PRÉSIDENCE DE M. Thierry Foucaud

vice-président

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique. Monsieur le sénateur, soyez assuré que nous ferons le nécessaire pour apposer le mot « fin » sur cette histoire du conseiller territorial, que le Sénat a d’ailleurs commencé à écrire en adoptant une proposition de loi relative à son abrogation.

Vous avez appelé mon attention, ainsi que celle du ministre de l’économie et des finances ici présent, qui est très intéressé par le sujet, sur la situation des départements, qui sont de toute évidence confrontés à des difficultés financières spécifiques. Comme vous l’avez rappelé, leurs marges de manœuvre ont été limitées par la réforme de la taxe professionnelle puisqu’ils ne peuvent désormais plus voter que les taux de taxe foncière sur les propriétés bâties.

Certes, le produit des droits de mutation à titre onéreux, les DMTO, a progressé de 1,4 milliard d’euros en 2011, mais, selon les dernières données disponibles, il pourrait se stabiliser en 2012. Il présente en effet l’inconvénient d’être très volatile.

Parallèlement à cette tension sur les recettes, les dépenses des départements en matière d’action sociale sont en forte progression : elles ont ainsi augmenté de 18 % entre 2008 et 2011. Or, en 2011, les départements ont reçu 8,48 milliards d’euros de concours financiers de l’État, pour le revenu de solidarité active – le RSA –, l’allocation personnalisée d’autonomie – l’APA – et la prestation de compensation du handicap – la PCH –, alors que leurs dépenses se sont élevées à 14,28 milliards d’euros – soit un différentiel lourd, de presque 6 milliards d’euros.

Une partie de ce différentiel est liée à la progression du coût des allocations depuis leur transfert aux départements ; c’est en particulier le cas du RSA. Une autre partie résulte du mode de financement choisi pour l’APA, partagé entre les départements et la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie.

Pour faire face à ces dépenses, certains départements ont déjà procédé à des coupes claires dans d’autres postes budgétaires, notamment dans des dépenses d’équipement, ce qui n’est pas bon pour la croissance. Ainsi, entre 2008 et 2011, les dépenses d’équipement direct des départements dans leur ensemble ont diminué de 18,6 %, tandis que les subventions d’équipement ont elles aussi fortement baissé, de 15,6 %. Le Gouvernement en a bien conscience.

C’est notamment pour apporter des solutions pérennes à ce problème de financement que le Président de la République et le Premier ministre ont lancé une réforme de la dépendance. Pour ma part, j’ai proposé que l’on étudie la possibilité qu’une part de l’impôt national – elle reste à définir – contribue au financement. Ma collègue Marisol Touraine et moi-même avons commencé à explorer cette piste. Sur ce point, comme sur bien d’autres, les travaux du Parlement nous seront très utiles.

L’examen du projet de loi de finances pour 2013 sera l’occasion de débattre de la mise en œuvre d’un fonds de péréquation départemental de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, la CVAE. En effet, comme l’a relevé, dans son rapport, la mission commune d’information du Sénat que présidait Anne-Marie Escoffier, qui vient d’être nommée ministre déléguée, la CVAE est moins équitablement répartie que ne l’était la taxe professionnelle, et la création d’un tel fonds de péréquation permettrait de soutenir financièrement les départements les plus défavorisés.

Le Comité des finances locales a créé un groupe de travail sur le sujet, dont les travaux doivent aboutir rapidement – je l’espère, avant la fin du mois de juillet. Nous travaillerons sur ses propositions pour présenter au ministre de l’économie et des finances, puis au Premier ministre, des hypothèses de mise en œuvre.

De son côté, le Fonds national de péréquation des DMTO, déjà en vigueur, permettrait de redistribuer des sommes non négligeables : 458 millions d’euros attendus en 2012, après 440 milliards d’euros en 2011.

Enfin, je souhaite réaffirmer la volonté du Gouvernement de procéder aux réformes structurelles nécessaires, dont vous avez parlé, pour que la fiscalité, dans les territoires, soit plus juste. C’est la raison pour laquelle j’étudie les propositions des sénateurs François Marc et Pierre Jarlier pour, d’une part, adapter les modalités de révision des valeurs locatives professionnelles et, d’autre part, étendre l’expérimentation à la révision des valeurs locatives d’habitation. Ce n’est pas une mince affaire ! Le processus de révision des valeurs locatives vise à une meilleure justice fiscale et répond à la multiplication des contentieux fiscaux portant sur les assiettes actuelles.

Il faudrait par ailleurs renforcer la péréquation horizontale promue par le Gouvernement ; nous nous y employons.

Vous le voyez, monsieur le sénateur, le Gouvernement est au travail sur cette question comme sur toutes celles qui concernent les collectivités territoriales. Il est soucieux de travailler en étroite collaboration avec les élus locaux et le Parlement. Il prendra notamment en compte les travaux du futur Haut Conseil des territoires, que le Président de la République appelle de ses vœux et dont la création a été confirmée par le Premier ministre lors de sa venue dans cet hémicycle, le 4 juillet dernier.

Il est évident que les sujets de la péréquation et les réponses à apporter au « déficit des départements » – je reprends votre expression – seront à l’ordre du jour de la préparation de la loi de finances comme des lois de décentralisation, lesquelles doivent nous permettre d’avoir des assiettes fiscales justes, répartissant équitablement les recettes sur nos territoires. En effet, si les territoires sont, pour nos concitoyens, des lieux de vie, ils sont aussi des lieux de production et participent au redressement de la France.

M. le président. La parole est à M. Philippe Madrelle.

M. Philippe Madrelle. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse très argumentée.

Vous l’avez bien compris, les dépenses des conseils généraux explosent, notamment dans le domaine de la solidarité, tandis que leurs ressources s’effritent inexorablement. Les collectivités territoriales ont progressivement perdu leur autonomie fiscale, réduite à 10 % des recettes des régions et à 17 % de celles des départements.

Vous venez de le dire, il faut préserver à tout prix une filière de proximité et de services autour du couple commune-département, afin d’enraciner la démocratie républicaine au plus près des citoyens, à une époque où, après les quartiers « ghettos », le sentiment d’abandon pousse les votes ruraux vers les mirages et les populismes du Front national.

Je fais confiance à votre volonté politique et à celle du Gouvernement pour trouver des solutions efficaces et durables permettant de sortir du contexte mortifère dans lequel se débattent les départements.

assouplissement de certaines règles de la comptabilité publique

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Carle, auteur de la question n° 5, adressée à M. le ministre de l’économie et des finances.

M. Jean-Claude Carle. Monsieur le ministre, permettez-moi d’appeler votre attention sur les conséquences, pour les finances locales, de certaines règles de la comptabilité publique. Pour illustrer mon propos, j’évoquerais la situation, dans mon département de la Haute-Savoie, du syndicat intercommunal d’aménagement du Chablais, le SIAC.

Cet EPCI, qui regroupe 62 communes et 124 000 habitants, a, depuis l’annulation, en 2005, du projet autoroutier A400 par le Conseil d’État, participé au financement du contournement de Thonon-les-Bains.

De près de 26 millions d’euros, sa contribution s’est matérialisée par des subventions d’équipement, versées annuellement au conseil général, maître d’ouvrage. Ces fonds proviennent à 90 % d’emprunts contractés par le syndicat – certains sur trente ans, d’autres sur quarante ans. Or l’instruction comptable M14 prévoit que ce type de subventions d’équipement soit amorti sur quinze ans par l’inscription de dotations aux amortissements en dépenses de fonctionnement, durée qui avait pu être allongée à trente ans grâce à une dérogation.

Toutefois, l’importance des dépenses en question générait un déficit de la section de fonctionnement du budget. Le syndicat a donc demandé, en 2009 et en 2010, une nouvelle dérogation lui permettant d’étaler l’amortissement sur quarante ans. Cette dérogation lui a malheureusement été refusée par le représentant de l’État.

Lors du débat d’orientation budgétaire pour 2011, les élus syndicaux ont décidé d’aligner le rythme d’amortissement des subventions d’équipement sur celui du remboursement des emprunts, et ce pour trois raisons : ne pas alourdir les charges pesant sur les communes membres ; générer en recettes d’investissement les crédits permettant seulement d’assurer le remboursement du capital des emprunts souscrits ; éviter l’accumulation de recettes d’investissement dont le syndicat n’avait nul besoin.

Le budget alors établi, avec une dotation aux amortissements inférieure à celle qui aurait dû découler de l’application de la M14, a été jugé insincère par le préfet, qui a saisi la chambre régionale des comptes.

Pour ma part, ce dossier m’apparaît comme l’exemple type des limites de l’application des dispositions de la M14. En effet, les règles de celles-ci ont pour conséquence d’obliger le syndicat, chaque année, à inscrire, d’une part, une somme supérieure à la dépense réellement engagée en dépenses de fonctionnement et, d’autre part, une dotation équivalente en recettes d’investissement. Ces dernières font ainsi l’objet d’un accroissement significatif, alors que le SIAC n’en a aucun besoin ni aucune utilité.

Une telle augmentation suppose bien évidemment de demander aux communes membres une contribution financière plus importante que nécessaire, avec, pour corollaire, une situation totalement ubuesque en période de crise, où les moyens font cruellement défaut : l’immobilisation, pour de simples raisons comptables, de sommes élevées, alors que les besoins en crédits d’investissement sont par ailleurs importants.

Si je comprends parfaitement les impératifs inhérents à la gestion publique, force est de constater que l’on se trouve ici en totale opposition avec la réalité du fonctionnement des collectivités et du seul besoin qui est aujourd’hui le leur, comme d’ailleurs celui de notre État : un assouplissement des règles. Le Président de la République Nicolas Sarkozy avait d’ailleurs confié une mission en ce sens à notre collègue Éric Doligé, sénateur du Loiret, lequel a déposé une proposition de loi à ce sujet.

En conclusion, monsieur le ministre, à un moment où l’argent public se fait rare mais où la pression sur les collectivités s’accroît, il apparaît indispensable et urgent d’assouplir certaines règles de l’instruction comptable M14. Quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il de mettre en œuvre afin de lever ce type de contraintes qui pèsent aujourd’hui sur les collectivités locales ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. Monsieur le sénateur, vous le savez, les subventions d’équipement versées par les collectivités locales constituent des immobilisations. De ce fait, elles représentent des dépenses d’investissement, ce qui permet leur financement par l’emprunt ; cela répond d’ailleurs à une demande ancienne des collectivités.

La contrepartie de la qualification d’immobilisation – c’est logique dans les règles comptables – tient dans l’obligation d’amortir. L’amortissement vise à retracer la dépréciation d’un bien en fonction de l’usure : la durée d’un emprunt est corrélée non pas à la durée d’utilisation des biens, mais bel et bien à ce paramètre.

En la matière, les durées initialement fixées étaient de cinq ans lorsque la subvention bénéficiait à une personne privée et de quinze ans lorsqu’il s’agissait d’une personne publique. Vous l’avez dit, ces durées se sont vite révélées inadaptées à la réalité. De nombreuses dérogations interministérielles ont donc dû être accordées, notamment au syndicat intercommunal d’aménagement du Chablais.

Conscientes de ces imperfections, les administrations centrales concernées, la direction générale des collectivités locales et la direction générale des finances publiques, ont demandé que soit réuni un groupe de travail, composé des représentants des administrations, du Conseil de normalisation des comptes publics, de magistrats des chambres régionales des comptes et de représentants des collectivités locales. Ce groupe de travail s’est réuni pendant plusieurs mois pour aboutir à la rédaction de l’avis n° 2011-01 du 15 mars 2011.

Les administrations centrales ont d’ores et déjà traduit les préconisations de cet avis dans les textes. Désormais, les durées d’amortissement des subventions versées par les collectivités ne sont plus fonction de la qualité du bénéficiaire, public ou privé, mais de la nature de l’immobilisation financée, soit cinq ans pour les biens matériels, le mobilier et les études, quinze ans pour les bâtiments et les installations et trente ans pour les projets d’infrastructure d’intérêt national. Cette évolution, positive, permet d’asseoir l’amortissement en fonction d’une réalité non plus statutaire ou juridique, mais bel et bien économique.

En novembre dernier, le Comité des finances locales, qui avait été saisi de cette question, a émis un avis favorable sur le décret et les arrêtés de mise à jour des instructions budgétaires et comptables au 1er janvier 2012.

J’ajoute que la position élaborée par le groupe de travail réuni par le Conseil de normalisation des comptes publics a également pris en compte la problématique de l’équilibre budgétaire qui s’impose aux collectivités locales. En effet, l’allongement à l’excès des durées d’amortissement des subventions, s’il permet dans un premier temps d’alléger les dépenses de fonctionnement d’une collectivité, a également pour conséquence d’obérer sur une longue durée ses marges de manœuvre budgétaires.

Le cas que vous évoquez aura donc provoqué une issue que, je l’espère, vous trouverez positive.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Carle.

M. Jean-Claude Carle. Je vous remercie, monsieur le ministre, des précisions que vous avez bien voulu m’apporter.

Je prends acte des efforts qui ont été faits. Dans le contexte actuel, où l’argent public se fait rare, une certaine souplesse est nécessaire afin de permettre aux collectivités de gérer leurs budgets au plus près des besoins et des réalités.

Vous sachant pragmatique, je vous fais confiance pour aller dans ce sens.

dégrèvement des taxes foncières et d’habitation pour vacance d’immeuble

M. le président. La parole est à M. Bernard Piras, auteur de la question n° 1616, adressée à M. le ministre de l’économie et des finances.

M. Bernard Piras. Monsieur le ministre, j’appelle votre attention sur l’incohérence existant en matière de dégrèvement des taxes foncières et d’habitation pour vacance d’immeuble.

Aux termes de l’article 1389 du code général des impôts, le dégrèvement de la taxe foncière peut être obtenu pour vacance d’immeuble à la triple condition que « la vacance ou l’inexploitation soit indépendante de la volonté du contribuable, qu’elle ait une durée de trois mois au moins et qu’elle affecte soit la totalité de l’immeuble, soit une partie susceptible de location ou d’exploitation séparée ».

Le problème est de savoir à quelles conditions la vacance peut être considérée comme étant indépendante de la volonté du contribuable.

Si les textes sont clairs pour la taxe d’habitation, ils le sont beaucoup moins pour la taxe foncière. En effet, le dégrèvement de la taxe d’habitation sur les logements vacants – taxés au-delà de la cinquième année de vacance – est accordé lorsque le logement est mis en location ou en vente au prix du marché mais qu’il ne trouve pas preneur ou acquéreur. C’est ainsi que l’administration fiscale reconnaît que la vacance est bien indépendante de la volonté du propriétaire. C’est clair, net et précis.

Pour la taxe foncière, il semblerait que cela ne soit pas accepté alors que la vacance répond à cette même condition. Les mots auraient-ils un sens différent pour une même administration selon qu’il s’agit d’une taxe ou d’une autre ? Pour quelles raisons la vacance ne serait-elle pas indépendante de la volonté du contribuable en matière de taxe foncière lorsqu’un logement ou un immeuble, mis en vente au prix du marché, ne trouve pas preneur alors que cet état est reconnu comme indépendant de la volonté du contribuable pour la taxe d’habitation ?

Il serait souhaitable de lever cette ambiguïté, car l’administration fiscale, plusieurs fois interrogée, ne répond pas sur ce point précis. Sa position est que la mise en vente d’un bien est un acte volontaire et que, en conséquence, la vacance, quelle que soit la durée qui peut en découler, ne peut être considérée comme indépendante de la volonté du vendeur, c’est-à-dire du contribuable.

Si la mise en vente est effectivement un acte volontaire du vendeur et n’est donc pas suffisante pour justifier un dégrèvement de taxe foncière, il n’en est pas de même lorsque le bien est en vente depuis plusieurs années aux conditions du marché et qu’il ne trouve pas preneur. Dans ce cas, la vacance devrait être considérée comme indépendante de la volonté du contribuable et justifier un dégrèvement de taxe foncière tout comme cela est clairement admis pour la taxe d’habitation.

Il existe des secteurs géographiques où la demande immobilière est faible, notamment pour certains types de biens. La crise économique que nous connaissons depuis plusieurs années rend plus difficile l’obtention de crédits et ne facilite pas la vente rapide d’un bien. Il serait donc légitime d’accorder un dégrèvement de la taxe foncière dans les mêmes conditions que pour la taxe d’habitation.

Je vous prie, monsieur le ministre, de bien vouloir m’indiquer les mesures que vous entendez prendre pour mettre un terme à cette incohérence.

(M. Jean-Claude Carle remplace M. Thierry Foucaud au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Carle

vice-président

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. Monsieur le sénateur, je répondrai à une partie seulement de votre question, car le point de savoir s’il y a ou non incohérence mérite un examen plus approfondi.

Vous avez appelé mon attention sur les conditions d’application des dégrèvements de taxe foncière sur les propriétés bâties et de taxe d’habitation sur les logements vacants accordés en cas de vacance d’immeuble. Plus précisément, vous souhaiteriez savoir pour quelles raisons la condition de « vacance indépendante de la volonté du contribuable » s’apprécie différemment – c’est ce que vous appelez une incohérence – pour ces deux taxes, notamment lorsqu’un immeuble mis en vente au prix du marché ne trouve pas preneur.

Cette différence résulte tout d’abord des termes mêmes de la loi.

Les logements vacants ne sont pas soumis à la taxe d’habitation si la vacance est indépendante de la volonté du contribuable. L’appréciation du caractère volontaire ou non de la vacance relève essentiellement de circonstances de fait. Le contribuable doit prouver qu’il a effectué toutes les démarches nécessaires pour vendre ou louer son logement vacant : mise en vente du logement, proposition de location dans plusieurs agences, etc.

En revanche, le dégrèvement de taxe foncière s’applique aux immeubles n’ayant pas trouvé de locataires dans des conditions normales, malgré les démarches effectuées par leur propriétaire afin de pourvoir à leur location. Dès lors qu’un propriétaire n’établit pas qu’un immeuble est destiné à la location, quand bien même il l’aurait proposé à la vente, il ne peut bénéficier du dégrèvement de taxe foncière sur les propriétés bâties.

Cette différence de traitement résulte ensuite, comme l’a rappelé le Conseil d’État dans un arrêt du 13 avril 2005, de la finalité de ces impositions.

La taxe d’habitation sur les logements vacants est une taxe incitative à la remise sur le marché de logements dans certaines communes, cette remise sur le marché pouvant prendre la forme d’une location ou d’une vente.

En revanche, la taxe foncière frappe la détention d’un immeuble bâti, indépendamment de son utilisation. Le dégrèvement au titre de la vacance, qui est une exception d’interprétation stricte, ne trouve sa justification que dans les situations d’impossibilité absolue de générer des loyers pour cet immeuble, donc d’en tirer un revenu.

La logique qui est à l’œuvre est compliquée, je le concède, mais elle résulte de la nature différente de ces deux taxes. Il appartiendra donc à la représentation nationale de se prononcer, si elle le souhaite.

M. le président. La parole est à M. Bernard Piras.

M. Bernard Piras. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre. Il est vrai que la situation est compliquée.

J’ai bien entendu vos explications sur la finalité de ces deux taxes, mais il n’en demeure pas moins qu’il y a là une incohérence – ce terme n’est peut-être pas le plus approprié –, ou à tout le moins un problème, une même situation donnant lieu à deux traitements différents.

Le débat n’est donc pas clos. Des solutions équitables devront être trouvées, notamment pour les zones où les biens se vendent difficilement, faute d’acquéreurs.

questions économiques et fiscales concernant le secteur viticole

M. le président. La parole est à M. Daniel Laurent, auteur de la question n° 15, adressée à M. le ministre de l’économie et des finances.

M. Daniel Laurent. Ma question porte sur cinq problèmes récurrents rencontrés par le secteur viticole.

Le premier point que je souhaite aborder est la libéralisation des droits de plantation, sujet qui a tout particulièrement mobilisé le Sénat à l’occasion de la proposition de résolution sur le régime des droits de plantation de vigne présentée par nos collègues Gérard César et Simon Sutour en février 2011, proposition que j’ai soutenue.

Le règlement européen prévoit la suppression des droits de plantation à compter de 2015, avec une possible prorogation pour les États membres qui le souhaiteraient jusqu’en 2018.

La France a toujours rappelé son attachement à la régulation des marchés agricoles et affirmé son opposition à la suppression des droits de plantation.

Les instruments de régulation sont importants pour les filières agricoles et doivent permettre d’assurer aux agriculteurs un revenu décent et stable. C’est d’ailleurs l’objet d’un engagement franco-allemand signé en 2010, plaçant la régulation des marchés agricoles au cœur des négociations pour la future politique agricole commune.

La filière cognac souhaite pour sa part la mise en place d’un système applicable à tous les vins et géré au niveau de l’interprofession.

Mon deuxième point concerne la réflexion menée par nos partenaires européens sur l’harmonisation de la fiscalité des alcools. Il est nécessaire de mettre en place une vaste discussion entre toutes les parties prenantes, des producteurs aux acteurs de la santé publique, afin de procéder à une refonte globale de la fiscalité sur les boissons alcoolisées.

Le troisième point de mon intervention porte sur les conditions d’exonération de la taxe foncière sur le bâti dans le secteur viticole, conditions sur lesquelles m’ont alerté des viticulteurs de mon département.

Les services des impôts fonciers ont notifié aux viticulteurs contrôlés l’assujettissement à la taxe foncière des bâtiments affectés aux activités de présentation, de dégustation et de commercialisation des vins à la propriété, tout comme les bâtiments servant à la distillation des vins en vue d’élaborer des eaux-de-vie de vin, alors même que cette activité de transformation se situe dans le prolongement de l’activité de production.

Les viticulteurs contestent cette interprétation de la législation fiscale. Ils estiment que l’exemption de la taxe foncière aux bâtiments abritant les locaux de présentation, de dégustation et de commercialisation des vins à la propriété est justifiée, car elle s’inscrit dans le prolongement de l’activité de vigneron.

Monsieur le ministre, quelle réponse pouvez-vous leur apporter ?

Mon quatrième point a trait à la problématique de la constitution de provisions pour hausse des prix par les négociants de cognac. La législation en vigueur s’applique aux entreprises de cognac, qui sont exposées aux fluctuations permanentes des cours des matières premières.

Or, en pratique, la constitution des provisions pour hausses des prix sur les eaux-de-vie de cognac connaît de grandes difficultés de mise en œuvre. En effet, l’administration fiscale considère que des cognacs, même d’âges distincts, constituent un produit unique pour l’application du régime des provisions pour hausses des prix. Les professionnels de la région délimitée cognac estiment que cette règle est erronée, car il existe autant d’eaux-de-vie de cognac que de comptes d’âge et de crus.

Ainsi, en raison de l’importance du dispositif des provisions pour hausses des prix pour le produit cognac, et face à l’insécurité fiscale dans laquelle se trouvent les entreprises, les professionnels attendent de l’administration fiscale de pouvoir déterminer les modalités pratiques de calcul des provisions pour hausses des prix, par cru et par compte d’âge, à partir des dispositions posées par l’article 10 nonies de l’annexe 3 du code général des impôts.

Mon cinquième et dernier point concerne les délais de paiement du secteur vitivinicole. Les professionnels du secteur des eaux-de-vie, qui se sont engagés dans une démarche interprofessionnelle impliquant toute la filière, souhaiteraient être soumis au droit commun en matière de délais de paiement, quel que soit le produit.

La réglementation actuelle, en application des dispositions du 3° de l’article L. 443-1 du code du commerce, précise que les délais de paiement applicables aux boissons alcooliques passibles des droits de consommation doivent être inférieurs à trente jours après la fin du mois de livraison.

Dans la note d’information de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes n° 2010-18 du 26 février 2010 sur les produits alimentaires visés par l’article L. 443-1 du code du commerce, il est précisé que, pour les boissons alcooliques, « les deux délais qui suivent ne s’appliquent qu’aux boissons destinées à la consommation humaine, à l’exclusion de celles destinées à être transformées » et qu’ainsi « les entreprises qui achètent en suspension de droit sont soumises aux délais légaux ».

Pouvez-vous, monsieur le ministre, m’éclairer sur l’application des délais de paiement ? Je vous remercie des réponses que vous voudrez bien apporter aux professionnels du secteur viticole sur l’ensemble de ces points.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. Monsieur le sénateur, je vais tâcher de répondre à cette série de questions.

En premier lieu, vous avez exprimé votre inquiétude au sujet de la libéralisation des droits de plantation.

Sachez que mon collègue Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, et moi-même partageons totalement vos préoccupations.

Le Gouvernement est pourtant convaincu de la nécessité de disposer de moyens de réguler le potentiel foncier viticole, indispensables pour garantir la santé de ce secteur économique, fortement exportateur et dont la France est légitimement fière. C’est pourquoi notre pays affirme avec force et détermination depuis plus de trois ans son opposition – je le redis ici – à une telle dérégulation du secteur vitivinicole.

Dans le cadre du Groupe à haut niveau sur le vin, présidé par le commissaire européen à l’agriculture et au développement rural, la France a exprimé le souhait de maintenir une fiscalité spécifique pour les produits du secteur vitivinicole. À ce jour, aucune suite n’a été donnée à cette première réunion, et il n’existe aucun calendrier de refonte globale de la fiscalité alcoolique aujourd’hui.

Sachez toutefois, monsieur le sénateur, et je le dis à l’ensemble des sénateurs concernés par cette problématique, que le Gouvernement restera très attentif, vous pouvez le croire, à toute reprise éventuelle de ces travaux.

En deuxième lieu, le Gouvernement partage votre préoccupation quant à l’harmonisation à l’échelon européen de la fiscalité sur les boissons alcooliques, qui est une nécessité. Il s’agit, pour l’ensemble des États membres, de respecter un taux minimum. Mais je voudrais que vous ayez conscience de l’extrême difficulté de la négociation communautaire sur les taux : en l’absence d’unanimité entre les États membres, toutes les tentatives de la Commission européenne pour rehausser les taux minimums communautaires ont jusqu’à présent échoué.

Vous pouvez croire, là aussi, en la détermination du Gouvernement, en particulier du ministre de l’agriculture, pour faire évoluer les positions de nos partenaires européens sur le sujet.

En troisième lieu, je vous confirme que l’exonération de taxe foncière pour les bâtiments ruraux affectés à un usage agricole n’intègre pas les activités de commercialisation. Cela s’explique par la volonté de maintenir des conditions équitables de concurrence entre les vignerons et les autres acteurs de la commercialisation du vin.

En quatrième lieu – c’est un point très précis que vous avez soulevé –, je vous confirme que, pour la détermination de la provision pour hausse des prix, les catégories dans lesquelles les eaux-de-vie de cognac sont classées, selon leur cru et leur âge, doivent être considérées comme des produits distincts.

Enfin, vous avez bien voulu appeler mon attention sur les préoccupations des professionnels du cognac relatives aux délais de paiement des transactions sur les eaux-de-vie de cognac.

Les éléments d’information recueillis sur le niveau des ventes ne font pas apparaître de difficultés particulières des entreprises sur le plan économique. Au contraire, le site du bureau national interprofessionnel du cognac met en évidence le fait que les expéditions de cognac demeurent à un niveau élevé, avec un taux d’augmentation de 4,6 % entre juin 2011 et mai 2012. Je m’en réjouis, mais, étant donné la situation économique positive du secteur, et même si nous avions jusque-là beaucoup de points d’accord, monsieur le sénateur, j’en tire la conclusion qu’il n’apparaît pas justifié de réserver, à ce stade, une suite favorable à la demande des professionnels du secteur.