M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons donc aujourd’hui un projet de loi organique composé d’un article unique qui modifie les conditions de remboursement des dépenses déclarées par les candidats à l’élection présidentielle de 2012, conditions qui, cela a été rappelé, ont été fixées par la loi de 1962 consolidée relative à l’élection du Président de la République.

La mesure est claire : on minore le taux de remboursement des dépenses exposées, et l’affaire est très sobrement et benoîtement motivée !

L’objet du texte indique ceci : « Le présent projet de loi organique s’inscrit dans le cadre du plan de retour à l’équilibre des finances publiques. Il a, en effet, été décidé que les partis politiques et les candidats aux élections prendraient leur part des efforts budgétaires à réaliser. »

Nous y voilà donc ! Depuis cinq ans, les comptes publics sont détériorés par une stratégie fiscale dont la logique échappe au premier abord – et simplement au premier abord ! – et un mode de gestion des affaires publiques qu’on ne sait plus vraiment qualifier.

Comme le déficit se chiffre en dizaines de milliards d’euros, il fallait donc faire un exemple.

Réduire le remboursement public des candidats engagés dans la campagne présidentielle deviendrait donc, dans ce contexte, une mesure susceptible d’être appréciée par l’opinion, flattée dans le cas précis sur son « instinctif » principe qui voudrait que tous les hommes et les femmes politiques soient aussi corrompus les uns que les autres…

Pour le coup, on peut poser la question de l’incidence réelle de ce projet de loi organique, en termes financiers, et ce pour une raison bien simple : le plafond des dépenses a été relevé par le décret du 30 décembre 2009 et atteint désormais 16,85 millions d’euros pour tous les candidats et 22,5 millions d’euros pour les qualifiés au second tour. Les règles de revalorisation du plafond retenues ont donc un effet important sur le montant des sommes éligibles au remboursement et amortissent assez nettement les effets de la minoration de celui-ci.

En 2007, les plafonds étaient de 13,7 millions d’euros pour les éliminés du premier tour et de 18,3 millions d’euros pour les deux qualifiés au second tour. Quelle économie attend-on ? Une somme parfaitement considérable puisqu’elle atteint, selon l’étude d’impact annexée au projet de loi organique, un montant de 3,665 millions d’euros sur la base de la diversité et du nombre des candidats à l’élection de 2007.

On est sans doute assez loin des économies que l’on pourrait faire pour réduire les 80,3 milliards d’euros de déficit prévus en 2012 par l’article d’équilibre de la loi de finances !

Un autre point pose problème : d’une part, nous ne connaissons pas le nombre définitif de candidats engagés à l’occasion de l’élection présidentielle et, d’autre part, le partage des suffrages exprimés pourrait s’avérer cette année quelque peu différent de ce qu’il était lors du précédent scrutin de même type.

En 2002, pour mémoire, l’élection présidentielle avait réuni seize candidats, dont les deux qualifiés au second tour. Quatre avaient atteint et dépassé le seuil de 5 % des suffrages exprimés et dix avaient dû se contenter du remboursement forfaitaire minimal.

En 2007, douze candidats ont concouru. Les deux finalistes et deux autres candidats ont obtenu un score supérieur à 5 % et, de nouveau, huit candidats se sont contentés du remboursement forfaitaire minimal.

Rien ne dit qu’en 2012 le nombre de candidats ne soit pas finalement plus réduit et rien ne dit non plus que celui des candidats susceptibles de bénéficier des dispositions pleines et entières dont nous débattons n’augmente pas.

On peut très bien imaginer que nous ayons, le soir du 22 avril, outre les deux finalistes, trois, quatre, voire cinq candidats dont le score dépasse les 5 %, occasionnant de fait la mobilisation d’une dépense plus importante au titre du remboursement des frais de campagne. C’est ce qu’a d’ailleurs souligné Gaëtan Gorce dans son rapport.

Les effets du suffrage universel s’accommodent parfois assez mal de décisions qui, sur bien des aspects, procèdent par trop de réflexions de la technostructure.

Imaginons un instant que nous ayons deux qualifiés pour le second tour – soit un remboursement maximal de deux fois 10,691 millions d’euros –, quatre candidats éliminés ayant dépassé les 5 % – soit un remboursement maximal de quatre fois 8,004 millions – et quatre candidats n’ayant pas atteint les 5 % – soit un remboursement forfaitaire de quatre fois 800 423 euros –, et nous aurons une dépense globale de remboursement de 58,290 millions d’euros là où le projet de loi attend 41,635 millions d’euros...

Cela dit, mes chers collègues, si les électeurs en décident ainsi, il faudra bien que le budget de l’État s’en accommode et que la loi s’applique, telle qu’elle est ou telle qu’elle sera si elle est modifiée.

Un autre aspect, assez net dans la démarche présidentielle, pose sérieusement question, puisque seuls quelques candidats sont aujourd’hui déclarés.

Pour certains, il n’existe d’ailleurs aucun doute sur leur participation au scrutin, puisqu’ils ont été investis par des partis ou alliances politiques dont l’influence, la présence territoriale, le nombre des élus et des adhérents sont largement suffisants pour garantir leur possibilité d’être candidat.

Pour d’autres, notamment les candidats désignés ne disposant pas nécessairement d’un appareil politique conséquent, d’un réseau d’élus significatif, les choses ne sont pas aussi simples ni tranchées.

Les candidats d’ores et déjà engagés ont ouvert des comptes de campagne, désigné un mandataire financier, structuré une organisation engageant des frais et tenant une comptabilité précise et scrupuleuse de l’ensemble des recettes et dépenses consécutives au déroulement de la campagne.

Et puis, il y a un candidat dont on pressent clairement qu’il va se déclarer mais qui ne l’a pas fait, et qui tire pleinement parti de sa position pour participer, malgré tout, au débat électoral.

Cette situation ne nous paraît pas tout à fait normale et amène légitimement tous ceux qui sont attachés à une conception transparente et équilibrée de la vie politique et démocratique à s’interroger.

Le rapport de la commission l’indique bien, notamment quand il reprend les propos du président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, M. François Logerot, qui estime que les dispositions actuellement en vigueur ne répondent pas au principal problème rencontré par la Commission dans l’exercice de sa mission de contrôle des comptes de campagne à l’élection présidentielle, à savoir le traitement des dépenses exposées par les candidats disposant d’un mandat public : ces derniers sont en effet susceptibles de tirer profit de ce mandat dans la conduite de leur campagne.

Ainsi, en l’absence de dispositions précises, l’usage et, dans certains cas, l’abus des deniers publics aux fins d’accomplir certaines fonctions peuvent s’apparenter à une forme de « préremboursement » de dépenses de campagne qui n’auraient en fait pas été mandatées.

Je tiens enfin à rappeler, mes chers collègues, que le Sénat a décidé, lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2012, et confirmé dans le collectif budgétaire de fin d’année, l’activation de la taxe sur les transactions financières, inscrite dans le code général des impôts depuis 2001. Mais du fait de l’échec des commissions mixtes paritaires, ces deux textes ont été expurgés et cette mesure n’y figure plus. Et aujourd’hui, on constate que, sous l’effet d’un coup de baguette magique, cette mesure ne poserait plus aucun problème, tous les arguments qui avaient été opposés à la majorité sénatoriale pour justifier le rejet de cette mesure ayant ainsi disparu.

Cela illustre ce que j’ai précédemment déclaré : chaque prise de position, chaque annonce de mesures ou de dispositifs par la voie du locataire de l’Élysée vaut argument électoral, mais absence de dépenses comptabilisées au titre de la campagne électorale en elle-même.

Le texte qui nous est soumis aujourd’hui a donc bien des défauts : il est démagogique, irréaliste au regard des comportements de l’opinion, notamment du corps électoral, et il est hypocrite puisque, de fait, la machine est déjà lancée. (M. Jean-Jacques Mirassou s’exclame.)

Il conviendrait à notre avis de prendre un peu plus de temps pour modifier de façon substantielle le présent projet de loi organique, car ce texte ne peut, selon nous, être adopté en l’état. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, vous connaissez l’adage de minimus non curat praetor : le prêteur ne s’occupe pas des petites choses. Sous la Ve République finissante, c’est l’affaire du Premier ministre.

M. Jean-Jacques Mirassou. Et dura lex sed lex !

M. Pierre-Yves Collombat. Subordonner le retour à l’équilibre des finances publiques, par ailleurs impossible en l’absence de relance économique, à une réduction de 5 % du remboursement des dépenses des campagnes électorales est parfaitement dérisoire.

M. Philippe Bas. Personne ne veut cela !

M. Pierre-Yves Collombat. Les économies à en attendre ont l’épaisseur du trait évaluée de manière probablement aussi fantaisiste que le chiffrage des bénéfices attendus de la création du conseiller territorial.

M. Pierre-Yves Collombat. En ce qui concerne spécifiquement les élections présidentielles, la dépense – cela a été rappelé tout à l’heure – est, à la louche, de 3,7 millions d’euros : on comprend que cela méritait bien d’engager la procédure accélérée sur ce projet de loi organique.

Mais, me direz-vous, pourquoi s’en offusquer ? Ce n’est ni la première ni, probablement, la dernière loi d’affichage vertueux, ou entorse à « l’usage républicain selon lequel les règles d’un scrutin ne sont pas modifiées dans l’année qui le précède ». Je cite là notre collègue Hugues Portelli qui le déplorait dans son rapport lors d’une précédente révision de la présente loi, en mars-avril 2006.

Et si, pourtant, ce projet de loi était moins innocent qu’il n’y paraît ? « La stratégie consistant à continuer à tirer pour faire croire à l’ennemi qu’on a encore des munitions », comme disait M. Prudhomme, semble être appliquée. Et s’il y avait quelque gain à tirer de ce projet de loi organique pour le candidat de l’Élysée ?

Après les élus qui coûtent cher – c’est un refrain de campagne connu –, voici les candidats qui grèvent les comptes de la nation ! En France, seules les dépenses de l’Élysée sont des économies ! (Rires sur les travées du groupe socialiste.)

S’il en résultait une réduction du nombre de candidats, en cas de scrutin serré, la présence au second tour pourrait en dépendre.

Ce seul soupçon suffirait à justifier le rejet de ce projet de loi organique.

Mais plus fondamentalement, quitte à modifier les conditions de l’élection du « Consul » à deux mois de l’échéance, autant tenter de répondre aux problèmes que les précédentes révisions n’ont fait que contourner.

Je rappellerai donc ces problèmes.

Premier problème, comment évaluer objectivement les dépenses relatives à une élection dont la circonscription est la France et à une campagne dont l’activité du candidat ne constitue que la partie la plus visible ?

Second problème, que fait-on d’un président élu voire d’un candidat de second tour dont le compte de campagne devrait être rejeté ? On le déclare inéligible ou on s’arrange avec le compte de campagne pour éviter que cela ne fasse trop désordre ?

Notre collègue Hugues Portelli le mentionnait déjà dans son rapport, en termes certes plus diplomatiques que moi. Je me plais à le citer : « si le projet de loi organique étend à l’élection présidentielle la procédure de vérification des comptes de campagne en vigueur pour les autres élections en confiant à la CNCCFP la mission d’examiner ces comptes, cette assimilation au droit commun s’arrête au seuil des sanctions électorales, l’inéligibilité d’un an en cas de non-respect de la loi restant écartée pour l’élection présidentielle. […] Comment annuler l’élection et reprendre intégralement la procédure d’un scrutin de cette importance ? »

Il est de notoriété publique, depuis 2000 et la publication du livre de Jacques Robert, professeur émérite et ancien membre du Conseil constitutionnel, La garde de la République, qu’il s’agit là d’un problème non pas théorique, mais bien réel.

Dans un chapitre de son ouvrage intitulé « Les faux-monnayeurs » – cela donne quand même le ton… (Sourires sur les travées du groupe socialiste.) –, Jacques Robert, sans mentionner alors de nom, évoque clairement, à la page 154, le côté douteux des comptes de campagne de l’élection présidentielle de 1995, parlant d’« une curieuse impression de malaise, pour ne pas dire un sentiment désagréable d’insatisfaction » s’agissant du contrôle de la régularité des élections législatives et présidentielles par le Conseil constitutionnel.

Le nom des candidats concernés sera évoqué publiquement en 2010 lorsque, en marge de l’enquête du juge d’instruction Renaud Van Ruymbeke sur le volet financier de l’attentat de Karachi, les enquêteurs vont saisir des documents des rapporteurs du Conseil constitutionnel qui recommandaient le rejet pur et simple des comptes de campagne d’Édouard Balladur !

La publication sur Internet de ces documents sensibles ainsi que diverses déclarations publiques de Jacques Robert et Roland Dumas, qui était alors président du Conseil constitutionnel et dont le rôle avait été décisif, permettaient d’établir quelques points on ne peut plus clairement.

Premièrement, le compte d’Édouard Balladur, qui dépassait le plafond des dépenses autorisées et avait été alimenté par un versement en espèces de 10,25 millions de francs – 1,56 million d’euros – d’origine incertaine, aurait dû être rejeté.

Deuxièmement, le compte de Jacques Chirac aurait également dû être rejeté.

Troisièmement, le montant des dépenses fut réajusté avec une dérisoire précision: Édouard Balladur est finalement à 0,25 % du plafond autorisé et Jacques Chirac – écoutez bien, mes chers collègues – à 0,034 %. C’est de l’horlogerie suisse ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Quatrièmement : il est établi que l’adage selon lequel « le Conseil constitutionnel filtre les moucherons et laisse passer les chameaux » est une fois de plus vérifié. (Sourires sur les travées de l’UCR, du groupe socialiste et du groupe CRC.) Jacques Cheminade, qui avait réalisé 0,28 % des voix au premier tour, verra, lui, son compte rejeté pour avoir obtenu un prêt sans intérêts. (Nouveaux sourires.) Privé de remboursement et condamné à restituer l’avance perçue, il se retrouve ruiné.

Mme Nathalie Goulet. Selon que vous serez puissant ou misérable…

M. Pierre-Yves Collombat. Lors de l’émission télévisée Face aux Français, de Guillaume Durand, Roland Dumas fera ce commentaire : « Jacques Cheminade était plutôt maladroit, les autres étaient adroits. » Plus probablement, surtout, avaient-ils des d’amis mieux placés.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur. Dans les Dumas, je préfère Alexandre !

M. Pierre-Yves Collombat. On fait ce que l’on peut !

« Juste avant notre vote, » – rapporte Jacques Robert dans Le Parisien du 1er décembre 2011 – « Roland Dumas a passé une heure à l’Élysée avec Jacques Chirac. Sans doute lui a-t-il dit que la situation était délicate et qu’il avait dû manœuvrer pour faire régulariser les comptes. Mon impression, c’est que Roland Dumas, Jacques Chirac et Édouard Balladur se tenaient à l’époque par la barbichette. Et que nous avons servi de caution à une belle entourloupe. »

Le fait de faire examiner les comptes de campagne en première instance par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et d’autoriser cette dernière à saisir le parquet en cas de soupçon de délit, comme c’est le cas depuis 2006, règle-t-il la question ? Aucunement, car il ne se pose pas qu’un problème de moralité publique, que tout le monde a perçu ; il se pose également une question politique de fond : peut-on renvoyer un président de la République élu pour un dépassement de compte de campagne, d’autant que l’évaluation des dépenses liées à une campagne n’a rien d’une science exacte ? Tous les intervenants qui m’ont précédé l’ont souligné.

Les dépenses des « amis », des partis qui soutiennent le candidat, les dépenses de l’État pour les candidats sortants dans les mois qui précèdent le scrutin doivent-elles être comptabilisées ? Depuis Valéry Giscard d’Estaing, qui doit largement son échec à la division de sa majorité, tous les présidents sortants ont été réélus. Cela laisse un peu pensif !

Même en cas de faits graves – valise de billets d’origine douteuse, par exemple –, imagine-t-on un procureur ouvrir une instruction contre le Président de la République, ce qui serait d’ailleurs parfaitement inconstitutionnel ?

Répondant aux auteurs du livre de Jean-Jérôme Bertolus et Frédérique Bredin, paru l’année dernière et intitulé Tir à vue, la folle histoire des présidentielles – le titre dit tout ce que l’on veut… –, Roland Dumas explique parfaitement quel fut le dilemme auquel il avait été confronté en 1995.

« La France avait besoin d’un Président de la République, observe-t-il. La France venait d’élire Jacques Chirac. Même au prix de quelques anomalies, il était là. Donc, annuler les élections comme cela aurait été possible, et laisser la France sans capitaine dans le contexte international, c’était une décision d’une grande importance ! Les choses ont donc été négociées, c’est vrai, mais convenablement à mon avis. On est arrivé à un consensus sur la réintégration ou l’exonération de certaines sommes, et de fait le Conseil a statué "dans sa sagesse" pour que la France ait un Président de la République. »

Peut-on pourtant se satisfaire d’un système qui institutionnalise l’hypocrisie ? D’un système d’autant plus rigoureux pour les petits maladroits qu’il est tolérant pour les gros malins ? (M. Jacques Chiron rit.) Certainement pas ! D’où ma proposition d’amendement, qui permettrait à la fois de sanctionner un candidat élu qui aurait eu un comportement manifestement incompatible avec la charge de Président de la République, tout en conservant à la décision son caractère politique.

Selon ma proposition, en cas de rejet du compte de campagne du candidat élu, le Conseil constitutionnel informerait les deux assemblées du fait et des motifs de la décision, à charge pour elles de mettre en œuvre ou non la procédure de destitution prévue à l’article 68 de la Constitution.

Je vous invite donc, mes chers collègues, à voter cet amendement et vous en remercie par avance. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe socialiste, du groupe écologiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. André Reichardt.

M. André Reichardt. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je souhaiterais en préambule revenir sur les conditions d’adoption de ce texte en commission des lois : en effet, quelle ne fut pas notre surprise de découvrir que, lors de la première réunion de la commission, le rapporteur fut le seul à voter le projet de loi, amendé par l’une seulement de ses propositions ! J’avoue que les débats ont été intéressants et révélateurs du positionnement de la nouvelle majorité sénatoriale, qui est fort embarrassée sur ce texte comme sur tous les autres projets de loi qui lui sont soumis. (Marques de dénégation sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du groupe CRC.)

En effet, en vue de faire contribuer les partis politiques à l’effort de modération des dépenses publiques, le Premier ministre a annoncé,…

M. Gaëtan Gorce, rapporteur. La suspension des voyages du Président ! (Sourires.)

M. André Reichardt. … dans le cadre du nouveau plan d’économies présenté le 7 novembre dernier, deux mesures touchant au financement de la vie politique.

D’une part, les crédits de l’aide publique aux partis politiques prévus pour 2012 ont été réduits de 4 millions d’euros, pour s’élever à 72 millions d’euros environ.

D’autre part, le remboursement des dépenses de campagne électorale a été limité, ce qui devrait permettre une économie, cela a été dit, de 4 millions d’euros en 2012. La diminution des remboursements forfaitaires, par l’État, des dépenses électorales a déjà été intégrée à l’article 112 de la loi de finances pour 2012.

D’un point de vue purement technique, cette diminution des remboursements opérés par l’État suppose deux nouvelles mesures.

Premièrement, les plafonds de dépenses électorales sont gelés à leur niveau actuel. Cela signifie que, tant que nos finances publiques n’auront pas été ramenées à l’équilibre, ce qui ne saurait tarder,…

M. Gaëtan Gorce, rapporteur. Si vous partez !

M. André Reichardt. … les plafonds de dépenses électorales applicables à chaque élection ne seront plus actualisés.

Cette mesure revient donc sur une disposition que nous avions insérée dans la loi du 14 avril 2011, dite « paquet électoral », aux termes de laquelle ces plafonds devaient être révisés par décret tous les ans en fonction de l’inflation, et non plus tous les trois ans en fonction du « coût de la vie ».

Deuxièmement, l’article 112 de la loi de finances pour 2012 réduit de 5 % le taux de remboursement forfaitaire, par l’État, des dépenses électorales. Pour les élections législatives et locales, le remboursement maximal est ramené de 50 % à 47,5 % du plafond de dépenses. Seuls peuvent y prétendre les candidats ayant obtenu plus de 5 % des suffrages exprimés lors de ces élections.

En revanche, pour ce qui concerne l’élection présidentielle, la réduction des remboursements des dépenses de campagne ne pouvait être incluse dans la loi de finances pour 2012, car une loi organique est nécessaire.

L’objet du texte que vous nous proposez, madame la ministre, est donc de transposer à l’élection présidentielle ces deux mesures, qui seront évidemment applicables dès l’élection présidentielle de 2012.

Ainsi, est appliquée à l’élection présidentielle la règle du gel des plafonds de dépenses autorisées, tant que notre déficit public n’aura pas été ramené à zéro. Les plafonds restent donc fixés au niveau défini par le décret du 30 décembre 2009, le dernier qui majore les montants prévus dans la loi organique : 16,851 millions d’euros pour les candidats éliminés au premier tour et 22,509 millions d’euros pour les candidats accédant au second tour.

Par ailleurs, le taux de remboursement des dépenses électorales engagées lors d’une élection présidentielle est réduit de 5 %. Cela entraînera les deux conséquences suivantes.

Premièrement, le taux de remboursement des candidats ayant obtenu moins de 5 % des suffrages exprimés passera de 5 % à 4,75 % du plafond légal de dépenses, soit, en 2012, un montant maximal de 800 423 euros. Je rappelle en effet que tous les candidats, même ceux qui ont réalisé un score très faible, bénéficient d’un remboursement forfaitaire : c’est une spécificité de l’élection présidentielle.

Deuxièmement, pour les candidats ayant obtenu plus de 5 % des suffrages exprimés, le remboursement forfaitaire passera de 50 % à 47,5 % du plafond de dépenses, soit un montant maximal d’un peu plus de 8 millions d’euros pour les candidats éliminés au premier tour et de 10,7 millions d’euros pour les candidats présents au second tour.

Vous nous avez présenté, madame la ministre, une étude d’impact fort intéressante, qui estime à environ 3,7 millions d’euros, en 2012, l’économie ainsi réalisée. Le coût prévisionnel total de l’élection présidentielle serait ainsi ramené de 223,6 millions d’euros à 219,9 millions d’euros. Bien sûr, on peut gloser longtemps sur l’importance ou la relativité de cette somme rapportée à l’actuel déficit budgétaire annuel. Pourtant, on ne peut à la fois regretter l’importance d’un déficit et ne pas s’engager à le réduire chaque fois que cela est possible.

Le montant économisé, cela a été dit, dépendra du nombre de candidats à l’élection présidentielle, du nombre de suffrages que chacun d’entre eux recueillera, du contenu de leurs comptes de campagne, enfin des décisions prises par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et, en cas de recours, par le Conseil constitutionnel. D’aucuns en effet ont rappelé que le remboursement pouvait être réduit en cas d’irrégularités comptables, voire annulé en cas de rejet du compte de campagne, de dépassement du plafond autorisé ou d’absence de dépôt du compte dans les délais impartis.

Mais que peut-on faire, puisque, par définition, à ce jour, nous ne connaissons pas l’avenir ?

M. Gaëtan Gorce, rapporteur. C’est généralement le cas…

M. André Reichardt. Mes chers collègues, vous comprenez ainsi pourquoi ce gain est nécessairement relatif.

Je voudrais maintenant revenir sur un débat que vous avez entamé vous-même en commission, monsieur le rapporteur, et qui porte sur l’activité du Président de la République sortant et ses missions institutionnelles lorsque celui-ci est candidat à sa réélection. La question s’est en effet posée de savoir ce qu’il convenait d’imputer sur son compte de campagne.

Je souhaiterais donc, à cette occasion, évoquer devant vous un sujet certes connexe, mais qui nous tient à cœur, notamment sur les travées de l’UMP.

L’enveloppe budgétaire pour 2012 demandée pour la Présidence de la République a été minorée de 0,5 % à la suite d’économies sur les dépenses de fonctionnement réalisées depuis trois années. La Cour des comptes les a d’ailleurs saluées dans son dernier rapport, en évoquant une gestion « plus rigoureuse ».

Si je puis me permettre cette remarque, jusqu’en 2007, l’Élysée n’avait pas de budget ! Nous devrions donc nous satisfaire des réductions budgétaires effectuées par l’institution !

S’agissant du dispositif de sondages et d’enquêtes d’opinion, qui a fait couler beaucoup d’encre, là aussi, la Cour des comptes a récemment déclaré que « cette procédure a été conduite de manière exemplaire ». En effet, elle a été totalement revue en 2009, comme s’y était engagé le directeur de cabinet du Président devant cette même Cour.

Concernant les déplacements du Président de la République, il est important de distinguer les déplacements diplomatiques, à l’étranger mais aussi en France à l’occasion de sommets tenus sur notre territoire, et les déplacements hors diplomatie en France, en métropole ou outre-mer.

La Cour des comptes avait émis des observations sur les coûts des déplacements, pointant notamment des délégations trop nombreuses, un pilotage budgétaire insuffisant et un coût élevé des missions préparatoires. Elle avait formulé diverses recommandations.

En 2011, les chiffres sont assez parlants, mes chers collègues : au premier semestre de 2011, on a compté 60 déplacements présidentiels. Malgré leur nombre en très forte progression, leur coût total a diminué de 16 % par rapport à la même période en 2010. La tendance constatée l’an dernier est ainsi largement confirmée.

Cette évolution traduit la volonté d’économies exprimée par le Président de la République, ce dont les Français ne peuvent que se satisfaire.