Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est déjà le cas pour les résidents communautaires !

M. François Zocchetto. Nous sommes hostiles à ce type de découpage, qu’il s’agisse du droit de vote ou d’éligibilité.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il existe pour les Européens !

M. François Zocchetto. Cela conduirait à créer, et Bruno Retailleau l’a dit tout à l’heure, deux catégories de citoyens.

M. Roland Courteau. Pour les Européens, c’est pareil !

M. François Zocchetto. Cette interprétation n’est pas nouvelle ; j’espère que vous nous en donnerez acte. Le groupe centriste avait déjà défendu dans cet hémicycle une telle conception de la nationalité et de la citoyenneté voilà quelques mois quand il avait été question de combattre l’extension de la déchéance de nationalité.

Mais allons au bout de la logique proposée par la majorité sénatoriale. Pourquoi se limiter aux seules élections municipales ? Après tout, la vie locale, c’est aussi les politiques menées par les départements et les régions. Pourquoi s’arrêter en si bon chemin ?

Parce que l’on se heurte, et vous le savez bien, à un problème de fond. Qu’est-ce qui serait alors du ressort du droit de vote accordé aux nationaux ? L’élection des parlementaires et du Président de la République ! Ce n’est, certes, pas rien, mais comment dissocier à ce point l’exercice de la démocratie ?

Je le répète, il n’est pas possible de saucissonner la citoyenneté et ses attributs.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ça a été fait pour les Européens !

M. François Zocchetto. Cela fait partie des fondamentaux de notre République. La souveraineté est la même, qu’elle s’exerce à l’occasion des élections municipales ou des autres élections prévues par notre Constitution.

Nous, centristes, sommes profondément attachés à la décentralisation, dont l’échelon de base est la commune. Pour nous, les élections municipales ne sont pas des élections moins importantes que les autres.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pourtant, c’est ce que vous avez fait pour les Européens !

M. François Zocchetto. Le texte qui nous est ici proposé ne pourrait pas conduire à l’élection de maires étrangers, comme certains l’ont peut-être maladroitement laissé entendre...

Mais serait-il conforme à la logique de nos institutions qu’un conseil municipal soit composé majoritairement de personnes de nationalité étrangère ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et comment cela serait-il possible ? Ça n’a pas été le cas avec les résidents européens !

M. François Zocchetto. Dites-moi donc ce qui est prévu pour les communautés de communes et d’agglomération !

Quoi de plus naturel que de vouloir participer pleinement à la vie de la cité par le biais des élections municipales lorsque que l’on réside dans un pays depuis des années, voire des dizaines d’années ? Sur ce point, nous sommes tous d’accord.

Mais cette participation est possible, mes chers collègues, et il n’est pas nécessaire de modifier notre Constitution pour l’autoriser ! Cela s’appelle la naturalisation. (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

M. Roland Courteau. Ça prend combien de temps ?

M. François Zocchetto. Peut-être y aurait-il des améliorations ou des simplifications à apporter aux procédures de naturalisation telles qu’elles existent aujourd’hui. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

Une réflexion sur ce sujet serait sans doute opportune. Nous serions les premiers à participer activement à un débat portant sur ces questions. (Applaudissements sur les travées de lUCR et de lUMP.)

Nous saluons d’ailleurs les innovations récemment introduites lors des cérémonies de remise des décrets de naturalisation. Malheureusement, ce n’est pas un débat sur l’accession à la nationalité que vous nous proposez aujourd’hui.

Pour moi, l’accès à la nationalité pour ceux qui remplissent les conditions fixées par la loi est la seule vraie réponse. Notre pays, M. le Premier ministre l’a très bien dit tout à l’heure, est parfaitement prêt à accueillir de nouveaux nationaux.

M. François Zocchetto. Chaque jour, des étrangers demandent à devenir français. Nous avons fait le choix d’un accès à la nationalité large et ouvert. C’est l’une des richesses de notre pays et une tradition presque bicentenaire.

Ces nouveaux Français peuvent participer pleinement à la vie politique de notre pays. Et tant mieux ! Ils peuvent voter et être élus non seulement conseillers municipaux, mais aussi conseillers généraux, conseillers régionaux, députés ou sénateurs et – pourquoi pas ? – se présenter à l’élection présidentielle !

Dans mon esprit, les choses sont donc très claires. Soit on décide de jouir de tous les droits et devoirs attachés à la nationalité, auquel cas il convient de se tourner vers la naturalisation ; soit on n’est pas prêt à franchir ce pas, ce qui est parfaitement respectable, et on ne bénéficie pas du droit de vote dans notre pays, ni pour les élections municipales ni pour les autres scrutins.

Je le rappelle tout de même, au-delà du droit de vote, il existe bien d’autres moyens pour les étrangers qui le désirent de participer activement à la vie locale de notre pays, en s’investissant notamment dans le secteur social, économique ou associatif.

Certains font référence au droit de vote et d’éligibilité des ressortissants européens.

MM. Roland Courteau et Jean-Claude Peyronnet. Eh oui !

M. François Zocchetto. Depuis l’introduction de l’article 88-3 dans la Constitution, notre loi fondamentale prévoit la possibilité d’accorder le droit de vote et d’éligibilité aux citoyens de l’Union européenne, mais sous réserve de réciprocité, ce qui n’est pas anodin. Cette faculté a été instaurée par la révision constitutionnelle du 25 juin 1992 et s’inscrit dans un projet bien plus large de citoyenneté européenne.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La citoyenneté européenne n’existe pas pour l’instant ! Il faudrait une égalité de droits de tous les citoyens !

M. François Zocchetto. Ainsi, le traité de Maastricht a introduit, au sein du traité de Rome, une nouvelle partie relative à la « citoyenneté de l’Union ». Il a donc instauré, au niveau européen, une nouvelle citoyenneté supranationale conférant, dans l’État membre de résidence, des droits de vote et d’éligibilité pour les élections municipales.

On voit bien dès lors toute la spécificité des dispositions issues de l’article 88-3 de la Constitution. Cela me conduit à une conclusion parfaitement opposée à celle de Mme la rapporteure, Esther Benbassa, qui écrit dans son rapport que « la différence de traitement qui existe aujourd’hui entre les étrangers européens et les autres étrangers n’est plus compréhensible ».

Pourquoi ne serait-elle plus « compréhensible » ? À mon sens, au contraire, nos concitoyens comprennent parfaitement que l’Europe constitue une communauté de territoire, une histoire, un destin commun. Ils savent également que nous ne partageons avec les étrangers non communautaires ni le même passeport commun ni la même souveraineté.

Nous avons beaucoup plus de proximité avec les Européens qu’avec les habitants des autres continents. (M. Yves Pozzo di Borgo applaudit.) Permettez-moi de rappeler ici ce que déclarait très justement notre collègue Philippe Bas lors de nos passionnants débats au sein de la commission des lois : « L’Union européenne, ce n’est plus tout à fait l’étranger. »

En outre, si le système proposé par le texte se rapproche de celui proposé à l’article 88-3 de la Constitution, il s’en écarte sur un point fondamental : la réciprocité.

En effet, mes chers collègues, avec votre proposition de loi constitutionnelle, un étranger pourrait voter en France aux municipales, mais rien ne garantirait qu’un Français vivant dans le pays d’origine de cet étranger pourrait en faire autant. N’y a-t-il pas là une incohérence ? Voire une injustice ? C’est en tout cas ce que penseraient la plupart de nos concitoyens.

Avec tous les sénateurs de mon groupe, je réaffirme que ce débat a lieu aujourd’hui dans un climat parfaitement inadapté. On ne modifie pas une règle fondamentale de notre démocratie, de notre République, en quelques heures de débat, et à quelques mois seulement de l’élection présidentielle. (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

Par ailleurs, l’objection selon laquelle il est peu convenable d’exhumer des textes que la représentation nationale ne reconnaît plus comme siens, même s’il n’existe pas de délai de péremption en la matière, a, me semble-t-il, de la valeur.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. D’un point de vue constitutionnel, elle n’en a aucune !

M. François Zocchetto. Les constitutionnalistes devront sans doute se pencher sur le sujet !

En conclusion, la quasi-totalité des membres du groupe de l’Union centriste et républicaine voteront contre cette proposition de loi constitutionnelle. Aucun d’entre eux ne votera pour. (Applaudissements sur les travées de lUCR et de lUMP.)

M. Roland Courteau. Ça me stupéfie...

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Ce n’est pas ce qu’a dit M. Borloo !

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)

Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, c’est avec une certaine émotion que je prends la parole au nom de mon groupe sur le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales des étrangers non-ressortissants de l’Union européenne résidant en France.

Cette question se pose depuis trente ans dans notre pays. J’ose le dire : en la matière, il n’y a pas de date de péremption !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Absolument !

Mme Éliane Assassi. Les parlementaires communistes portent cette exigence démocratique de manière constante depuis plus de vingt ans, par le biais de propositions de loi ou d’amendements ou par le recours à la procédure de discussion immédiate, comme ce fut le cas au mois de janvier 2006.

Pour mémoire, je rappelle qu’une première proposition de loi constitutionnelle relative au droit de vote et à l’éligibilité des étrangers aux élections municipales avait été déposée à l’Assemblée nationale le 13 décembre 1988 et au Sénat le 5 avril 1990.

Depuis lors, chaque fois qu’un texte de loi nous en a « offert » l’occasion, nous avons déposé des amendements tendant à attribuer de nouveaux droits politiques aux étrangers, mais toujours en vain, en raison de l’ancrage à droite de la Haute Assemblée.

Mme Éliane Assassi. Il a fallu attendre le 3 mai 2000 pour que l’Assemblée nationale, à l’époque majoritairement à gauche, adopte une proposition de loi constitutionnelle instituant le droit de vote et d’éligibilité des étrangers.

Ce texte, issu de quatre propositions de loi similaires, dont celle de mon ami Bernard Birsinger, à qui je tiens à rendre ici un hommage ému et appuyé, n’a malheureusement jamais été inscrit à l’ordre du jour du Sénat.

Mme Marie-France Beaufils. C’est la réalité !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Voilà le problème !

Mme Éliane Assassi. Aujourd’hui, nous nous apprêtons, plus de dix ans après l’Assemblée nationale, à adopter un texte accordant enfin le droit de vote et d’éligibilité aux résidants étrangers non communautaires.

Si ce texte est adopté, il ne s’appliquera pas immédiatement. Il devra de nouveau être soumis à l’Assemblée nationale, puis faire l’objet d’un référendum. Mais nous nous réjouissons tout de même de son examen, rendu possible par le basculement à gauche du Sénat. (Applaudissements sur certaines travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)

La reconnaissance d’un tel droit est, certes, une mesure symbolique du changement de majorité, mais il s’agit bel et bien d’une avancée démocratique importante, d’une étape supplémentaire vers plus d’égalité, d’un indéniable facteur d’intégration.

M. Roland Courteau. Très bien !

Mme Éliane Assassi. En effet, nous ne pouvons plus continuer à écarter du droit de vote et d’éligibilité les milliers de résidents étrangers qui participent activement, depuis plusieurs années, à la vie de la cité et à la vie associative, syndicale, culturelle, éducative de notre pays.

Mme Éliane Assassi. Ne votent-ils pas d’ores et déjà aux élections prud’homales et à celles qui sont organisées au sein des entreprises ? N’élisent-ils pas les représentants des parents d’élèves aux conseils d’écoles ? Faut-il rappeler qu’ils bénéficient depuis 1981 du droit d’association ? (M. Roland Courteau acquiesce.)

Faut-il rappeler aussi que la plupart d’entre eux sont originaires de nos anciennes colonies et qu’ils ont contribué, et contribuent aujourd’hui encore, au développement économique et à la richesse de notre pays ?

Mme Éliane Assassi. Nous ne pouvons plus les considérer comme des travailleurs « de passage en France », censés retourner dans leurs pays d’origine.

Ces étrangers, qui sont venus en France dans les années soixante et soixante-dix pour répondre aux besoins en main-d’œuvre, y ont construit toute leur vie, privée, familiale et sociale. Ils ont eu des enfants en France, qui sont français, qui ont le droit de vote et qui ne comprennent pas pourquoi leurs parents en sont exclus.

M. Roland Courteau. Très bien !

Mme Éliane Assassi. L’exclusion de la vie politique locale des parents ne peut que rejaillir sur ces jeunes. C’est pourquoi je crois que l’octroi du droit de vote aux résidents étrangers devrait aussi avoir un effet bénéfique sur la participation de leurs enfants aux élections.

On le voit, il est grand temps que l’ensemble des habitants de nos villes puissent participer à la vie civique. Il s’agit d’un enjeu majeur !

Nul n’ignore combien l’exercice de la citoyenneté peut être un facteur essentiel d’intégration dans la société française et, par là même, un levier d’émancipation. Cela doit permettre, contrairement à ce que prétend la droite, de lutter contre le communautarisme et le repli sur soi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et sur certaines travées du groupe socialiste-EELV.)

Mme Éliane Assassi. Car c’est précisément en divisant les gens et stigmatisant certaines populations, comme le fait la droite à longueur de temps,...

M. Louis Nègre. Nous ne stigmatisons personne !

Mme Éliane Assassi. ... que l’on favorise le communautarisme.

Mme Éliane Assassi. Brandir l’argument du danger du communautarisme, c’est refuser de reconnaître que l’on n’a pas pris les mesures permettant de lutter contre le repli sur soi, c’est-à-dire celles qui favorisent la participation à la vie de la collectivité.

Mme Éliane Assassi. À mes yeux, l’exercice du droit de vote constitue la garantie d’une citoyenneté participative, active et d’une construction partagée entre les différents habitants d’un territoire, afin que tous vivent ensemble, de manière égale et solidaire. (M. Roland Courteau acquiesce.)

Le présent texte permettra également de mettre un terme à une discrimination criante entre les étrangers communautaires et les étrangers non communautaires.

Depuis la ratification du traité de Maastricht, vous le savez, les ressortissants de l’Union européenne ont la possibilité de participer aux élections municipales sans condition de durée de résidence. Il est contraire au principe d’égalité que tous les étrangers présents sur notre sol n’aient pas les mêmes droits, alors même que les élections municipales les concernent tout autant.

Comment justifier en effet que des habitants d’une même ville qui se côtoient, qui fréquentent les mêmes lieux, dont les enfants vont dans les mêmes écoles, n’aient pas les mêmes droits selon qu’ils sont d’origine communautaire ou extracommunautaire ? Comment justifier qu’un ressortissant européen récemment établi sur notre sol puisse voter et être élu, alors même qu’un salarié algérien ou marocain résidant en France depuis plusieurs dizaines d’années ne le peut pas ? C’est injustifiable et fortement injuste. (Applaudissements sur certaines travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)

Mme Éliane Assassi. N’en déplaise à certains, nous avons autant de liens, si ce n’est plus, avec nos anciennes colonies qu’avec les pays de l’Union européenne.

M. Patrick Ollier, ministre chargé des relations avec le Parlement. Ce n’est pas le problème !

Mme Éliane Assassi. Si ! C’en est visiblement un sur certaines des travées de l’opposition sénatoriale ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)

Je rappelle que la plupart des pays membres de l’Union européenne ont déjà accordé, totalement ou partiellement, le droit de vote à leurs résidents étrangers. La France, comme l’Allemagne, l’Autriche et l’Italie, reste à la traîne sur cette question fondamentale, dont la mise en œuvre apparaît de plus en plus incontournable.

La population est acquise à ce principe. Les sondages montrent en effet qu’une majorité des personnes interrogées, entre 59 % et 61 % d’entre elles, sont favorables au droit de vote et d’éligibilité des étrangers non communautaires en France.

M. Roland Courteau. C’est vrai !

Mme Éliane Assassi. La société française a aujourd’hui l’occasion de franchir une étape importante vers un renforcement de la démocratie et de permettre ainsi au plus grand nombre d’accéder à la citoyenneté.

Certains élus locaux y sont également favorables. J’en veux pour preuve les votations citoyennes organisées par des municipalités un peu partout en France, notamment dans mon département, la Seine-Saint-Denis, et qui ont fait l’objet d’un large débat public. Des milliers de personnes se sont ainsi prononcées majoritairement en faveur de l’octroi du droit de vote aux étrangers non communautaires.

De nombreuses associations et mouvements prônent également depuis de longues années l’égalité des droits en la matière.

Malgré toutes ces initiatives, malgré l’évolution positive de la société, le pouvoir en place reste sourd à ce qui constituerait pourtant une réelle avancée en matière de démocratie et de citoyenneté.

Monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, une telle reconnaissance serait un signal fort adressé à toute une partie de nos concitoyens qui restent mis à l’écart d’un droit aussi fondamental que celui de voter, fût-ce pour désigner des représentants locaux.

La droite refuse cette avancée. Elle s’y était pourtant ralliée, en 2005, à la suite de Nicolas Sarkozy, alors président de l’UMP ; mais une fois élu Président de la République, il s’y est à nouveau déclaré défavorable, comme en 1997.

M. Alain Gournac. Comme François Mitterrand !

Mme Éliane Assassi. Cela a été rappelé, de nombreuses personnalités politiques de tous bords, y compris de droite et du centre, se sont prononcées en faveur du droit de vote des étrangers.

M. Pascal Clément, alors qu’il était garde des sceaux, indiquait ainsi en 2006, en réponse à notre demande de discussion immédiate sur le droit de vote des étrangers : « Lorsque nous sentirons, les uns et les autres, que le débat est mûr, alors – mais je ne veux pas présumer de l’évolution de la société française –, peut-être le gouvernement du moment déposera-t-il, non pas incidemment mais avec une volonté forte, un projet en ce sens sur le bureau des assemblées parlementaires. »

Je pense qu’aujourd’hui, la société française a évolué : elle est mûre ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.) Malgré les tergiversations et les voix discordantes qui se font entendre en son sein, la droite fait bloc contre cette réforme. J’en veux pour preuve les trois motions de procédure déposées sur ce texte, ainsi que votre présence, monsieur le Premier ministre, comme celle des ministres de l’intérieur, de la justice et des relations avec le Parlement.

Votre présence, monsieur le Premier ministre, est légitime. (Ah ! sur les travées de lUMP.)

M. Alain Gournac. Vous auriez pu lui interdire de venir...

Mme Éliane Assassi. Elle me laisse toutefois perplexe. D’ordinaire, en effet, vous ne vous déplacez guère, y compris lorsque nous examinons des textes qui concernent des dossiers cruciaux. (Protestations sur les travées de lUMP.) Et vous venez encore moins depuis le changement de majorité au Sénat, qui vous reste à l’évidence en travers de la gorge. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.) De même que, d’habitude, vous ne daignez pas non plus répondre à nos questions d’actualité, comme celles portant sur la casse de l’industrie automobile.

M. Jean-Pierre Michel. Ce n’est pas son problème !

Mme Éliane Assassi. Pour inédite que soit votre présence dans notre hémicycle à l’occasion de l’examen d’une proposition de loi, certes de nature constitutionnelle, mais déposée et discutée, je le rappelle, dans le cadre de la semaine sénatoriale d’initiative, elle a selon moi plus d’un sens.

Vous voulez instrumentaliser le thème des étrangers dans la perspective des prochaines élections et, aussi, recadrer vos troupes, qui sont divisées sur la question.

M. Roger Karoutchi. Nous n’avons pas besoin de le faire !

Mme Éliane Assassi. Ne parlez pas trop vite, monsieur Raffarin ! (MM. Jean-Pierre Raffarin et Karoutchi s’exclament.) Je voulais dire « monsieur Karoutchi ». Cela étant, ça pourrait aussi s’appliquer à M. Raffarin ; après tout, c’est bonnet blanc et blanc bonnet ! (Sourires sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV. – Mouvements divers sur les travées de lUMP.)

En outre, monsieur le Premier ministre, votre présence vise à adresser un signal à la droite populaire et à lancer un appel du pied à l’attention des électeurs du Front national.

L’ensemble des arguments qui motivent votre refus relèvent avant tout, et au choix, du mensonge, de la mauvaise foi, de la démagogie, voire de la xénophobie. Tout y est ! (Exclamations sur les travées de lUMP.)

M. Philippe Dallier. Des leçons !

Mme Éliane Assassi. Cessez de prétendre que les étrangers n’ont qu’à demander la naturalisation pour pouvoir voter ! Vous le savez pertinemment, et pour cause, c’est vous qui avez réformé à plusieurs reprises le code de la nationalité,…

Mme Éliane Assassi. … il est très long et très difficile – et c’est peu dire – d’accéder à la nationalité française (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV. – M. Jean-Pierre Plancade applaudit également.) tant les conditions de naturalisation ont été durcies.

J’ajoute que le raisonnement mis en avant par la droite selon lequel la citoyenneté serait indissociable de la nationalité n’est pas fondé dès lors que le traité de Maastricht opère d’ores et déjà une distinction entre nationalité française et citoyenneté européenne.

Mme Christiane Hummel. Vous l’avez déjà dit !

M. Philippe Dallier. Ça fait trois fois que vous nous le dites !

Mme Éliane Assassi. En l’occurrence, s’agissant d’élections locales, il convient de retenir la notion de « citoyenneté de résidence », qui permet à chacun d’être pleinement citoyen là où il vit.

Par ailleurs, arrêtez de laisser croire que les étrangers vont devenir maires. C’est un mensonge !

Mme Éliane Assassi. Je condamne à cet égard les propos particulièrement choquants tenus par M. Guéant (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.), qui stigmatise, une fois n’est pas coutume, le département de la Seine-Saint-Denis et sa population qui connaît de graves souffrances dues aux choix politiques du Président de la République et de son gouvernement.

Au lieu de remédier aux vrais problèmes de nos concitoyens, à juste titre inquiets par rapport à l’emploi, au pouvoir d’achat, à la protection sociale, à l’éducation,…

M. Alain Gournac. Donneurs de leçons !

Mme Éliane Assassi. … la droite dans son ensemble s’emploie à attiser toutes les peurs en ces temps de crise sociale, financière et économique.

M. Alain Gournac. On a peur ! (Sourires sur les travées de lUMP.)

Mme Éliane Assassi. Quoi que vous disiez, les arguments que vous employez favorisent la montée de l’extrême droite,…

M. Rémy Pointereau. Démagogie !

Mme Éliane Assassi. … qui trouve ses racines dans la « mal-vie » de nos concitoyens.

M. Alain Gournac. Démago !

Mme Éliane Assassi. Mais, comme j’ai l’habitude de vous le dire, faites attention, les électeurs préfèrent toujours in fine l’original à la copie. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et sur plusieurs travées du groupe socialiste-EELV. – Exclamations sur les travées de lUMP.)

Je vous le dis tout net : non, le présent texte ne prévoit pas que des résidents étrangers soient élus maires, adjoints au maire, ou soient désignés grands électeurs pour élire les sénateurs. Non, l’ouverture du droit de vote aux résidents non communautaires ne va pas remettre en cause la souveraineté nationale de notre pays. C’est le Gouvernement lui-même qui s’en charge, mieux que quiconque, lui qui est précisément en train de brader notre souveraineté nationale (C’est faux ! sur plusieurs travées de l’UMP.) en se soumettant aux exigences des marchés financiers et des agences de notation ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)

Un sénateur de l’UMP. C’est terminé !

Mme Éliane Assassi. De plus, il faut cesser les amalgames douteux et dangereux opérés par la droite entre la religion et la nationalité, à l’instar de ceux qui ont été proférés en commission des lois par un élu de l’opposition sénatoriale, amalgames visant essentiellement les hommes et les femmes de confession musulmane.

Pour conclure, je voudrais dire que chaque fois que le droit de vote a été élargi, que ce soit lorsque le droit de vote censitaire a été supprimé, lorsque le droit de vote a été accordé aux femmes (Mme Corinne Bouchoux applaudit.), lorsque l’âge requis afin de pouvoir voter a été abaissé, lorsque le droit de vote a été accordé aux étrangers communautaires, c’est la démocratie qui en a été renforcée. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste-EELV.)

M. Alain Gournac. Oh là là !

Mme Éliane Assassi. La France, terre d’accueil, pays des droits de l’homme, dont l’histoire reste marquée par la Révolution française, qui avait une conception très ouverte de la citoyenneté, s’honorerait d’inscrire dans sa Constitution que le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales est accordé aux étrangers non ressortissants de l’Union européenne résidant en France.

M. Rémy Pointereau. Vous avez dépassé votre temps de parole de deux minutes !

Mme Éliane Assassi. En résumé, les sénatrices et les sénateurs du groupe CRC…