M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Oui, comment ?

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Si la croissance ne produit pas de rendement, il faudra augmenter les prélèvements obligatoires en même temps que nous modifierons leur structure dans un sens plus juste. Nous aurons l’occasion d’en reparler en examinant le collectif budgétaire.

Dans ce scénario, mes chers collègues, l’année 2013, vous l’aurez noté dans les annonces du Gouvernement, sera la plus importante, celle à la fin de laquelle nous nous devrons de respecter l’objectif que nous a fixé le Conseil : ramener notre déficit à 3 % du produit intérieur brut. Si nous n’y parvenions pas, une mécanique juridique de sanctions se mettrait en place. De manière plus immédiate, notre crédibilité en serait affectée, car le poids politique de cet objectif est désormais tel que l’on ne peut s’en abstraire.

Pour garantir le respect d’un tel objectif, le Gouvernement propose de concentrer sur 2013 les trois quarts des hausses de prélèvements obligatoires prévues pour la législature, soit une trentaine de milliards d’euros. C’est la bonne stratégie : l’effet multiplicateur des dépenses étant plus fort que celui des recettes, il ne faut pas prendre le risque d’étouffer la croissance de 2013 en comprimant trop les dépenses.

Mais il y a un préalable à tout cela : atteindre, en 2012, le point de départ de cette trajectoire quinquennale, c’est-à-dire un niveau de déficit de 4,5 % du PIB. C’est pour nous assurer que nous ne manquerons pas notre point de départ que le Gouvernement a préparé un projet de loi de finances rectificative, que nous analyserons en détail la semaine prochaine.

Après cette présentation des enjeux et des ordres de grandeur, je voudrais faire quelques commentaires.

Le premier porte sur la préparation de la session d’automne. Le Gouvernement a présenté tout récemment la maquette à partir de laquelle le projet de loi de finances sera construit ; les rapporteurs spéciaux et pour avis peuvent en prendre connaissance. Elle évolue peu par rapport à 2012, mais je dois relever que le périmètre des missions reflète de moins en moins celui des politiques publiques et de plus en plus celui des attributions des différents ministres. Cela doit nous amener à réfléchir sur l’application de la LOLF à cet égard, et il conviendra peut-être d’y apporter des corrections à l’avenir.

Mon deuxième commentaire – je présente par avance mes excuses aux collègues de l’opposition pour la peine que je vais leur occasionner… – porte sur le contraste entre la stratégie équilibrée et réaliste proposée par l’actuel gouvernement et la stratégie plus « équilibriste » du précédent, qui avait été reprise dans le programme de Nicolas Sarkozy.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est de l’autopromotion : on n’est jamais si bien servi que par soi-même !

M. Aymeri de Montesquiou. C’est audacieux !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Rappelez-vous, cette stratégie était fondée sur un retour à l’équilibre reposant à 80 % sur la maîtrise des dépenses. Le retour que nous proposons s’appuie pour moitié sur la réduction des dépenses et sur l’augmentation des recettes.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Je ne sais pas où elles sont, vos réductions de dépenses, je ne vois que de nouvelles dépenses !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Et on n’a encore rien vu !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. La voie proposée par le gouvernement précédent n’était ni souhaitable ni réaliste.

Elle n’était pas souhaitable, car elle aurait porté atteinte au fonctionnement des services publics. Elle n’était pas possible, car le gouvernement précédent n’est, de toute façon, jamais parvenu à respecter ses objectifs en matière de maîtrise des dépenses. Ainsi, de 2008 à 2011, ces dernières ont augmenté, en moyenne, de 1,4 %. Pour maîtriser le déficit, les équipes gouvernementales successives de M. Fillon ont, entre 2010 et 2012, augmenté les prélèvements obligatoires de plus de 40 milliards d’euros.

L’effort que l’actuel gouvernement propose de faire porter sur les recettes en une législature de cinq ans – en ne visant pas les mêmes prélèvements, bien entendu – la majorité précédente l’a fait subir en trois ans. Dès lors, vous comprendrez, chers collègues de l’opposition, que nous ne pouvons accepter les procès en « matraquage fiscal », que certains dans vos rangs ont déjà commencé à instruire.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Je le répète, l’effort de 40 milliards d’euros que nous allons demander sur cinq ans, le précédent gouvernement l’a demandé sur trois ans.

M. Philippe Dallier. Tout cela s’additionne !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. La comparaison est tout à fait explicite !

Mon troisième commentaire portera sur un autre aspect de la politique équilibrée que nous propose le nouveau gouvernement : l’équilibre entre discipline budgétaire et soutien de la croissance.

La précédente majorité a dégradé le déficit structurel par le programme fiscal qu’elle a mis en œuvre en début de législature, en particulier la fameuse loi TEPA, sur laquelle elle est revenue en fin de législature, pour partie au moins. Elle a ouvert les vannes budgétaires de 2008 à 2010, en réponse à la crise. La crise de la zone euro l’a ensuite conduite à s’enfermer dans une rhétorique privilégiant l’austérité et laissant de côté la croissance.

Le nouveau Président de la République, au contraire, est parvenu à faire émerger le thème de la croissance dans le débat européen.

M. Philippe Dallier. Allons bon !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Le débat, oui, mais pas plus !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Cela fait six mois que le Conseil en parle !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Lors du Conseil qui s’est tenu les 28 et 29 juin, les Européens se sont dotés d’un « pacte de croissance et d’emploi »…

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Un beau discours !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Tout cela pour avoir bonne conscience !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. … complétant et rééquilibrant les règles budgétaires, ce qui conduit le Gouvernement à considérer désormais que nous pouvons les accepter. (M. Philippe Dallier s’esclaffe.)

Je voudrais donc consacrer mon quatrième et dernier commentaire à ces nouvelles règles budgétaires européennes, qui appellent en particulier trois remarques de ma part.

Premièrement, ce qui compte vraiment et ce sur quoi nous sommes jugés, c’est le respect des engagements et non la sophistication des dispositifs juridiques que nous mettons en place.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est au Front de gauche qu’il faut le dire !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Les règles constitutionnelles qui existent dans certains pays, en particulier en Allemagne, sont d’ailleurs très sommaires puisqu’elles se contentent de fixer des objectifs, sans prévoir ni la manière de mesurer la conformité à la règle ni les sanctions en cas de non-respect.

Le Président de la République est donc tout à fait fondé à refuser de s’engager dans un processus inapproprié d’inscription de cette règle dans la Constitution.

Deuxièmement, si les évolutions de la gouvernance budgétaire européenne sont très importantes, il ne faut pas accorder plus de place qu’il n’en mérite au traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance dans l’Union économique et monétaire, dont le Conseil constitutionnel dira s’il comporte des dispositions contraires à la Constitution.

Les dispositions du TSCG sont, en tout état de cause, pour la plupart, déjà présentes dans des textes de droit communautaire en vigueur ou en cours de discussion. Surtout, la règle que ce traité demande d’inscrire dans le droit national s’applique déjà au niveau européen.

M. Philippe Dallier. Pourquoi vous y êtes-vous opposés ?

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Cette règle est devenue contraignante depuis la réforme du pacte de stabilité du 26 novembre dernier.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Cela justifie la position actuelle du gouvernement français.

M. Philippe Dallier. Pourquoi étiez-vous contre ?

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Troisièmement, j’évoquerai les conséquences de l’application des nouvelles règles budgétaires du pacte de stabilité.

D’une part, le traité nous demande d’inscrire dans notre droit interne l’obligation de réduire notre déficit structurel de 0,5 point de PIB par an jusqu’à ce que nous ayons atteint notre objectif de moyen terme, à savoir l’équilibre structurel.

D'autre part, à compter de 2017, il nous faudra réduire de 20 % par an notre excédent de dette par rapport au seuil de 60 %.

Ces règles sont strictes, mais il faut être conscient que la politique budgétaire que nous devrons conduire après 2013 pour les respecter sera moins exigeante que celle qui doit être mise en œuvre pour atteindre l’objectif de 3 % en 2013.

Entre 2012 et 2013, nous devrons réduire notre déficit effectif de 1,5 point de PIB en un an, et notre déficit structurel plus encore. C’est un effort très important qui nous est réclamé.

Après 2013, lorsque nous ne serons plus sous le coup d’une procédure pour déficit excessif, nous ne serons plus obligés de réduire notre solde structurel « que » de 0,5 point par an, ce qui est déjà significatif, mais c’est plus de trois fois moins que le rythme qui nous est assigné pour l’an prochain.

En revanche, à l’avenir, les États qui « sortiront des clous » devront se soumettre à la nouvelle mécanique du pacte de stabilité, complétée sur plusieurs points par le traité, et à celle des nouveaux textes en préparation. L’effort demandé sera, pour la France, moindre, mais les contraintes que la Commission et le Conseil pourront imposer aux États seront très fortes.

Les implications sont réelles en termes non seulement de procédure budgétaire, mais aussi d’équilibres institutionnels puisque le traité, encore plus que le pacte de stabilité, limite les capacités de blocage des États. Il faut bien que nous analysions toutes les conséquences de ces évolutions.

Mes chers collègues, le débat doit avoir lieu et il doit se poursuivre entre nous jusqu’à la dernière semaine du mois de septembre. En effet, le Premier ministre vient de l’annoncer il y a une heure, le Parlement sera convoqué en session extraordinaire la dernière semaine de septembre pour envisager la ratification de ce traité. Nous devons donc réfléchir à l’ensemble de ses conséquences pour préparer au mieux cette dernière semaine de septembre.

Beaucoup l’ont dit ces derniers temps, la monnaie unique souffre de n’être pas accompagnée d’un gouvernement économique. L’harmonisation des règles de gouvernance budgétaire en Europe est donc souhaitable dans son principe dès lors qu’elle s’inscrit dans une stratégie de croissance pour la zone euro. Nous verrons ce qui résultera des travaux du groupe animé par Herman van Rompuy, mais il est indéniable que, sans union budgétaire en Europe, nous n’arriverons, par exemple, jamais aux eurobonds et à la mutualisation des dettes souveraines.

M. Philippe Dallier. On croyait pourtant que c’était fait !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Ce qu’il faut désormais, c’est construire des majorités au Conseil et au Parlement européen pour peser sur la définition des règles.

Quant à nous, mes chers collègues, il nous faudra être actifs et faire vivre la conférence des commissions des parlements nationaux que prévoit l’article 13 du traité.

Ces considérations, mes chers collègues, me conduisent à ma conclusion : les orientations des finances publiques pour la législature à venir ne sont pas seulement des chiffres. Les chiffres sont importants, ils sont lourds et nous devons les assumer. Mais c’est surtout de leur respect que dépendent la place et l’influence de la France en Europe.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Tout à fait !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. C’est pourquoi, mes chers collègues, monsieur le ministre, il est si précieux que la France soit désormais dirigée par un gouvernement réaliste et crédible. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, rapporteur général.

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme chaque année, la commission des affaires sociales entend apporter dans ce débat d’orientation son éclairage spécifique sur la situation des finances sociales. Celles-ci représentent le premier poste de nos comptes publics.

Dans la dette et dans les déficits qui sont aujourd’hui au centre de nos préoccupations, leur part est moindre que celle du budget de l’État. Pour autant, leur retour à l’équilibre est tout aussi nécessaire. Pourquoi ?

D’abord, parce que la problématique des prélèvements obligatoires forme un tout, que le poids de la dette sociale réduit nos marges de manœuvre et nous expose à des risques financiers au même titre que la dette de l’État.

Ensuite, parce que, nous l’avons souvent dit dans cet hémicycle, financer les prestations sociales d’aujourd’hui par des déficits et de la dette, c’est reporter des charges sur les générations à venir tout en hypothéquant le niveau de leur protection sociale, ce qui est économiquement, socialement et moralement insupportable !

M. Francis Delattre. Très bien !

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. J’ai détaillé dans mon rapport écrit les dernières évolutions des comptes sociaux au vu de la clôture de l’exercice 2011 et des prévisions présentées il y a quelques jours devant la commission des comptes de la sécurité sociale.

En 2011, le déficit du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse, FSV, s’est élevé à 20,8 milliards d’euros, soit 1 milliard d’euros de moins que le montant retenu dans la dernière loi de financement.

En revanche, l’année 2012 devrait s’achever en présentant une situation plus dégradée que ne le laissaient présager les prévisions. Aucun gros risque de dérapage des dépenses de sécurité sociale n’a été identifié mais, avec une croissance à l’arrêt, les recettes fléchissent. Sans mesure correctrice, le déficit s’alourdirait de 2 milliards d’euros par rapport au montant de la loi de financement et serait peu ou prou identique à celui de 2011, soit 20 milliards d’euros.

La crise a fait exploser le déficit du régime général. Depuis 2009, il dépasse chaque année, FSV inclus, plus de 20 milliards d’euros, avec un record absolu de 28 milliards d’euros en 2010 !

Mais la crise n’explique pas tout. Elle a aggravé le déficit structurel persistant des comptes sociaux, de l’ordre de 10 milliards par an, déficit qui n’a pas été véritablement traité au moment où le contexte économique s’y prêtait bien plus qu’aujourd’hui. Comme l’a indiqué devant nos commissions des finances et des affaires sociales le Premier président de la Cour des comptes, « la France est entrée dans la crise avec une dette trop élevée et des comptes en déficit structurel ».

Face à ces déficits et à la nécessité de financer la dette sociale, le précédent gouvernement a additionné des réajustements ponctuels, opérés sans logique d’ensemble, au gré des urgences du moment et au détriment de la recherche de financements plus solides, répondant réellement à l’évolution des besoins à moyen terme.

La dette sociale a gonflé. C’est ainsi que, l’an dernier, 65 milliards d’euros correspondant aux déficits des trois années 2009 à 2011 ont été transférés à la caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES. Autre exemple, 62 milliards d’euros supplémentaires sont prévus de 2012 à 2018 au titre des déficits de la branche vieillesse. Et une partie des déficits restera à financer, comme ceux des branches maladie et famille de 2012 ou celui du régime de retraite des exploitants agricoles. J’ajouterai le déficit de la branche accidents du travail et maladies professionnelles, qui reste pendant depuis trois ans. Nos collègues Catherine Deroche et Jean-Pierre Godefroy viennent de présenter sur ce sujet, dans le cadre de la MECSS, un rapport particulièrement pertinent.

S’agissant des perspectives pour 2013 et au-delà, la Cour des comptes a effectué des projections qui aboutissent à des résultats très sensiblement différents de ceux qui nous avaient été présentés lors du dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale et qui avaient pourtant été révisés en cours de discussion au vu de la dégradation des hypothèses de croissance.

La branche vieillesse ne parviendrait pas à résorber ses déficits qui resteraient supérieurs à 10 milliards d’euros par an, CNAV, et FSV confondus. Nous sommes loin du retour à l’équilibre à l’horizon 2018 annoncé lors de la réforme des retraites !

Nous connaissions la fragilité de ce scénario fondé sur une hypothèse de retour progressif au plein-emploi et de transfert de cotisations de l’UNEDIC vers l’assurance vieillesse.

Selon la Cour des comptes, la branche famille resterait également en situation de déficit prolongé, de l’ordre de 2 milliards d’euros par an, notamment du fait du moindre rendement des recettes qui lui ont été affectées en substitution d’une part de CSG transférée à la CADES. Là aussi, nous avions alerté sur les risques de déséquilibrage de la branche, qui sont malheureusement désormais avérés.

Enfin, la Cour des comptes estime qu’il faudrait entre six et douze ans, selon le niveau de l’ONDAM, pour arriver à équilibrer les comptes de l’assurance maladie.

Au total, sans mesures correctrices, les déficits cumulés du régime général depuis 2012 pourraient atteindre 155 milliards d’euros en 2020, soit environ 100 milliards de plus que le montant des transferts des déficits vieillesse à la CADES déjà programmés jusqu’en 2018.

Face à cette situation et sans attendre le prochain PLFSS, le Gouvernement a déjà pris ou annoncé plusieurs décisions qui concilient deux objectifs : d’une part, préserver notre niveau de protection sociale, avec une priorité pour nos concitoyens les moins favorisés, d’autre part, amorcer résolument la réduction du déficit.

L’abrogation de la TVA sociale écartera la ponction injuste que le précédent gouvernement avait programmée sur le pouvoir d’achat des ménages. Les cotisations d’allocations familiales étant maintenues à leur niveau actuel, la hausse de deux points du prélèvement social sur les revenus du capital, entrée en application ce mois de juillet, constituera une ressource nette pour la sécurité sociale. Elle permettra de financer la majoration de 25 % de l’allocation de rentrée scolaire, mais également d’alimenter la branche vieillesse pour un montant de 2,2 milliards d’euros par an à compter de 2013.

Plusieurs niches sociales seront réduites, notamment avec le passage de 8 % à 20 % du forfait social.

Enfin, le décret du 2 juillet sur l’âge d’ouverture du droit à pension de vieillesse procède à un relèvement de 0,2 point des cotisations à compter du 1er novembre, porté progressivement à 0,5 point d’ici à 2016 et réparti pour moitié entre part patronale et part salariale. Cette recette nouvelle garantit le financement du retour à la retraite à soixante ans en faveur des salariés ayant commencé à travailler à 18 ou 19 ans, tout en procurant un surplus de ressources à la CNAV.

Au total, ces premières mesures représentent déjà un gain net de ressources pour la sécurité sociale de près de 1,5 milliard d’euros en 2012, ce qui permettra de revenir à un niveau de déficit proche de celui qui a été voté en loi de financement, puis de 5 milliards d’euros par an à compter de 2013.

Cet effort sera équitablement réparti. Il vise en priorité des revenus jusqu’ici peu ou pas sollicités pour le financement de notre protection sociale.

Il n’est pas exclusif de mesures de justice – je pense aux salariés ayant suffisamment cotisé pour bénéficier du taux plein, auxquels deux années de travail supplémentaires avaient été imposées – ni de mesures de soutien du pouvoir d’achat des familles modestes, avec la majoration de l’allocation de rentrée scolaire.

Ce premier pas devra être prolongé.

Nous nous trouvons aujourd’hui face à une situation extrêmement dégradée des comptes sociaux, sans équivalent dans le passé, avec 90 milliards d’euros de déficits cumulés pour le régime général et le FSV sur les seules années 2007 à 2011, et 20 autres milliards d’euros à venir en 2012.

Les orientations prises depuis quelques semaines montrent la bonne direction et témoignent d’une volonté très claire ne pas laisser la situation se détériorer davantage. Une action résolue est amorcée en même temps qu’est préservée la situation de nos concitoyens les moins favorisés.

Avec les recettes nouvelles qui vont être mises en place, un pas important sera fait sur la voie de la réduction du déficit. En s’attaquant à un certain nombre de niches sociales, elles vont dans le sens d’une réforme plus structurelle, dont nous savons tous qu’elle sera nécessaire.

Au cours de la dernière décennie, le financement de la sécurité sociale a donné lieu à une multiplicité de mesures qui l’ont rendu plus complexe et beaucoup plus instable. Cette évolution n’a pas favorisé, bien au contraire, le traitement des déficits récurrents.

Le Premier ministre a souhaité saisir le Haut Conseil du financement de la protection sociale sur les évolutions possibles du système actuel, notamment en termes de diversification des recettes, dans la perspective d’une concertation avec les partenaires sociaux, puis d’une réforme législative en 2013.

Une réforme du financement de la sécurité sociale devra nécessairement répondre à deux enjeux : premièrement, assurer un niveau global de ressources en accord avec les besoins des régimes sociaux, ce qui impliquera nécessairement la majoration de ces ressources eu égard aux déséquilibres persistants ; deuxièmement, définir la part respective des différentes formes de ressources, le cas échéant après en avoir imaginé de nouvelles, de la manière la plus optimale au regard d’objectifs clairs, à savoir une plus grande équité entre les différents types de revenus et d’assiettes d’imposition, sans ignorer la recherche d’une meilleure compétitivité de notre pays.

S’agissant des dépenses, c’est pour la branche vieillesse que les perspectives déficitaires sont aujourd’hui les plus accentuées. L’essentiel des mesures de financement prises ou annoncées ces dernières semaines lui sera affecté. Elles devraient permettre de couvrir près de la moitié du besoin de financement à moyen terme, mais ne suffiront pas à résorber le déficit.

Dans le cadre des concertations prévues en 2013, il s’agira de travailler à la définition de paramètres justes et équitables tout en permettant à notre système de retraite d’atteindre l’équilibre financier.

Il sera également nécessaire d’agir en profondeur sur les ressorts de la dépense d’assurance maladie.

Au-delà de la poursuite d’actions déjà engagées, comme la diminution du prix des produits de santé, notamment des médicaments génériques, des mesures plus structurelles devront être envisagées.

De toutes les réflexions conduites ces derniers mois, un large consensus émerge désormais autour du renforcement de la pertinence et de l’efficience des parcours de soins et des séjours hospitaliers, dans un double objectif d’amélioration de la qualité des prises en charge et d’optimisation dans l’utilisation des ressources.

L’organisation d’un véritable parcours de santé, prolongement du parcours de soins, constituera l’axe central des efforts à mener.

De nombreuses sources de surcoût sont à éliminer, tout en rendant l’accès aux soins plus rapide et en améliorant la qualité de la prise en charge.

Ces mesures supposent, de la part de tous les acteurs, une forte mobilisation qu’il faut désormais concrétiser.

Telles sont, monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, les observations que je souhaitais présenter, au nom de la commission des affaires sociales, dans le cadre de ce débat sur les orientations des finances publiques, qui prépare des choix déterminants pour notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – M. le rapporteur général de la commission des finances applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet.

M. Éric Bocquet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce débat sur les orientations des finances publiques nous semble dominé par une certaine forme d’inquiétude du lendemain.

En effet, au cours des dix années qui ont suivi la précédente alternance politique, au fil des lois de finances, des lois de financement de la sécurité sociale et de multiples lois s’attaquant notamment aux grands services publics, au droit au logement et au droit à l’éducation, nous avons constaté la lente mais sûre dérive des comptes publics.

Bien sûr, il serait aisé de rappeler certains discours tenus durant ces dix ans sur l’indépassable horizon du progrès de la croissance et de l’emploi qui nous fut maintes fois promis. (M. le rapporteur général de la commission des finances acquiesce.)

Il est toujours de bon ton, quand on est aux affaires, de donner une belle présentation à la politique que l’on met en œuvre ; et il est aussi commode, quand on n’y est pas, de flétrir ce qui peut être par d’autres enjolivé…

La critique est une chose ; restent les chiffres.

Pour ce qui est de la dette publique, je vous rappelle que la seule dette de l’État représentait, à la fin de l’année 2002, un encours de 717,2 milliards d’euros, détenu à un peu moins de 42 % par des non-résidents et constitué aux deux tiers par des obligations de long terme. À la fin de l’année 2011, la dette de l’État s’élevait à 1 313 milliards d’euros. Elle était majoritairement détenue par des non-résidents et comportait 166 milliards d’euros de titres indexés, au lieu de 29,5 milliards d’euros en 2002.

Quant aux bons du Trésor de court terme, même si leur proportion s’est un peu réduite, on l’a vu lors de la discussion du projet de loi de règlement des comptes pour 2011, ils représentent aujourd’hui un volume de 178 milliards d’euros, deux fois plus important qu’il y a dix ans.

Dix années de gestion libérale des affaires publiques auront donc conduit à une hausse de près de 600 milliards d’euros de la dette de l’État, alors même que la précédente gestion n’avait pas été marquée par une telle progression. Rendez-vous compte : 80 % d’augmentation de l’encours en dix ans !

Le résultat de cette situation est connu : nous avons dû consacrer en 2011 pas moins de 48,8 milliards d’euros au titre des intérêts de notre dette, dont 3 milliards d’euros, faut-il le souligner, au seul bénéfice de détenteurs de titres indexés.

En effet, il s’est trouvé un ministre des finances, au tournant des années 1990 et 2000, pour mettre en place une sorte d’échelle mobile de la rente, en créant une indexation de certains titres de dette émis, qu’il s’agisse d’obligations de long terme ou de bons du Trésor à annuités.

Cette progression de la dette publique résulte évidemment de l’accumulation des déficits budgétaires constatés depuis 2002.

À proprement parler, leur source n’est pas à rechercher dans un développement inconsidéré de la dépense publique, les Gouvernements qui se sont succédé pendant dix ans ayant au contraire mis une sorte de point d’honneur à contenir sa progression, mais bel et bien dans le faible dynamisme des recettes fiscales, voire, dans certains cas, leur réduction.

Songez que la loi portant règlement définitif du budget de 2002 constatait un déficit d’environ 50 milliards d’euros, correspondant à la différence entre 291,4 milliards d’euros de recettes et 341,4 milliards d’euros de dépenses.

C’est donc à l’évidence du côté des recettes que, fondamentalement, les choses ne vont pas tout à fait bien.

Nous avons connu, faut-il le rappeler, dix années de cadeaux fiscaux les plus divers, allant de la réforme du barème de l’impôt sur le revenu au développement de niches fiscales mitant son assiette, en passant par moult mesures d’allégement de la fiscalité du patrimoine et de l’imposition des sociétés, sans oublier l’une des plus remarquables inepties fiscales du dernier quinquennat : le remplacement de la taxe professionnelle par une contribution économique territoriale inadaptée.

Chaque fois, au-delà de considérations visant à l’harmonisation des pratiques fiscales françaises au regard de la concurrence fiscale européenne, la démarche était la même : développer une politique de l’offre qui, par la seule grâce des bénéficiaires des largesses publiques – ménages aisés, grands groupes à vocation industrielle et commerciale – permettrait, en fonction de leur bonne volonté, à notre économie de croître et à notre pays de connaître une certaine forme de progrès social et économique.

L’usage et l’abus des dispositifs d’optimisation fiscale, notamment sur les patrimoines et les capitaux, et la mise en place, profondément inégalitaire, du bouclier fiscal, symbole accusateur de la teneur des choix opérés, auraient pu constituer autant d’avertissements pour conduire à changer de pratique et de méthode. Mais les plans sociaux en pagaille, les suppressions d’emplois par centaines de milliers – notamment par ces plans sociaux invisibles que sont les non-reconductions de contrats à durée déterminée ou de missions d’intérim –, l’accroissement des inégalités de patrimoine et le déclin industriel de notre pays, victime de stratégies purement financières menées au sein de nos plus grands groupes au détriment de l’emploi et de l’innovation, sont autant de preuves manifestes que non seulement l’État s’est profondément et gravement endetté mais que, de surcroît, il ne l’a pas fait à bon escient.

Il fut un temps où, si l’on peut dire, la France avançait sur la route du progrès, où une génération savait qu’elle vivrait mieux que la précédente. Certains appellent cette époque les Trente Glorieuses. Mais ils oublient parfois que les années 1945 à 1975 furent aussi celles où la France dut concevoir de se séparer de son empire colonial tout en payant le prix de deux guerres aussi inutiles au plan historique que coûteuses en vies humaines, en ressources et en ressentiments, et que, pendant cette période, les comptes publics ne furent pas forcément au vert chaque année...

Seulement voilà, mes chers collègues : quand la France s’endettait pour développer son réseau téléphonique, construire des centrales électriques utilisant autant l’énergie hydraulique que la technologie nucléaire la plus avancée, réaliser des infrastructures de transport ou bâtir des lycées et des collèges, ce qui était, pour une année, une source de déficit budgétaire pouvait fort bien, les années suivantes, être à l’origine de nouvelles recettes fiscales. C’est en effet le tissu économique dans son entier qui tirait parti des engagements publics.

N’oublions pas que ces engagements publics sont largement assurés par les collectivités territoriales – à hauteur de 70 % aujourd’hui. De ce point de vue, les collectivités territoriales sont un levier du redressement économique.

Mais quand l’État s’endette pour que Mme Bettencourt puisse percevoir un remboursement de 30 millions d’euros au titre du bouclier fiscal, pour que la famille Peugeot, qui fait parler d’elle ces temps-ci, puisse s’attribuer un juteux dividende peu de temps avant de programmer un nouveau plan social ou de « départs volontaires », pour que Renault puisse poursuivre ses investissements à l’étranger ou pour que Charles Doux puisse engloutir des millions au Brésil avec le produit du travail de ses salariés payés au SMIC et employés à temps partiel sans réussir à placer ses découpes de volaille auprès des consommateurs locaux, eh bien, c’est de la mauvaise dette qui voyait le jour !

Les faits sont là : depuis dix ans, nous avons ouvert en grand la trappe à bas salaires en dépensant toujours plus d’argent public pour alléger le trop fameux « coût du travail ». Et certains s’étonnent maintenant de constater que, plus les années passent, moins les Français partent en vacances, et pour des durées moins longues ! Songez que, cette année, seulement 53 % de nos concitoyens – juste un peu plus d’un sur deux – ont prévu de partir en vacances…

Nous avons ouvert le marché du financement des petites et moyennes entreprises et voilà que l’on constate, à la surprise générale, qu’il a suffi d’un mauvais air du temps, entre l’été 2008 et le début de l’année 2010, pour que le nombre des liquidations d’entreprise atteigne des sommets, frappant notamment toutes celles qui ont les plus grandes difficultés à accéder au crédit. On croit rêver : il n’y a jamais eu autant d’argent dans ce pays et il n’a jamais été aussi difficile pour les TPE et les PME d’accéder au crédit… Comment peut-on justifier cette frilosité des banques ?

Que sont devenus, mes chers collègues, les 100 milliards d’euros collectés sur les pseudo-livrets A par les banques commerciales après l’ouverture à la concurrence de ce produit financier ? Et ce sont 100 milliards d’euros qui n’ont pas été centralisés par la Caisse des dépôts dans son fonds d’épargne !

Je constate, d’ailleurs, que l’inquiétude, voire l’angoisse qui habite aujourd’hui une grande partie de nos compatriotes n’est pas inversement proportionnelle à l’accumulation de ressources, de capitaux et d’argent que d’aucuns ont pu réaliser en dix ans.

Le magazine Capital – qui, malgré son nom, n’est pas une revue marxiste (Sourires.) –, faisant dans son numéro du mois de mai le bilan des dix dernières années sur le plan de la fiscalité, arrivait à la conclusion que les 450 000 foyers les plus aisés de notre pays avaient été « chouchoutés ».

D’aucuns en appellent d’ailleurs au simple respect de nos engagements européens puisque la règle d’or de la construction européenne semble aujourd’hui être de partager entre tous les États, quelle que soit la forme de leur gouvernement, la même politique « austéritaire » fondée sur un subtil diptyque entre hausse des impôts plus ou moins assumée et réduction de la dépense publique.

Toute la différence résiderait, dès lors, dans le degré de « justice » appliqué aux mesures prises ou dans la dureté des dispositifs mis en œuvre.

Les enseignants français et les autres fonctionnaires seraient ainsi appelés à ne pas trop se plaindre de voir prolongé le gel du point d’indice ou poursuivie la révision générale des politiques publiques, par comparaison avec ce que subissent en ce moment même leurs collègues italiens, espagnols ou grecs, tout bonnement soumis à des baisses de salaires, sans oublier les réductions d’effectifs.

Travailler plus pour gagner moins : tel semble être le leitmotiv des politiques menées par Mario Monti, le distingué doyen de l’université Bocconi, Mariano Rajoy, Antonis Samaras ou encore Angela Merkel, chancelière d’une Allemagne fédérale où le développement du mal-emploi sous-payé est devenu la meilleure démonstration du non-respect des principes de la concurrence libre et non faussée, pourtant inscrits en lettres d’or au cœur du traité européen. (Mme la présidente de la commission des affaires sociales acquiesce.)

Constatons d’ailleurs que nombre des dirigeants européens, en particulier nombre des ministres des finances, ont en commun d’être passés par la banque Goldman Sachs, dont les agissements furent pourtant vertement dénoncés en Grèce.

En outre, la plupart des idées qui inspirent aujourd’hui les politiques menées en Europe procèdent des réflexions menées par l’institut Bruegel, lancé en son temps par le même M. Mario Monti. Cet institut se trouve à la pointe de la réflexion libérale quand il s’agit de promouvoir la flexibilité, l’allégement du coût du travail, la réduction de la dépense publique et la conditionnalité des aides apportées aux pays les plus endettés.

Au moment où d’aucuns commencent à peine de réfléchir à réformer la loi bancaire du 24 janvier 1984, conformément aux promesses de la campagne électorale, l’institut Bruegel a d’ores et déjà publié un mémorandum intitulé « Quelle forme pour l’union bancaire en Europe ? ».

Dans ces conditions, mes chers collègues, il faut à un moment donné avoir du courage.

Le courage, d’abord, de dire que la rigueur la plus extrême doit effectivement être appliquée à des pratiques qui, depuis trop longtemps, font partie des tabous de la politique dans notre pays : tous les concours apportés par l’État aux entreprises, notamment aux grands groupes, et aux ménages les plus aisés, sous quelque forme que ce soit – dépenses fiscales, mesures de calcul de l’imposition pour certaines déclassées de la dépense fiscale, aides directes ou indirectes –appellent aujourd’hui la plus grande rigueur !

Le courage, aussi, de savoir revenir sur ce qui n’a pas marché : je veux parler des mesures qui n’ont pas produit les effets escomptés, celles qui n’ont permis ni la relance de l’activité, ni celle des investissements, ni la création d’emplois.

Cette rigueur, nous l’aurions pour une fois soutenue, parce que cette démarche n’est rien d’autre que la meilleure illustration du sens même de la loi : la défense de l’intérêt général.