PME.

Nous sommes certes, avec l’immense majorité des chercheurs, de fervents défenseurs de l’autonomie de la recherche et des universités, mais vis-à-vis des marchés, et donc à l’opposé même de la LRU, qui doit être abandonnée ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Colette Mélot. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme Colette Mélot. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, cette année encore, l’enseignement supérieur et la recherche constituent la priorité budgétaire du Gouvernement et échappent, de ce fait, à l’effort général de réduction des dépenses publiques : globalement, les crédits de paiement du programme s’élèveront à 12,5 milliards d’euros et afficheront une augmentation de 1,9 %.

Notre groupe ne peut donc souscrire à la présentation négative des crédits à laquelle ont procédé les rapporteurs de l’actuelle majorité sénatoriale.

Au contraire, il convient de saluer cet effort budgétaire, d’autant qu’il s’inscrit dans la durée. En effet, en 2007, le Président de la République a fait le choix stratégique d’investir massivement dans l’enseignement supérieur et la recherche, afin de renforcer notre position au sein de l’économie de la connaissance, dans un contexte de forte compétition internationale.

M. Jean-Jacques Mirassou. Il ne faut pas exagérer !

Mme Colette Mélot. Cet effort financier s’est accompagné de réformes structurelles modifiant en profondeur le paysage de l’enseignement supérieur français, sujet sur lequel mon intervention portera plus spécifiquement.

La loi du 10 août 2007 a libéré les énergies en ouvrant la voie à l’autonomie des universités…

M. Jean-Jacques Mirassou. C’est un euphémisme !

Mme Colette Mélot. … et a été suivie d’un ensemble de mesures confiant des compétences et des responsabilités élargies aux universités qui le souhaitaient.

En 2012, 43 millions d’euros seront accordés à ces universités, et nous ne pouvons que nous en féliciter. D’ores et déjà, de nombreux établissements se sont judicieusement nourris des ingénieries des territoires où ils sont implantés.

Je pense par exemple aux pôles du Grand Ouest, qui se sont axés sur les métiers de la mer, au domaine de la résistance des métaux en Lorraine, ou encore aux domaines agroalimentaire et des études volcaniques à Clermont-Ferrand. Cette démarche, qui met en osmose territoires, compétences de pointe et univers de la formation, permettra de se positionner vers l’excellence.

Les pôles de recherche et d’enseignement supérieur, dont vous avez permis et encouragé la création, monsieur le ministre, représentent une extraordinaire dynamique vers le dialogue et la coopération entre les grandes écoles, les universités et les organismes de recherche. On compte vingt et un pôles de ce type aujourd’hui. Cette dynamique doit être renforcée pour mutualiser les énergies et faire émerger des pôles compétitifs à l’échelle nationale et internationale.

Je voudrais répondre à certaines des attaques que nous avons entendues. Je tiens à souligner que l’autonomie accrue des universités a permis d’améliorer la gestion de l’immobilier. (M. Jean-Jacques Mirassou s’exclame.) Plus de 68 millions d’euros sont accordés au-delà de ce qui était prévu en prévision triennale pour répondre à ces besoins.

En ce qui concerne la question des personnels, je souhaite souligner que le ministère a exclu le domaine de l’enseignement supérieur de la règle du non-renouvellement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. (Mme Brigitte Gonthier-Maurin s’exclame.)

Enfin, certains établissements peuvent connaître des difficultés momentanées, ce qui n’est pas anormal dans la période d’ajustement. Sur 173 établissements, seuls 7 sont concernés. Je vous serais reconnaissante de bien vouloir faire le point sur ce sujet, monsieur le ministre.

Je souhaiterais également parler des conditions de vie étudiante.

M. Jean-Jacques Mirassou. Ah oui ! Parlons-en !

Mme Colette Mélot. Le Gouvernement a annoncé que l’amélioration des conditions de vie et d’études était une priorité pour 2012. Je ne peux que me réjouir d’une telle détermination, car nous savons que ces conditions essentielles participent fortement à la réussite des étudiants. Ainsi, les crédits consacrés à la vie étudiante augmenteront de 39 millions d’euros en 2012.

Depuis 2007, les réformes des bourses ont permis d’accroître significativement le nombre de jeunes bénéficiaires. De trop nombreux étudiants, notamment les plus modestes des classes moyennes, étaient laissés en dehors du dispositif de bourse. Depuis quatre ans, le Gouvernement a augmenté significativement le seuil d’obtention, de 2,2 SMIC à 3,3 SMIC, permettant ainsi à plus de 25 % d’étudiants supplémentaires de bénéficier d’une bourse pour leurs études. Le montant des bourses a été revalorisé, ce qui n’avait pas été le cas depuis longtemps.

La rentrée 2011–2012 a vu aussi le versement effectif d’un dixième mois de bourse, grâce aux 15 millions d’euros supplémentaires du programme « Vie étudiante » par rapport à la prévision triennale. Je tiens à saluer cette mesure, qui est logique eu égard à l’évolution des rythmes d’études, mais qui méritait une détermination forte pour dégager les moyens financiers nécessaires ; vous l’avez eue, monsieur le ministre, et je ne peux que vous en féliciter.

Enfin, autour du système de bourse, a été développé, pour les jeunes en dessous des critères sociaux, le Fonds national d’urgence, dont les crédits ont été établis à 40 millions d’euros en 2011–2012.

J’évoquerai également la problématique du logement étudiant, pour rappeler les avancées réalisées depuis 2007 et qui se poursuivent dans ce budget pour 2012.

Le nombre de jeunes quittant le domicile familial afin de poursuivre leurs études est en augmentation.

Pour suivre cette évolution, depuis 2007, le budget consacré au logement étudiant a doublé et un important effort de construction et de réhabilitation a été conduit, permettant de dépasser en 2010 les objectifs fixés par le plan Anciaux. Cet engagement n’était pas simple à tenir, pourtant vous l’avez fait progressivement en investissant fortement dans cette politique. En 2012, 4 200 réhabilitations et 4 100 constructions seront réalisées.

Je souhaite également évoquer les dispositifs expérimentaux lancés en 2011 dans deux académies pour prendre en charge la caution solidaire et l’octroi d’un prêt pour apporter le dépôt du mois de garantie. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire si ces dispositifs seront pérennisés et étendus à d’autres académies ?

Enfin, il est nécessaire que les régions soutiennent l’action de l’État et s’engagent dans des investissements dans le domaine du logement étudiant. Or je déplore qu’elles ne prennent pas toutes, aujourd’hui, leur part de responsabilité dans ce domaine. (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

M. Daniel Raoul. C’est fort de café !

M. Marc Daunis, rapporteur pour avis. Il faut une clause de compétence générale !

Mme Colette Mélot. Au-delà des progrès déjà réalisés, je souhaiterais cependant que soient encore davantage prises en compte les questions de qualité de vie et de santé des étudiants. Je pense notamment à l’accès aux soins spécialisés – l’optique, les soins dentaires ainsi que l’accès aux mutuelles –, qui entraînent des enjeux financiers non négligeables pour les jeunes.

Enfin, n’oublions pas la finalité de l’enseignement supérieur. Il s’agit de développer les compétences et les qualités de nos jeunes pour les préparer aux exigences de la vie professionnelle et leur ouvrir les portes de leur avenir professionnel. C’est pourquoi je pense…

M. Daniel Raoul. Il ne faut pas penser ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

M. Jean-Jacques Mirassou. Il ne faut pas qu’elle pense ! (Même mouvement.)

Mme Colette Mélot. … qu’il faudra encore encourager et multiplier les liens entre les milieux professionnels, les écoles de formation et les universités. Il faut que l’entreprise entre dans l’université,…

M. Jean-Jacques Mirassou. Non, non et non !

Mme Colette Mélot. … en développant les partenariats, les intervenants, les rencontres, et que l’enseignement supérieur accompagne le passage en entreprise. Tous, étudiants comme professionnels, gagneront à une meilleure connaissance mutuelle, qui sera gage de confiance réciproque.

Monsieur le ministre, le budget que vous nous présentez est, cette année encore, fort encourageant pour l’enseignement supérieur. Le groupe UMP le votera avec conviction. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – Mme Catherine Morin-Desailly et M. Philippe Adnot, rapporteur spécial, applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Maurice Vincent.

M. Daniel Raoul. Cela va être un autre ton !

M. Maurice Vincent. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, chacun le sait, l’enseignement supérieur et la recherche constituent des enjeux majeurs pour l’avenir de notre pays, les créations futures d’activités et d’emplois et la compétitivité de notre économie. Son financement mais aussi son organisation impactent concrètement les conditions de vie de plus de 2 300 000 étudiants, et méritent donc une attention particulière.

J’aborderai surtout les deux premiers points dans mon intervention, puisque l’un de nos collègues insistera après moi sur les conditions de vie étudiante.

Concernant le budget pour 2012, beaucoup de choses ont été dites, mais il me semble que l’on peut s’accorder sur des constats objectifs, notamment sur le fait que, aujourd’hui encore, la dépense annuelle moyenne de notre pays par étudiant est nettement inférieure à ce que l’on observe dans les autres pays industrialisés. Nous avons donc encore beaucoup d’efforts à faire pour mettre à niveau notre enseignement supérieur et notre recherche. Je ne reviens pas sur les chiffres ; ils ont été donnés par plusieurs orateurs.

En 2007, le Gouvernement annonçait une politique ambitieuse visant à octroyer à nos universités et instituts de recherche des moyens supplémentaires pour leur permettre de rattraper leur retard et, notamment, d’améliorer leur position dans le classement de Shanghai.

Les objectifs n’ont pas été atteints, et nous sommes loin aujourd’hui du milliard d’euros promis pour l’enseignement supérieur et des 800 millions d’euros annoncés pour la recherche. Les chiffres sont incontestables.

Le budget pour 2012, – c’était déjà un peu le cas du budget de 2011 – marque une décélération, voire un arrêt de l’effort qui avait été engagé précédemment. Surtout, il ne compense pas les charges qui sont transférées aux universités, en particulier quant au coût de la masse salariale, en raison d’une mauvaise prise en compte du glissement vieillesse-technicité, le GVT.

Il en ressort nécessairement des difficultés pour plusieurs établissements, d’autant qu’il convient aussi d’intégrer, dans les comptes des universités, les coûts liés à l’autonomie et la prise en considération du recul de l’âge de départ en retraite, qui pèse sur les charges de personnel.

En conséquence, – nous avons déjà évoqué ce point en commission, monsieur le ministre – les universités gèlent leurs recrutements, voire suppriment certains postes, alors même que 50 % des chercheurs français partiront à la retraite d’ici à dix ans. C’est un enjeu majeur : sans remplacement de ces chercheurs, nous ne disposerons plus des mêmes moyens pour favoriser le développement de notre pays, alors que nous avons déjà pris du retard.

Je voudrais également attirer votre attention sur la question du patrimoine immobilier, monsieur le ministre. La loi permet le transfert de la gestion de ce patrimoine aux universités, mais, jusqu’à présent, seuls trois établissements ont obtenu cette dévolution. En réalité, la plupart des universités ne sont pas candidates, car elles voient bien que la gestion de ce patrimoine engendrera des charges extrêmement lourdes.

Il y a dans la gestion du patrimoine universitaire une vraie bombe à retardement, tout simplement parce que, depuis dix ans au moins, les crédits budgétaires sont insuffisants. On risque donc d’assister à une dégradation de la qualité des amphithéâtres, des salles de cours et des laboratoires de recherche. Si j’ai bien compris les propos de notre collègue Colette Mélot, cette question pourrait être déléguée aux régions, mais il s’agirait alors d’un nouveau transfert massif de charges vers les collectivités territoriales.

M. Jean-Jacques Mirassou. Une fois de plus !

M. Maurice Vincent. Comme le souligne la conférence des présidents d’université, « les moyens financiers consentis à notre système d’enseignement supérieur demeurent très en deçà de ce qui serait nécessaire pour rattraper le retard accumulé du niveau de financement des universités françaises ». En d’autres termes, vous n’avez pas donné à ces dernières les moyens de leur autonomie.

Il est paradoxal de constater que, deux ans seulement après le lancement de l’autonomie, cinq établissements rencontrent des difficultés de gestion, d’autant que d’autres universités pourraient bientôt être touchées.

Je me permettrai d’esquisser une ou deux solutions qui me semblent relever du bon sens.

Je ne pense pas que les rectorats et le ministère aient les moyens réels de gérer directement tous ces budgets à la place des établissements. Il me semble donc indispensable de prendre une autre orientation. Il s’agirait de renforcer durablement l’encadrement technique et administratif supérieur des universités afin qu’elles aient les moyens d’une gestion autonome. (Mme Maryvonne Blondin s’exclame.)

Nous voyons tous poindre à l’horizon la sollicitation financière des collectivités territoriales. J’en profite pour souligner combien nos villes, nos agglomérations et nos régions sont offensives en la matière. (Mme Maryvonne Blondin s’exclame de nouveau.)

Mme Dominique Gillot, rapporteure pour avis, et M. Jean-Jacques Mirassou. Sans oublier les départements !

M. Maurice Vincent. Elles agissent bien au-delà des limites de leurs compétences, car elles ont conscience de l’enjeu que représente l’université pour leur territoire. (Mme Sophie Primas s’exclame.)

Celles qui le souhaitent doivent pouvoir poursuivre cet effort sans être contraintes au grand écart permanent. S’ils devaient se poursuivre, les transferts de charge devraient donc donner lieu à des compensations.

Le deuxième point de mon intervention porte sur l’organisation de notre système d’enseignement supérieur et de recherche. La loi de 2007 a certes rendu les universités autonomes, mais, dans le même temps, le Gouvernement a aussi voulu favoriser des regroupements d’établissements à travers les pôles de recherche et d’enseignement supérieur, les PRES.

Parallèlement, des institutions nouvelles ont été créées, comme l’Agence nationale de la recherche. Je ne conteste pas son efficacité, mais, dans le même temps, les moyens du CNRS ont diminué. Le plan Campus a quant à lui fait l’objet de modalités de financement totalement hors normes, avec l’appel à des partenariats public-privé, qui n’ont pas fonctionné. Depuis deux ans, le grand emprunt vient compléter le dispositif. Tout cela devient très compliqué, et je pense que nous devrions rapidement réfléchir à une simplification de l’organisation de notre système pour le rendre plus efficace.

En ce qui concerne le grand emprunt, chacun aura compris que les 21 milliards d’euros prévus pour l’enseignement supérieur et la recherche relèvent surtout de l’effet d’annonce. En réalité, et même si l’effort est réel, la somme est bien moindre, puisque 15 milliards d’euros constituent un capital bloqué dont on ne peut utiliser que les intérêts.

Quant au plan Campus, j’attire à mon tour votre attention sur le risque de voir se constituer en France des universités à deux vitesses, mes chers collègues. Des moyens importants vont en effet être concentrés sur les bénéficiaires du grand emprunt. Soyons très attentifs à ce que les universités petites et moyennes, qui disposent toutes de secteurs d’excellence, puissent y trouver leur place. Sinon, nous risquerions de voir notre système voler en éclats.

Enfin, je terminerai mon intervention sur un problème qui m’inquiète tout particulièrement, et sur lequel nous devrions, me semble-t-il, agir rapidement. Je veux parler de la multiplication, depuis quelques années, du système des préparations privées pour entrer dans l’enseignement supérieur. (Mme Maryvonne Blondin et M. Jean-Jacques Mirassou s’exclament.)

Nous avons une multiplication des préparations à Sciences Po, le coût varie de 2 000 euros à 7 500 euros par an. Certaines prépas privées incitent même les jeunes à préparer le concours dès la classe de première.

En faculté de médecine, pour la première année et maintenant pour l’internat, nous assistons également une multiplication de ces dispositifs avec des coûts allant presque jusqu’à 10 000 euros. Nous sommes là devant un problème de société majeur, car ce n’est rien de moins que la remise en cause de l’égalité d’accès aux études supérieures pour tous et pour toutes. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV. – Mme Françoise Laborde applaudit également.) Nous allons vers une sélection par l’argent. (Mme Sophie Primas s’exclame.)

Monsieur le ministre, j’attire votre attention sur ce point. Il faut agir rapidement, me semble-t-il, pour maîtriser cette question, et rétablir si possible l’égalité devant des études qui ont ensuite un impact essentiel sur la vie des personnes concernées.

Mes chers collègues, vous comprendrez que, dans ces conditions, je ne puisse pas approuver ce budget pour l’année 2012. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC. – M. Jean-Pierre Plancade, rapporteur pour avis, applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Laborde.

Mme Françoise Laborde. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, l’enseignement supérieur et la recherche sont des moteurs essentiels de la croissance économique et du progrès. Ainsi, les crédits soumis à notre approbation, aujourd’hui, ont pour vocation, notamment, mais pas seulement, de contribuer au développement de nouveaux métiers et de nouveaux gisements d’emplois. Ils doivent aussi permettre d’assurer l’élévation du niveau de connaissances et de l’innovation.

Dans cette perspective, il est essentiel que ces deux secteurs d’activité soient épargnés par les coupes claires infligées à la plupart des autres missions du projet de loi de finances pour 2012.

À mes yeux, vous l’aurez compris, nous avons un devoir, celui d’assurer le financement de la recherche et de l’enseignement supérieur, qui constitue un investissement dans l’avenir bien plus qu’une charge.

J’en conviens, monsieur le ministre, vos services ont déployé des efforts pour limiter les dégâts, comme vous nous l’avez très justement rappelé lors de votre audition en commission : avec les « investissements d’avenir ou encore les 20 milliards d’euros du plan de relance et les 5 milliards d’euros pour l’opération Campus ».

Il en résulte que les crédits de la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur », la MIRES, apparaissent cette année encore en augmentation, mais en euros constants ; cette augmentation ne suffit donc pas à compenser l’inflation.

La part de notre PIB consacrée à la recherche reste, cependant, encore loin de l’effort fourni par les États-Unis qui oscille entre 2,5 % et 3 % ou encore par le Japon, dont les crédits affectés à ce poste dépassent 3,5 %. Nous restons en deçà de l’objectif fixé de 3 % du PIB et la France peine à retrouver une bonne place dans le classement international établi par l’OCDE. Souvenons-nous qu’elle occupait la sixième place en 1995.

Pourtant, les dotations attribuées aux grands organismes progressent très légèrement, comme pour le Centre national de la recherche scientifique ou encore pour le Centre national d’études spatiales et les emplois y sont préservés. Pour l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, il s’avère que cette hausse pourrait s’expliquer par l’absorption de l’Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites virales et des crédits du plan cancer.

Comme l’a souligné notre rapporteur, le financement de programmes comme le PIA – Programme d’investissements d’avenir – permet aussi d’aller dans le bon sens et de faire émerger des domaines novateurs. Encore faut-il s’astreindre à clarifier le rôle des différents acteurs. D’ailleurs, quand c’est effectivement le cas, les résultats d’un bon pilotage stratégique ne se font pas attendre. Les « alliances » et instituts thématiques sont très importants.

Dans ce contexte, peut-être pourrez-vous m’expliquer, monsieur le ministre, la diminution des crédits d’intervention de l’Agence nationale de la recherche, principal opérateur des appels à projets dans le cadre du PIA.

La stimulation de la recherche passe aussi par la réforme fiscale engagée par votre ministère en 2008, celle du crédit d’impôt recherche, qui, en 2010, a coûté 4,7 milliards d’euros. Pourtant, elle n’a pas tenu toutes ses promesses, notamment à cause des effets d’aubaine qu’elle génère de la part de certaines grandes entreprises et de leurs filiales, qui n’hésitent pas à embaucher de « vrais faux thésards » – selon l’expression de la présidente de la commission de la culture – dans le seul but d’alléger leurs impôts. Le crédit d’impôt recherche a pourtant été mis en place pour soutenir la politique industrielle et l’innovation en France.

En juin 2010, un rapport parlementaire vous invitait à élaborer des outils d’évaluation de la performance de ce dispositif : qu’en est-il concrètement aujourd’hui, monsieur le ministre ?

Une hausse de 1,1 % du coût du crédit d’impôt recherche, le CIR, est prévue pour 2012. Cet effort est primordial car il permettrait de générer d’ici à quinze ans une croissance du PIB de 0,3 point ; ce chiffre nous ouvre des perspectives de développement, notamment pour les nouvelles filières. Il semble cependant évident que le dispositif doit aujourd’hui être révisé afin d’éviter qu’il ne soit pas qu’une niche fiscale au bénéfice des entreprises les plus puissantes. Je suis favorable à la réorientation du CIR pour l’adapter au monde des PME, faire en sorte de les inciter à y avoir recours et aussi, dans un même élan, assouplir de toute urgence les formulaires des contrats CIFRE, ou Conventions industrielles de formation par la recherche, pour en faciliter la mise en œuvre.

Enfin, je déplore, comme un certain nombre de nos collègues, les dégâts causés par les revirements brutaux de votre politique fiscale, par exemple, en ce qui concerne la filière des énergies renouvelables et, en particulier, celle du photovoltaïque. (M. Jean-Pierre Plancade, rapporteur pour avis, opine.) Combien de dépôts de bilan d’entreprises et d’emplois perdus à ce jour, dans un secteur qui conserve un énorme potentiel pour l’avenir en matière de recherche et de développement durable ?

Ce gâchis fait écho à une autre situation à laquelle vous n’apportez pas de solution budgétaire, celle de la fuite des cerveaux.

De trop nombreux chercheurs quittent encore notre pays, et ceux qui restent en France s’inquiètent de l’insuffisante prise en compte de leurs préoccupations, notamment en matière de salaires. Ce n’est pas une révélation, mais vous n’y répondez pas par des créations de poste de chercheur ou de maître de conférences.

Cette fuite des cerveaux est d’autant plus alarmante qu’elle dure déjà depuis plusieurs années. Sur le terrain, les euros ne sont pas au rendez-vous, les salaires proposés aux jeunes chercheurs restent rédhibitoires. Après dix ans d’études, pour des jeunes adultes en âge de fonder une famille, on peut comprendre la tentation de l’émigration quand le traitement qui vous est proposé dépasse difficilement 1 600 euros par mois.

Le budget de l’enseignement supérieur reste lui aussi insuffisant, notamment dans son volet « vie des étudiants », comme nous l’a démontré notre rapporteure pour avis Mme Gillot.

Le versement d’un dixième mois pour les boursiers est certes plus en adéquation avec la réalité de leurs charges. C’est positif mais insuffisant dans le contexte de grave crise économique que nous traversons. Surtout, nous ne sommes pas assurés de la pérennité de ce dispositif.

Vous n’apportez pas de réponse à la question du logement des étudiants ni à leur situation de grande pauvreté, comme l’ont souligné les orateurs précédents.

Selon des études récentes, 30 % des étudiants sont obligés de travailler afin de poursuivre leurs études, 20 % renoncent purement et simplement à se faire soigner, faute de moyens et la hausse de la taxe sur les mutuelles n’arrangera rien, comme l’a très justement rappelé Mme la rapporteure pour avis des crédits de l’enseignement supérieur. Certaines enquêtes attestent même le recours de plus en plus fréquent à la prostitution « ponctuelle » pour s’en sortir. Comme notre rapporteur, je m’interroge : quelles mesures dans votre budget sont destinées à lutter contre la misère des étudiants ? Comment en est-on arrivé là ?

Avant de conclure, je voudrais évoquer les crédits des universités. En tant qu’élue de la Haute-Garonne, je suis, bien sûr, satisfaite des crédits accordés à l’université de Toulouse, notamment dans le cadre du plan Campus, mais je constate que la recherche de l’excellence se fait dans un esprit parfois trop élitiste.

Il y a un an déjà, j’avais demandé à votre prédécesseur qu’un premier bilan de l’application de la loi relative aux libertés et responsabilités des universités soit établi, car il semble que, à ce jour, les universités soient encore trop inégalement traitées. Quels crédits mobilisez-vous dans ce budget pour lutter contre les inégalités territoriales ?

Il s’avère, en effet, que les universités de plus petite taille dites « de territoire » devraient rencontrer cette année les pires difficultés pour boucler leurs budgets. Celles-ci sont imputables non pas à une gestion fantaisiste de ces établissements, mais plutôt à l’insuffisance de leurs dotations de fonctionnement et des transferts de l’État pour compenser leurs charges. Est-ce le prix de l’autonomie des universités ?

Les inégalités territoriales ne doivent pas être creusées, elles doivent plutôt être aplanies par les projets de loi de finances, et je doute que ce soit le cas pour 2012.

Monsieur le ministre, si les efforts budgétaires sont, par certains aspects, encourageants, le chemin est encore long. Il reste beaucoup à faire pour rattraper le retard que nous avons accumulé en matière de recherche…