M. François Marc. Madame la ministre, pourquoi ne pas admettre que votre mesure est fondamentalement injuste et pénalisera en priorité les personnes modestes ? Tout le monde le dit aujourd'hui ! Vous savez comme moi qu’un nombre croissant de Français vivent aujourd’hui sous le seuil de pauvreté. Ces derniers sacrifient une part de plus en plus importante de leur budget pour couvrir les dépenses élémentaires ; une hausse de la TVA de 19,6 % à 21,2 % augmentera de manière significative le coût de leurs dépenses courantes.

Cette situation est d’autant moins acceptable dans une période où le surendettement repart à la hausse – la Banque de France indique que le nombre de dossiers déposés en 2011 a progressé de près de 7 % –, où les écarts de richesses et de patrimoine s’accroissent et où le prix du carburant grimpe un peu plus chaque jour. Que dire encore des personnes retraitées qui, avec cette mesure, devront payer une seconde fois des cotisations qu’elles ont déjà acquittées tout au long de leur vie active ?

Impôt inéquitable par excellence, la TVA pèse trois fois plus sur les ménages modestes que sur les ménages qui ont des revenus élevés et qui en épargnent une partie importante. Les dernières études mettent en évidence qu’au bas de l’échelle on contribue pour 18 % de ses revenus aux impôts indirects, alors que les mieux pourvus plafonnent seulement à 7 %.

Je tiens enfin à appeler l’attention sur le fait que cette mesure apparaît comme une mauvaise décision économique, avec des effets pervers qui peuvent être redoutables. Beaucoup comme moi considèrent que le moment choisi pour instaurer cette TVA sociale génère un risque additionnel pour la reprise, car la consommation des ménages sera freinée. Le récent baromètre OpinionWay indique que les dirigeants d’entreprise eux-mêmes redoutent les impacts négatifs de la TVA sociale sur la consommation des ménages.

Pour leur part, les économistes de la Bundesbank estiment que la hausse de la TVA en Allemagne a bien eu un effet inflationniste, mais se disent incapables d’attester d’un impact positif sur la création d’emploi et la compétitivité. D’où viennent alors vos projections de 100 000 créations d’emploi ? L’étude de l’OFCE, à laquelle a fait référence à bon escient Mme la rapporteure générale dans son intervention, indique que, si cette mesure peut créer 40 000 emplois, elle peut aussi en détruire 15 000. À notre sens, le chiffre de 100 000 emplois que vous avancez ne repose sur aucune simulation réaliste.

Le rapport de l’Assemblée nationale révèle en outre les limites économiques du dispositif : un quart seulement des 13,2 milliards d’euros de hausses d’impôt prévues ira à l’industrie et aux secteurs exposés à la concurrence. Il ne s’agit donc pas d’une TVA « anti-délocalisation » comme on veut bien la présenter.

La hausse de la TVA s’appliquera tout autant aux produits fabriqués à l’étranger qu’aux produits nationaux. En quoi dissuadera-t-elle les Français de ne pas consommer des produits d’importation ? Lorsqu’on voit ce qui s’est passé avec la baisse de la TVA sur la restauration, on peut craindre que l’impact positif sur l’économie que le Gouvernement espère obtenir de cette hausse ne soit pas au rendez-vous.

Madame la ministre, votre choix d’instaurer une TVA dite « sociale » est profondément injuste à l’égard des plus modestes et dangereux du point de vue économique. Nous ne pouvons en aucun cas cautionner cette mesure.

Nous avons le sentiment que, à la toute fin du quinquennat, le Gouvernement se rend compte des carences de la politique qu’il a menée à l’égard des entreprises. L’explosion du déficit du commerce extérieur le conduit à se raccrocher aux branches, en trouvant in extremis une mesure donnant l’impression de se soucier des PME et de la compétitivité. Il est clair qu’il s’agit d’une opération électoraliste qui participe de la stratégie de communication du candidat Sarkozy. Dès lors, nous ne pouvons que nous opposer à l’adoption par le Sénat de ce projet de loi de finances rectificative. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet.

M. Éric Bocquet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici face à ce que nous n’aurions jamais dû examiner en cette fin de session ordinaire : un collectif budgétaire.

Comme nous n’avons aucunement l’intention de remuer le couteau dans la plaie, nous n’allons pas vous rappeler, madame la ministre, quelles furent vos paroles, l’automne dernier, sur le sujet. Mais toujours est-il que le débat sur le projet de loi de finances pour 2012 avait été l’occasion, pour nous comme pour d’autres, de mettre en avant le caractère discutable des prévisions de croissance, comme des recettes et des dépenses fiscales, et de nous interroger sur l’absolue sincérité des chiffres qui nous étaient alors présentés. L’avenir n’aura pas tardé à nous donner raison.

Le projet de loi de finances rectificative s’inscrit dans un contexte macroéconomique marqué par un ralentissement de l’activité, la prévision de croissance - parlerons-nous bientôt de croissance négative ? – ayant été ramenée à 0,5 % du PIB en volume. Cette situation entraîne évidemment une dégradation des comptes publics et, probablement, de la situation de l’emploi, mais sans que la moindre prévision soit associée à ce phénomène.

De ce point de vue, ce collectif ponctue donc de la pire des manières un quinquennat qui, commencé – il faut le reconnaître – sous les auspices du volontarisme et des réformes, se termine dans la stagnation de l’activité, l’explosion du chômage et de la dette publique et l’accroissement des inquiétudes de nombre de nos concitoyens quant à l’avenir.

Gardons-nous cependant de laisser penser que la politique menée depuis cinq ans est un échec spectaculaire, se traduisant par une défaite sur le front de la croissance, de l’emploi, de l’activité industrielle et économique, du commerce extérieur et même de l’inflation, qui s’est raffermie depuis plusieurs trimestres. En effet, ce bilan, vécu par la grande majorité des Français comme une pénitence à laquelle ils espèrent pouvoir prochainement mettre fin, a une face plus brillante : les grandes entreprises de notre pays, les grandes fortunes et les gros patrimoines ont pleinement tiré parti de la politique menée depuis 2007.

M. Éric Bocquet. Entre la quasi-disparition de la taxe professionnelle, l’instauration du bouclier fiscal, l’allégement des droits de succession et de transmission, la réforme de l’impôt de solidarité sur la fortune, l’élargissement du crédit d’impôt recherche, la baisse de la TVA dans la restauration, et j’en passe, les temps n’ont pas été durs pour tout le monde. Les revenus du capital, du patrimoine, de la spéculation financière et boursière ont connu quelques beaux jours qui montrent, au moins du point de vue de leurs détenteurs, que la feuille de route a été respectée et les promesses tenues. Vous le voyez, la situation n’est donc pas si sombre…

Songez-y un instant, mes chers collègues : comme nous le rappelions précédemment, à force d’alléger les impôts et les cotisations dus par les entreprises et les ménages les plus aisés, ce sont 178 milliards d’euros de recettes fiscales et sociales qui ont été abandonnés, soit beaucoup plus que la somme des déficits de la sécurité sociale et du budget de l’État !

On peut légitimement s’interroger sur les effets de telles mesures sur la situation économique du pays, sur l’emploi et sur l’activité en général. Prenons la proposition qui nous est faite de mettre en œuvre une hausse de la TVA pour compenser une réduction des cotisations sociales normalement dues par les entreprises.

Outre que, une fois encore, on déplace la perception de la ressource sociale du lieu de production de la richesse vers la caisse des supermarchés, que constate-t-on ? Vos chiffres, madame la ministre, montrent un glissement de 13 milliards d’euros des cotisations vers l’impôt indirect. On escompte la création de 100 000 emplois, soit un emploi pour 130 000 euros par an ! On pourrait sans doute rêver d’un meilleur effet levier…

Imaginons d’ailleurs que vous caressiez l’idée de porter la TVA au taux le plus élevé, soit 25 %, qui est le plafond européen autorisé. Nous déplacerions de 30 milliards à 31 milliards d’euros de cotisations vers la fiscalité pour, au mieux, la création de moins de 250 000 emplois, sans même prendre en compte le fait que la hausse des prix à la consommation porterait sans doute un mauvais coup à la situation économique de notre pays.

Ainsi, l’explosion du taux normal de TVA créerait moins de 400 000 emplois. Eu égard à la densité et à l’importance du nombre des demandeurs d’emploi en France, s’il fallait prouver que la TVA sociale n’est pas la solution, nous en aurions ici la démonstration éclatante !

Mais est-ce bien là votre préoccupation principale ? Vous voulez au fond poursuivre le processus, entrepris de longue date, qui vise à dédouaner les entreprises de toute contribution directe au financement de l’action publique et dont il serait presque lassant de rappeler la longue liste de mesures.

Plus concrètement, le projet de loi de finances rectificative qui nous est présenté a une particularité étrange : il préempte, de manière évidente, la législature à venir, c’est-à-dire celle qui commencera une fois passé le cycle électoral auquel les Français sont appelés à participer ce printemps. Cette « préemption » vient évidemment du fait que la hausse de la TVA ne sera mise en œuvre qu’à compter du 1er octobre prochain ; que la taxation, somme toute modique, des transactions financières, qu’il était impossible de mettre en place – nous disiez-vous voilà deux mois ici même – dans un seul pays comme le nôtre, le sera le 1er août prochain ; et que le Mécanisme européen de stabilité, dont nous débattrons la semaine prochaine, ne le sera qu’encore plus tard, en juin 2013, une fois les instruments de ratification déposés.

Nous pourrions considérer ce travail parlementaire comme un pari sur l’avenir politique immédiat de l’actuel Président de la République et de son gouvernement, comme de sa majorité au Palais-Bourbon. Je comprends fort bien que vous escomptiez que le sort des urnes ne vous soit pas défavorable, mais il semblerait tout de même que la configuration politique du pays pourrait connaître quelques évolutions en mai et juin prochains. Il appartiendra au peuple français de trancher.

Débattre d’un collectif budgétaire dont les principales mesures engagent, de fait, la politique qui sera menée dans le pays à compter de juin 2012, une fois l’Assemblée nationale constituée, est tout de même un exercice audacieux.

Que les choses soient claires : notre groupe, si tant est que la situation politique évolue dans le sens de plus en plus attendu par la majorité des Français, ne saurait faire autre chose que combattre dès aujourd’hui ce qui est proposé et agir pour que demain, et au plus tôt, d’autres choix puissent être opérés. Il est notamment hors de question que nous nous estimions engagés le moins du monde à mettre en œuvre un Mécanisme européen de stabilité dont il semble bien qu’il vise à imposer la seule loi de la finance et des marchés face à la volonté populaire, telle qu’elle est exprimée par le suffrage des habitants des pays européens.

Aujourd’hui, le prélude au futur Mécanisme européen de stabilité ne sert qu’à mettre en œuvre un énième plan d’austérité en Grèce, alors même que la situation de ce pays ne s’en est trouvée aucunement améliorée. Les plans précédents, au nombre de neuf, me semble-t-il, étaient déjà décrits à l’époque comme ceux de la dernière chance.

Dans cette affaire, on notera au passage que le peuple grec n’a pas eu son mot à dire. M. Papandréou avait bien songé à solliciter l’avis de son peuple par voie de référendum, mais il y renonça en quarante-huit heures sur l’injonction des dirigeants européens. Point de concertation, point de référendum, point de démocratie : le peuple paye !

Mais il manifeste, il se fait entendre, il n’accepte ni l’austérité aggravée ni l’humiliation par la négation de sa souveraineté. Au-delà de cette enceinte, je veux, au nom du groupe communiste, républicain et citoyen, adresser à nos amis grecs l’expression de notre solidarité euro-citoyenne.

Lors de la discussion du premier projet de loi portant sur la situation grecque, notre groupe avait déjà manifesté sa préoccupation devant le mode de résolution des problèmes choisi par l’Europe. Le 6 mai 2010, notre éminent collègue Bernard Vera précisait : « Ce n’est pas dans le dumping fiscal et social, ni dans la réduction de la dépense publique, ni dans le financement exclusif des dettes des États par les marchés que nous rendrons à l’Europe corps et sens pour nos compatriotes. Le mythe de la stabilité économique de l’Union vient de partir en fumée. Telle est la grande leçon de cette crise, qui est loin d’être dénouée par ce projet de loi.

« Ce texte, replié sur la préservation de la rentabilité des marchés, assorti des mesures d’austérité les plus dures que le peuple grec ait eu à subir depuis la Seconde Guerre mondiale, contribuera à plonger la Grèce dans une récession très grave et dommageable pour toute l’Europe. »

En tenant ces propos voilà presque deux ans, notre collègue a malheureusement été très clairvoyant.

Quant à mon ami Michel Billout, il indiquait, lors du même débat, en défendant déjà à l’époque une motion tendant à opposer la question préalable : « À une situation financière temporairement délicate, on notera qu’on répond par des mesures structurelles tellement destructrices qu’elles vont impacter négativement et durablement l’économie grecque.

« C’est un peu comme si l’Europe avait réussi à imposer à la Grèce ce que les mouvements sociaux ont jusqu’ici réussi à mettre en échec en France, en Allemagne et dans l’ensemble des pays les plus développés de l’Union, où le monde du travail dispose encore de garanties collectives et de sécurités dont sont privés les jeunes diplômés grecs payés sous contrat précaire 400 euros par mois !

« Quand on est de gauche, attaché à des valeurs de progrès, soucieux de la défense des intérêts du plus grand nombre, on ne peut qu’être révulsé par la hausse vertigineuse de la fiscalité indirecte et les coupes draconiennes dans les dépenses publiques que comporte le plan dicté par le FMI, la BCE et par la Chancelière allemande, avec l’assentiment de la France ! »

Outre qu’effectivement, comme nous l’avions pressenti, la situation de la Grèce s’est sensiblement dégradée – la dette publique a augmenté de 25 % en deux ans –, les propos tenus à l’époque par mes collègues pourraient être repris aujourd'hui, sans en modifier la moindre virgule.

Vous comprendrez donc que, entre une TVA dite « sociale » inacceptable et un accroissement de la dette publique française pour venir au secours de spéculateurs financiers faisant payer le prix fort au peuple grec, nous ne puissions trouver la moindre qualité à ce projet de loi de finances rectificative que nous rejetons sans la moindre hésitation. Nous voterons donc bien évidemment la motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier.

M. Philippe Dallier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui le premier, et probablement pas le dernier, projet de loi de finances rectificative pour 2012. Celui-ci revêt une importance particulière.

Tout d’abord, le présent texte ajuste les prévisions économiques et notamment l’hypothèse de taux de croissance. Qui pourrait reprocher au Gouvernement de faire cet effort de vérité ?

Ensuite, il concrétise les annonces du Président de la République à la suite du sommet social du 18 janvier, qui ont pour vocation de relancer la compétitivité de nos entreprises, notamment dans les secteurs industriel et agricole confrontés à une rude concurrence. Il s’agit par conséquent de soutenir la croissance, qui, comme le dirait M. de La Palisse, est le moyen le plus efficace de produire des recettes et, partant, de diminuer, si nous en avons la volonté, nos déficits. Qui pourrait ne pas soutenir cette ambition ?

Enfin, et c’est l’essentiel, il met en œuvre l’engagement européen de la France de soutenir financièrement le futur Mécanisme européen de stabilité. S’y opposer serait remettre en cause, de manière totalement irresponsable, notre engagement européen, dans un contexte de crise majeure de la zone euro.

Aujourd’hui, nombreux ont été les orateurs qui l’ont rappelé, nous sommes très exactement à deux mois du premier tour de l’élection présidentielle. Un collectif de cette importance si près de cette échéance est indéniablement une preuve de courage et de détermination que le groupe de l’UMP tient à saluer.

Le Président de la République et le Gouvernement, avec un grand sens des responsabilités, continuent de travailler et de servir le pays, alors que d’autres essayent de passer sous le radar, refusant même d’assumer leur engagement européen, préférant, telles des autruches, mettre leur tête dans le sable en attendant que l’orage passe. On aurait envie de dire à Jacques Delors : « Réveille-toi, ils sont devenus flous ! » (Sourires sur les travées de l'UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Voilà ce que nos débats vont démontrer de manière éclatante aux Français. La majorité sénatoriale, sur laquelle plane l’ombre tutélaire du candidat furtif, François Hollande, va se réfugier aux abris alors que la France et l’Europe ont besoin de décisions. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

Pour la Haute Assemblée, quel recul ! Pourtant, cette majorité sénatoriale, dressant un tableau toujours plus noir de la réalité, ne cesse de répéter que le bilan du quinquennat est catastrophique,…

M. Jacky Le Menn. En effet !

M. Philippe Dallier. … que le chômage et les déficits ont augmenté. (Eh oui ! sur les travées du groupe CRC.) Toutefois, lorsqu’il faut prendre des décisions difficiles, elle est aux abonnés absents.

Mes chers collègues de la majorité sénatoriale, faut-il vous rappeler que la vérité des chiffres n’est pas absolue et qu’elle doit toujours être contextualisée, relativisée et soumise à la comparaison ?

M. Jacky Le Menn. Comparaison n’est pas raison !

M. Philippe Dallier. Votre critique des résultats du Gouvernement fait fi du contexte, celui d’une crise d’une violence inouïe, qui a mis à genoux plusieurs pays européens : la Grèce, l’Espagne, le Portugal, gérés alors par des gouvernements socialistes. Mais, en France, par pure posture électoraliste, la gauche fait comme si cette crise n’existait pas.

Vous vous gardez bien de faire quelque comparaison que ce soit. Surtout, vous omettez de rappeler que, grâce à l’action du Président de la République et du Gouvernement, la France a mieux résisté à la crise que la plupart de ses voisins européens. Oui, le chef de l’État et le Gouvernement ont su protéger la France et les Français. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Vous poussez des cris d’orfraie parce que nous augmentons la TVA de 1,6 point, mais vous ne dites rien du niveau de nos retraites, niveau qui a été préservé, …

Mme Christiane Demontès. Demandez donc aux femmes si leurs retraites ont été préservées !

M. Philippe Dallier. … alors même que vous n’avez pas voté la dernière réforme en la matière.

Vous ne dites rien non plus du fait que, depuis 2002, nous avons augmenté le minimum vieillesse de 25 %.

Pour l’essentiel, les choix effectués ont été pertinents. Mais vous vous gardez bien de parler des chiffres qui le démontrent. Ainsi, nous n’entendons jamais l’actuelle majorité sénatoriale insister sur le fait que l’État a su, durant ce quinquennat, maîtriser ses dépenses. Pourtant, en 2011, et pour la première fois depuis 1945, les dépenses de l’État, hors dette et pensions, ont baissé de 260 millions d’euros. Et, triple A ou pas, la charge de la dette peut être cette année révisée à la baisse de 700 millions d’euros !

M. Jean-Pierre Caffet et Mme Christiane Demontès. La dette a augmenté de 500 milliards d’euros en cinq ans !

M. Philippe Dallier. De tout cela, vous ne parlez pas, alors que, de la perte du triple A, vous nous avez rebattu les oreilles.

Madame la rapporteure générale, les résultats de l’année 2011 n’ont pas été ceux que vous prédisiez. Jusqu’au dernier projet de loi de finances rectificative de l’année passée, vous avez préféré jouer les Cassandre, annonçant toujours moins de croissance.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Vous avez pris acte de ces prévisions !

M. Philippe Dallier. Mais les faits vous ont donné tort. L’objectif de réduction du déficit à 5,7 % du PIB sera largement atteint, avec un résultat qui sera probablement en deçà de 5,5%, de 5,4 %, voire de 5,3 %.

Mme Christiane Demontès. Vous vous satisfaites de peu !

M. Philippe Dallier. Certes, dans votre rapport, vous évoquez ces chiffres, mais sans vous y appesantir ni vous en féliciter outre mesure, encore moins en expliquant que la politique du Gouvernement y est sans doute pour quelque chose. Vous devez donc estimer que c’est le fruit du simple hasard…

En outre, dans la présentation que vous avez faite hier en commission des finances, vous avez balayé d’un revers de la main les effets de ces bons résultats, établissant, pour 2012, des prévisions plus noires que noires, additionnant, de manière purement hypothétique, les conséquences budgétaires d’aléas forcément à la baisse.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Soyez honnête ! J’ai également présenté des aléas à la hausse !

M. Philippe Dallier. Vos scénarios reposent notamment sur une croissance nulle en 2012, sans considération pour l’hypothèse retenue non seulement par le Gouvernement, mais aussi par votre propre candidat, François Hollande : celle d’une croissance s’élevant à 0,5 %.

On ne pourra pas dire que vos prévisions de croissance nous font voir la vie en rose ! Où sont donc la sincérité et l’objectivité de vos démarches, si elles ne reposent même pas sur l’hypothèse retenue par votre candidat ?

Pour sa part, et c’est tout à son honneur, le Gouvernement fait preuve de sincérité,…

Mme Christiane Demontès. Sincérité à la petite semaine !

M. Philippe Dallier. … même à deux mois de l’élection présidentielle, en révisant sa prévision de croissance pour 2012 de 1 % à 0,5 % du PIB.

Cette hypothèse est réaliste, surtout si nous prenons en compte l’acquis de croissance de 2011, estimé à 0,3 %. En effet, selon l’INSEE, la croissance s’est établie l’an dernier à 1,7 %, soit à un meilleur niveau qu’en 2010 – elle avait alors été de 1,4 % –, rejoignant ainsi quasiment la prévision du Gouvernement, qui tablait sur 1,75 %.

Encore une fois, la sincérité des prévisions et des chiffres du Gouvernement…

Mme Christiane Demontès. Quid des chiffres du chômage ?

M. Philippe Dallier. … a contredit non seulement les prédictions de la gauche, mais aussi celles des analystes, qui, rappelons-le, ne commettent pas là leur première erreur.

Au dernier trimestre, la croissance a été positive, s’élevant à 0,2 %, alors que les économistes avaient unanimement tablé sur une sombre perspective : une baisse de 0,2 %.

On constate en outre que, en Allemagne, la croissance a diminué de 0,2 % au quatrième trimestre. Or personne n’évoque non plus cette baisse.

Ces bons résultats devraient être salués par tous les candidats à l’élection présidentielle : ce sont ceux de la France ! Mais il semble que, pour certains, l’intérêt supérieur du pays passe après la posture politique.

M. Jean-Pierre Caffet. Épargnez-nous vos leçons !

M. Philippe Dallier. De même, dans le présent collectif budgétaire, le déficit est réduit de 300 millions d’euros, si l’on ne tient pas compte de la dotation de 6,5 milliards d’euros au futur Mécanisme européen de stabilité.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Comment ne pas en tenir compte !

M. Philippe Dallier. Par ailleurs, certaines mesures de ce projet de loi de finances rectificative vont impacter positivement les finances publiques.

Ainsi, la mise en œuvre au 1er août prochain de la taxe sur les transactions financières pourrait rapporter 500 millions d’euros dès cette année et plus de 1 milliard d’euros en année pleine. L’intensification de la lutte contre la fraude fiscale rapportera 300 millions d’euros de plus en 2012 et les annulations de crédits budgétaires feront économiser 1,2 milliard d’euros.

Nous avons le courage de jouer carte sur table ! Nous avons le courage d’assumer nos choix !

L’ensemble de ces mesures permettra de garantir le respect de l’objectif de 4,5 % de déficit public pour 2012, en dépit du ralentissement annoncé de la croissance ; croissance que le présent texte a précisément pour objet principal de relancer, en renforçant la compétitivité des entreprises. En effet, quoi que l’on en dise, la France souffre indéniablement d’un déficit de compétitivité.

Des mesures très importantes ont été prises durant ce quinquennat : le crédit d’impôt recherche, la réforme de l’université et son rapprochement du monde de l’entreprise, le développement de l’apprentissage et des formations en alternance, que le texte d’aujourd’hui renforce d'ailleurs encore davantage.

Néanmoins, s’il ne constitue pas le seul élément de compétitivité, le coût du travail demeure un handicap bien français.

En 2009, l’ensemble des prélèvements obligatoires assis sur le travail représentaient, en France, près de 23 % du PIB, contre 20 % en moyenne pour les autres pays de l’Union européenne.

Il suffit de questionner les patrons des PME pour se persuader de la lourdeur des charges pesant encore sur les entreprises. Leur diminution ne peut donc aller que dans la bonne direction ; nul ne peut prétendre le contraire.

En conséquence, il est proposé de diminuer les cotisations sociales patronales affectées au financement de la branche famille pour les entreprises du secteur privé. Ainsi, ces cotisations seront totalement supprimées pour les salaires inférieurs à 2,1 SMIC bruts mensuels ; leur taux sera progressif pour les salaires compris entre 2,1 et 2,4 SMIC, et sera identique au taux actuel pour les salaires supérieurs. Une telle mesure représente 5,4 points de baisse de charges sociales et un allégement global du coût du travail de 13,2 milliards d’euros. Pour un salaire de 2 300 euros nets, la baisse de charges pour l’entreprise sera donc de 158 euros par mois.

Cette disposition vise donc les salaires moyens. Elle est ainsi complémentaire des allégements généraux de cotisations, dits « allégements Fillon », lesquels concernent les bas salaires, à savoir ceux s’établissant entre 1 et 1,6 SMIC. Elle permet également de concentrer les effets sur 80 % des emplois industriels et sur 97 % des emplois salariés agricoles, c’est-à-dire sur les emplois les plus exposés à la concurrence internationale.

Les 13,2 milliards d’euros de baisse des charges sociales sur le travail seront compensés par 10,6 milliards d’euros de recettes, provenant d’une augmentation de 1,6 point du taux de TVA, et par 2,6 milliards d’euros résultant d’une hausse de 2 points, à 15,5 %, des prélèvements sociaux sur les revenus du capital.

La critique de cette réforme par la gauche, si elle est certes légitime, est pour le moins surprenante par ses angles d’attaque. En effet, le nouveau taux normal de TVA sera ni plus ni moins égal à la moyenne européenne, et la hausse des prélèvements sociaux pèsera sur les revenus du capital, la moitié de cet effort ne concernant que les 5 % des ménages les plus aisés.

Par ailleurs, la réforme est neutre s’agissant des taux de prélèvements obligatoires et équilibrée pour les finances publiques.

Les produits fabriqués en France bénéficieront ainsi de la diminution des charges, ce qui permettra la baisse de leurs prix hors taxe à l’exportation, quand les produits importés seront davantage taxés via l’augmentation de la TVA.

Comme de nombreux orateurs l’ont rappelé, cette initiative de la France n’est pas isolée : le Danemark et l’Allemagne, qui ont un taux de chômage largement inférieur au nôtre, ont déjà mis en place l’équivalent de la « TVA sociale ». En 1987, le Danemark, moyennant la quasi-suppression des charges sociales qui pesaient sur les entreprises, a relevé la TVA de 3 points, de 22 % à 25 % ; en 2007, la TVA allemande a augmenté de 3 points, dont 1 point spécifiquement consacré à la TVA et 2 points à l’augmentation des recettes de l’État.

J’ajoute que la quatrième recommandation sur le programme de stabilité de la France, adoptée en juin dernier par la Commission européenne et en juillet par le Conseil, préconisait un « déplacement de la charge fiscale du travail vers l’environnement et la consommation », c’est-à-dire l’institution d’une taxe carbone et d’une TVA sociale. Bruxelles avait alors mis en exergue le fait que la taxation du travail de la France était l’une des plus fortes de l’Union européenne.

De même, la déclaration finale du Conseil européen informel du 30 janvier dernier a insisté sur la nécessité d’agir sur le coût du travail. Mais peut-être nos collègues de l’opposition présidentielle et de la majorité sénatoriale veulent-ils encore une fois passer outre ces recommandations, de la même façon qu’ils comptent imposer à nos partenaires de renégocier les derniers traités européens ?