M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très bien !

M. Jean Arthuis. Il est donc abusif de faire peser sur les salaires et les revenus des travailleurs indépendants, c’est-à-dire sur la production, le coût du financement des branches famille et santé de la sécurité sociale. Par conséquent, il est urgent de transférer vers d’autres assiettes le poids de ces charges qui contrarient la progression vers notre objectif proclamé de combattre le chômage.

J’entends immédiatement, naturellement, des voix s’élever pour souligner que les écarts en matière de salaires sont tels, entre la France et l’Asie, que toute réforme est vaine et qu’il n’y a donc pas de motif pour agir. Autre argument pour ne rien faire : les salaires pèsent peu dans les dépenses d’exploitation des entreprises. Cela est vrai, mais soutenir cet argument c’est oublier que les achats et autres consommations intermédiaires des entreprises contiennent le montant des frais de personnel supportés par les fournisseurs, en amont. C’est dire si le poids des salaires et des charges sociales est prédominant. Toute baisse significative des charges sociales a pour conséquence d’alléger le prix de revient, et par là même le prix hors taxes.

À ceux qui doutent, je veux faire observer que nos pratiques s’apparentent à des droits de douane qu’acquittent seuls ceux qui produisent et emploient encore en France, tandis qu’en sont exonérés tous ceux qui vont produire ailleurs puis importent cette production pour répondre à l’attente des consommateurs français.

M. Jean-Pierre Caffet. La TVA n’est pas un droit de douane !

M. Jean Arthuis. Il y a urgence à mettre un terme à ce masochisme autodestructeur !

Ce postulat étant admis, comment assurer l’équilibre des branches famille et santé de la sécurité sociale ? En sollicitant les entreprises ? Ce serait tout à fait politiquement correct, mais ne courrait-on pas alors le risque de les voir déserter notre territoire ? Au surplus, mes chers collègues, y a-t-il tant d’impôts, de taxes et de cotisations sociales obligatoires supportés par les entreprises que l’on ne retrouve pas dans les prix des produits, acquittés par les consommateurs ? C’est donc une voie sans issue.

Dès lors, l’impôt ne peut être prélevé que sur le patrimoine de nos compatriotes, sur leur revenu ou sur la consommation. À mon avis, tout supplément d’impôt sur le patrimoine ou le revenu doit être affecté à la réduction de nos déficits publics et de notre endettement.

Dans ces conditions, reconnaissons, si vous le voulez bien, que seule la TVA nous offre des marges de manœuvre. Malheureusement, la hausse de la TVA déclenche instantanément des oppositions passionnées. Je voudrais tenter de mettre de la raison dans notre débat, en répondant à deux questions : le relèvement de la TVA conduit-elle automatiquement à la hausse des prix, au détriment des consommateurs ? La TVA est-elle si injuste ?

Concernant la première question, il doit être rappelé que la hausse de la TVA a pour objet de compenser la baisse des charges sociales pesant sur la production en France. Mécaniquement, les prix hors taxes des biens et services issus du travail accompli sur notre territoire doivent baisser à des niveaux tels que le supplément de TVA n’aboutira pas demain à un prix TVA comprise supérieur à ce qu’il est aujourd'hui. À mes yeux, il n’existe donc pas de risque d’inflation.

Du reste, si certains chefs d’entreprise étaient tentés de conserver pour eux ce supplément de marge en augmentant leurs prix, je ne doute pas que le Gouvernement mobiliserait les 4 000 agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, pour leur faire passer le bon message.

Pour ce qui concerne les exportations, nous bénéficierons bien sûr d’un gain de compétitivité, puisque les produits exportés sont exonérés de TVA.

S’agissant des produits importés, leurs prix devraient bien sûr augmenter. Toutefois, mes chers collègues, je vous rends attentifs au fait que les entreprises qui font les marges les plus substantielles sont celles qui importent. Gageons que les distributeurs n’auront pas l’outrecuidance de répercuter l’intégralité du supplément de TVA sur les prix demandés aux consommateurs.

Au total, il me paraît urgent de réconcilier le consommateur et le producteur. Le vrai pouvoir d’achat, ne l’oublions jamais, est la contrepartie du travail accompli et de la création de richesses.

Deuxième question : la TVA est-elle à ce point injuste ? Certes, ceux qui disposent de faibles ressources les dépensent pour subvenir à leurs besoins essentiels. La taxe est donc payée sur l’intégralité de leurs revenus, alors que les revenus des contribuables aisés ne sont que partiellement affectés à la consommation. Ces derniers restent toutefois soumis à l’impôt progressif sur leurs revenus.

Troisième question : y a-t-il pire injustice que d’être privé d’emploi ? De ce point de vue, les charges sociales actuellement recouvrées me semblent véritablement injustes en ce qu’elles privent d’emploi nombre de nos concitoyens.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Eh oui !

M. Jean Arthuis. Enfin, la réforme proposée a été mise en application avec succès dans d’autres pays. Dois-je rappeler que, en 1987, les Danois ont institué une TVA au taux unique de 25 % et supprimé au même moment, dans un consensus général, les cotisations sociales ? Je rêve qu’un tel dialogue social puisse voir le jour dans notre pays ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Les Danois ont réussi cette réforme ! Quant aux Allemands, on l’a rappelé, ils ont augmenté de 3 points leur taux de TVA en 2007,…

M. Jean Germain. Ils ont aussi augmenté les salaires !

M. Jean Arthuis. … une TVA partiellement sociale puisqu’une fraction a été consacrée à la réduction des déficits publics.

Autre question : aurons-nous un jour un taux de TVA sans chiffres après la virgule ?

M. Bruno Sido. C’est une vraie question !

M. Jean Arthuis. Je crois que nous y gagnerions en visibilité. En effet, comment expliquer que l’on augmente un taux de 19,6 % de 1,6 point pour arriver à 21,2 % ?

M. Jean-Pierre Caffet. Et pourquoi pas 25 % alors ? (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean Arthuis. Enfin, madame la ministre, pourquoi si peu et pourquoi si tard ?

En dépit de ma perplexité, je voterai ce premier pas, précipité et tardif, au service de l’allégement du coût du travail et de la compétitivité. Cet allégement, j’en ai la conviction, est l’un des leviers – même s’il est trop modeste – de la croissance et de la confiance. C’est l’une des conditions – ce n’est pas la seule – pour produire en France et assainir nos finances publiques. (Applaudissements sur les travées de l'UCR et de l'UMP.)

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons un projet de loi de finances « rectificative ». Est-ce le qualificatif qui convient vraiment ? Pour le dictionnaire, « rectifier » signifie rendre droit.

Certes, nous n’attendons pas de vous, madame la ministre, un tel aveu de l’inadéquation du projet de loi de finances, voté voilà quelques semaines, avec les attentes réelles du pays.

Certes, ce projet de loi de finances rectificative est basé sur des hypothèses de croissance revues à la baisse pour 2012, mais il a surtout et fondamentalement une vocation électoraliste, avec des mesures dites « phares » dans ses articles 1er et 2 telles que la « TVA sociale » ou l’introduction d’une « taxe sur les transactions financières », cette dernière disposition, on l’a rappelé, qui a été adoptée par la majorité sénatoriale dans le projet de loi de finances pour 2012 et dont le Gouvernement rejetait le principe…

Mon propos se concentrera sur le projet de TVA dite « sociale », annoncé par le Président de la République dans ses vœux aux Français, et dont les modalités furent par lui communiquées ce 29 janvier, modalités parmi lesquelles une mise en application en octobre 2012, ce qui est aussi révélateur de vos intentions réelles.

Pourquoi faire cette proposition si tard, à contretemps ? M. Marini nous a dit qu’il ne fallait pas se priver d’idées nouvelles, mais il s’agit tout de même de vielles lunes ! (Rires sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)

Le principe de la TVA sociale est simple : augmenter le taux de la TVA pour compenser une baisse des charges sociales sur les salaires visant à réduire le coût du travail. De fait, votre projet, ce sont 13,2 milliards d’euros de suppression de cotisations sociales patronales compensés par une hausse de 1,6 point du taux de TVA et de 2 points de la CSG.

Vous annoncez péremptoirement, mais sans véritable justification, la création de 100 000 emplois par le biais de cette mesure. Vous savez pourtant que cette prévision est très contestable. Dans son rapport, Nicole Bricq conclut, quant à elle, à une évolution de l’emploi de moins 20 000 à plus 30 000.

M. Francis Delattre. Tu parles !

M. Jacques Mézard. Avec la TVA sociale, l’objectif est aussi d’aboutir à ce que, par la consommation intérieure, les produits français soient favorisés par rapport aux produits importés.

Vous faites le choix de ne baisser que les charges patronales. Vous faites le choix de faire supporter le coût de la mesure par l’ensemble des citoyens, dont les plus modestes d’entre eux. Vous faites le choix de prendre le risque, très fort, d’un effet inflationniste, avec une augmentation des prix à la consommation.

L’exemple allemand est l’illustration de ce risque, cet exemple auquel vous vous accrochez ces derniers mois comme au seul remède efficace à la crise, alors que le relèvement en 2007 du taux de TVA en Allemagne avait pour premier objectif avoué de contribuer à la restauration de l’équilibre des finances publiques…

M. Jacques Mézard. … et pour second objectif d’abaisser les cotisations chômage payées par les employeurs et les salariés. Lorsque, comme vous le faites souvent, vous citez en exemple le Chancelier Schröder, vous omettez de rappeler qu’il était opposé à la TVA sociale !

J’ajouterai que, selon l’économiste Philippe Askenazy, directeur de recherche au CNRS, la modeste baisse des charges qui a accompagné la hausse de TVA « n’est pour rien dans la bonne santé actuelle de l’industrie allemande ».

Nombre de spécialistes partagent cet avis et soulignent le dilemme entre les deux principaux effets – l’un sur l’emploi, l’autre sur la compétitivité – qu’auraient des baisses de cotisations uniformes qui toucheraient essentiellement les emplois qualifiés : effets, certes, sur la compétitivité mais très faibles sur l’emploi et presque nuls sur les salaires inférieurs à 1,6 SMIC.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Eh oui !

M. Jacques Mézard. Il est justement souligné que les effets positifs attendus ne peuvent être immédiats et qu’en outre, à long terme, l’effet de la TVA sociale sera nul. On ne peut donc attendre des effets positifs – limités – qu’à moyen terme, avec des effets négatifs immédiats sur le pouvoir d’achat.

La consommation est un moteur traditionnel de la croissance française. Le coût du travail, rappelons-le, n’est pas le principal et seul facteur de compétitivité. Recherche et innovation sont fondamentales pour engendrer une croissance et une compétitivité durables.

Nous n’oublions pas certaines de vos initiatives précédentes destinées officiellement à développer l’emploi, comme la baisse de la TVA dans la restauration ou la suppression de la taxe professionnelle, censée éviter les délocalisations. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’esclaffe.) Mesures à effet médiatique, à l’efficacité plus que douteuse, mesures qui par leur tardivité démontrent l’échec d’une politique qui ne prépare pas l’avenir !

Nous qui avons majoritairement voté le plan de relance au début de la crise, nous savons exprimer des convictions fortes, comme nous venons le faire sur le nucléaire ; en votant très majoritairement la motion tendant à opposer la question préalable, c’est notre opposition à ce projet de loi de finances rectificative qui ne rectifie en rien une politique économique, financière et fiscale aux effets négatifs que nous manifesterons. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Vincent Placé.

M. Jean-Vincent Placé. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, M. Marini a cité – pour la première fois de sa vie, a-t-il précisé – Daniel Cohn-Bendit. Plus modestement, je citerai un propos de sagesse populaire du Président Chirac : « Plus c’est gros, mieux ça passe ! » (Sourires.) Cette boutade, nous avons l’impression que le Président de la République actuel l’a érigée en devise personnelle.

Cela fait maintenant cinq ans – longues années ! – que le pouvoir en place mène une politique économique désastreuse pour la France, les Françaises et les Français, cinq ans que nous nous engageons sur un chemin où la rigueur et l’injustice forment le seul modèle que nos dirigeants soient capables de nous proposer. Et, manifestement, ils récidivent !

Plus c’est gros, mieux ça passe… Alors, allons raconter aux Français qu’en augmentant la TVA on n’augmente pas les impôts, que ça n’augmentera pas les prix et que c’est bon pour eux !

Forcément, là, ça ne passe plus ! L’arbre ne cache plus la forêt : le désastre est trop important, trop visible.

Madame la ministre, en lançant des réformes comme des bouées à la mer, vous espérez certainement faire oublier le bilan catastrophique du Gouvernement : un chômage record, une dette qui a explosé – pas seulement à cause de la crise, vous le savez bien –, un triple A, dont vous aviez fait l’élément central de votre politique, perdu, symbole de votre échec. Il faut donc au Président de la République bien du culot pour venir se présenter aujourd'hui en sauveur face à la crise. Les idées, évidemment, il fallait les proposer avant la veille de l’élection !

Vous prétendez améliorer l’emploi avec une réforme de l’apprentissage, mais quelles mesures avez-vous mises en œuvre pour atteindre ce « plein emploi » promis par Nicolas Sarkozy en 2007 ?

« Ensemble, tout devient possible »… C’est bien ce qui m’inquiète !

Je constate qu’approcher la barre de 10 % de taux de chômage, ça, oui, c’est possible ! Nous y sommes presque, malheureusement. Cela représente plus d’un million de personnes supplémentaires à Pôle emploi, institution qui fonctionne d’ailleurs très mal.

Au lieu de stigmatiser les chômeurs, le Gouvernement ferait mieux de s’en occuper davantage. Ce dont nous avons besoin, ce sont de mesures contre le chômage. Or vous nous proposez des mesures contre les chômeurs !

Les heures supplémentaires ont-elles permis de diminuer le chômage ? Non, bien au contraire ! On a constaté l’inefficacité de cette mesure absurde et dispendieuse.

La droite a donc tout à la fois créé du chômage de masse et précarisé le travail. Vous voulez que les choses s’améliorent pour l’emploi en France ? Je vais vous proposer une chose simple : arrêtez, ne touchez plus à rien ! Par pitié, cessez le carnage ! (Rires et applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC.)

« Arrêter, alors que l’élection présidentielle aura lieu dans deux mois ? Vous n’y pensez pas », me direz-vous. L’élection approche, et il faut donc séduire le camp adverse, reprendre des formules fortes, derrière lesquelles cacher un contenu creux. La TTF en est l’exemple parfait.

Vous ne trompez évidemment personne avec cette « pseudo-mesure ». Même le Royaume-Uni applique un taux cinq fois plus élevé que celui que vous nous proposez. Autant dire qu’il s’agit d’une goutte d’eau dans l’océan des transactions financières !

Alors que le système britannique – qui n’est d’ailleurs pas mon modèle – prévoit également une exit tax de 1,5 % pour les actions négociées à l’étranger, le Gouvernement opte pour un système déclaratif qui restera en pratique lettre morte puisque les opérateurs étrangers ne pourront pas être sanctionnés.

Par ailleurs, je me permets de faire observer – mais nous ne sommes plus à un paradoxe près – qu’il est assez contradictoire d’afficher l’intention de taxer les transactions financières et, dans le même temps, de supprimer, dans votre texte initial, la taxe sur la cession d’actions et de parts sociales, dont la création n’avait donné lieu à aucune contestation.

Le comble, c’est que, lorsque nous avions, nous, proposé la taxation des transactions financières, vous trouviez cela complètement absurde. Vous nous imploriez, il y a quelques mois, de retirer un amendement visant à taxer les transactions financières. Je cite M. Lellouche, présent ce jour-là au banc du Gouvernement : « […], de grâce, évitons un geste isolé qui serait contre-productif à la fois pour notre place financière et pour ce combat que nous menons avec conviction ! »

Bien évidemment, le Gouvernement n’a pas changé d’avis, pas plus d’ailleurs, je le suppose, que l’opposition sénatoriale : il ne s’agit que d’artifices et de poudre de perlimpinpin.

M. Francis Delattre. Pour 1 milliard d’euros tout de même !

M. Jean-Vincent Placé. La proposition d’une TVA dite « sociale » ne nous rassure guère sur ce point.

Chers collègues de l’UMP, vous pouvez sans doute reprendre à votre compte cette analyse : « Une augmentation généralisée de la TVA ? En aucun cas ! Pour une raison assez simple... C’est que ça pèserait sur le pouvoir d’achat des Français, sur la consommation des Français, et que ça serait injuste... Et j’ai le devoir de veiller à la justice. Et donc ça serait facile, mais injuste. » Ces propos ont été tenus par le Président de la République, Nicolas Sarkozy, celui-là même qui défend aujourd’hui corps et âme cette mesure. « Facile, mais injuste » : il faut croire que vous avez choisi la facilité plutôt que la justice !

La TVA représente en effet l’impôt le plus injuste, pénalisant les ménages les plus modestes. Elle représente 14 % du revenu des ménages les plus pauvres, contre seulement 5 % du revenu des plus riches.

Déjà, le passage du taux réduit de la TVA de 5,5 % à 7 % a pénalisé les ménages et le développement durable, en s’attaquant à l’eau, aux transports en commun, à la rénovation des logements... Désormais, c’est l’ensemble du budget des consommateurs qui sera touché, et ce en pleine période de crise.

Cela va de soi : une hausse de la TVA augmentera fatalement les prix. Dire le contraire serait mentir aux Français. Vous le savez très bien, tous les exemples le prouvent.

En Allemagne, ce pays que vous aimez tant citer, la Bundesbank a étudié les conséquences de la hausse de 3 points de TVA en Allemagne, en 2007. Cette hausse a entraîné une augmentation des prix de 2,6 %. Sachant que, depuis un an, les prix ont déjà augmenté de 2,3 %, a-t-on vraiment besoin de cela ?

Pourquoi M. le président-candidat, si attaché aux référendums dernièrement, ne soumet-il pas l’idée de cette TVA au vote des Français ? On en reparlera le 22 avril 2012, car ce sera, je crois, le seul référendum qui vaille... En tout cas, ce serait un pari risqué, puisque la hausse de la TVA de 19,6 % à 21,2 % pour financer une baisse des charges patronales sur les salaires n’est considérée comme une « bonne décision » que par 28 % de l’ensemble des Français, selon un sondage. Le caractère injuste de la TVA fait, je crois, l’unanimité.

Cette mesure est également foncièrement inutile et même dangereuse ; dangereuse, parce qu’elle représente une course à l’échalote pour le dumping social. En effet, même si le mécanisme fonctionnait – je ne pense pas que ce soit le cas – et que la baisse des charges patronales permettait de restaurer la compétitivité des entreprises – j’attends de voir ces fameux 100 000 emplois –, ces dernières seraient-elles capables de faire face aux prix de la Chine, de l’Inde ou d’autres pays en grand développement ? Après avoir cité Chirac et Sarkozy, je renvoie maintenant aux propos de Villepin, qui estimait que le rapport était de 1 à 30.

Notre adversaire est en fait notre allié : on voudrait rivaliser avec l’Allemagne, la Belgique, l’Espagne, l’Italie... En fin de compte, c’est une Europe ultralibérale du « tous contre tous » que nous propose le Gouvernement. Offrir les salaires les plus misérables pour vendre un petit peu : c’est ça le raisonnement économique du Gouvernement ? Va-t-il falloir, petit à petit, revenir sur tous les acquis sociaux pour être compétitif face à la Pologne ou à la Roumanie ? C’est un jeu dangereux auquel les écologistes ne souhaitent pas prendre part. Nous, nous voulons une Europe solidaire, cohérente, qui s’ajuste par le haut et non par le bas.

Les sacrifices des Françaises et des Français ne peuvent être gaspillés dans des combats perdus d’avance. Cet effort permettra-t-il de financer les écoles, la santé ou le développement durable ? Bien sûr que non ! C’est simplement un cadeau de plus aux entreprises. Pour quel résultat ? Dans le meilleur des cas, cette mesure bénéficierait seulement à 25 % à l’industrie, secteur économique pourtant le plus directement exposé à la concurrence internationale.

C’est un projet sans vision stratégique de long terme que vous nous présentez. Au lieu d’investir dans les filières d’avenir, comme les énergies renouvelables, l’isolation des bâtiments, les transports en commun ou d’organiser la reconversion, vous préférez vous entêter à investir, à fonds perdu, dans des filières du passé, probablement vouées, malheureusement, à disparaître.

Le développement durable, avec le formidable vivier d’emplois qu’il recèle pour notre économie, ne semble pas vous intéresser. Vous préférez vous appuyer sur un modèle de développement obsolète. Les pansements que vous proposez n’y feront rien, car le mal est structurel et non conjoncturel, contrairement à ce que vous essayez de faire croire à qui veut bien l’entendre. La crise, c’est la politique de dérégulation mise en œuvre par votre famille politique qui l’a créée et qui l’amplifie.

Ce dernier « coup de communication » sonne heureusement le glas de votre échec, l’échec d’un président-candidat impuissant qui détourne honteusement les moyens du Parlement pour faire campagne.

M. Jean-Vincent Placé. S’il veut présenter un nouveau projet économique pour la France, qu’il le fasse pendant ses meetings et non par le biais d’un projet de loi de finances rectificative inopportun à deux mois de l’élection présidentielle.

Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, les écologistes estiment que ce débat n’a pas lieu d’être au sein de la chambre haute et voteront unanimement la motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. François Marc.

M. François Marc. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce premier projet de loi de finances rectificative pour 2012 était attendu... En effet, au mois de décembre dernier, la majorité gouvernementale avait accepté de voter un budget dont on savait que les fondements étaient biaisés du fait d’une hypothèse de croissance irréaliste. Il fallait donc corriger la copie au plus vite !

Les petits ajustements du texte n’aboutissent cependant en aucune façon à masquer la triste réalité d’un énorme déficit budgétaire en 2012, qui reste « scotché » à plus de 78 milliards d’euros. Malgré les rafistolages, la politique désastreuse des recettes conduite ces dernières années laisse, hélas ! des traces comptables indélébiles.

Ce qui caractérise avant tout le projet de loi de finances rectificative qui nous est aujourd’hui soumis, ce qui constitue sa disposition emblématique, c’est la dimension totalement improvisée, voire bricolée, qui a été introduite avec ce dispositif de TVA dite « sociale », sans oublier la mini-taxe sur les activités financières, inspirée du stamp duty anglais.

On ne peut que regretter ce travail d’improvisation conduit dans une réelle panique de fin de mandat, d’autant que le dispositif à 13 milliards d’euros rajoutera encore à l’injustice, tout en se révélant économiquement inefficace, voire contre-productif. Je vais m’attacher à en apporter la démonstration.

On le sait, c’est le constat alarmant d’un déficit commercial en 2011 supérieur à 70 milliards d’euros qui a semé la panique à l’Élysée au mois de décembre dernier. Il est vrai que la politique conduite ces dernières années à l’égard des PME s’est révélée catastrophique dans ses résultats à l’export.

Avec sa mesure de TVA dite « sociale », le Gouvernement, pris soudain d’un remord tardif, essaie maladroitement de masquer ses carences passées.

À partir des comparaisons internationales, on est en droit d’émettre aujourd’hui un jugement très sévère sur la politique conduite en France, tant elle s’est révélée inadaptée, néfaste même pour le développement des PME, la compétitivité internationale, voire l’industrie dans son ensemble. Pourtant très coûteuse pour les finances publiques – je pense aux « niches » –, cette politique a été d’une efficacité réduite tant en matière de formation, d’innovation que d’investissements industriels. C’est ce que la Cour des comptes a récemment souligné dans son rapport 2011. Elle a même souligné que les financements sur garanties publiques ont pu conduire à l’effet pervers d’accompagner en fait des stratégies de délocalisation des entreprises.

Je tiens ici à faire observer que l’effort d’investissement et la création de richesses n’ont pas été ces dernières années plus élevés en Allemagne qu’en France. Ils ont simplement été concentrés sur des secteurs exportateurs à la profitabilité restaurée. C’est de cette différence de politique économique que viennent la forte érosion industrielle constatée dans notre pays et le fossé qui s’est creusé avec l’Allemagne.

La politique publique inéquitable de la France à l’égard de ses PME s’est plus particulièrement ressentie dans le domaine de la fiscalité, où l’on peut véritablement parler d’un déni de justice à l’égard des PME, notamment pour l’impôt sur les sociétés. Il existe en effet dans notre pays un réel problème concernant l’impôt sur les sociétés, qui souffre d’un mitage excessif et croissant de son assiette. Ainsi, alors que le taux nominal de 33,3 % s’applique aux petites entreprises, il tombe à 20 % pour les entreprises de 50 à 249 salariés, à 13 % pour les entreprises de plus de 2 000 salariés et seulement à 8 % pour les sociétés du CAC 40.

Le Conseil des prélèvements obligatoires a d’ailleurs chiffré le coût des niches fiscales favorables aux grandes entreprises à environ 100 milliards d’euros. Ce constat nous avait conduits, mes collègues du groupe socialiste et moi-même, à déposer au printemps dernier une proposition de loi tendant à améliorer la justice fiscale, à restreindre le « mitage » de l’impôt sur les sociétés et à favoriser l’investissement. Elle n’a pas eu l’heur de plaire au Gouvernement.

Avec sa TVA dite « sociale », le Gouvernement a donc fait le choix d’alléger la charge des entreprises en reportant le coût sur la fiscalité des ménages. Le souci, c’est que les injustices fiscales n’ont fait que croître et se multiplier depuis dix ans. La TVA sociale ne va-t-elle pas rajouter à l’injustice ? On a aujourd’hui toutes les raisons de le penser. En effet, solliciter l’impôt proportionnel – la TVA – ou bien l’impôt progressif – l’impôt sur le revenu –, ce n’est pas du tout la même chose.

Nous le savons, en France, la part de l’impôt progressif a très fortement régressé depuis dix ans au profit de l’impôt proportionnel. La fiscalité des ménages est de plus en plus injuste et de moins en moins progressive. Nul ne peut ignorer que les impôts ont ces dernières années été massivement baissés pour les plus riches. Sur la période 2002-2012, on estime le montant total de cette baisse à 30 milliards d’euros, soit 3 milliards d’euros par an ! Les chiffres présentés dans le portrait social de la France de l’INSEE au mois de décembre dernier confirment pleinement cette analyse.

C’est dans ce contexte dégradé et fortement inégalitaire que le Gouvernement fait aujourd’hui ce choix improvisé d’accroître la TVA, s’inspirant en la matière de cette idéologie libérale qui préconise aujourd’hui, dans de nombreux pays européens, de pressurer les consommateurs et de servir les copieux repas de niches fiscales des plus riches dans les « assiettes fiscales larges » des plus pauvres.