M. le président. La parole est à M. Jean Germain.

M. Jean Germain. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 21 septembre 2007, en visite en Corse, François Fillon déclarait : « Je suis à la tête d’un État qui est en situation de faillite sur le plan financier ; je suis à la tête d’un État qui est depuis quinze ans en déficit chronique ; je suis à la tête d’un État qui n’a jamais voté un budget en équilibre depuis vingt-cinq ans. Cela ne peut pas durer. » Nous entendons encore les soupirs de MM. Raffarin et Villepin à la suite de cette déclaration.

On aurait donc pu s’attendre à des propositions visant à corriger cette situation détestable le plus rapidement possible.

Or que s’est-il passé ? Le même Premier ministre, à la demande du Président de la République, a fait voter par sa majorité un paquet fiscal de 13,7 milliards d’euros, aggravant le déficit de notre pays.

Il aurait été possible de proposer des mesures sur un cycle économique. Ce n’est pas ce qui a été fait. C’est ce que nous ferons si nous sommes en mesure de pouvoir faire ces propositions car, contrairement à ce qu’ont dit certains orateurs, nous ne proposerons pas la TVA sociale, mais nous avons des propositions alternatives.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Francis Delattre. Lesquelles ?

M. Jean Germain. J’en viens à ce qui est présenté comme l’un des points essentiels de ce projet de loi de finances rectificative : le renforcement de la compétitivité par la TVA sociale.

Jean-Pierre Caffet a très bien expliqué ce qu’il fallait faire, ce que nous ferions et pourquoi nous ne sommes pas d’accord avec ce qui est proposé.

La majorité et le Gouvernement fondent leur analyse sur des idées reçues, des idées fausses, qui viennent d’ailleurs d’être démontées par le rapport de l’INSEE, abondamment cité, qu’il s’agisse du coût unitaire salarial trop élevé, des conséquences des 35 heures ou du taux de cotisation des employeurs comme déterminant important du coût du travail.

Nous avons donc un certain nombre de propositions à faire sur ces sujets, mais j’évoquerai pour l’heure cette TVA sociale, qui nous est présentée parée de toutes les vertus. Elle serait nouvelle, inédite et manifesterait un certain courage.

Ce courage politique, notion qui a d'ailleurs été relayée par de nombreux orateurs, serait celui, presque physique ou viril, d’oser affronter les foules même hostiles. C’est une conception, permettez-moi de vous le dire, un peu ancienne, qui va à l’encontre d’une conception plus collective du courage. Si le courage est une vertu, il ne tient lieu d’aucune des autres vertus que le politique doit avoir, qu’il s’agisse de la justice ou de la générosité. Quelqu’un peut être courageux au service d’une cause mauvaise, et j’en appelle à Aristote pour dire qu’on ne peut assimiler le courage à la pureté morale du héros.

La TVA sociale serait également inédite, personne n’y aurait pensé avant !

Pourtant, en février 2011, voilà tout juste un an, Jean-François Copé proposait un relèvement de la TVA, donc le retour à la TVA sociale, en disant : « Un point de TVA cela se voit à peine. Il faut y réfléchir. Il y aura certes une augmentation, mais tout le monde sera gagnant au final. »

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Win win !

M. Jean Germain. Christine Lagarde le tacle le même jour sur RTL : « Une augmentation de la TVA, dit-elle, entraînerait une augmentation immédiate du volume des prix alors qu’on n’aurait pas immédiatement une diminution des charges sociales. »

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Eh oui !

M. Jean Germain. Xavier Bertrand dégaine le surlendemain : « En 2007, dit-il, j’ai bien vu que cette idée ne passait pas auprès des Français. Avec la TVA sociale, les Français ont compris que les prix allaient aussitôt augmenter mais que, pour la baisse des charges sociales, ils devraient attendre. »

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Il ne faut pas parler trop vite !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Vous le leur direz !

M. Jean Germain. Vous-même, monsieur Baroin, dans Le Figaro Économie du 18 janvier 2011, réagissant à la relance de cette proposition par M. Copé, vous expliquiez que, pour avoir un effet significatif sur la compétitivité, la baisse des cotisations patronales et sa compensation par une hausse de la TVA devaient être massives, de l’ordre de cinq points. Vous ajoutiez que cette mesure aurait un effet catastrophique sur la croissance, tout simplement parce que la consommation des ménages en constituait le principal moteur.

Mais il y a mieux ! Dans un excellent rapport publié au cours de la session parlementaire 2004-2005, notre collègue président de la commission des finances, qui était alors rapporteur général du budget, a relaté l’audition, intervenue en mai 2004, du ministre de l’économie et des finances de l’époque, Nicolas Sarkozy.

Sous la plume de M. Marini, on peut lire : « [Le ministre] a relevé que les études économiques dont il disposait montraient que l’impact le plus récessif d’une hausse de la fiscalité des ménages provenait de la TVA, dont une hausse d’un point pouvait donner lieu à 0,9 point de croissance en moins, alors que l’impact d’une hausse de la CSG » – que nous appliquerons si nous arrivons au pouvoir – « et des charges patronales, étaient respectivement de 0,5 et 0,4 point sur la croissance. Il a ajouté que l’accroissement du taux normal de TVA serait problématique pour la compétitivité française […] Il a enfin rappelé que l’État ne contrôlait pas le niveau des prix et qu’il était donc à craindre qu’une hausse de la TVA, malgré la diminution des charges, ne fût intégrée dans la marge, et donc intégralement répercutée sur le prix de vente ».

Par quel mystère une mesure jugée inefficace avec tant de véhémence par les meilleurs d’entre vous devient-elle efficace quand elle est reprise, en fin de course, par le Président de la République, devenu candidat à sa réélection ?

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Et alors ? Quand sommes-nous bons et quand sommes-nous mauvais ?

M. Claude Domeizel. Vous êtes mauvais depuis cinq ans !

M. Jean Germain. Nos compatriotes ne comprennent plus et ne se laissent pas abuser : il faudrait baisser la TVA dans la restauration pour créer des emplois, mais l’augmenter dans les autres secteurs, toujours pour créer des emplois…

Si encore cette TVA ne visait que les secteurs soumis à la concurrence internationale, la mesure pourrait se comprendre. Mais ce n’est pas le cas, elle va au-delà !

Comme le dit la sagesse fiscale : ce n’est pas parce que l’on met un impôt sur les vaches, que ce sont les vaches qui paient l’impôt. En l’espèce, ce sont les consommateurs qui paieront !

Dans cette « pochette-surprise » qui nous est distribuée actuellement, la TVA sociale me fait un peu penser à la jouvence de l’Abbé Soury, qui serait censée guérir tous les maux de la République française !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Vous exagérez volontairement !

M. Jean Germain. Au milieu de ces gesticulations quotidiennes, de ces revirements, de ces mauvais choix, le chômage, la dette et le déficit extérieur ont explosé. Nous avons perdu le triple A, trésor national un jour, pacotille le lendemain !

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Non, c’est trop bon !

M. Jean Germain. Vous n’avez pas su récompenser le travail ni les travailleurs. Vous faites payer aux plus modestes le coût d’une politique de cadeaux fiscaux aux plus fortunés.

Alors, à deux mois d’une élection présidentielle, vous vous livrez à une fuite en avant, dans une accumulation de mesures, le plus souvent inefficaces ou cosmétiques. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger.

Mme Patricia Schillinger. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention portera essentiellement sur la TVA sociale.

Nicolas Sarkozy souhaite abaisser le poids des charges pesant sur les entreprises et promouvoir des accords compétitivité-emploi dans ces dernières, afin d’adapter le temps de travail et les salaires.

Concrètement, 13,2 milliards d’euros de charges dédiées à la branche famille seront supprimées et compensées par une hausse de 1,6 point du taux normal de TVA et une hausse de 2 points de la CSG sur les revenus du capital.

Dès lors, qui va y gagner et qui va y perdre ? La question mérite d’être posée, car cette mesure va faire des gagnants et des perdants.

Les perdants seront les salariés. Sur le plan fiscal, la TVA sociale signifie l’augmentation immédiate de l’impôt sur la consommation. Si les prix augmentent, les ménages devraient en effet perdre en pouvoir d’achat. Alors que M. Sarkozy voulait être le président du pouvoir d’achat, celui-ci n’a pas cessé de baisser ces cinq dernières années. Et aujourd’hui, c’est de nouveau au pouvoir d’achat qu’il décide de faire mal !

Tous les Français vont être concernés, mais surtout les classes moyennes et populaires, lesquelles consomment plus qu’elles n’épargnent.

Les allocataires seront également perdants, puisque le montant des prestations d’allocations familiales ne sera plus indexé sur le niveau de l’inflation.

Les gagnants seront les employeurs. La baisse des charges patronales va immédiatement abaisser le coût du travail et permettre aux entreprises de baisser leurs prix hors taxes sans grever leurs marges.

Nous savons très bien que, lorsque les charges baissent, les prix, eux, ne baissent quasiment pas. J’en veux pour preuve ce qui s’est passé lorsque le taux de TVA a été réduit de 19,6 % à 5,5 % pour l’hôtellerie-restauration.

Ainsi, la TVA sociale consiste à faire endosser aux ménages la responsabilité de la crise, en laissant principalement aux plus défavorisés d’entre eux le soin de rembourser, en partie, la facture de dette.

Vous commettez en cela une grave erreur économique car, avec ce texte, vous amputez la consommation, l’un des principaux moteurs de la croissance. C’est consternant !

Et tout cela se passe, bien sûr, sans que vous ayez pris le soin de rencontrer les différents partenaires concernés.

De plus, cette mesure est discriminante. En effet, en raison des barèmes imposés par le Gouvernement, l’industrie, pourtant censée profiter en priorité de la TVA sociale, ne devrait gagner que 3,3 milliards d’euros, quand, dans le même temps, les services empocheront 8,3 milliards d’euros. Il n’y aura donc pas un intérêt commun à toutes les entreprises.

Comble de l’injustice, la banque et la finance devraient même pouvoir tirer leur épingle du jeu, puisqu’elles gagneront jusqu’à 700 millions d’euros, soit plus que l’agroalimentaire, l’automobile ou l’industrie des biens de consommation !

Lorsque le 29 janvier dernier, à la télévision, M. Sarkozy a annoncé sa décision d’instaurer une TVA sociale, il l’a présentée comme une nécessité pour la France. Et quelle nécessité : puisque l’Allemagne l’a adoptée, nous devons l’adopter !

En effet, certains veulent imiter l’Allemagne, la copier, ou même l’épouser ! Il ne se passe pas un jour sans qu’un responsable de la majorité vante les réussites de nos voisins d’outre-Rhin. Quelle erreur !

Regardons d’un peu plus près ce modèle. L’Allemagne compte 6,5 millions de travailleurs pauvres, soit 20 % de la population active. Entre 2000 et 2009, le taux de pauvreté a augmenté de 50 %. Depuis dix ans, le pouvoir d’achat en Allemagne est en forte baisse, de 4,7 % selon une étude. Les salariés de l’est du pays gagnent 17 % de moins que leurs collègues de l’ouest. Le nombre d’emplois très mal payés a fortement augmenté ces dernières années. La flexibilité et la productivité ont été assurées par le recours au travail précaire : il y a les « mini-jobs », dont le salaire ne peut pas dépasser 400 euros par mois, et ce sans limitation dans le temps ; il y a ensuite les « midi-job », dont le salaire doit être compris entre 400 euros et 800 euros mensuels ; enfin, les « ein-euro-jobs », destinés aux chômeurs de longue durée. Ces derniers sont des emplois à durée déterminée, indemnisés entre 1 euro et 2,5 euros de l’heure.

Sous prétexte de favoriser la compétitivité des entreprises et de réduire le chômage, le gouvernement allemand n’a pas hésité à paupériser la population active en pratiquant la compression salariale et en favorisant le développement du travail précaire.

Telle est la triste réalité de l’Allemagne : travailleurs pauvres, précarité, inégalités, déclin démographique ! Ce modèle est dangereux pour la société française et les Français n’en veulent pas ! Seuls Nicolas Sarkozy et le patronat souhaitent l’importer. Pourtant, d’autres solutions existent pour permettre le redressement indispensable de nos finances publiques et le soutien de la croissance.

Madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous comprendrez, dans ces conditions, que nous votions la question préalable. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Étienne Antoinette.

M. Jean-Étienne Antoinette. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne souhaite pas m’étendre sur l’économie générale de ce texte ni même sur la TVA sociale ; mes collègues s’en sont chargés, démontrant que ces mesures sont injustes et inefficaces sur le plan macroéconomique.

Pour ma part, je serais tenté de dire que le seul test d’opportunité valable de cette mesure eût été un référendum ! Cette procédure est encensée par le candidat Sarkozy, mais, hélas, le président se garde bien d’y recourir ! Et pour cause : derrière la notion de compétitivité, c’est bien du troisième plan de rigueur qu’il s’agit. Osons simplement le dire !

Si, pour la France hexagonale, le Gouvernement fait semblant de masquer la rigueur par la suppression des cotisations patronales, pour les outre-mer, cette rigueur constitue bel et bien le fil rouge du collectif budgétaire.

En effet, le projet prévoit l’annulation de 25 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement. Il s’agit d’une tendance de fond, qui se poursuit depuis l’instauration du comité interministériel de l’outre-mer.

Entre 2010 et 2012, le budget de la mission « Outre-mer » a diminué de 49 millions d’euros pour les autorisations d’engagement et de 57 millions d’euros pour les crédits de paiement.

Dans la loi de finances pour 2012, le programme « Emploi outre-mer » se retrouve amputé de 48 millions d’euros en autorisations d’engagement par rapport à 2011. Le projet de loi de finances rectificative pour 2012 prévoit une baisse supplémentaire de 25 millions d’euros, portant la diminution des engagements de l’État à 73 millions d’euros en quatorze mois. Les crédits de paiement diminuent de manière similaire.

Au regard des fonctions de ce programme, ces diminutions sont aberrantes : la situation de l’emploi est partout sinistrée, les chiffres du chômage étant plus de deux fois supérieurs à ceux, déjà mauvais, de la métropole.

Le taux de chômage est de 20,8 % en Martinique, 21 % en Guyane, 22,6 % en Guadeloupe, 27 % à Mayotte et 28,9 % à la Réunion, qui, depuis trois jours, se mobilise contre la vie chère.

Croyez-le, ce que le Gouvernement offre d’une main aux entreprises hexagonales au travers de l’article 1er de ce texte, il le soustrait aussitôt de l’autre main des programmes d’aide à la création d’emplois !

À l’heure du bilan de l’action gouvernementale, on constate un échec total en matière de formation et d’emploi, en outre-mer comme en métropole.

Il y a dans ce collectif un vrai plan de rigueur outre-mer qui ne dit pas son nom, dont les effets se traduisent aussi au-delà des crédits de la mission « Outre-mer ».

Ainsi prévoit-il l’annulation de crédits sur des postes que l’outre-mer partage avec l’ensemble du territoire, lesquels sont nécessaires au développement de certaines filières économiques.

Comment parler de soutien au développement endogène, de renforcement de la compétitivité pour des activités économiques comme celles, par exemple, du secteur primaire ?

Entre 2002 et 2010, la production de bovins en Guyane a baissé de 20 % et celle de porcins a chuté de 65 %.

Le cas de la riziculture est encore plus révélateur de l’échec d’un développement endogène : il y avait une production de 9 000 tonnes de riz en 2009, contre 1 900 tonnes au début des années 2000. Aujourd’hui, il n’y a plus de riz en Guyane ! La filière rizicole a disparu !

Et que dire de la pêche, premier poste d’exportation de la Guyane en dehors du domaine spatial : pour 4 200 tonnes de crevettes en 1998, un peu moins de 1 000 tonnes sont débarquées aujourd’hui !

Or, loin de soutenir ces filières, ce projet de loi de finances rectificative prévoit une baisse de 56 millions d’euros des crédits de paiement pour la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales ».

Que l’on ose donc nous dire que cette amputation de crédits va favoriser la compétitivité de la production agricole ou la création d’emplois en Guyane !

Dès lors, je m’interroge sur la cohérence de l’action gouvernementale.

Soit la politique du Gouvernement est totalement incohérente, tant l’inadaptation est flagrante entre les constats faits et les réponses apportées, tant la valse est rapide entre les choix affichant un apparent soutien à nos économies et les coupes sévères et très réelles inscrites en lois de finances.

Soit elle est parfaitement cohérente, témoignant de la volonté constante et implacable de maintenir ces territoires dans le « mal-développement » et la dépendance, au mépris de l’équité républicaine, comme si, en définitive, ceux-ci étaient la sempiternelle variable d’ajustement des contraintes budgétaires de l’État.

Arrêtez donc de lancer régulièrement sur les marchés des catalogues de mesures spéciales pour les outre-mer ! Ce sont autant de publicités mensongères puisque leur obsolescence est parfois plus rapide que la parution de leurs décrets d’application ! Arrêtez de mentir aux Français, à tous les Français : dites simplement la vérité ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux d’abord remercier tous les orateurs qui se sont exprimés, et vous en particulier, monsieur le président de la commission des finances, car vous avez parfaitement remis en perspective ce projet de loi de finances rectificative pour 2012.

Le présent collectif poursuit l’action que le Gouvernement mène depuis cinq ans avec courage,…

M. Claude Haut. Courage, fuyons !

Mme Valérie Pécresse, ministre. … lucidité et réactivité, malgré la crise sans précédent à laquelle nous faisons face. Cette action, vous la connaissez. Elle a deux objectifs : le retour de la croissance et le retour à l’équilibre des finances publiques.

Chacune des interventions à la tribune a révélé que, de toute évidence, ces deux objectifs et le chemin pour les atteindre ne font pas l’unanimité. D’un côté, le Gouvernement et sa majorité souhaitent tout mettre en œuvre, sans attendre, pour relever le défi de la compétitivité, en prenant une mesure courageuse propre à nous sortir de la spirale de la perte de compétitivité. De l’autre, la majorité sénatoriale refuse de voir la réalité : voter aujourd’hui une baisse des charges, c’est permettre aux entreprises et à leurs salariés de regagner, dès demain, des parts de marché et globalement de soutenir la croissance française.

Mesdames, messieurs les sénateurs de la majorité sénatoriale, rester campés sur votre position revient à aller contre l’intérêt de la France et des Français, à aller contre la Cour des comptes, qui, dans son rapport sur la trajectoire des finances publiques, juge que les trois conditions de réduction du déficit sont la crédibilité et l’ampleur des mesures de redressement, ainsi que l’amélioration de la compétitivité. Ces trois orientations, ce sont celles que le Gouvernement respecte depuis cinq ans et qui sont au cœur de ce collectif.

La trajectoire de réduction des déficits publics est intangible. Madame la rapporteure générale, vous devriez le noter, nous la suivons scrupuleusement sans pour autant que cela pèse sur la croissance. Je l’ai dit, les chiffres du quatrième trimestre 2011 le prouvent, la France est l’un des seuls pays européens à connaître une croissance positive, alors que l’Allemagne ou le Royaume-Uni voient leur PIB reculer. En outre, comme vous l’avez rappelé, monsieur Dallier, nos résultats de finances publiques en 2011 sont meilleurs que prévu. Monsieur Bocquet, vous ne pouvez pas le contester, la stratégie du Gouvernement est efficace et crédible : elle permet de réduire les déficits sans heurter la croissance.

Par prudence et parce que ces objectifs sont intangibles, nous révisons notre prévision de croissance à 0,5 % en volume. Madame la rapporteure générale, vous la trouvez encore trop optimiste ; c’est pourtant la même prévision que celle du candidat socialiste.

Le Gouvernement accompagne cette nouvelle prévision d’un effort supplémentaire de 1,2 milliard d’euros, auquel s’ajoutent 400 millions d’euros de redéploiement en faveur de l’emploi. Ces annulations, prises sur une réserve de précaution volontairement augmentée, permettent d’absorber le ralentissement de la croissance sans demander le moindre euro supplémentaire aux Français. Elles induisent, en revanche, et nous l’assumons, de véritables économies.

Par ailleurs, nous consolidons nos recettes grâce à deux décisions importantes : la mise en place de la taxe sur les transactions financières et le renforcement de notre arsenal de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales.

Mesdames, messieurs les sénateurs, l’impact de la révision de la croissance sur nos recettes est intégralement compensé. De la même manière que nous avons tenu notre objectif en 2011, nous le tiendrons en 2012.

Notre second objectif dans ce projet de loi de finances rectificative pour 2012 est de soutenir la croissance en restaurant la compétitivité.

Contrairement à ce que prétend M. Mézard, nous nous employons à cette tâche depuis cinq ans, en agissant sur la compétitivité à long terme que portent le crédit impôt recherche, la réforme des universités, les investissements d’avenir ou encore le plan de développement de l’apprentissage. Ce dernier, malgré ce que pense M. Patriat, a rencontré un grand succès en 2011, puisque près de 500 000 jeunes sont entrés en alternance. Grâce à son renforcement, 270 000 jeunes supplémentaires seront embauchés. Aujourd’hui, nous continuons à agir sur la compétitivité avec la réforme du financement de la protection sociale.

Protéger la compétitivité des entreprises qui produisent en France est une urgence absolue. M. Placé nous recommande pourtant d’attendre car, selon lui, on ne peut pas conduire des réformes à la veille d’une élection. Mais croyez-vous que les salariés dont l’emploi est menacé par la délocalisation ou la fermeture de leur usine puissent attendre ?

MM. de Montesquiou et Charon l’ont parfaitement souligné, notre déficit de compétitivité n’est pas inéluctable. Les Allemands aussi ont les Chinois pour concurrents. Pour autant, grâce à une politique s’appuyant notamment sur la baisse des charges, ils ont réussi à faire progresser leurs parts de marché.

Le constat est éloquent, nous avons le taux de charges patronales le plus élevé : trois fois plus important qu’au Royaume-Uni et aux Pays-Bas, deux fois plus qu’en l’Allemagne, plus élevé de 25 % qu’en Suède, en Italie ou en Espagne.

Vous l’avez rappelé, monsieur Dassault, même si la solution que vous préconisez est un peu différente de la nôtre, cette réforme du financement de la protection sociale est attendue : par les salariés de tous les secteurs, dans l’industrie, notamment l’automobile, dans l’agriculture ; par les entreprises, pour améliorer leur compétitivité, se développer, exporter et embaucher.

En ce qui concerne le ciblage, notre choix est le bon. Je voudrais insister sur ce point et prendre le temps de quelques explications.

La baisse du coût du travail que nous vous présentons sera majoritairement concentrée sur les salaires compris entre 1,4 SMIC et 2,1 SMIC. Nous nous attaquons ainsi à la tranche de rémunération aujourd’hui très lourdement taxée, car sont pénalisées les entreprises qui recrutent et emploient notamment des ouvriers qualifiés et des agents de maîtrise.

En ciblant les salaires moyens, compris entre 1,4 SMIC et 2,4 SMIC, soit entre 1 500 et 2 600 euros nets par mois, nous faisons, comme l’a justement dit Mme Keller, un choix de nature à assurer le meilleur équilibre entre emploi et compétitivité.

C’est un choix favorable à l’ensemble des secteurs exposés à la concurrence internationale. Je pense d’abord à l’industrie, puisque notre barème représente 25 % de l’allégement global. Je rappelle que, par comparaison, l’industrie ne représente que 14 % de la valeur ajoutée française. L’industrie aura donc un avantage deux fois plus important que son poids dans la valeur ajoutée. Elle bénéficiera largement de la mesure, puisque 80 % des salariés de ce secteur perçoivent moins de 2,4 SMIC.

Au-delà de l’industrie, notre barème couvre aussi très largement les secteurs de l’agriculture et des transports, également soumis à la concurrence internationale, ceux de la recherche et développement et des services aux entreprises.

Je le dis à MM. Patient et Antoinette, les entreprises d’outre-mer tireront aussi profit de la baisse des charges.

En outre, madame la rapporteure générale – je m’adresse aussi à tous ceux qui s’interrogent à cet égard –, notre ciblage assure un effet emploi important : loin d’aboutir à une destruction d’emplois, il permettra d’en créer de 75 000 à 120 000.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Vous ne pouvez pas dire cela !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Tous les économistes le reconnaissent, baisser le coût du travail a un impact positif sur l’emploi. Ainsi, d’après une étude récente de la DARES et de la direction générale du Trésor, les allégements généraux sur les bas salaires ont permis de créer ou de sauvegarder entre 400 000 et 800 000 emplois. Je peux également citer le rapport Besson de 2007 sur la TVA sociale, selon lequel une baisse uniforme de cotisations, ce qui n’est pas le cas dans notre système, répartie sur l’ensemble des salaires, y compris les plus hauts, créerait de 30 000 à 70 000 emplois. Puisqu’il semble nécessaire d’insister sur le chiffrage, je rappelle aussi que, dans un article des Échos paru en octobre dernier, Manuel Valls espérait, avec un transfert de 10 milliards d'euros de charges sociales vers la TVA, créer rien de moins que 300 000 emplois.

Oui, mesdames, messieurs les sénateurs socialistes, il faut le dire et le répéter : tous les économistes, quelle que soit leur tendance politique, sont d’accord sur ce point. D’ailleurs, madame la rapporteure générale, je suis heureuse de vous entendre reconnaître, enfin, les bienfaits économiques des allégements sur les bas salaires ; mais alors pourquoi proposer, comme François Hollande, d’augmenter les cotisations patronales vieillesse, ce qui détruira inéluctablement des dizaines de milliers d’emplois ?

Vous ne pouvez pas considérer, comme l’a très bien rappelé M. Arthuis, qu’une telle réforme est une hausse d’impôt. La baisse des charges patronales compensée par une hausse de la TVA et de la CSG est bien un transfert de fiscalité vers la sphère sociale, qui n’augmente pas les prélèvements obligatoires. Il n’y a pas de hausse d’impôt.

De plus, vous le savez, les effets seront dissymétriques et favorables à la croissance. D’un côté, je le dis à MM. Marc et Caffet, la hausse de la TVA ne concernera que 40 % des produits consommés par les ménages. De l’autre, l’ensemble des produits fabriqués en France verront leurs coûts de production baisser. Dans le contexte concurrentiel que nous connaissons, les entreprises auront toutes les raisons de répercuter cette baisse sur leurs prix hors taxes. Dans l’ensemble, vous l’avez noté, monsieur le président de la commission des finances, monsieur Dallier, les prix devraient très peu augmenter, voire pas du tout, comme cela a été constaté en Allemagne. Les ménages les plus modestes n’en souffriront pas. Mais certains, à l’instar de M. Germain, refusent de l’entendre.

La majorité sénatoriale ne voit pas que, précisément, grâce aux diminutions de charges, les entreprises vont pouvoir se développer, gagner de nouvelles parts de marché, investir, employer, redistribuer à terme les fruits de leur croissance, être plus solides. Ce sont d’abord les chômeurs, ensuite les salariés, qui, à terme, bénéficieront de la réforme, globalement favorable donc à la croissance et à l’emploi. Oui, monsieur Watrin, oui, madame Schillinger, nous poursuivons notre politique sociale en faveur des plus fragiles.

D’autres pays l’ont montré, le bénéfice de ces réformes est tel qu’on a vu des partis politiques d’opposition et de majorité se rassembler autour d’elles.

Monsieur le rapporteur général de la commission des affaires sociales, vous nous affirmez que la branche famille de la sécurité sociale sera la variable d’ajustement de la réforme. Je veux vous rassurer et vous répondre sans détour : nous prenons toutes les assurances pour préserver son financement.

Notre réforme modifie, certes, la nature d’une partie des ressources de cette branche, mais pas son niveau. Je le dis plus particulièrement à Mme Pasquet, rapporteur pour avis, il ne s’agit pas d’une mesure antidéficit.

L’équilibre est assuré entre, d’une part, les allégements de charges effectués et, d’autre part, les transferts de ressources affectées. Notre réforme est équilibrée. Un rapport, prévu par la loi, vérifiera, en 2013 et en 2014, que la Caisse nationale des allocations familiales n’a pas perdu un euro en recettes au passage.

J’y insiste, nous nous inscrivons dans le cadre juridique existant, organique et législatif, qui impose une compensation à la fois juste, sincère et pérenne à la sécurité sociale de cette baisse des cotisations. Monsieur Daudigny, madame Demontès, la compensation est donc de droit.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la recherche de l’équilibre des finances publiques et les mesures de compétitivité que prône le Gouvernement sont non seulement déterminantes pour notre croissance, pour l’emploi, mais aussi, à terme, parce que c’est la croissance qui le permet, pour le financement et la sauvegarde de notre modèle social. Comme M. Chevènement l’a souligné, me semble-t-il, si nous voulons nous désendetter, il nous faut d’abord trouver les moyens de restaurer la croissance. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR.)