M. le président. La parole est à M. Ladislas Poniatowski.

M. Ladislas Poniatowski. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à la suite de son adoption en première lecture par l'Assemblée nationale le 25 janvier 2011, la proposition de loi relative à l’établissement d’un contrôle des armes moderne, simplifié et préventif vient en débat aujourd’hui, grâce au groupe UMP, qui a décidé d’y consacrer le temps parlementaire qui lui est réservé dans le cadre de la semaine sénatoriale d’initiative.

Ce texte intervient dans un contexte particulier : une actualité de violence et une très importante concertation engagée au mois de janvier 2010 entre le Gouvernement et les principales organisations d’utilisateurs légaux d’armes à feu, représentant non seulement les chasseurs, les tireurs sportifs et les collectionneurs, mais aussi les armuriers et les fabricants et distributeurs, regroupées au sein du comité Guillaume Tell.

L’objet de cette concertation est double. Il s’agit d’abord de permettre la transposition de la directive européenne sur les armes à feu, modifiée en 2008, qui instaure une simplification et une clarification dans le classement des armes. C’est aussi et surtout l’occasion unique de remettre à plat toute la réglementation sur les armes, qui a fait l’objet d’une stratification depuis le décret-loi de 1939. Il devenait impératif de simplifier la législation sur les armes pour tous les détenteurs légaux d’armes à feu et de renforcer la sécurité publique en luttant contre les trafics et la délinquance armée.

M. Roland du Luart. Très bien !

M. Ladislas Poniatowski. Lors des débats en séance publique à l'Assemblée nationale, le ministre de l’intérieur, a été très clair dans ses engagements, réaffirmant à bon droit que toute réforme en la matière devait garantir les droits des honnêtes gens et s’en prendre aux criminels et délinquants.

M. Philippe Richert, ministre. Tout à fait !

M. Ladislas Poniatowski. Toutefois, le texte issu des débats à l'Assemblée nationale n’a répondu que partiellement à l’objectif de simplification, en raison de l’adoption d’amendements inopportuns en cours de discussion. Il a même suscité une vive inquiétude chez les chasseurs et les tireurs sportifs, qui sont respectueux des lois et qui sont détenteurs légitimes d’armes à feu, puisqu’il prévoit des contraintes nouvelles qui n’avaient fait l’objet d’aucune concertation et qui ne répondent à aucun objectif de sécurité publique.

M. Antoine Lefèvre, rapporteur. Oui !

M. Roland du Luart. C’est absurde !

M. Ladislas Poniatowski. Cette proposition de loi entraîne une réduction aussi considérable qu’injustifiée des droits des détenteurs légaux, menaçant les activités sportives et cynégétiques, et est tellement touffue et ambiguë qu’elle en devient parfois inapplicable.

La rédaction actuelle de l’article 1er, y compris celle qui a été proposée par le Gouvernement et notre rapporteur – à qui je souhaite rendre hommage pour le travail difficile qu’il a dû accomplir –, conduit à la définition d’une nouvelle catégorie A1. Or celle-ci aboutira à l’interdiction pure et simple de détention de certaines catégories d’armes que les tireurs sportifs peuvent pourtant acquérir depuis 1939, au risque de remettre en cause l’essor de nouvelles disciplines populaires organisées par la Fédération française de tir.

Lors des négociations entre le Gouvernement et les membres du comité Guillaume Tell, il avait été clairement affirmé qu’aucune arme actuellement utilisée par les tireurs et les chasseurs ne ferait l’objet d’une interdiction, c’est-à-dire d’un classement en catégorie A. Cela a fait l’objet d’engagements écrits entre les cabinets du ministère de l’intérieur et du ministère de la défense, d’une part, et les représentants des utilisateurs légaux d’armes à feu, d’autre part.

M. Philippe Richert, ministre. Oui, je le confirme !

M. Ladislas Poniatowski. C’est la raison pour laquelle il est souhaitable de revenir à une rédaction de l’article 1er, s’agissant notamment de la définition de la catégorie A, qui ne soit pas ambiguë...

M. Roland du Luart. Très bien !

M. Ladislas Poniatowski. ... et qui se rapproche de la classification européenne. D’ailleurs, le texte voté par la commission des lois de l'Assemblée nationale le 3 novembre 2010 allait dans le bon sens. Pour ma part, j’ai déposé, avec le groupe UMP, un amendement qui devrait faire l’objet d’un consensus, puisqu’il tend à corriger les défauts de la rédaction actuelle tout en répondant aux exigences de sécurité publique.

La rédaction de l’article 3, telle qu’elle est issue des travaux de la commission des lois du Sénat, aurait pu nous convenir si je n’avais pas découvert que l’alinéa 45 reprenait le V de l'Assemblée nationale. Le chasseur que je suis est tout à fait choqué de voir que, en toute discrétion, c’est non plus seulement l’acquisition d’une arme de catégorie C qui oblige la possession d’un permis validé, mais aussi sa détention. Cette exigence nouvelle impose aux chasseurs qui doivent abandonner leur fusil pendant une saison, par exemple parce qu’ils partent travailler à l’étranger, de devoir remettre leur arme aux autorités.

M. Philippe Richert, ministre. Ce n’est pas ce qu’il faut !

M. Roland du Luart. Les bandits ne le font pas ! (Sourires.)

M. Ladislas Poniatowski. C’est pourquoi j’ai présenté, avec les membres du groupe UMP, un amendement tendant à modifier cet alinéa. Je crois, monsieur le rapporteur, que vous partagez cette analyse, ainsi qu’il ressort de la discussion que nous avons eue lors de mon audition par la commission.

L’article 5 de la proposition de loi, dans la version issue de l'Assemblée nationale, entraîne, pour les utilisateurs légaux d’armes à feu, des contraintes nouvelles qui vont très loin, même trop loin, et dont les députés n’ont sans doute pas évalué les conséquences. L’obligation de déclarer l’arme de catégorie C achetée entre particuliers dans un délai de quinze jours paraissait surréaliste ; monsieur le rapporteur, vous avez corrigé le tir, si je puis dire (Sourires), et le délai d’un mois qui est désormais fixé semble beaucoup plus raisonnable.

Toutefois, une autre correction essentielle est nécessaire. En effet, le II de l'article rend obligatoire la présentation du récépissé de la déclaration sur toute réquisition, sous peine d’une contravention. Au moment où nous avons confirmé la suppression de la carte grise sur les armes, jugée totalement inutile à l’heure des fichiers centraux, nous introduisons une disposition qui obligera tous les chasseurs de grand gibier, chassant avec une carabine, c’est-à-dire une arme de catégorie C, à détenir en permanence un récépissé de déclaration.

Cette mesure est une contrainte nouvelle qui ne présente aucun intérêt pour la sécurité publique. Ce qui compte, c’est de pouvoir sanctionner le défaut de déclaration, ce que prévoit le droit actuel. C’est pourquoi nous proposons de supprimer l’obligation de présentation du récépissé ainsi que la contravention qui lui est attachée. Mes chers collègues, simplifions ! Cessons d’« enquiquiner » les gens honnêtes qui respectent les règles !

M. Roland du Luart. Vous avez raison !

M. Ladislas Poniatowski. J’en viens à l’article 8, qui concerne les collectionneurs. Nous devons faire preuve de bon sens et de mesure. La commission a eu tout à fait raison de refuser de céder au Gouvernement – pardonnez-nous, monsieur le ministre – et de supprimer cet article. J’apporte un soutien sans réserve à la proposition nouvelle du rapporteur qui permet d’envisager l’agrément d’une ou de plusieurs associations au titre de la gestion des collectionneurs.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est la sagesse même !

M. Ladislas Poniatowski. Je sais pertinemment que la volonté légitime du Gouvernement d’avoir un interlocuteur unique pour les collectionneurs se heurte à l’opposition de nombreuses organisations toutes plus individualistes les unes que les autres.

M. Antoine Lefèvre, rapporteur. C’est vrai !

M. Ladislas Poniatowski. Il faut dire qu’il n’en va pas de même pour les chasseurs et les tireurs, qui sont bien organisés et représentés par leurs fédérations respectives. (M. le rapporteur acquiesce.)

La proposition du rapporteur permettra à l’État de faire le tri entre les organisations, car il n’est pas question d’autoriser n’importe qui, sans contrôle. On peut même imaginer que, demain, la Fédération nationale des chasseurs ou la Fédération française de tir sportif puissent bénéficier de cet agrément et gérer une partie des collectionneurs. C’est une piste à creuser.

Sur les autres articles qui concernent le volet pénal, je souscris pleinement à la démarche de la commission qui a veillé à ce que l’on ne se trompe pas de cible ! Il faut aggraver les peines de façon draconienne pour les trafiquants et les malfrats qui utilisent ou détiennent des armes à feu. Les derniers faits divers survenus à Marseille nous donnent raison, car ce sont les armes de guerre détenues dans certaines banlieues qui posent de vrais problèmes.

Les corrections apportées par la commission vont dans le sens d’un meilleur équilibre pour que les détenteurs légaux d’armes à feu ne subissent pas de contraintes démesurées s’ils ont commis une erreur dans une déclaration. Les dispositions répressives s’en tiennent donc à une actualisation des peines visant les trafiquants et les porteurs et détenteurs illégaux d’armes.

Toutefois, je serai favorable aux derniers amendements déposés par le Gouvernement qui s’inscrivent dans la même logique, en évitant que le champ des peines ne soit trop large.

M. Philippe Richert, ministre. Voilà !

M. Ladislas Poniatowski. Il me semble que le rapporteur partage mon analyse quant à l’urgence de modifier l’article 32 sur le transport légitime qui vient de l'Assemblée nationale et qui est la source assurée de milliers de contentieux sur l’interprétation du motif légitime. Nous qui affichons notre volonté de simplifier et de clarifier la réglementation pour les utilisateurs d’armes à feu, nous ne pouvons laisser passer une telle rédaction. Celle-ci a provoqué la colère légitime de la Fédération nationale des chasseurs, qui ne peut pas comprendre le maintien d’une telle interprétation subjective qui souligne la méconnaissance de la réalité de la chasse en France.

Sur ce point, mes chers collègues, j’espère que vous apporterez votre soutien à la nouvelle rédaction de l’alinéa 2 de cet article que je proposerai en vue de revenir au droit commun. Je souhaite que le Gouvernement y soit également favorable. Nous disposons déjà de nombreuses mesures de répression qui permettent de mettre hors d’état de nuire des voyous qui transportent des armes : il n’est pas utile de multiplier les contraintes pour les honnêtes gens qui pratiquent un loisir ou une passion.

M. Roland du Luart. Très bien !

M. Ladislas Poniatowski. Monsieur le ministre, mes chers collègues, les chasseurs, qui sont au nombre de 1,3 million, comptent sur nous, Gouvernement et Parlement. (Applaudissements sur diverses travées.)

M. Philippe Richert, ministre. Nous répondrons sans difficultés !

M. le président. La parole est à M. Christophe Béchu.

M. Christophe Béchu. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, cher Antoine Lefèvre, mes chers collègues, l’inconvénient, lorsqu’on est relativement d’accord sur un texte, c’est que l’on utilise les mêmes références et que l’on mobilise les mêmes arguments. Je ne rappellerai donc ni les faits divers dramatiques qui sont récemment survenus à Vitrolles, Marseille, Lille et Saint-Ouen ni les chiffres absolument stupéfiants sur l’augmentation du nombre de saisies d’armes dans ce pays : 2 710 saisies d’armes à feu en 2010 et près de 3 500 pour l’année en cours.

La garantie de la sécurité et de l’intégrité de chaque citoyen constitue un droit fondamental. C’est pourquoi l’usage, la détention et la commercialisation d’armes sont devenus un enjeu primordial dans la définition de l’organisation de l’espace public. Dès lors, il est nécessaire de renforcer le dispositif juridique en vigueur sur ces questions.

Pour y parvenir, la mission d’information de l'Assemblée nationale sur les violences par armes à feu et l’état de la législation, dans son rapport du mois de juin 2010, a souligné le besoin de rénover le système actuel de classification des armes, pointant son manque de clarté sur la dangerosité réelle des armes classées et insistant sur le fait que le contrôle actuel effectué par les pouvoirs publics est à la fois complexe et insuffisant.

L’Assemblée nationale a discuté d’une proposition de loi relative à l’établissement d’un contrôle des armes moderne, simplifié et préventif qui nous parvient aujourd'hui. Ce texte dépasse largement les clivages politiques et je me réjouis de cette logique consensuelle pour dénoncer l’obsolescence de l’encadrement législatif actuel et convenir de la nécessité d’une simplification pour améliorer la sécurité de nos concitoyens.

Cette proposition de loi vise donc à remplir deux objectifs : rationaliser le dispositif en vigueur pour le rendre plus efficace ; renforcer les garde-fous attachés à ce système pour garantir son effectivité.

Le premier enjeu majeur de ce texte réside dans la volonté de gagner en transparence et en lisibilité par rapport au dispositif actuel. En effet, il s’agit avant tout d’établir une classification des armes en rapport avec leur dangerosité. Réduites désormais à quatre, ces nouvelles catégories offrent davantage de cohérence, car elles sont rattachées à des obligations qui leur sont propres. Chacun peut aisément comprendre que la détention d’armes de catégorie C requiert moins de garanties que la détention d’armes de catégorie B. En outre, cette classification nous permet de nous rapprocher du modèle posé par la directive européenne du 18 juin 1991.

Dans un même souci d’établir un régime juridique adapté à la dangerosité avérée des armes concernées, l’article 2 de la proposition de loi modifie le champ d’application des armes susceptibles d’être qualifiées d’« armes historiques et de collection », avec un principe, le classement en catégorie D, et, surtout, une date unique de référence pour bénéficier d’une telle qualification : le 1er janvier 1900. Jusqu’à maintenant, le ministère de la défense retenait des dates différentes : pour le modèle, 1870, et pour la fabrication, 1892.

Nous nous réjouissons également de la disposition, introduite par la commission des lois, simplifiant la disposition sur les reproductions d’armes, et qui retient le même millésime de 1900, en incluant toutefois une clause liée à la dangerosité des munitions à étui métallique.

Nous ne pouvons que nous féliciter d’une nouvelle rédaction qui vise à éviter des restrictions excessives du législateur à l’égard des collectionneurs.

Un équilibre a été trouvé, grâce auquel la sécurité publique est garantie par un mécanisme d’enregistrement et notre patrimoine national préservé.

Pour conforter l’intelligibilité et la transparence du dispositif normatif, les conditions d’acquisition et de détention d’armes posées aux articles 3 et 5 du texte ont été, d’une part, renforcées et, d’autre part, clairement définies, avec la reconnaissance d’un véritable statut de collectionneur, que j’évoquais à l’instant.

Toutefois, seules les personnes jugées en pleine possession de leurs capacités mentales et psychiques seront reconnues aptes à la détention d’une arme. Encore devront-elles répondre à un certain nombre d’obligations graduées et proportionnées, en fonction, là aussi, de la dangerosité de l’arme concernée. Nous ne pouvons qu’approuver ces nouvelles définitions, équilibrées et progressives.

La simplification et la rationalisation de la réglementation constituaient le premier enjeu de la proposition de loi ; le second porte sur l’application effective du premier.

Pour garantir l’effectivité de la nouvelle classification, il est en effet impératif d’accompagner ce dispositif d’un certain nombre d’outils juridiques visant à priver, temporairement ou définitivement, de la possibilité d’acquérir ou de détenir une arme des personnes qui ne se sont pas montrées capables d’en mesurer suffisamment la dangerosité.

La proposition de loi comprend ainsi une série d’articles destinés à rendre obligatoire le prononcé de peines complémentaires d’interdiction de détenir ou de porter une arme soumise à autorisation, d’interdiction de détenir un permis de chasser ou encore de confiscation des armes détenues par l’intéressé.

Il s’agit d’inciter les juridictions à prononcer une sanction souvent méconnue, mais qui peut s’avérer particulièrement pertinente lorsque la personne condamnée a commis certains crimes ou délits dénotant un comportement manifestement incompatible avec la détention d’une arme.

Le texte de la commission des lois, dont je tiens, à cet instant, à saluer les travaux approfondis, notamment ceux de son rapporteur, Antoine Lefèvre, contribue à rendre systématique le prononcé de ces peines, afin d’empêcher la réitération ou la commission d’infractions plus graves, en interdisant à une personne condamnée d’acquérir ou de détenir des armes. Des tragédies pourront ainsi être évitées et nous en soutenons donc pleinement l’objectif.

Par ailleurs, dans le but de renforcer la sécurité publique et notamment d’améliorer l’efficacité de la répression des trafics d’armes, les articles 25 à 34 du texte durcissent le régime des sanctions pénales.

Mettre en adéquation ce régime avec la gravité des infractions commises a pour objectif de responsabiliser les personnes utilisatrices d’armes. Il faut rappeler que l’acquisition et la détention d’armes n’est pas une activité comme les autres. Il est donc du devoir du législateur de souligner la nécessité de poursuite et de répression des auteurs de crimes et de délits en la matière.

En outre, plusieurs dispositions visent à renforcer les dispositions pénales du code de la défense en ce qui concerne la violation de ses prescriptions en matière de fabrication, de commerce, de port et de transport d’armes.

Enfin, je souhaite signaler que le texte qui nous est soumis entend améliorer la connaissance et le suivi des armes présentes sur le territoire français, ce dont nous ne pouvons que nous satisfaire.

En conclusion, mes chers collègues, je me permettrai de rappeler que les principaux détenteurs légaux d’armes à feu que sont les chasseurs et les tireurs sportifs font preuve aujourd’hui d’un esprit de responsabilité. Leurs activités sont bien encadrées par les fédérations de chasse ou les fédérations sportives auxquelles ils adhèrent. C’est pourquoi nous souhaitons, par l’adoption de ce texte, améliorer les dispositifs existants, renforcer la lutte contre le trafic et la détention d’armes illégale, sans attenter aux usages de la chasse, du tir sportif ou de collection, dès lors qu’ils s’inscrivent réellement dans ces perspectives.

Pour toutes ces raisons, le groupe UMP soutiendra le texte, dans la rédaction proposée par la commission des lois. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUCR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.

M. Jean-Jacques Mirassou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, chacun a compris, en écoutant les orateurs qui se sont succédé, que l’actualité récente, voire brûlante, pesait fortement sur ce débat. En ce qui me concerne, je vais essayer de privilégier ce qui me paraît être le plus positif dans les objectifs du texte, à savoir répondre à une attente exprimée depuis très longtemps par les utilisateurs légaux, légitimes, des armes à feu, je veux parler des armuriers, des fabricants, des collectionneurs, des pratiquants de ball-trap, des tireurs sportifs et, bien évidemment, des chasseurs, les plus nombreux parmi les 2 millions de détenteurs légaux d’armes à feu recensés.

Cette proposition de loi a également pour objet de permettre la transposition de la directive européenne sur les armes évoquée par les orateurs précédents, laquelle entraînera le passage de huit catégories d’armes à quatre.

Force est de constater que la gestation de ce texte a été longue et laborieuse. En effet, il aura fallu un rapport de mission d’information produit par deux députés, ce rapport ayant lui-même servi de support au texte discuté et adopté par l’Assemblée nationale en janvier 2011.

Pour autant, ce dernier s’est révélé imprécis et décalé par rapport à la réalité. Il a donc suscité, fort logiquement, controverses et protestations de la part des intéressés.

Après plusieurs mois de discussions entre les représentants des associations, notamment le comité Guillaume Tell, et les pouvoirs publics, cette proposition de loi arrive au Sénat, qui, comme il en a l’habitude, va se faire un devoir de mettre en adéquation les exigences législatives qui s’imposent avec les attentes exprimées depuis très longtemps.

À ce stade, vous me permettrez de privilégier les chasseurs, d’une part parce que, étant les plus nombreux, ils sont les premiers intéressés, d’autre part parce qu’ils ont fait la démonstration que leur pratique de la chasse est devenue beaucoup plus responsable et, partant, mieux acceptée par la population.

Du reste, en pratiquant leur sport favori, ils sont aussi parties prenantes d’enjeux économiques contribuant à faire vivre nos territoires ruraux, auxquels nous sommes tous attachés.

Mais il existe un autre contexte, je l’ai évoqué en début de propos, qui, véritablement, pèse sur ce débat. Ce texte, et ce n’est pas le moindre de ses mérites, modifie et renforce de manière significative la réglementation sur les armes, pour mieux lutter contre les trafics d’armes et ceux qui en font un usage violent et illégal.

Est-il utile de rappeler que l’actualité récente nous a conduits, malheureusement, à déplorer la mort de plusieurs personnes sous le feu d’armes de guerres, dans le cadre, soit de sordides règlements de compte, soit de braquages ayant mal tourné ?

En tout état de cause, mes chers collègues, vous comprendrez aisément que le texte, même s’il renforce, de manière précise et conséquente, le volet pénal relatif à la détention et à l’utilisation d’armes prohibées, aura atteint les limites de ce que la loi peut produire en la matière.

Il revient donc au ministère concerné, dans le cadre des missions lui incombant, de mettre en œuvre un dispositif beaucoup plus pertinent pour lutter efficacement contre l’entrée illicite de ces armes sur le sol français, leur vente et leur utilisation. Disant cela, je souhaite éviter un détournement, en quelque sorte, de la vocation de cette proposition de loi. À l’issue de ce débat, il ne doit pas y avoir la moindre confusion possible dans l’opinion publique entre ce que je viens de dénoncer et l’utilisation et la possession légitime des armes par les 2 millions de personnes se trouvant dans le cadre strict de la légalité.

Il n’était pas inutile de rappeler ces éléments pour resituer dans son contexte cette proposition de loi, qui, bien qu’ayant le mérite de répondre à une réalité sociétale et aux enjeux d’une société moderne, nécessite, néanmoins, d’autres améliorations. Je suis persuadé que notre discussion va permettre d’atteindre ce but en débouchant sur un texte de qualité, reflet de notre connaissance de la réalité du terrain au sens large.

Quant aux différents articles de la proposition de loi, certains d’entre eux ont effectivement besoin d’être modifiés ; je pense notamment à ceux qui traitent respectivement de la classification des différentes catégories d’armes et de leurs conditions d’acquisition et de détention. J’aurai l’occasion, en présentant un certain nombre d’amendements, d’aller plus loin dans mes explications. Il y aura également des choses à dire sur le transport légitime des armes.

Mes chers collègues, il nous revient donc de faire un dernier effort, afin de prendre en compte, au travers des modifications que nous apporterons au texte, dans une démarche que je pense consensuelle, les attentes des possesseurs et usagers d’armes légales.

Je pense très sincèrement qu’en comparaison avec les textes précédents cette proposition de loi constitue une réelle avancée. Néanmoins, elle doit être améliorée et les amendements que j’ai déposés avec de nombreux collègues socialistes ont l’ambition de concourir à cette bonification.

Pour terminer, je ferai quelques remarques plus précises, notamment sur l’agrément. À la lecture du texte, il apparaît que l’administration pourrait prendre des décisions de refus d’agrément sans avoir à les motiver ou à les justifier. Sans une telle motivation, la décision en question ne pourrait pas être attaquée au tribunal administratif et deviendrait donc irrévocable, privant de ce fait l’intéressé de la possibilité d’un recours qui paraît légitime.

Je voudrais également évoquer le statut des collectionneurs, qui va dans le bon sens. Néanmoins, ces derniers ne feront pas l’économie d’une discussion entre eux afin de trouver les moyens de se fédérer et de s’organiser dans le cadre de leur activité. Cette structuration doit être le corollaire de la reconnaissance véritable de leur statut. Nous sommes donc favorables à tout ce qui pourrait les inciter à mieux s’organiser.

Enfin, monsieur le ministre, il faudra porter une attention toute particulière à ce que je considère comme les travaux pratiques, je veux parler des décrets d’application, de leur date de parution et de leur contenu. Nous serons très vigilants sur ce point.

C’est donc dans un état d’esprit très constructif que s’ouvre le débat et j’espère que, comme à l’Assemblée nationale, ce texte fera l’objet, in fine, d’un consensus, compte tenu de la valeur ajoutée que nous aurons su lui apporter. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Philippe Richert, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, je serai bref, puisque j’aurai l’occasion, dans la discussion des articles, de revenir sur l’essentiel des problèmes soulevés, notamment sur le souhait de ne pas compliquer la vie à ceux qui pratiquent des activités tout à fait légales ; je pense aux chasseurs, aux collectionneurs ou aux sportifs. Nous entendons leur faciliter la vie. En revanche, nous ferons tout pour compliquer celle de l’ensemble des malfaiteurs, qui profitent trop souvent de dispositifs législatifs et réglementaires trop subtils.

Je tiens néanmoins à répondre dès à présent à trois questions précises.

Premièrement, madame Borvo Cohen-Seat, je rappellerai que le Taser est une arme non létale, ayant vocation à être classée dans la catégorie B, parmi les « armes soumises à autorisation pour l’acquisition et la détention ». Cette arme a donc un usage parfaitement réglementé et elle remplit sa vocation opérationnelle. Je précise, pour ne pas laisser subsister la moindre ambiguïté, qu’elle est évidemment interdite aux particuliers.

Deuxièmement, monsieur Richard, plusieurs initiatives ont d’ores et déjà été engagées dans le cadre de la lutte contre les trafics d’armes internationaux.

La présidence belge de l’Union européenne a ainsi présenté, en 2010, un plan d’actions contre les trafics d’armes dites « lourdes », soutenu par l’ensemble des pays européens, afin d’envisager, ensemble, les mesures susceptibles d’être mises en œuvre en la matière.

Les armes provenant des zones de conflits méritent une attention particulière, surtout au vu des situations précises que nous devons gérer en ce moment. Dès 2008, la présidence française de l’Union européenne avait entrepris, avec le soutien de la Commission, une concertation avec les pays balkaniques, afin d’étudier ensemble les moyens de récupérer une partie des armes volées dans les stocks gouvernementaux à l’issue du conflit. Ces travaux doivent se poursuivre.

S’agissant des soupçons pesant sur des armes en provenance de pays ayant connu, au cours des derniers mois, des mouvements de libération, les services de renseignements français sont très attentifs à tous les mouvements qui pourraient approvisionner le marché criminel français. Comme chacun le sait, c’est l’une des voies choisies pour continuer à alimenter les réseaux. Il n’est qu’à voir l’ampleur de certaines prises effectuées lors de la découverte de caches d’armes pour ne pas avoir de doutes sur leur origine.

Troisièmement, messieurs Mirassou et Richard, l’élaboration des décrets d’application demande un important travail, mais nos équipes sont mobilisées pour faire en sorte que nous puissions traduire le plus rapidement possible ce texte de loi dans les faits. Espérons qu’il sera adopté avec la majorité la plus large possible, pour que son application en soit rendue d’autant plus légitime.

À ce stade de la discussion, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi une nouvelle fois de remercier M. le rapporteur et la commission du travail approfondi accompli sur ce dossier.