Mme Mireille Schurch. Monsieur le ministre, en vous exprimant devant les députés, vous vous êtes déclaré « profondément convaincu que l’avenir de l’agriculture ne se jouera pas sur l’augmentation ou la baisse du budget du ministère de l’agriculture. » Vous avez même ajouté ceci : « Ne laissons pas croire aux paysans français que c’est sur les crédits du ministère que se joueront leur compétitivité et leur capacité à réussir demain ! ».

S’il est vrai que la politique agricole commune pèse bien plus que le budget national de l’agriculture, cela ne doit pas pour autant permettre de justifier le coup de rabot de 22 millions d’euros sur le budget de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales », qui fait suite à ceux des années précédentes et à la révision générale des politiques publiques, la RGPP, que nous n’avons de cesse de condamner.

La politique agricole nationale doit, certes, permettre le maintien des grands dispositifs nationaux de solidarité et d’aménagement du territoire que sont la prime à la vache allaitante, l’indemnité compensatrice de handicap naturel et la prime herbagère agro-environnementale.

Au-delà, des questions aussi essentielles que le revenu agricole, la formation, l’agronomie, la transmission, la diversification des modes de production ou le volet sanitaire relèvent, pour beaucoup, de l’impulsion que peut donner le budget de l’agriculture.

L’urgence d’une nouvelle loi d’orientation agricole se fait sentir, au regard de l’évolution actuelle de l’agriculture française. Nous formons donc le vœu que les conditions soient réunies au mois de juin 2012 pour proposer autre chose à la « ferme France » et pour infléchir la PAC 2014-2020 dans un sens plus équitable.

Monsieur le ministre, vous avez longuement évoqué la question de la compétitivité. La réduction du coût du travail n’est pas une option que nous partageons. Pour réduire d’un euro le coût du travail des plus bas salaires des travailleurs agricoles, d’une part, vous reprenez de l’argent dans la poche de tous les agriculteurs, y compris ceux qui n’emploient pas de salariés, et ce par le relèvement de la taxe intérieure de consommation sur le nouveau gazole, et, d’autre part, vous taxez doublement les boissons sucrées, ce qui pénalisera les jeunes et être contre-productif en matière de lutte contre l’alcoolisme.

Avouez que ce tour de passe-passe à 220 millions d’euros ne convainc personne, pas même ses prétendus bénéficiaires. La dégressivité du système, au-delà de 1,1 fois le SMIC est une « machine à perdre », pour reprendre la formule employée par Angélique Delahaye, présidente des Producteurs de légumes de France, qui ajoute : « Mieux nous payons nos salariés, moins nous recevons d’allégements. »

La productivité, autre volet de la compétitivité, trouve également ses limites quand une truie atteint les 28 porcelets à l’année, quand une vache dépasse les 15 000 litres de lait ou quand un hectare de maïs ou de blé peut produire entre 80 et 120 quintaux. Ces objectifs insensés épuisent les sols et les animaux.

Les pistes qui consisteraient à rogner sur le volet social et le volet environnemental pour améliorer productivité et compétitivité n’ont pas d’avenir. Vous avez raison quand vous dites qu’on ne peut pas systématiquement tordre le cou des paysans ou faire du dumping social. Mais, de grâce, passons aux actes !

Les outils que vous avez mis en place restent insuffisants à nos yeux. Je veux évoquer, d’une part, la contractualisation, et, d’autre part, l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires.

L’exemple des négociations entre les producteurs de lait et Lactalis montre toutes les difficultés d’une contractualisation qui se voudrait équilibrée.

M. Yannick Botrel, rapporteur spécial. Très juste !

Mme Mireille Schurch. Monsieur le ministre, quand comptez-vous publier le décret portant création des organisations de producteurs, que ces derniers attendent ? J’espère obtenir une réponse de votre part. Les producteurs tentent d’imposer un accord tripartite, ce que refuse Lactalis, qui les pousse à signer des contrats individuels et à accepter des conditions à son avantage, notamment en matière de rupture contractuelle.

Par ailleurs, l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires a publié son premier rapport le 27 juin dernier.

Il en ressort des données intéressantes. La marge commerciale représente en moyenne entre 35 % et 59 % du prix au détail selon les fruits et légumes, 35 % pour l’emmental, 30 % pour le yaourt. Pour la viande porcine, la marge brute des grandes et moyennes surfaces représente plus de 50 % du prix au détail de la longe et 45 % de celui du jambon cuit.

Tous cela montre que la part restant au producteur peut être modulée en sa faveur, afin d’assurer un revenu agricole décent, de pérenniser nos exploitations et de renforcer nos capacités productives. Il reste à faire preuve d’imagination, à avoir la volonté politique d’intervenir dans la répartition des marges, avec, pour point de départ, la fourchette incompressible de la marge indispensable au premier maillon de la chaîne, celui de la production.

Monsieur le ministre, il n’est pas dans nos habitudes de ne pas souligner ce qui nous paraît positif. Aussi, nous vous remercions d’avoir modifié par décret l’article du code des marchés publics relatif aux circuits courts dans la restauration scolaire, qu’évoquait Raymond Vall à l’instant. Nous espérons que ce dispositif ne sera pas remis en cause et qu’il permettra de faciliter l’achat de produits locaux pour nos collectivités. Cela devrait également contribuer à une amélioration qualitative et diététique, objectif, que nous partagions dès l’origine, inscrit au titre Ier de la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche.

Bien d’autres sujets ont émaillé cette année 2011. Je pense notamment à la sécheresse.

L’acompte de 100 millions d’euros, l’anticipation du versement des aides PAC et la facilitation des transports de fourrage ne sont, certes, pas des mesures négligeables pour atténuer les effets de la sécheresse.

Mais, dans mon département de l’Allier, la règle fondée sur un taux de 13 % de perte de revenus a privé un certain nombre d’éleveurs de ces aides. Pour cette raison, l’enveloppe de 12,5 millions d'euros que vous avez mise à la disposition du département ne serait pas entièrement consommée.

Monsieur le ministre, je me permets donc de relayer auprès de vous une demande des agriculteurs des exploitations tout en herbe : ceux-ci souhaitent un système de calcul plus favorable, qui pourrait fonctionner, par exemple, sur la base de 45 % de fourrage perdu. Je vous saurais gré de bien vouloir m’apporter une réponse aujourd'hui.

Les propositions du Président de la République concernant le stockage de l’eau appellent un véritable engagement financier pour ne pas se réduire à un affichage supplémentaire. Le stockage de l’eau concerne essentiellement le dépannage des cultures d’irrigation. Il conviendrait de lever les intérêts divergents entre EDF et le pompage de l’eau, notamment l’été. D’autres mesures de réduction des cultures gourmandes en eau, d’assolement et de rotation des cultures, de stockages régionaux de fourrages mériteraient d’être étudiées et réalisées.

Je voudrais maintenant évoquer brièvement la PAC 2014-2020, dont l’avenir reste incertain dans le contexte actuel de crise et de dette des États.

Le maintien du budget de la PAC, le plafonnement des aides et le verdissement sont a priori des mesures qui vont dans le bon sens. Cependant, il faudra rester prudent et examiner avec attention les conditions d’attribution. Par exemple, il est très inquiétant de voir que la première région agricole de France, la Bretagne, perdrait 120 millions d’euros après 2013, soit une perte moyenne de 70 euros par hectare.

L’abandon des quotas laitiers et la suppression du régime des droits de plantation sont des mesures obtenues par les pays les plus ultralibéraux, mesures qui contribueront à déréguler encore davantage le marché.

Au sein de cette nouvelle PAC, le traité de Lisbonne et les règles de la concurrence libre et non faussée continuent de s’appliquer. Dans le cadre de l’OMC, l’abaissement des droits de douane, ainsi que le troc entre notre agriculture et les produits manufacturés se poursuivent. Nos priorités devraient être ailleurs : il s’agit de nourrir les 500 millions d’Européens, de faire bénéficier de notre coopération les pays les plus démunis, d’assurer des revenus décents aux producteurs et de mettre au point l’agriculture de demain, à la fois productive et durable.

À cette fin, l’obligation de trois cultures irait dans le bon sens. Monsieur le ministre, les précédentes réformes de la PAC ont été désastreuses, et celle qui nous arrive est plus qu’imparfaite. Un débat sur les résultats du dernier recensement général agricole devrait permettre une analyse plus fine des dégâts entraînés par les politiques agricoles mises en œuvre. Dans ce contexte, les mesures d’aide en faveur de l’installation des jeunes agriculteurs pourraient-elles s’appliquer, comme cela est demandé dans mon département, avec une rétroactivité de cinq ans ? J’attends aussi votre réponse à cette question.

Les sénateurs communistes ont proposé, lors de l’examen des différents textes, les mesures qu’ils jugent indispensables pour assurer des revenus agricoles aux travailleurs du secteur permettant de vivre dignement, pour rompre le cercle vicieux du déséquilibre dans les rapports commerciaux, qui pèse à la fois sur les agriculteurs et sur les consommateurs, dont le pouvoir d’achat est au plus mal.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, nous défendons une agriculture durable, dans notre pays comme dans le monde. Ce projet de budget n’est pas à la hauteur du changement radical de politique agricole qu’il convient d’engager, le Gouvernement ne paraissant pas en avoir la volonté. Vous le comprendrez donc, les sénateurs de mon groupe voteront contre les crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales ». (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)

M. le président. La parole est à M. Charles Revet. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Charles Revet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le ministère de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l’aménagement du territoire a pris sa part de responsabilité dans la lutte contre les déficits. Son budget a, en effet, été élaboré dans le strict respect des plafonds de crédits arrêtés par le Parlement dans le cadre de la loi du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014. Il a également le mérite de tenir les engagements pris au cours des années précédentes. C’est notamment le cas des crédits dédiés aux mesures concourant au revenu des exploitants agricoles.

En effet, vous avez souhaité retenir, monsieur le ministre, un certain nombre de priorités pour 2012, en réponse, dans la plupart des cas, à une situation conjoncturelle particulièrement difficile.

Ces priorités répondent à la nécessité soit d’apporter des solutions à la situation économique dégradée de nombreuses filières, soit de renforcer la compétitivité de l’agriculture française.

J’évoquerai les plans stratégiques de développement des filières, la reconduction des compléments nationaux aux soutiens communautaires, avec le maintien d’une enveloppe constante pour les indemnités compensatoires de handicap naturel, les ICHN, ou les primes herbagères agro-environnementales, les PHAE, prorogées jusqu’en 2014, ou encore d’une politique en faveur d’un développement équilibré de la forêt.

L’installation des jeunes agriculteurs reste un axe important de ce budget, et il faut s’en féliciter. L’enveloppe budgétaire consacrée à la politique d’installation avait enregistré en 2009 une augmentation importante de 13,3 %, pour accompagner la réforme des parcours à l’installation. Depuis lors, elle est reconduite à l’identique, et ce sera encore le cas pour 2012.

Il s’agit donc d’un budget qui permet de contribuer à la compétitivité de l’agriculture française, celle-ci passant par la maîtrise des coûts de production, la dotation au titre des charges patronales pour l’embauche de travailleurs occasionnels étant stabilisée.

Parallèlement, un allégement de charges de 210 millions d’euros pour le travail permanent est venu en complément, et il faut s’en réjouir. En effet, nos collègues députés ont adopté un amendement visant à mettre en œuvre un dispositif d’abaissement du coût du travail des salariés permanents dans l’agriculture. Nous le savons, l’emploi salarié permanent ne représente malheureusement que 15 % des emplois du secteur de la production agricole, et il a tendance à diminuer depuis quelques années.

Cette mesure vise à enrayer la précarisation des emplois agricoles et à favoriser l’embauche de salariés permanents. Nous vous remercions, monsieur le ministre, d’y avoir été favorable. Bien évidemment, ce dispositif d’exonération des cotisations doit être soumis à l’examen de la Commission européenne.

Une telle disposition marque une avancée dans la prise en compte de la problématique relative à l’emploi permanent, bien qu’elle ne permette pas de ramener le coût du travail en France aux niveaux observés dans d’autres pays de l’Union européenne.

En Allemagne, par exemple, le coût du travail n’est pas le même. Nous savons que les emplois agricoles y sont massivement occupés par des intérimaires étrangers, mis à disposition par des sociétés prestataires de service dont le siège est situé hors d’Allemagne. Même s’il existe une rotation des personnes, cette main-d’œuvre n’est pas occasionnelle, et fait partie intégrante du process de production. Les conséquences sont des coûts sensiblement plus faibles.

On assiste de plus en Allemagne à la prédominance d’installations modernes dans près de 85 % des fermes, permettant aux agriculteurs d’utiliser l’énergie créée dans le cadre de leurs propres productions agricoles. C’est ainsi qu’il existe aujourd’hui 4 000 installations de biogaz, pour une capacité totale de production d’énergie de 1 400 mégawatts. Au niveau européen, l’Allemagne se place en tête en matière de biogaz, avec une part de 50,5 % de la production.

Le développement des installations de méthanisation dans ce pays, notamment pour l’élevage du porc, a bien entendu une incidence sur le prix de revient de la viande porcine et sur la compétitivité des ateliers de production porcine.

Dans le secteur du porc, l’ensemble des deux facteurs, coût du travail et développement de la méthanisation, crée pour notre pays une source de distorsion de concurrence qui ne nous est pas favorable, et nos élevages de porcs ont bien du mal à faire face.

Par ailleurs, la Commission européenne a annoncé les grandes lignes de la PAC pour 2013, à l’occasion de la présentation du cadre financier pluriannuel 2014-2020. Elle met en avant une convergence européenne des soutiens, une convergence nationale, un verdissement qui s’ajoute à la conditionnalité, ainsi que des mesures de renforcement du pouvoir de marché des agriculteurs et des mesures de gestion de marché, de crise et d’urgence.

La convergence européenne devra tenir compte des différences de coûts de production et de la parité du pouvoir d’achat entre États membres. Elle ne devra pas se traduire par une remise en cause profonde des économies agricoles des pays membres.

Au-delà des soutiens, il faudra aussi disposer des moyens de régulation à même de limiter les effets de la volatilité des marchés résultant de problèmes climatiques, sanitaires ou de marché, et permettre aux producteurs de tirer leur revenu de l’activité qu’ils exercent.

Enfin, les agriculteurs devront pouvoir disposer d’outils individuels de gestion de leurs risques.

Je souhaite maintenant évoquer les mesures prises en faveur de la pêche et de l’aquaculture. Ayant été rapporteur du volet « pêche et aquaculture » du projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche en 2010, il s’agit là d’un sujet qui me tient tout particulièrement à cœur.

Il est important de le rappeler, ce volet de la LMAP a constitué le complément indispensable de la concertation organisée dans le cadre des Assises de la pêche, qui a notamment permis à notre pays d’être le premier à présenter, à la fin de l’année 2009, des propositions pour une réforme ambitieuse de la politique commune des pêches en 2012. Bien entendu, tout le mérite vous en revient, monsieur le ministre.

Toutes les mesures du plan pour une pêche durable et responsable, annoncé au mois de janvier 2008, ont été engagées et leur mise en œuvre a bien progressé. Ce plan avait été annoncé dans le contexte d’une hausse du prix du gazole, mais allait au-delà de ce seul aspect économique.

Il visait en effet à apporter une réponse durable aux défis écologique, social et économique auxquels la pêche française est aujourd’hui confrontée.

Parmi ses mesures, on retiendra la réforme de l’organisation professionnelle, évolution attendue de tous depuis de nombreuses années et organisée dans le cadre de la LMAP. Les pêcheurs sont désormais représentés au niveau local par un comité régional des pêches maritimes et des élevages marins, directement élu par les marins et les chefs d’entreprise, et, dans les départements qui en ont manifesté le souhait, par un comité départemental.

J’évoquerai également l’apport d’un soutien financier exceptionnel à l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer, pour renforcer son expertise halieutique et favoriser les partenariats entre les scientifiques et les pêcheurs.

La LMAP a eu pour ambition de mettre en place une véritable coopération entre pêcheurs et scientifiques – vous savez que j’avais beaucoup insisté sur ce point – concernant l’évaluation des stocks, coopération déterminante pour la fixation des quotas de pêche.

Ainsi, le Comité de liaison scientifique et technique des pêches maritimes et de l’aquaculture, créé par la LMAP, a été installé au mois de juillet dernier et s’est réuni une seconde fois cet automne. Il est désormais le lieu de rencontre qui permet des échanges fructueux entre scientifiques et pêcheurs et la prise en compte de l’expertise propre à chacun. Ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, qu’il faudrait élargir la mission de ce comité à l’ensemble des zones économiques maritimes, au-delà du niveau européen, c’est-à-dire au niveau du globe ?

Des organismes internationaux d’expertise participent au dispositif, comme le Conseil international pour l’exploration de la mer, le CIEM, ou encore la Commission générale des pêches pour la Méditerranée, la CGPM, la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l’Atlantique, l’ICCAT, la Commission des pêches pour l’Atlantique Centre-Ouest, la WECAFC, ou l’Organisation des pêcheries du Nord-Ouest Atlantique, la NAFO.

S’agissant du secteur des élevages marins, la LMAP a créé les schémas régionaux de développement de l’aquaculture marine, dont l’objectif est de permettre d’identifier et de réserver les espaces propices au développement de cette activité. Ces schémas sont actuellement en cours d’élaboration. Les premiers devraient être adoptés à la fin de cette année. Pouvez-vous nous le confirmer, monsieur le ministre ? Combien sont déjà finalisés et dans quels délais l’ensemble des schémas sera-t-il établi ?

Le plan pour une pêche durable et responsable prévoyait aussi les contrats bleus, démarche très innovante dans la filière pêche, validée par la Commission européenne.

Compte tenu du grand intérêt de la démarche pour la filière, vous avez décidé, monsieur le ministre, de reconduire ces contrats jusqu’en 2013. Nous nous en félicitons. Ainsi, 630 navires se sont portés candidats.

Le bilan des mesures de la LMAP pour le secteur de la pêche et de l’aquaculture, déjà très positif, est encore en progression. En tant que rapporteur, mais aussi à titre personnel, je m’en réjouis.

Je vous poserai une dernière question, monsieur le ministre. L’an dernier, lors de l’examen de ce même budget, j’avais évoqué la question de l’allongement des périodes de pêche à la coquille Saint-Jacques, notamment pour Dieppe et Fécamp, que vous connaissez bien et qui sont directement concernés. Vous m’aviez indiqué que ce sujet faisait l’objet de discussions et que les pêcheurs devaient s’entendre sur ce sujet. Qu’en est-il aujourd’hui, monsieur le ministre ?

Je vous remercie des réponses que vous pourrez m’apporter et j’apporte évidemment, avec le groupe UMP, mon soutien au projet de budget que vous nous présentez. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.

M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le ministre, lors de votre déplacement dans le Gers mardi dernier avec le Président de la République, vous avez pu mesurer, comme dans toutes les exploitations françaises que vous avez visitées, les difficultés des agriculteurs. Mais vous constatez également leur courage, leur pugnacité et leur passion. Être agriculteur, ce n’est pas seulement un métier, c’est aussi une philosophie de vie. Les agriculteurs méritent que nous fassions mentir Voltaire, qui déclarait : « On a trouvé en bonne politique le secret de faire mourir de faim ceux qui, en cultivant la terre, font vivre les autres. »

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Bravo Voltaire !

M. Aymeri de Montesquiou. La stabilité de leurs revenus est une priorité que vous avez mise en œuvre, dans la LMAP, par la contractualisation des filières et la lutte contre la volatilité des prix, par ailleurs traitée dans le cadre du G20 et de l’ONU.

Si la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » participe à l’effort de maîtrise de la dépense publique grâce à la stabilité de ses crédits, ses concepteurs n’en revendiquent pas moins de mener une politique agricole forte.

Le programme 154 « Économie et développement durable de l’agriculture, de la pêche et des territoires » vise à renforcer les filières agricoles et à les adapter aux défis actuels, qui sont nombreux.

Améliorer la compétitivité en reconnaissant pleinement aux agriculteurs le statut d’entrepreneur est une évidence. À juste titre, vous l’avez proposé dans la LMAP.

Les agriculteurs recherchent non pas les rendements, mais les marges. Ils attendent moins de l’État des subventions que des actions structurantes et des instruments d’intervention sur les marchés qui leur permettent de vivre de leur travail.

Améliorer la compétitivité suppose aussi d’exonérer les agriculteurs de charges sociales. Le programme 154 le prévoit, à hauteur de 491 millions d’euros, pour les exploitants qui emploient des salariés occasionnels.

Cette mesure, dont l’agriculture allemande bénéficie de longue date, lui a permis de dépasser la nôtre. Elle est nécessaire, mais insuffisante : il faudra évidemment l’étendre aux agriculteurs qui emploient des salariés permanents.

Ayons conscience que la compétitivité de la « ferme France » dépend beaucoup de la fiscalité agricole. La compétitivité ne se soutient pas artificiellement à coup de subventions, voire de mise sous perfusion des filières. Elle se développe encore moins dans un environnement réglementaire toujours plus contraignant, qui confine parfois à l’absurde.

Les agriculteurs-entrepreneurs, monsieur le ministre, ont besoin de liberté ; ils attendent de l’État que la transposition de la réglementation communautaire leur laisse plus de souplesse.

Vous reconnaîtrez que cette réglementation frise parfois l’aberration, surtout lorsqu’elle est appliquée par une administration française à la limite de l’autisme…

J’ajoute que la complexité des formulaires alimente l’hostilité à l’Europe.

Le développement de la télédéclaration a-t-il permis, monsieur le ministre, de simplifier les formalités ?

À juste titre, la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » vise à encourager un usage raisonné et économe des intrants.

Mais la manière dont cet objectif est poursuivi confine parfois à l’absurde, ce qu’illustre, par exemple, l’interdiction communautaire d’épandre de l’azote avant le 15 janvier. Pourquoi ne pas laisser les agriculteurs décider ? En professionnels responsables, ils savent déterminer le moment opportun pour un épandage optimal des engrais.

C’est ainsi que, dans le Gers, les semis ont deux mois d’avance cette année. Faut-il attendre le 15 janvier pour pratiquer l’épandage ? Qui est le plus compétent pour fixer la meilleure date : l’agriculteur ou Bruxelles ?

La préservation des ressources en eau prévue par l’action n° 14, Gestion équilibrée et durable des territoires, est une question majeure, notamment dans ma région.

Monsieur le ministre, le 1er juin dernier, vous avez déclaré ceci : « il est indispensable de développer les investissements pour avoir davantage de retenues d’eau et davantage de retenues collinaires, c’est du bon sens que de stocker l’eau lorsqu’elle tombe en hiver pour pouvoir en disposer pendant l’été lorsque la sécheresse commence à arriver ». Vous ne pouviez mieux dire !

Je vous demande donc quelle est votre position au sujet du projet de barrage de Charlas, en Haute-Garonne, qui permettrait l’assainissement des villes traversées et l’irrigation des exploitations.

Ce projet, d’un coût estimé autrefois à 260 millions d’euros, a fait l’objet d’études qui ont duré douze ans et d’un débat public en 2003. Le Président de la République, alors ministre de l’intérieur, et Mme Olin, ministre de l’écologie et du développement durable, avaient confirmé l’intérêt majeur de la retenue de Charlas. Soutiendrez-vous ce projet essentiel pour la région, dont les infrastructures d’eau datent du Second Empire ?

Face à des aléas climatiques de plus en plus puissants, fréquents et ravageurs, il nous faut des outils pour répondre aux crises. Parmi eux, il y a le système d’assurance et de réassurance publique. Malheureusement, aucun accord n’a pu être trouvé pour le mettre en place et le généraliser.

Aussi, je regrette vivement que le budget 2012 prévoie une baisse de 33 à 25 millions d’euros des moyens consacrés à la prise en charge des primes d’assurance. Il faudrait, au contraire, favoriser la généralisation de l’assurance agricole !

Les risques de la monoculture étant élevés, les agriculteurs n’ont pas d’autre choix que de se diversifier. Ils se doivent d’être créatifs et innovants dans plusieurs secteurs. Plusieurs options sont possibles : combinaison de la culture des céréales et de l’élevage de bovins, de volailles ou de palmipèdes, développement du tourisme à la ferme, vente directe au moyen des circuits courts intelligemment mis en place par la LMAP. La biprofessionnalisation d’un couple d’agriculteurs devrait permettre de stabiliser leurs ressources.

Mais, dans tous les cas, un facteur est toujours vital : la couverture des zones rurales par le haut débit. À ce propos, monsieur le ministre, je réitère mon souhait de voir le Gers devenir un territoire d’expérimentation pour la technologie 4G.

Si la couverture numérique du territoire est un enjeu, c’est aussi parce qu’elle doit limiter l’hémorragie de l’exode rural en permettant, grâce aux implantations de micro-entreprises ou de PME, la création d’emplois pour ceux qui peinent à conserver un travail dans l’agriculture.

M. Yvon Collin. Très bien !

M. Aymeri de Montesquiou. Je souligne que le budget de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » préserve les crédits destinés à favoriser l’installation de sept mille jeunes agriculteurs – une mesure que je soutiens chaque année.

La PAC est indispensable : elle offre un marché et des prix à l’agriculture française. Néanmoins, ne pourrait-on pas prévoir, au nom du principe de subsidiarité, un prix garanti des céréales pour un volume donné de production à l’hectare ?

Cette mesure donnerait aux agriculteurs des régions moins fertiles la possibilité de vivre décemment. Et au-delà du plafond, la production se négocierait au prix du marché. De cette façon, notre agriculture pourrait être maintenue dans tous les territoires ruraux. Il s’agirait, en somme, de garantir un juste prix en rémunérant le travail de façon juste.

Le réseau rural français, cofinancé par le Fonds européen agricole pour le développement rural, le FEADER, est dynamique et innovant.

La taxe frappant les plus-values réalisées lors de la vente de terres rendues constructibles contribuera à la préservation des surfaces agricoles, alors que 93 000 hectares sont urbanisés chaque année.

Les exportations agricoles affichent un solde positif de 8,2 milliards d’euros. Mais la France, premier exportateur mondial il y a peu dans le secteur agroalimentaire, a régressé au troisième rang européen.

Cette année, cependant, nous constatons avec satisfaction que nos exportations sont en forte croissance.

Les raisons en sont que nos signes officiels de qualité sont reconnus, que l’agriculture biologique se développe, que les producteurs se regroupent et que les opérateurs tournés vers l’international sont efficaces.

Mais qu’en est-il de l’idée, évoquée l’an dernier, d’une bannière unique « France » ?

Vous devez, monsieur le ministre, concevoir une stratégie pour notre agriculture. Donnez à nos paysans et à toute la filière agricole et agroalimentaire française les moyens de conquérir une part du gigantesque marché que représenteront, en 2050, les neuf milliards d’êtres humains !

Le monde fait face au défi, colossal, d’augmenter la production agricole de 70 %. Nous devons contribuer fortement à le relever.

La crise financière, économique et alimentaire frappe plus durement les pays pauvres et 20 % de la population mondiale est sous-alimentée. C’est d’autant plus inacceptable que les spéculations sur les matières premières agricoles aggravent dramatiquement la situation.

Sous l’impulsion du Président de la République, vous avez réuni, cette année pour la première fois, le G20 agricole. La négociation que vous avez menée était difficile, parce que les organisations internationales et, surtout, les pays avaient des intérêts divergents. Mais elle a abouti parce que, selon votre propre expression, « elle avait une âme ».

L’agriculture du XXIe siècle, sous l’égide des Nations unies, refuse de laisser des humains mourir de faim ; elle devra être responsable, solidaire et généreuse.

Monsieur le ministre, vous avez donné une âme à la négociation agricole internationale ; vous saurez lui donner un cœur si vous lui donnez une stratégie à la dimension de ses espoirs !

Les membres du groupe UCR voteront les crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation forêt et affaires rurales », ainsi que du compte d’affectation spéciale « Développement agricole et rural ». (Applaudissements sur les travées de lUCR et de lUMP – M. Yvon Collin applaudit également.)