Mme Michelle Meunier. Quid, dans ce cas, des agents publics handicapés ? Ils pourraient ne pas avoir accès à certaines parties du bâtiment dans lequel ils sont pourtant appelés à travailler…

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, la disposition prévue à l’article 1er de la proposition de loi porte en elle un risque de rupture d’égalité entre citoyens et entre collectivités territoriales.

Le Conseil national consultatif des personnes handicapées, qui regroupe les structures et les associations agissant en matière d’accessibilité et de défense des droits des personnes handicapées, considère le présent texte comme une nouvelle offensive contre l’accessibilité et les mécanismes mis en œuvre par la loi du 11 février 2005. Il estime en effet que « la liberté d’aller et de venir n’a pas à être sacrifiée en intériorisant des contraintes qui résultent indirectement de choix de politiques économiques et fiscales ».

S’opposer à cet article, monsieur Doligé, c’est ni plus ni moins se conformer aux déclarations du Président de la République – et nouveau candidat... En effet, en octobre dernier, il a exprimé le souhait que les collectivités territoriales se conforment à la loi d’ici à 2015, écartant ainsi toute mesure de dérogation.

Mais ce n’est pas tout ! Je veux aussi parler de l’article 18 de la proposition de loi, lequel vise à supprimer l’obligation pour les communes de disposer d’un centre communal d’action sociale. Le même article autorise également les communes qui le souhaitent à dissoudre purement et simplement leur CCAS pour exercer directement les missions dévolues à celui-ci. Proposer cela, soit dit en passant, c’est méconnaître l’action des CCAS…

En outre, les mêmes mesures sont prévues au niveau intercommunal, ce qui va complètement à contre-courant de la dynamique actuelle de regroupement des structures de l’action sociale lorsqu’elles sont de petite taille.

Selon les derniers chiffres de l’INSEE, un Français sur sept vit avec moins de 954 euros par mois. Malheureusement, cette proportion, déjà très élevée, ne cesse d’augmenter.

Dans ce contexte d’aggravation de la précarité et, par conséquent, de progression des besoins sociaux, que signifie une telle disposition ? Est-elle une priorité pour la majorité présidentielle ? Est-ce le signe que celle-ci souhaite envoyer aux Françaises et aux Français ?

Comme le souligne à juste titre l’Union nationale des CCAS, rendre facultative la création d’un CCAS est une « fausse bonne idée » qui fragiliserait davantage l’action sociale de proximité sans simplifier en rien le travail des élus face à une demande sociale en constante progression.

Ne nivelons pas les choses par le bas ! Les élus locaux doivent, au contraire, prendre leurs responsabilités et être encouragés à s’appuyer, à la hauteur de leurs moyens humains et financiers, sur les outils et les opportunités qui s’offrent à eux, notamment sur le plan intercommunal, pour renforcer l’accès aux droits et aux services sociaux – en un mot, pour développer l’action sociale sur leur territoire.

Le CCAS, qui a la particularité d’être dirigé par des élus et des administrateurs, est un précieux interlocuteur de proximité qui informe, oriente, conseille au quotidien les familles, les personnes en difficulté et les personnes âgées. J’ajoute que les CCAS interviennent souvent en complément d’autres réponses institutionnelles ou associatives, notamment dans les territoires ruraux.

Inciter les communes à se passer d’un tel outil, efficace et nécessaire à nos concitoyennes et nos concitoyens les plus fragiles, revient, dans la période actuelle, à nier la progression de la demande sociale et à inquiéter encore celles et ceux qui sont confrontés à l’extrême précarité, voire à la pauvreté. C’est à mes yeux une erreur manifeste !

Monsieur Doligé, ce ne sont pas les CCAS qu’il faut supprimer, mais bien évidemment la pauvreté…

M. Éric Doligé. Il n’est pas question de supprimer les CCAS.

Mme Michelle Meunier. Pour conclure, j’évoquerai l’article 33 de la proposition de loi, dont il n’a pas du tout été question jusqu’à présent.

Cet article concerne les centres d’information, de dépistage et de diagnostic gratuit. La fusion des centres de dépistage anonyme et gratuit, les CDAG, et des centres d’information, de dépistage et de diagnostic des infections sexuellement transmissibles, les CIDDIST, aurait pu être une idée judicieuse, si elle ne s’était pas accompagnée pas de la remise en cause de l’anonymat de plein droit.

En effet, l’article 33 du texte prévoit que le patient devra lui-même demander à être pris en charge de manière anonyme. Cette mesure est une régression totale, d’un terrible cynisme, lorsqu’on sait que l’absence d’anonymat diminue, de fait, le recours au dépistage, notamment pour le VIH… Aussi, remettre en cause l’anonymat de plein droit aurait nécessairement des conséquences sur le plan de la santé publique.

M. le président. Veuillez conclure, madame la sénatrice.

Mme Michelle Meunier. Vous l’aurez compris, mes chers collègues, nous ne pouvons pas soutenir cette proposition de loi, dont les dispositions n’apportent aucune simplification mais tirent vers le bas les droits des Françaises et des Français les plus précaires ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion de la motion tendant au renvoi du texte à la commission.

Demande de renvoi à la commission

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi relative à la simplification du fonctionnement des collectivités territoriales
Demande de renvoi à la commission (fin)

M. le président. Je suis saisi, par Mme Gourault, au nom de la commission des lois, d'une motion n° 2.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, la proposition de loi de simplification des normes applicables aux collectivités locales (n° 779, 2010-2011).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

Aucune explication de vote n’est admise.

La parole est à Mme la rapporteur, auteur de la motion.

Mme Jacqueline Gourault, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant d’aborder le fond, je formulerai quatre remarques.

Je rappelle, tout d’abord, que la commission des lois a fermement approuvé l’objectif de l’auteur de la proposition de loi soumise à l’examen du Sénat, à savoir relâcher l’étau normatif qui enserre et trop souvent entrave l’action locale.

Monsieur le ministre, permettez-moi de vous rappeler que la motion que je défends tend non pas à opposer la question préalable, mais au renvoi à la commission. Comme cela a été maintes fois rappelé, la commission des lois n’a pas l’intention de laisser enterrer le présent texte ; elle compte au contraire reprendre très rapidement son examen. Je suis persuadée que nombre de ses membres partagent ce point de vue.

Monsieur Labbé, je souhaite vous indiquer pour la transparence de nos travaux que M. Éric Doligé m’avait transmis l’avis du Conseil d’État qu’il avait reçu en sa qualité d’auteur de la proposition de loi.

Plusieurs exemples concrets évoqués par les différents orateurs – je ne les citerai pas afin de ne pas allonger les débats – montrent qu’un point mérite réflexion. En effet, au-delà de l’examen des normes contenues dans les textes, la mise en application de ceux-ci devra être étudiée. On le sait bien, certains font l’objet, avant leur mise en œuvre, d’interprétations excessives de la part de fonctionnaires, de « contrôleurs » faisant parfois preuve de zèle et imposant un certain nombre de mesures. Dans les petites communes, des aberrations peuvent être constatées. J’en ai moi-même relevé.

Mme Jacqueline Gourault, rapporteur. J’en viens maintenant au fond de mon intervention.

Plusieurs dispositions de la présente proposition de loi soulèvent quelques questions.

J’aborderai tout d’abord les dispositions que comportent les quatre premiers articles relatifs au principe de proportionnalité et à la création de nouvelles instances d’évaluation des normes.

Aujourd'hui, la CCEN ne dispose pas de la capacité suffisante pour endiguer et contrôler les flux normatifs. Dès lors, que faire ? Accroître les moyens de la commission ? Renforcer l’autorité attachée à ses avis ? Décliner localement le principe de cette structure ? En instituer de nouvelles ? Toutes ces questions méritent d’être approfondies.

Une même attention doit être portée à l’introduction d’un principe de proportionnalité des normes.

Si l’objectif mérite d’être approuvé, les collectivités n’étant pas toutes également armées pour mettre en œuvre toutes les mesures réglementant leurs champs d’intervention, le contour proposé est-il le plus adapté ? La capacité financière des entités décentralisées est-elle le seul critère pertinent ? Sa valeur est-elle universelle, quel que soit le domaine abordé ? Ne convient-il pas, plutôt, de l’adapter au cas par cas ?

En tout état de cause, il conviendrait de veiller à ce que le principe d’égalité entre les usagers ne soit pas altéré, comme l’a rappelé le Conseil d’État : l’essence du service public doit être préservée, quelle que soit la taille de la collectivité chargée de le mettre en place.

Les réponses à l’ensemble de ces questions mériteraient donc d’être affinées.

Pour sa part, l’article 18 tend à rendre facultative l’existence d’un centre communal d’action sociale dans chaque commune et simplifie le régime des centres intercommunaux d’action sociale.

Différents mécanismes peuvent être envisagés : fixation d’un seuil en deçà duquel la création d’un CCAS serait rendue facultative ; simplification de la dissolution des structures déjà existantes ; clarification des conditions de création d’un CIAS en imaginant le transfert automatique des compétences d’action sociale d’intérêt communautaire de la part des centres des communes membres ; transfert à l’EPCI par délibérations concordantes de l’organe délibérant de l’EPCI et des conseils municipaux des autres attributions des CCAS.

Convenons que l’ensemble de ces questions méritent également d’être approfondies.

L’article 33, que Mme Meunier vient d’évoquer, vise à fusionner, au sein d’une nouvelle structure – les centres d’information, de dépistage et de diagnostic gratuit – financée par l’assurance maladie, les deux réseaux d’établissements intervenant actuellement dans le dépistage et la lutte contre les infections sexuellement transmissibles.

Si la commission approuve l’esprit de cette mesure, elle s’interroge néanmoins sur l’anonymat, dont le principe semblerait ne plus être respecté.

Plusieurs articles modifient ou complètent le code de l’urbanisme ou le code de la construction et de l’habitation. Ils soulèvent un certain nombre d’interrogations, auxquelles les réponses s’avèrent complexes.

J’évoquerai d’abord la difficulté de délivrer des autorisations de construire sur la base d’objectifs : l’absence totale et définitive de règlement dans les secteurs de projets ne facilitera pas l’instruction des autorisations déposées dans ces périmètres.

Cette suppression de tout règlement en la matière revient à se priver de certains outils : c’est le cas de la faculté de réserver un certain pourcentage d’un programme de constructions de logements, destiné à favoriser la mixité sociale. Ce point est important, le logement étant un sujet d’actualité.

L’article 23 nécessite une clarification du champ d’application des stipulations ayant pour effet de limiter le droit de construire : doivent-elles s’appliquer à l’ensemble du droit privé ou seulement en matière d’urbanisme ? Par ailleurs, ajouter à ce mécanisme le principe de la caducité des dispositions d’urbanisme en cas d’absence de publications au bureau des hypothèques, c’est-à-dire leur anéantissement pur et simple, conduit à conférer à la publicité foncière un effet qui n’est pas le sien aujourd’hui.

L’article 24 vise à autoriser la signature d’une promesse de vente ou de location d’un terrain avant la délivrance du permis d’aménager un lotissement. Par conséquent, il appelle également la plus grande vigilance pour éviter toute pression sur les maires ou présidents d’EPCI compétents pour délivrer les permis d’aménager. Rappelons que la signature d’une promesse de vente implique la constitution préalable des lots ainsi que leur bornage. La réalisation de ces derniers rend plus difficile le refus du maire d’accorder le permis d’aménager.

Les dispositions gérant la tacite reconduction de la promesse paraissent incomplètes. Il faut éviter de dénaturer l’esprit du texte, par le jeu de reconductions multiples, au motif d’impératifs d’une pré-commercialisation.

L’article 25 est relatif à la convention de projet urbain partenarial conclue entre la personne publique et le porteur du projet. La prise en considération du projet par la personne publique ne doit pas être créatrice de droits pour le porteur dudit projet. Rappelons que la notion de « prise en considération » existe déjà en droit de l’urbanisme et qu’elle est créatrice de droits dans le cadre du sursis à statuer.

Enfin, l’article 26 a pour objet de rendre inopposables les dispositions des PLU qui prescriraient la réalisation de plus d’une aire de stationnement par logement dans les zones tendues : il s’avère trop général et ne tient pas suffisamment compte des circonstances locales, notamment de la typologie des ménages. Par ailleurs, il entraînerait la suppression potentielle de l’exigibilité de la participation pour non-réalisation d’aires de stationnement qui sert le plus souvent à financer des parcs de stationnement.

L’article 32 de la proposition de loi prévoit pour toutes les collectivités la faculté de recourir au concours sur titre dans les filières sociale, médico-sociale et médico-technique qui connaissent des difficultés de recrutement.

La commission des lois a récemment examiné une réforme du cadre juridique des centres de gestion de la fonction publique territoriale dont certains éléments ont été introduits par le Sénat dans le projet de loi relatif à la fonction publique. Nous allons très prochainement y revenir en commission mixte paritaire. Le renforcement de ces structures, les coordinations entre centres, les regroupements des examens concernant l’ensemble des filières sociales et médico-sociales ne seraient-ils pas appropriés ? Une réponse plus coordonnée à la question que vous avez soulevée, monsieur Doligé, semble nécessaire.

La présente proposition de loi soulève donc un ensemble d’interrogations, qui méritent une réflexion poussée, que ne permet pas l’ordre du jour des travaux du Sénat. C’est pourquoi, sur l’initiative de notre collègue Jean-Pierre Michel et des membres du groupe socialiste, la commission des lois a décidé de proposer à la Haute Assemblée d’adopter une motion de renvoi du texte à la commission.

Il ne s’agit pas, pour elle, de retenir une procédure dilatoire ni de renoncer à examiner la proposition de loi. Je le répète : l’objectif affiché par l’auteur de celle-ci est impératif.

Prenons toutefois le temps de débattre et d’approfondir la réflexion engagée par notre collègue Éric Doligé. C’est ce que vous propose la commission des lois. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Christophe Béchu, contre la motion.

M. Christophe Béchu. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, 1991 : rapport du Conseil d’État ; 2000 : rapport de la mission commune d’information du Sénat ; 2007 : rapport Lambert ; 2011 : rapport Doligé. À chaque fois, un même constat est dressé, celui de la surproduction normative ! Je serais presque tenté de vous dire que, s’il ne fallait pas une norme pour l’imposer, nous pourrions proposer que soit apposée sur chaque document réglementaire la mention : « Attention, l’excès de norme est nuisible pour la santé financière de nos collectivités locales ! » (Sourires.) Et tel est bien le cas, mes chers collègues ! L’inflation normative se traduit non seulement par des dépenses obligatoires nouvelles, mais aussi par un allongement des délais et une complexification des procédures, tous deux sources de dépenses supplémentaires.

Je suis convaincu que la France « norme », si je puis dire, au-dessus de ses moyens. Chacun d’entre nous, mes chers collègues, pourrait citer des exemples de terrain.

Mme Catherine Troendle et M. Dominique de Legge. Très bien !

M. Christophe Béchu. Au regard de la situation actuelle de nos finances publiques, que chacun connaît, nous pourrions admettre, d’un commun accord, que, avant d’augmenter les impôts, il est souhaitable de diminuer les dépenses et, en premier lieu, les plus absurdes, inefficaces et disproportionnées.

Sans rêver de manière excessive, nous pourrions penser que le Sénat, chambre des collectivités locales, est l’assemblée la plus légitime à la fois pour conduire cette réflexion et pour passer à l’action.

Depuis le début de notre débat, j’ai entendu des louanges adressées à notre collègue Éric Doligé qui l’ont fait rougir. Tous les orateurs qui se sont succédé ont expliqué à quel point il avait réalisé un travail formidable, considérable, colossal, qui méritait félicitations. Mais bizarrement, en conclusion de leur intervention, la plupart d’entre eux ont expliqué que certains points de la proposition de loi devaient être étudiés de nouveau, qu’il était nécessaire de travailler encore sur le sujet, voire que l’examen du texte intervenait trop tôt. Éric Doligé a obtenu l’unanimité… et la quasi-assurance d’être minoritaire au moment du vote,…

M. Jean-Jacques Mirassou. C’est la vie !

M. Christophe Béchu. … ce qui témoigne d’un décalage énorme entre les discours et les actes.

Dans les couloirs, sur le terrain, lors des différentes rencontres, chacun en convient : il existe des normes inapplicables ou absurdes. Dans cet hémicycle, peut-être eu égard à l’approche de l’élection présidentielle, tout à coup sont avancés des arguments fallacieux pour s’opposer à un processus, que chacun appelle pourtant de ses vœux.

Pour quelle raison serait-il nécessaire de renvoyer ce texte à la commission ? Sans doute parce que c’est le Président de la République qui a lancé l’idée !

M. Jean-Jacques Mirassou. C’est une raison suffisante ! (Sourires.)

M. Christophe Béchu. C’est lui qui a pris ce sujet à bras-le-corps, en créant la CCEN pour associer les collectivités locales au processus d’élaboration des normes.

C’est encore lui qui a eu l’idée d’instaurer un moratoire sur les normes applicables aux collectivités locales.

Enfin, c’est le Président de la République qui s’est prononcé, vendredi dernier, en faveur d’une simplification, et ce avec l’assentiment du président de l’Association des régions de France, du président de l’Assemblée des départements de France, lesquels ne sont pas, que je sache, « encartés » à l’UMP, et du président du Sénat.

Mme Jacqueline Gourault, rapporteur. Lui non plus n’est pas « encarté » à l’UMP !

M. Christophe Béchu. Tous ont rappelé leur attachement à mener, de manière précise, une réflexion pour alléger le poids des normes dans ce pays.

Certes, je comprends que la nouvelle majorité ne veuille pas s’engager dans une réforme qui permette de réaliser des économies.

M. Antoine Lefèvre. Très bien !

M. Martial Bourquin, rapporteur pour avis. Travailler plus et mieux ! (Sourires.)

M. Christophe Béchu. Mais alors, pourquoi nous fait-elle part, dans le même temps, de son souhait de parvenir à rééquilibrer nos finances publiques ?

M. Christophe Béchu. Par ailleurs, vous arguez du fait que cette proposition de loi menacerait l’égalité républicaine.

Mes chers collègues, cet argument est à la fois outrancier...

M. Jean-Jacques Mirassou. Vous l’êtes vous-même !

M. Christophe Béchu. ... et inexact !

La proportionnalité relève du bon sens, et, d’ailleurs, les règles applicables aux entreprises dans ce pays varient déjà en fonction de leur taille.

M. Jean-Pierre Michel. Cela n’a rien à voir !

M. Christophe Béchu. De même, nos concitoyens ne sont d’ores et déjà pas tous soumis aux mêmes règles : elles diffèrent selon l’endroit où ils habitent.

Ainsi, après avoir fait appel aux sapeurs-pompiers, on est certain de les voir arriver dans les dix minutes en ville, alors que l’attente peut durer jusqu’à vingt minutes à la campagne. Pourtant, la loi qui a été adoptée s’applique à tous !

Mme Jacqueline Gourault, rapporteur. Vous n’êtes pas un bon président de conseil général ! (Sourires.)

M. Christophe Béchu. Certains de nos collègues font ici un contresens extraordinaire sur la notion d’égalité.

L’égalité n’a jamais consisté à traiter tout le monde de la même manière : il s’agit de traiter de façon comparable tous ceux qui sont dans une situation comparable.

M. Martial Bourquin, rapporteur pour avis. Sur la fiscalité, c’est clair !

M. Christophe Béchu. Comment pourrait-on expliquer à nos concitoyens qu’une commune de cent habitants doit appliquer les mêmes normes d’accessibilité en matière de handicap qu’à Paris ? N’est-ce pas une simple question de bon sens ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Christophe Béchu. Monsieur Michel, je vous le dis avec beaucoup de sincérité, vous qui êtes un républicain convaincu, je veux croire que nous pouvons trouver un terrain d’entente sur cette question.

M. Jean-Jacques Mirassou. C’est mal parti !

M. Christophe Béchu. Votre refus du texte, notamment de l’institution d’un principe de proportionnalité des normes, se fonde sur votre attachement à la République. Mais, je le répète, nous pourrions nous retrouver sur le fait que l’application d’un texte absurde ou l’inapplication d’une loi est une menace pour la République au moins égale à l’application d’une loi inapplicable. Ce n’est pas ainsi que l’on garantit ou que l’on défend la République !

À cet égard, permettez-moi de reprendre une citation du Conseil d’État en 1991 : « Quand le droit bavarde, le citoyen ne lui prête plus qu’une oreille distraite. »

Parmi les sujets présentés dans la proposition de loi d’Éric Doligé, il en est un qui doit être abordé avec beaucoup de précautions et sur lequel les clivages entre les positions des uns et des autres peuvent apparaître avec plus de force ; je veux parler de l’accessibilité. Cet objectif est noble et, pour autant, les modalités pour l’atteindre peuvent être absurdes.

À cet égard, permettez-moi de prendre un exemple, celui des transports scolaires.

M. Christophe Béchu. La loi fixe l’obligation aux départements, qui assurent le transport scolaire, de garantir l’accessibilité des cars. L’application stricte de la loi nous imposerait d’équiper chaque car d’un monte-charge pour permettre l’accessibilité des enfants en fauteuil roulant.

Dans mon département, le Maine-et-Loire, le coût de la modernisation de la flotte des cars atteindrait 30 millions d’euros. De plus, une fois le car aménagé, encore faut-il que les bords de route soit mis à niveau.

M. Michel Le Scouarnec. Par endroits !

M. Christophe Béchu. Le département du Maine-et-Loire compte 8 000 points de collecte pour les enfants. Compte tenu des règles applicables aux marchés publics, auxquelles il n’est pas souhaitable de déroger, il nous serait impossible, même en passant des marchés à bons de commande et en restant sous les seuils prévus, de réaliser les travaux à tous les endroits qui le nécessiteraient.

De surcroît – je le dis à l’intention des écologistes, qui, je l’ai bien noté, ont choisi de voter la motion de renvoi à la commission –, je ne suis pas certain que le bétonnage intempestif de nos bords de route respecte les objectifs que nous pouvons, les uns et les autres, chercher à atteindre en termes d’économies et de développement durable. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Martial Bourquin, rapporteur pour avis. C’est scandaleux ! Ce ne sont pas des arguments !

M. Christophe Béchu. Mes chers collègues, laissez-moi aller au terme de mon raisonnement !

Dans mon département, les enfants handicapés sont actuellement transportés gratuitement en taxi.

M. Christophe Béchu. Si, demain, nous devions appliquer les normes en matière d’accessibilité qui doivent être respectées en 2015, cela entraînerait la dégradation du service public offert à nos concitoyens, car nous aurions considérablement augmenté les coûts induits.

Aussi, je ne peux croire que nous acceptions collectivement de nous retrouver dans une situation aussi absurde, qui provoquerait la détérioration du service public, l’explosion des coûts et ne facilitait pas la vie des familles, plutôt que de modifier, à un moment ou à un autre, les textes qui s’imposent à nous. En disant cela, je n’ai pas le sentiment d’être antisocial ou de m’opposer aux associations de personnes handicapées, dont je veux croire qu’elles sont capables de comprendre que les efforts financiers considérables à consentir en la matière pourraient davantage être consacrés au financement de places en établissement, et ce afin de combler une partie du retard existant entre l’offre existante et les attentes des familles. Pourquoi dépenser des sommes exorbitantes pour un service qui diminuera en qualité ?

MM. Dominique de Legge et René-Paul Savary. Tout à fait !

M. Christophe Béchu. Mes chers collègues, pour terminer, je veux revenir sur l’argument selon lequel cette proposition de loi est une bonne base de départ, mais qu’il est absolument nécessaire de la retravailler.

Tout a été dit, y compris que nous ne disposons pas de suffisamment de temps pour évoquer cette question au fond.

Mme Jacqueline Gourault, rapporteur. C’est vrai !

M. Christophe Béchu. J’observe que, s’agissant de la proposition de loi Sueur sur la réforme territoriale, la majorité sénatoriale a fait en sorte de trouver une niche d’une douzaine d’heures pour aller au terme de l’examen de celle-ci. Voilà qui prouve que la volonté politique permet parfois de contourner la manière dont s’appliquent les textes.

Je veux également dire qu’il s’agit clairement ici d’une manœuvre dilatoire. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Jacques Mirassou. N’ayons pas peur des mots !

M. Christophe Béchu. En effet, si vous l’aviez souhaité, vous auriez pu tout aussi bien voter contre les articles qui ne vous donnaient pas satisfaction ou dont l’amélioration vous semblait nécessaire, tout en validant dès maintenant ceux sur lesquels vous pouviez vous retrouver.

M. Christophe Béchu. Mes chers collègues, assumez donc de vouloir échapper au débat démocratique que nous aurions pu avoir !

M. Martial Bourquin, rapporteur pour avis. Démocratique ?...