M. le président. La parole est à Mme la ministre du budget.

Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement. Madame la sénatrice Morin-Desailly, permettez-moi, au nom du Premier ministre et de tous mes collègues du Gouvernement, de m’associer solennellement à l’hommage que vous venez de rendre au grand reporter de France 2 Gilles Jacquier, qui a trouvé la mort en Syrie. Ce prix Albert Londres fait honneur au journalisme ; il fait aussi honneur aux valeurs que défend notre pays.

Madame la sénatrice, le Gouvernement est entièrement mobilisé sur la question de l’avenir de l’entreprise Pétroplus, qui dispose d’une raffinerie à Petit-Couronne en Seine-Maritime. En effet, 550 emplois directs et plusieurs centaines d’emplois indirects en dépendent.

Vous le savez, Pétroplus n’a prévenu le Gouvernement que très tardivement – le 22 décembre dernier – de ses difficultés, alors qu’un certain nombre de banques avaient déjà gelé des lignes de crédit renouvelables qui étaient vitales pour le fonctionnement du groupe.

Dès que nous avons été informés, Éric Besson a saisi la Médiation du crédit,…

M. Didier Boulaud. Alors, on est sauvé !

Mme Valérie Pécresse, ministre. … afin que Pétroplus puisse maintenir le dialogue avec ses banques. Les banques françaises qui financent Pétroplus ont répondu très favorablement à nos demandes.

Aujourd'hui, le Gouvernement étudie l’ensemble des pistes et des scénarii pour garantir l’avenir de ce site industriel.

Vous le savez, le Premier ministre a dit au P-DG de Pétroplus qu’il ne serait pas acceptable que tout ne soit pas tenté pour protéger les salariés et les sous-traitants de l’entreprise.

M. Didier Boulaud. Comme à Gandrange ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Aujourd'hui, les choses sont claires : soit Pétroplus trouve un accord avec ses banques, soit il nous faudra trouver un repreneur.

Pétroplus a annoncé hier soir être parvenu à un accord provisoire avec ses prêteurs, pour financer ses dépenses essentielles. En revanche, il a passé sous silence la question de l’avenir du site de Petit-Couronne. Ce n’est évidemment pas acceptable pour le Gouvernement.

Éric Besson, qui vous prie de bien vouloir excuser son absence aujourd'hui, reçoit cet après-midi le P-DG de Pétroplus. Il recevra demain l’ensemble des industriels qui s’occupent de raffinerie et de stockage de produits pétroliers. (M. Gaëtan Gorce s’exclame.)

M. Robert Hue. Et les salariés ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Il sera alors uniquement question de l’avenir du site de Petit-Couronne, auquel nous sommes très attentifs. De même, nous veillerons à ce que Pétroplus assume toutes ses responsabilités dans l’avenir de ce site. (Applaudissements sur plusieurs travées de lUMP et de lUCR.)

politique fiscale

M. le président. La parole est à M. François Marc.

M. François Marc. Ma question porte sur les choix fiscaux du Gouvernement, en particulier sur l’annonce faite en catastrophe d’une augmentation de la TVA.

En 2007, donc avant la crise financière, M. le Premier ministre avait déclaré être à la tête d’un État en faillite. Depuis, malgré cet aveu, le Gouvernement s’est enfermé dans une politique fiscale catégorielle, constituée de niches, de boucliers et de cadeaux pour les plus aisés...

M. François Marc. Que de dégâts ont été faits en cinq ans !

Les effets de cette politique sur la croissance ont été nuls, mais l’endettement s’est envolé : la dette de la France a en effet augmenté de 500 milliards d’euros en cinq ans.

Prisonnier de son idéologie, le Gouvernement s’est obstiné de façon coupable.

En mai dernier, la ministre de l’économie, des finances et de l’industrie déclarait encore ici même : « Tous les clignotants sont au vert. » Selon elle, « les moteurs de la croissance [étaient], pour certains d’entre eux, à leur meilleur niveau depuis trente ans » ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Didier Boulaud. Elle avait dû fumer la moquette ce jour-là !

M. Jean-Marc Todeschini. Ses successeurs à Bercy sont tous d’accord avec elle, actuellement !

M. François Marc. Cet entêtement ne masque pas la triste réalité, que certains, hélas ! semblent découvrir aujourd'hui : le chômage est en très forte hausse – il atteint 9,7 % – ; 900 usines ont été fermées en trois ans ;…

M. François Marc. … le déficit commercial a explosé et s’établit à 75 milliards d’euros, ce qui ne manque d’inquiéter.

Si les grands groupes financiers ont été choyés – de copieux dividendes ont encore été annoncés ces jours derniers –, les PME et le tissu industriel ont été largement délaissés.

La vérité, c’est que la politique fiscale et financière mise en œuvre au cours de ce quinquennat a mis la France en panne.

M. Jean-Marc Todeschini. C’est vrai !

M. François Marc. Pour relancer la machine, vous nous dites à présent avoir besoin de 30 milliards d’euros. Pourquoi ne pas aller les chercher dans les innombrables niches fiscales créées depuis dix ans ? Ces niches sont improductives et injustifiées pour au moins 50 milliards d’euros !

À la place, le Gouvernement persiste dans son aveuglement idéologique et envisage d’augmenter considérablement la TVA. Je vous laisse imaginer le contrecoup sur la croissance, alors que la récession est déjà là ! Et je ne parlerai pas de l’impact de cette hausse de TVA sur les contributeurs les plus modestes, les chômeurs et les retraités.

En 2007, le Président de la République s’engageait solennellement à « n’accepter aucune augmentation de la TVA qui pourrait avoir pour effet de réduire le pouvoir d’achat des Français ».

Mesdames et messieurs les ministres, ma question est très simple : allez-vous renier cet engagement pris par le Président de la République devant les Français ? Allez-vous faire payer les plus modestes pour les cadeaux qui ont été consentis aux plus aisés ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – M. Alain Gournac s’exclame.)

Mme Nicole Bricq. Ils vont le faire !

M. le président. La parole est à Mme la ministre du budget.

Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur François Marc, vous posez en fait de nombreuses questions. (M. Alain Néri s’exclame.)

Tout d’abord, je vous informe qu’un sommet sur la crise réunira prochainement l’ensemble des partenaires sociaux. Cette rencontre sera extrêmement importante pour notre pays. Ne comptez donc pas sur le Gouvernement pour anticiper les conclusions de ce sommet. (Exclamations et marques d’ironie sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du groupe CRC.) Vous faites des supputations sur les décisions qui seront prises.

La seule chose que je peux vous dire aujourd'hui, c’est que, pour nous, la première des injustices, la première des menaces pour le pouvoir d’achat, c’est le chômage. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)

M. Didier Boulaud. Ça y est, elle a trouvé la poule aux œufs d’or !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Nous allons mobiliser toute notre énergie contre le chômage.

M. Didier Boulaud. Elle a inventé le fil à couper le beurre !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Je parle sous le contrôle du ministre du travail, Xavier Bertrand. Ce sommet sera l’occasion d’évoquer toutes les mesures qui pourraient être prises en termes de compétitivité et d’emploi ainsi que de soutien au chômage partiel.

Au-delà, se pose aujourd'hui la question de la compétitivité de l’économie française. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est Manuel Valls. (Ah ! sur plusieurs travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Marc Todeschini. Oui ! Il est temps de changer de gouvernement !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Puisque vous aimez citer les bons auteurs, permettez-moi de citer le porte-parole de François Hollande.

M. Jean-Marc Todeschini. Parlez en votre nom !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Il a déclaré : « Qui douterait de l’effet bénéfique sur la compétitivité des entreprises françaises de l’instauration d’une TVA sociale ? » (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Francis Delattre. Cela, ça fait mal !

M. Alain Néri. Parlez-nous plutôt de l’augmentation du chômage !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Le but de la TVA sociale est de diminuer le coût du travail. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.) Aujourd'hui, le travail coûte beaucoup plus cher dans notre pays que dans les principaux pays dont nous importons les produits.

Est-ce juste, monsieur François Marc, que l’essentiel de nos dépenses de solidarité soient prélevées sur les salaires et qu’elles pèsent par conséquent sur l’emploi ? (M. Didier Boulaud s’exclame.)

M. Jean-Marc Todeschini. Répondez à la question posée par notre collègue François Marc !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Est-ce juste, monsieur François Marc, que tous les produits importés des pays à bas coûts de production ne participent pas au financement de notre protection sociale ? (Applaudissements sur les travées de lUMP.) Non, ce n’est pas juste !

Ce qui serait juste, c’est que les importations participent à notre protection sociale et à nos dépenses de solidarité. Ce qui serait juste, c’est que le coût du travail et des produits baisse et que nous exportions.

Monsieur François Marc, 7 millions de Français travaillent pour l’exportation.

M. Didier Boulaud. Et les millions de chômeurs qui vous appartiennent !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Nous voulons aujourd'hui rétablir le dynamisme de nos exportations, faire baisser le coût de nos produits, produire en France, ne pas délocaliser. C’est cela, notre politique ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de lUMP. – Plusieurs sénateurs de l'UCR applaudissent également.)

M. Jean-Marc Todeschini. Cela fait cinq ans que l’on entend cela !

nucléaire

M. le président. La parole est à M. Philippe Bas. (Applaudissements sur de nombreuses travées de lUMP.)

M. Philippe Bas. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement et elle porte sur la sûreté nucléaire.

Nous avons en France dans ce domaine des exigences qui sont parmi les plus élevées au monde et en Europe. C’est vrai pour la construction de nos centrales, pour leur exploitation et leur maintenance ainsi que pour la formation des personnels.

Nous accompagnons bien sûr cet effort par un grand effort de recherche, afin que la sûreté soit la plus élevée possible dans le domaine du nucléaire.

En 2006, Jacques Chirac, alors Président de la République, a voulu la création d’une Autorité de sûreté nucléaire afin de renforcer encore cette sûreté. (M. Gaëtan Gorce s’exclame.)

Après le tsunami japonais, et compte tenu des conséquences qu’il a eues sur la centrale nucléaire de Fukushima, le Premier ministre a immédiatement réagi en demandant à cette Autorité de réaliser un audit général sur nos centrales.

Cet audit a récemment été rendu public. La démarche intellectuelle utilisée par l’Autorité de sûreté nucléaire est fondée sur le doute critique. C’est une méthode collégiale. L’Autorité de sûreté nucléaire n’est pas là pour rassurer, elle n’est pas là non plus pour inquiéter : elle est là pour dire la vérité, en l’état actuel des connaissances.

Si le rapport de l’Autorité de sûreté nucléaire conforte le sentiment que nous avons concernant la sécurité de nos installations, il comporte également un certain nombre de préconisations. Je souhaite, comme l’intention en a déjà été manifestée, que celles-ci soient intégralement suivies, comme c’est le cas par exemple pour la construction de l’EPR de Flamanville dans le département dont je suis élu.

Ma question est simple ; d’ailleurs, elle est double. (M. Alain Néri s’exclame.) Tout d’abord, pouvez-vous nous confirmer que le Gouvernement a bien l’intention de suivre ces préconisations ? Ensuite, puisque les débats fleurissent sur ce sujet, disposez-vous d’une évaluation sur le coût de la mise en œuvre de ces recommandations et savez-vous si la compétitivité de notre électricité nucléaire sera maintenue après la réalisation des travaux ? (Applaudissements sur les travées de lUMP et sur de nombreuses travées de lUCR.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’écologie.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement. Monsieur Philippe Bas, vous évoquez les audits post-Fukushima commandés par le Premier ministre à l’Autorité de sûreté nucléaire.

Le maître mot de ces audits a été la transparence, laquelle est assurée par le Haut Conseil pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire, par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, et elle est garantie par tous les experts, qu’ils soient nationaux – l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire – ou étrangers, qui ont participé à toutes les étapes.

Les rapports ont été rendus publics. Ils concluent au maintien en activité de toutes nos installations, ce qui prouve que les investissements réalisés en matière de sûreté au fil des années ont été de qualité. Ils concluent également à la nécessité d’investir encore, de surinvestir peut-être, afin de pouvoir faire face à de nouveaux risques, qui ont été mis en lumière par la catastrophe de Fukushima. Il s’agit notamment du risque de dévastation complète d’un site, y compris du fait d’aléas qui n’auraient pas été imaginés.

Les préconisations de l’Autorité de sûreté nucléaire, monsieur le sénateur, seront intégralement mises en œuvre. Le Gouvernement s’y est engagé. Nous avons déjà réuni les exploitants afin de préciser le calendrier avec eux. Certaines préconisations dépendent directement du Gouvernement. C’est notamment le cas de l’arrêté sur la sûreté dans les installations nucléaires de base. Celui-ci précise notamment les conditions de recours à la sous-traitance, interdit par exemple pour la surveillance de travaux critiques pour la sûreté d’un site. Cet arrêté sera publié d’ici à un mois.

Certaines prescriptions dépendent de l’Autorité de sûreté nucléaire, qui publiera ses arrêtés dans les mois qui viennent.

Vous m’interrogez également sur le coût des travaux. Il est vrai qu’il s’agit de chantiers importants. Ainsi, l’Autorité de sûreté nucléaire demande un diesel d’ultime secours pour chacun des réacteurs : de tels travaux, qui seront nécessaires sur tous les sites, demanderont plusieurs années.

D’autres travaux pourront être réalisés plus rapidement. La force d’action rapide nucléaire, qui pourrait intervenir en cas de détresse complète sur un site, sera opérationnelle d’ici à la fin de l’année 2012 pour deux réacteurs d’un coup et d’ici à 2014 pour six réacteurs d’un coup – la plus grosse centrale française, celle de Gravelines, compte six réacteurs.

Je ne suis pas aujourd'hui en mesure de vous indiquer le coût exact de ces travaux. Ce que je peux vous dire en revanche, c’est que le Gouvernement entend qu’ils soient intégralement réalisés.

Si un exploitant trouvait des travaux trop chers, il lui reviendrait de faire le choix de fermer une installation. Nous ne ferons pas de marchandage entre le coût des travaux et la sûreté nucléaire. En effet, la sûreté nucléaire prime tout !

Néanmoins, nous nous attendons à ce que le coût de ces travaux atteigne plusieurs milliards d’euros. Les exploitants seront en mesure de nous apporter des précisions à cet égard à la fin du mois de juin. J’indique que 10 milliards d’euros de travaux correspondent environ à 2 euros par mégawattheure, soit moins de 2 % de la facture d’électricité.

Enfin, à la fin du mois de janvier, à la demande du Président de la République, la Cour des comptes rendra public un audit sur l’ensemble des coûts de la filière du nucléaire, y compris le démantèlement. Il sera alors possible de procéder à toutes comparaisons. (Applaudissements sur les travées de lUMP et sur plusieurs travées de lUCR.)

justice

M. le président. La parole est à M. Alain Anziani. (M. Claude Dilain applaudit.)

M. Alain Anziani. Ma question s'adresse à M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.

Monsieur le garde des sceaux, voilà quelques mois, en novembre 2010, la Cour européenne des droits de l’homme jugeait que les membres du parquet français ne pouvaient pas être considérés comme des magistrats indépendants.

Il y a moins d’un an, Jean-Louis Nadal, procureur général près la Cour de Cassation, suggérait de « couper tout lien entre l’échelon politique et le parquet, en ce qui concerne les nominations ».

Il y a quelques semaines, les trois quarts des procureurs appelaient à donner plus de moyens à la justice et à rendre le parquet indépendant du pouvoir exécutif.

Monsieur le garde des sceaux, le monde judiciaire ne supporte plus l’image de partialité, qu’elle traîne comme un boulet. Cette image s’est notamment forgée à Nanterre, où l’un des quarante-neuf procureurs nommés contre l’avis du Conseil supérieur de la magistrature avait refusé de désigner un juge d’instruction dans l’affaire Bettencourt.

L’opinion ne comprend plus cette confusion des genres, où l’on voit ce même procureur espionner illégalement deux journalistes du Monde ! Un nouvel épisode vient d’ailleurs d’avoir lieu : le ministre de l’intérieur veut actionner le ministère public contre un député…

Le mercato de Noël n’a pas conduit à améliorer cette image : on a assisté, cinq mois avant l’élection présidentielle, à la nomination de quatorze des trente-cinq procureurs généraux. Votre directeur de cabinet lui-même, monsieur le garde des sceaux, a été installé à la tête du parquet de Paris, où il suivra les affaires sensibles, notamment l’affaire de Karachi.

Monsieur le procureur (Rires.), monsieur le garde des sceaux, voulais-je dire, quoique vous ayez toutes les qualités d’un procureur (Sourires sur les travées du groupe socialiste.), ma question est simple : pourquoi tant d’obstination à refuser l’indépendance des magistrats du parquet ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du groupe CRC. – M. Jacques Mézard applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Monsieur le sénateur Anziani, souvenons-nous du mot de Talleyrand : « Tout ce qui est excessif est insignifiant ». (Applaudissements sur plusieurs travées de lUMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Vous venez d’en donner un bel exemple ! (M. Bernard Piras s’exclame.) Monsieur Piras, je vous en prie.

Je tiens à rappeler un certain nombre de choses.

Tout d’abord, les membres du parquet sont des magistrats, comme l’indique l’article 66 de la Constitution. Le Conseil constitutionnel a eu l’occasion de le rappeler à plusieurs reprises, dans des décisions extrêmement récentes.

Ce sont en outre des magistrats à part entière, qui exercent leur métier en toute indépendance. Cela, personne ne peut le mettre en doute. (M. Collombat s’esclaffe.) Vous avez encore la capacité d’en rire, et c’est très bien.

M. Pierre-Yves Collombat. C’est mieux que d’en pleurer !

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Ce que je dis est pourtant la vérité, et vous seriez bien incapable de prouver le contraire. (Oh ! sur plusieurs travées du groupe socialiste.)

L’article 64 de la Constitution prévoit expressément que le Conseil supérieur de la magistrature, le CSM, est chargé d’assister le Président de la République dans son rôle de garant de l’indépendance de la justice.

C’est bien le gouvernement actuel et sa majorité qui ont réformé le CSM.

M. Alain Néri. Et vous dites ça sans rire !

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Désormais, le CSM n’est plus présidé par le Président de la République. Il est présidé par le premier président de la Cour de cassation dans sa formation compétente à l’égard des magistrats du siège, et par le procureur général près la Cour de cassation dans sa formation compétente à l’égard des magistrats du parquet.

Le CSM fonctionne.

M. Gaëtan Gorce. Mais vous ne suivez pas ses avis !

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Nous en avons changé la composition, la présidence et la compétence.

M. Alain Néri. Vous ne suivez pas ses avis, monsieur le garde des sceaux !

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Je tiens en effet à rappeler que c’est le gouvernement actuel, et non la gauche, qui a donné compétence au CSM pour émettre un avis sur la nomination des avocats généraux à la Cour de cassation. J’ai même décidé de consulter le CSM pour la nomination de l’inspecteur général des services judicaires, alors que rien n’était prévu dans les textes.

En outre, j’ai veillé à ce que les avis du CSM soient toujours suivis.

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Toujours ! Vous ne disposez d’aucun exemple prouvant le contraire !

M. David Assouline. Tout ce qui est excessif est insignifiant, monsieur le garde des sceaux !

M. Bernard Piras. Vous ne suivez jamais les avis du CSM ! Vous n’avez pas de mémoire !

M. Michel Mercier, garde des sceaux. J’ai une très bonne mémoire, monsieur Piras. Depuis que je suis garde des sceaux, les avis du CSM ont toujours été suivis. Si vous avez un seul exemple où tel n’a pas été le cas, donnez-le ! Ce que vous avancez est faux, et vous le savez bien ! (M. Vincent Capo-Canellas et plusieurs sénateurs de lUMP applaudissent.)

L’indépendance des magistrats du parquet est donc assurée. (Mme Dominique Gillot s’exclame.)

La question de l’indépendance de la justice n’est pas qu’institutionnelle. Elle repose aussi sur la façon dont on traite la justice. En faire un sujet de débat dans la campagne électorale, c’est normal.

M. David Assouline. Ce n’est pas une réponse, c’est un discours !

M. Michel Mercier, garde des sceaux. En revanche, l’instrumentaliser – option que vous avez choisie –, c’est nier l’indépendance de la justice ! (M. Vincent Capo-Canellas et plusieurs sénateurs de lUMP applaudissent de nouveau. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

travail

M. le président. La parole est à M. Serge Dassault.

M. Serge Dassault. Ma question s'adresse à M. le ministre du travail, de l'emploi et de la santé. Elle concerne la réduction du chômage.

M. Serge Dassault. Je voudrais rappeler qu’une entreprise n’embauche que si elle a du travail, et qu’elle est obligée de licencier si elle n’a plus de commandes. Elle risque sinon de faire faillite et de licencier tout son personnel. Si elle pense qu’elle aura des difficultés pour licencier lorsque ses commandes diminueront, elle n’embauchera pas.

C’est le cas aujourd’hui.

M. Jean-Jacques Mirassou. Même pour le Rafale ?

M. Serge Dassault. De nombreuses entreprises qui ont du travail ne veulent pas embaucher par crainte de l’avenir. Cette rigidité de l’emploi est en réalité source de chômage, car elle dissuade les entreprises d’embaucher.

C’est pourquoi, monsieur le ministre, je voudrais vous proposer d’introduire une certaine flexibilité de l’emploi (Mme Éliane Assassi et M. Jean-Jacques Mirassou s’exclament.) en facilitant l’utilisation des contrats de mission précise, afin de permettre aux entreprises d’embaucher pour la durée d’exécution de ladite mission.

M. Alain Néri. La précarité de l’emploi !

M. Serge Dassault. Mon cher collègue, je vous en prie. Ces contrats devront être conclus directement entre l’entreprise et les salariés.

Avec la généralisation de ces contrats de mission, de nombreuses entreprises embaucheront immédiatement – c’est bien ce que veut la gauche, n’est-ce pas ? –, notamment les artisans et les PME, et le chômage diminuera. Ces entreprises n’attendent que cela.

Mme Annie David. Et la dignité de l’emploi ?

M. Serge Dassault. Ces contrats de mission sont utilisés dans de nombreux pays, comme les Pays-Bas, qui ont un taux de chômage de 4,5 %, et la Norvège, laquelle a un taux de chômage de 3,5 %, contre 9,5 % en France !

Il vaut mieux trouver un emploi de mission,…

M. Alain Néri. Ce sont des contrats précaires !

M. Serge Dassault. … qui d’ailleurs peut durer longtemps si la mission est renouvelée, que ne pas trouver du tout de travail et rester au chômage.

L’inexistence de ces contrats de mission est une des raisons expliquant le taux de chômage élevé en France. Je souhaite donc savoir, monsieur le ministre, ce que vous en pensez. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail.

M. Alain Néri. Et de la précarité !

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé. Monsieur le sénateur Dassault, le contrat de mission, c’est le CDD à objet défini, qui a été mis en place par la loi en 2008, à la suite d’un accord national interprofessionnel.

Ce contrat est expérimenté pour une durée de cinq années, jusqu’en 2013. On le constate, il apporte des solutions dans de nombreuses situations. (Mme Bernadette Bourzai s’exclame.) Il permet d’introduire la flexibilité et la souplesse nécessaires. Il faut d’ailleurs bien reconnaître que le marché du travail français a besoin de sécurité et de flexibilité, les deux simultanément. Les débats sur la « flexisécurité » ont souvent mentionné l’une sans parler de l’autre.

La souplesse, on le voit, est indispensable.

Une étude récemment parue montre que la France est le pays qui compte le moins d’heures travaillées en Europe, juste devant la Finlande. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Didier Boulaud. Encore un article du Figaro, comme par hasard !

M. Xavier Bertrand, ministre. Nous ne pouvons pas continuer ainsi.

M. Didier Boulaud. Cette étude est tirée du « Figaro-Dassault » !

M. Xavier Bertrand, ministre. Il faut pouvoir travailler davantage.

M. Alain Néri. Travailler plus pour gagner plus !

M. Xavier Bertrand, ministre. Si, malgré ce classement, la France a réussi à tenir, c’est grâce à sa productivité sans pareille. Mais celle-ci ne suffira plus, à l’avenir. Il faudra aussi de la compétitivité. Cela passe par la réforme du financement de la protection sociale, avec une priorité : l’emploi, l’emploi, toujours l’emploi. (M. Alain Néri s’exclame.)

M. Didier Boulaud. M. Dassault ferait mieux de vendre des Rafale !

M. Xavier Bertrand, ministre. Les entreprises devront également, tout en gardant les garanties offertes par la loi, pouvoir bénéficier de davantage de souplesse. C’est l’idée sur laquelle reposent les accords « compétitivité-emploi », qui permettront aux entreprises d’adapter le temps de travail à la conjoncture économique, en accord avec les salariés et leurs représentants.

Il n’y a que ceux qui croient encore à la lutte des classes…

M. David Assouline. C’est vous qui y croyez !

M. Xavier Bertrand, ministre. … qui pensent que l’on ne peut pas dialoguer dans l’entreprise. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Or on peut le faire ! Cette souplesse permettra aussi de progresser dans les années qui viennent. Toutes ces idées, nous les portons dans le débat. Cela dit, il est vrai qu’on n’est pas embarrassé par les idées de la gauche en matière de lutte contre le chômage, c’est le moins que l’on puisse dire ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)