M. le président. La parole est à Mme Bernadette Bourzai.

Mme Bernadette Bourzai. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je partage les analyses et les commentaires de mes collègues Yannick Botrel, Renée Nicoux et Odette Herviaux ; ils ont souligné les points faibles de ce budget de l’agriculture, dont les crédits diminuent.

Pour ma part, je vais vous présenter quelques observations au sujet des programmes de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales ».

La principale sera pour dénoncer la faiblesse du dispositif budgétaire de gestion des crises sanitaires ou climatiques. En 2011, pourtant, nous avons successivement dû faire face à la crise sanitaire de l’escherichia coli, attribuée à tort aux producteurs de concombres, et la sécheresse du printemps qui, se prolongeant au seuil même de l’hiver, a contraint les éleveurs à décapitaliser une partie de leur troupeau.

Le système assurantiel mis en place par la LMAP n’est pas opérationnel, malgré l’incitation financière communautaire qui représente 75 % du financement public. Surtout, la question se pose de la réassurance publique, que vous n’avez pas voulu inscrire dans la loi.

À ce propos, monsieur le ministre, le Gouvernement devait nous remettre un rapport avant la fin du mois de décembre 2010. Nous l’attendons toujours…

Par ailleurs, la dotation des actions n° 11, Gestion des forêts publiques et protection de la forêt, et n° 12, Développement économique de la filière et gestion durable, n’est pas à la hauteur des enjeux : la nécessaire mobilisation de la ressource en bois, la surexploitation de certains sites forestiers et, surtout, l’impérieuse nécessité de reboiser pour assurer, dans une démarche de développement durable, la pérennité de la ressource à long terme.

Surtout, la situation de l’Office national des forêts, l’ONF, demeure préoccupante, même si une nouvelle source de financement a été trouvée. La contribution des communes forestières à hauteur de 2 euros par hectare sur la période 2012–2016 et la subvention exceptionnelle de l’État en 2012 suffiront-elles pour que cet organisme public puisse assurer ses missions ?

Sept cents nouvelles suppressions d’emplois sont prévues pour la période 2012-2016. Cette nouvelle coupe dans les effectifs aggrave le malaise interne préjudiciable au bon fonctionnement de la structure. Celui-ci se traduit, monsieur le ministre, par de trop nombreux suicides parmi les personnels, qui regrettent qu’« on ne parle plus de forêt » à l’ONF, mais seulement de productivité et de compétitivité.

Ce constat rejoint nos observations sur le programme 215 « Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture » : la poursuite programmée des suppressions d’emplois désorganise les services de FranceAgriMer, de l’Agence de services et de paiement, l’ASP, ou de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’ANSES.

Pourtant, la baisse des effectifs finira bien par atteindre ses limites… D’autant que certains services se voient attribuer des missions supplémentaires ! C’est notamment le cas de l’établissement FranceAgriMer, désormais chargé d’assurer des missions d’intermédiaire pour la transmission des données des opérateurs à l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires.

Surtout, je veux dénoncer la suppression inadmissible de deux cent quatre-vingts postes dans l’enseignement agricole public et privé, prévue dans la mission « Enseignement scolaire » que nous avons examinée hier.

Prolongeant la saignée pratiquée depuis des années, ces suppressions menacent gravement la formation des nouvelles générations d’agriculteurs. Celles-ci devront pourtant relever le défi de la future PAC et celui d’une agriculture à la fois productive et respectueuse de son environnement : une agriculture qui devra concilier la performance économique et la performance écologique.

Je souhaite maintenant évoquer trois problèmes pesant, de manière spécifique, sur l’avenir de l’agriculture française. Ils ont été mis en évidence par le recensement général de l’agriculture, le RGA, mené en 2010.

Le RGA a fait apparaître une restructuration inquiétante pour le modèle agricole français : en dix ans, l’agriculture française a perdu un quart de ses exploitations ; elle ne compte plus désormais que cinq cent mille exploitations et près de 1 million d’emplois.

L’évolution de la superficie moyenne des exploitations confirme ce processus de concentration et d’agrandissement : elle gagne treize hectares pour atteindre cinquante-cinq hectares.

Le nombre des petites et moyennes exploitations diminue fortement, surtout dans les secteurs de l’élevage et de la polyculture-élevage. Au contraire, le nombre des grandes exploitations est stable et, pour la première fois, le secteur céréalier et oléagineux représente plus d’exploitations que l’élevage.

Je vous en parle avec d’autant plus d’inquiétude que la région Limousin, dont l’agriculture est principalement orientée vers l’élevage, connaît une évolution comparable : le nombre des exploitations est en baisse de 25 %, les filières ovine et bovine rencontrent des difficultés consécutives à la baisse des cours intervenue depuis 2008 et les charges augmentent, en raison notamment de la hausse du prix de l’alimentation du bétail. Et le tout est aggravé par la sécheresse qui perdure depuis quasiment le printemps.

Que la modeste embellie des cours de l’automne et l’augmentation des subventions liées au bilan de santé de la PAC ne fassent pas illusion ! Elles ne compensent même pas la hausse des charges et la situation financière des exploitations est gravissime.

Or, dans un rapport récent, l’Institut de l’élevage envisage un nouvel agrandissement des exploitations. C’est donc une nouvelle restructuration qui se profile et elle est d’autant plus inquiétante que la transmission des exploitations n’est pas assurée.

En effet, le RGA révèle que, en Limousin, 80 % des chefs d’exploitation ont plus de quarante ans et que 190 000 hectares – soit 10 % de la surface agricole utile de la région – sont valorisés par des exploitants d’au moins cinquante-cinq ans, dont les trois quarts déclarent ne pas savoir ce que vont devenir leurs terres agricoles à leur cessation d’activité.

C’est dire, monsieur le ministre, s’il est urgent de mettre en œuvre une politique volontariste d’installation de nouveaux agriculteurs.

Or votre proposition de budget ne tient pas suffisamment compte de ce défi puisqu’il est réduit de 1,7 million d’euros. C’est pourquoi nous présenterons un amendement visant à doubler la taxe sur les plus-values foncières lors de la vente de terrains nus rendus constructibles du fait de leur classement en zone urbaine et dont le produit est affecté à l’installation de jeunes agriculteurs.

J’en viens au deuxième problème que je souhaitais évoquer.

Face aux difficultés de l’agriculture française, vous proposez une stratégie d’exonération de charges patronales pour le travail permanent dans le secteur agricole. La mesure porterait sur 1 euro par heure, pour un coût total de 210 millions d’euros, financés pour partie par la taxe sur les boissons sucrées et pour le reste par la détaxe du fioul.

D’un côté, on baisse les charges patronales, mais, de l’autre, on augmente les charges liées au fioul. Ce que vous donnez d’une main, vous le reprenez de l’autre. En outre, nous ne disposons d’aucune étude d’impact de ces mesures dans la profession agricole.

Le secteur céréalier, par exemple, est très mécanisé, mais emploie peu de main-d’œuvre. En revanche, pour les serristes, qui emploient beaucoup de main-d’œuvre, le prix du fioul représente 30 % des charges.

Cela va être très dur pour eux et je m’interroge sur l’efficacité du dispositif proposé, car il ne cible pas les secteurs les plus fortement employeurs de main-d’œuvre, dont celui des fruits et légumes, qui déclare ne pas pouvoir en bénéficier, les salaires dépassant le seuil de 1,4 SMIC.

De fait, cette mesure risque même de constituer « une trappe à bas salaires ». En somme, puisqu’on n’a pas réussi à imposer dans notre pays un plafonnement des hauts salaires, on plafonne les bas salaires !

Toutefois, et malgré nos nombreuses réserves, nous ne pouvons ignorer les attentes fortes émanant de la profession agricole, mais nous ne sommes pas dupes du moment choisi pour l’annonce de cette mesure et nous ne sommes pas convaincus que cela suffira à réduire les différences de compétitivité.

En effet, quels bénéfices peut-on attendre d’une telle mesure sur les ventes de produits agricoles ? Je souhaite rappeler ici que, si les parts de marché de la France à l’export baissent, les prix agricoles, quant à eux, stagnent depuis des années à un niveau assez bas, alors que, sur la même période, les prix à la consommation augmentent.

En conséquence, cette baisse des charges aura vraisemblablement peu d’influence sur les prix des produits agricoles, sans compter qu’elle peut être considérée comme « euro-incompatible ».

Par ailleurs, cette stratégie d’exonération est coûteuse puisque, en 2012, elle absorbera près de 700 millions d’euros, somme qui aurait pu être utilisée pour des mesures plus structurantes pour l’avenir des filières, comme la recherche et l’innovation, la modernisation des bâtiments, etc.

S’il y a une véritable distorsion de concurrence entre les pays européens sur le coût du travail, c’est d’abord au niveau européen que cette question doit se régler via une politique d’harmonisation fiscale et sociale.

D’ailleurs, un accord entre le parti socialiste et le SPD allemand a été signé sur un salaire minimum dans l’agriculture.

Nous devons lutter contre le dumping social et non nous aligner !

Les pratiques d’exploitation de la main-d’œuvre étrangère, notamment roumaine, qui se développent dans le secteur agricole allemand doivent être dénoncées. Le niveau de rémunération et les conditions de vie de ces travailleurs étrangers sont scandaleux.

D’ailleurs, le coût du travail en France est-il si lourd ?

La part des charges salariales en France dans les charges totales est même plus faible qu’en Allemagne : 7,8 % contre 8,8 %.

En revanche, il est vrai que l’écart se creuse dans les secteurs les plus employeurs de main-d’œuvre : dans le maraîchage et l’horticulture, leur poids est de 24,1 % en France contre 23 % en Allemagne et dans le secteur de l’arboriculture fruitière, il est de 32,3 % contre 21,4 %.

Ce sont donc essentiellement ces filières agricoles qui devraient être aidées.

Nous serons particulièrement attentifs aux propositions du commissaire européen Dacian Cioloş sur le plafonnement des aides dans le cadre de la réforme de la PAC, pour que les secteurs employant beaucoup de main-d’œuvre soient mieux traités.

J’aborde, enfin, le troisième problème que je voulais évoquer. Vous le savez, monsieur le ministre, nous sommes à la veille d’une grande réforme de la PAC pour la période 2014–2020.

Dans les premières discussions du cadre financier pluriannuel pour 2014–2020, les États membres se sont mis d’accord pour maintenir le budget global de la PAC en euros courants sur base 2013, ce qui est plutôt rassurant par comparaison avec les premières propositions.

Mais il faudra rester vigilant, car les négociations sur le cadre financier pluriannuel ne font que commencer et le contexte de crise que traverse l’Europe peut conduire à des coupes budgétaires, comme lors de la fixation des perspectives financières 2007–2013, le second pilier, qui n’était pas sanctuarisé, s’étant vu taillé de 35 %.

Nous souscrivons aux objectifs de la réforme de la PAC, mais nous sommes beaucoup plus réservés sur les moyens qui sont proposés. Nous attendons du débat que des améliorations soient proposées.

Nous regrettons la disparition programmée des instruments de gestion de la production – quotas laitiers, droits de plantations pour la vigne, par exemple – et l’absence totale d’outils de régulation des marchés agricoles.

À ce propos, nous aimerions avoir un peu plus d’informations sur les résultats du G20 agricole. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

M. le président. Ma chère collègue, il convient de respecter les temps de parole tels qu’ils ont été fixés par la conférence des présidents. Je vous rappelle que vous ne disposiez, pour votre intervention, que de dix minutes.

La parole est à M. Yvon Collin.

M. Yvon Collin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’agriculture, faut-il le souligner, est un secteur économique majeur pour notre pays.

Trois missions lui incombent : nourrir nos concitoyens, préserver nos paysages et contribuer à la spécificité de notre identité au sein de l’Europe.

À ce titre, elle mérite un soutien appuyé et volontaire des pouvoirs publics.

J’ajouterai que notre agriculture, par sa diversité et sa compétitivité, aura un rôle clé à jouer pour répondre, demain, au défi alimentaire mondial.

Vous le savez, mes chers collègues, la demande de nourriture va inéluctablement et fortement augmenter au fil des décennies à venir. Aussi, il faut préparer les grandes nations agricoles, dont nous sommes, à produire plus, beaucoup plus, mais aussi mieux, bien mieux que nous ne l’avons fait auparavant quand les exigences de qualité et de sécurité sanitaire étaient moindres.

Chaque jour, on compte sur terre 200 000 personnes de plus à nourrir. Selon les projections démographiques de l’ONU, nous serons au moins 9 milliards d’individus à l’horizon 2050.

Nous sommes là face à un véritable défi, qui s’inscrit de surcroît dans le contexte d’un dérèglement climatique de plus en plus avéré. C’est pourquoi, pour parvenir à assumer l’expansion de la demande alimentaire, la production agricole devra augmenter entre 70 % et 100 %.

Dans ces conditions, parce que la mondialisation est dans notre assiette, la France doit conserver son potentiel agricole.

L’agriculture française doit absolument rester dynamique afin d’être en mesure de contribuer à relever le défi alimentaire mondial et ainsi tirer parti de cette perspective sur le plan économique, avec l’appui de la PAC, naturellement, une PAC sachant concilier les impératifs de compétitivité avec les particularités nationales.

Je souhaite, monsieur le ministre, qu’elle soit discutée dans ce sens avec fermeté à Bruxelles avant d’être finalisée pour la période 2014–2020.

Car il s’agit aussi de faire vivre les agriculteurs français, qui, toujours disposés à s’adapter aux grandes mutations, ne sont pas pour autant récompensés à la hauteur de leur investissement.

Développer la production agricole, c’est d’abord et avant tout encourager les exploitants. Nous savons que les agriculteurs n’exercent pas un métier simple ; beaucoup d’entre eux doivent affronter des aléas qui remettent parfois en cause toute une vie de travail.

À cet égard, il est donc essentiel de maintenir les outils qui permettent de lutter contre la déprise agricole, de former les jeunes exploitants, de pallier les crises conjoncturelles ou les accidents climatiques, d’offrir des débouchés vraiment rémunérateurs.

Dans cette perspective, monsieur le ministre, je regrette vivement que les crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » enregistrent une baisse par rapport à la loi de finances initiale pour 2011.

Nos collègues rapporteurs l’ont souligné : les autorisations d’engagement ont diminué de 0,47 % et les crédits de paiement, de 1,93 %. Malgré l’abondement de la mission lors de son examen à l’Assemblée nationale, l’agriculture n’est pas soutenue à la hauteur des enjeux que je viens d’évoquer à l’instant.

Naturellement, les finances publiques sont contraintes, mais prenons garde de laisser l’agriculture rater le train de la mondialisation, comme ce fut le cas pour des pans entiers de notre industrie.

Je vous donne acte, monsieur le ministre, de votre souci de reconduire, au même niveau qu’en 2011, les principaux dispositifs de soutien au maintien de l’activité agricole, notamment dans les zones difficiles. Je pense notamment à la prime nationale supplémentaire à la vache allaitante, qui bénéficiera de 165 millions d’euros, à la prime herbagère agroenvironnementale, dont les contrats seront prolongés jusqu’en 2014, à la poursuite des plans de développement des filières initiés cette année ainsi qu’aux exonérations de charges sociales, particulièrement pertinentes pour un secteur riche en main-d’œuvre.

Je voudrais d’ailleurs rebondir sur ce dernier point pour signaler, après notre collègue Joël Bourdin, que le rapport Guillaume, qui mesure la performance des niches fiscales, juge efficaces la majorité de celles qui concernent l’agriculture. C’est une bonne nouvelle qui doit inciter le Gouvernement, monsieur le ministre, à aller chercher des économies ailleurs, dans les secteurs où les effets d’aubaine sont légion.

J’ai toutefois aussi beaucoup de regrets, car certains instruments me semblent sous-dotés.

La gestion des crises et des aléas climatiques ne concentre que 2 % des crédits du programme 154 « Économie et développement durable de l’agriculture, de la pêche et des territoires ». Ils ont été rabotés au titre du plan d’économies supplémentaires du 24 août 2011.

Est-ce bien raisonnable, alors que nous savons malheureusement que, chaque année, l’agriculture sera fatalement confrontée à une crise sanitaire, économique ou climatique ?

Je suis d’autant plus inquiet que le dispositif d’assurance récolte tel qu’il a été redéfini par la loi de modernisation agricole n’est toujours pas suffisamment incitatif pour les agriculteurs. Je comprends bien les difficultés liées à la question de la réassurance publique, mais, au nom du principe de solidarité, il me semble possible de parvenir un à système satisfaisant à la fois pour les agriculteurs, pour les assureurs et pour les contribuables.

Enfin, mes chers collègues, n’oublions pas les agriculteurs d’hier, qui n’ont pas ménagé leurs efforts pour apporter leur pierre au modèle agricole français.

Vous le savez, monsieur le ministre, nous sommes nombreux sur ces travées à attendre un geste en faveur des retraites agricoles, dont le niveau est encore très faible pour la plupart des pensionnés, qui ont consacré toute une vie de travail au difficile et noble métier de paysan.

Voilà, mes chers collègues, les quelques remarques que je souhaitais faire sur ce budget, que la majorité des membres du RDSE ne soutiendront pas. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE. – M. Joël Bourdin, rapporteur spécial, applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Ambroise Dupont.

M. Ambroise Dupont. Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs spéciaux, mesdames, messieurs les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, j’avais souligné, l’année dernière, les problèmes du secteur de la viande bovine pour m’inquiéter de la situation des producteurs, dont les charges et les contraintes ont fortement progressé sans que leur rémunération suive.

En effet, la flambée du prix des intrants et des céréales, par exemple, a réduit à néant la valeur ajoutée produite dans de nombreuses exploitations. Les producteurs se sont appauvris, précarisés, et la crise mondiale n’a fait qu’aggraver les choses. Notre collègue Gérard Bailly a parfaitement décrit la situation dans son rapport d’information présenté au Sénat cet été.

Aujourd’hui, la situation perdure. Les trésoreries sont éprouvées par des années « noires » et, dans les zones d’élevage, comme dans mon département du Calvados, certains professionnels s’interrogent sur la poursuite de leur activité tant elle est devenue aléatoire.

À l’autre extrémité de la chaîne, les consommateurs trouvent la viande rouge de plus en plus chère et s’en détournent au profit d’autres modèles de consommation ou encore de viandes importées de l’autre bout du monde. C’est aussi cela les conséquences de la globalisation.

Certes, monsieur le ministre, vous n’êtes pas resté sans agir. Vous êtes intervenu pour soutenir la filière, et je l’ai apprécié. Vous avez souvent rappelé votre engagement au côté des éleveurs et réaffirmé votre volonté de faire « remonter les prix de la viande ».

Lorsque j’évoque votre action, je songe notamment aux avances versées au titre des aides directes de la PAC ou des indemnisations liées à la sécheresse, ainsi qu’aux démarches accomplies auprès des banques pour l’aménagement des emprunts. Je connais par ailleurs votre attachement à l’essor de la contractualisation, destinée à donner une visibilité économique aux éleveurs.

Depuis peu, il semblerait que les cours de la viande bovine remontent. L’année dernière, les producteurs bloquaient les abattoirs pour manifester leur malaise : aujourd’hui, ils veulent reprendre espoir, croire à l’embellie. Mais tous les problèmes ne sont pas résolus pour autant. En effet, s’agissant des prix, les éleveurs ont besoin d’une longue période de prix stables pour reconstituer leur trésorerie. Les cycles de l’élevage sont longs !

M. Yannick Botrel, rapporteur spécial. Très juste.

M. Ambroise Dupont. Les exportations, quant à elles, progressent, notamment grâce à l’ouverture du marché turc. Mais comme l’a rappelé le dernier rapport de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, la France n’est pas autosuffisante en matière de viande bovine : notre pays doit en importer des volumes non négligeables alors que nous disposons du premier cheptel de l’Union européenne !

Monsieur le ministre, vous le savez mieux que personne, un long chemin reste à parcourir pour assurer la modernisation du secteur de la viande bovine et lui faire retrouver la voie de la compétitivité. Nous comptons sur vous. La France dispose de nombreux atouts : la traçabilité et la sécurité sanitaire de nos produits sont exemplaires.

La filière équine constitue, à mes yeux, un second sujet d’inquiétude. En tant que président sortant du groupe d’études sur l’élevage, section cheval, du Sénat, je suis naturellement attentif à cette activité dont dépendent au total près de 75 000 emplois et qui contribue à l’aménagement du territoire ainsi qu’à l’entretien des paysages.

Je saisis cette occasion pour me féliciter du classement de l’équitation de tradition française par l’UNESCO, au titre du patrimoine immatériel de l’humanité. Il s’agit d’un hommage rendu à l’excellence de notre filière nationale.

Vous le savez, monsieur le ministre, depuis plusieurs mois, le groupe cheval s’est pleinement mobilisé au sujet des menaces pesant sur le taux réduit de TVA appliqué, en France, aux activités du secteur équin.

En effet, la Commission européenne a engagé des procédures devant la Cour de justice de l’Union européenne contre plusieurs États membres, dont la France, en raison de leur taux réduit de TVA dans ce secteur, estimant qu’il ne relevait pas des « activités agricoles ».

Les Pays-Bas, l’Allemagne et l’Autriche ayant déjà été sanctionnés par la Cour, les professionnels s’alarment d’une probable condamnation de la France au cours des prochains mois. Une telle décision porterait un rude coup à la filière, même si l’on ne peut, pour l’heure, préjuger ce que déterminera la Cour de justice, ni dans ses conclusions ni dans ses attendus.

Nous avons donc pris, dès le printemps, attache avec les différents ministres concernés, avec vous-même, monsieur le ministre, et, sur l’initiative de mon collègue Jean Bizet, alors président de la commission des affaires européennes, le Sénat a adopté une résolution précisant que le taux réduit de TVA devait « continuer à s’appliquer à l’ensemble de la filière équine, tant à la livraison des équidés qu’aux activités qui s’y rattachent ».

Toutefois, ce dossier est particulièrement complexe. En effet, si la Commission conteste que la filière dans son ensemble puisse être assimilée à une activité agricole, soumise au taux réduit de TVA, elle semble admettre qu’une partie de ses activités en bénéficie, au titre des activités sportives.

Tel est le sens d’une récente réponse apportée par la Commission à une question posée par deux députés européens, et qui indique que « les livraisons de chevaux en vue de leur utilisation dans la production agricole peuvent être soumises au taux réduit dans certaines conditions. En outre, le droit d’admission aux manifestations sportives et le droit d’utilisation d’installations sportives sont éligibles au taux réduit. Ces droits sont également éligibles au taux réduit de TVA dans le secteur équestre ».

Je me réjouis pour la filière que le Sénat ait adopté, après l’Assemblée nationale et avec le soutien du Gouvernement, l’article 5 sexies de la première partie du présent projet de loi de finances, dont M. Marini a souligné que la formulation était « eurocompatible ». Cette disposition permettra de maintenir un taux réduit de TVA pour les activités sportives.

Toutefois, je ne suis pas convaincu de l’efficacité de cet article qui, à mes yeux, soulève plusieurs difficultés. En effet, les courses hippiques, la vente de chevaux ou encore les opérations de saillie n’entrent pas dans son champ d’action. L’article 5 sexies marque donc une rupture dans l’approche de la filière, envisagée aujourd’hui d’une manière homogène, telle que l’avait instituée la loi. La position de la France pourrait s’en trouver affaiblie dans la négociation européenne relative à la TVA et dans sa volonté de voir ce secteur d’activité traité de la même manière.

De plus, une telle disposition mettrait à mal la solidarité qui s’est nouée entre les différentes spécialités de la filière.

Monsieur le ministre, dans ce contexte, quelles mesures entendez-vous mettre en œuvre pour les autres secteurs de la filière, et en particulier les courses ? Vous mesurez l’importance de l’élevage de chevaux de course en France et de la concurrence fiscale européenne dans ce domaine. Dès lors, ne vaudrait-il pas mieux intégrer les courses dans le monde sportif – ce ne serait pas abusif – ou, à tout le moins, élaborer un mécanisme leur permettant de disposer d’un taux de TVA identique ?

Je rappelle qu’en 2003, au Haras du Pin, les ministres de l’agriculture, des sports et du budget avaient annoncé ensemble un « nouveau départ » pour la filière, en conférant au cheval un statut agricole. De fait, les chevaux de course participent des activités agricoles : ils broutent tous de l’herbe ! (Sourires.)

Toutes ces questions sont cruciales pour un secteur économique qui, les statistiques l’attestent, fait vivre de nombreuses familles et dont on ne dira jamais assez qu’il constitue un pan à part entière de notre agriculture, aménageur du territoire.

J’évoquerai enfin les associations de races françaises de chevaux de trait, fédérées par France-Trait, dont j’avais souligné la détresse financière l’année dernière. Cette année encore, leurs moyens subissent une baisse, ce qui ne manquera pas de poser de sérieux problèmes pour leur fonctionnement. Elles ont pourtant parfaitement répondu aux demandes successives de l’État, et comptent sur votre attention, monsieur le ministre.

À l’heure où nombre de négociations sont en cours, au niveau international avec le G20 et au niveau européen dans le cadre des réunions consacrées à la PAC, la France agricole s’interroge sur son avenir dans le contexte de la mondialisation, qu’il convient de saisir comme une chance et plus seulement comme une contrainte.

Monsieur le ministre, nous sommes conscients de votre engagement dans les enceintes internationales pour défendre les intérêts de l’agriculture française, et nous comptons naturellement sur vous. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Jean-Claude Carle. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Joël Labbé.

M. Joël Labbé. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, contrairement à ce qu’on a pu affirmer ces derniers temps, je ne suis pas « sectaire ». Quant aux membres de notre groupe, ils ne s’attachent nullement à opposer les agriculteurs à l’environnement, bien au contraire ! (M. Alain Bertrand s’exclame.)