M. Guy Fischer. Il y a eu capitulation !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Certes, mais Guy Fischer a été associé à toutes les réflexions que nous avons menées sur ce sujet ! (Sourires.)

Dernièrement, le 14 juillet, et chacun peut le comprendre, le Président de la République a évoqué un « plan qui coûte le moins possible aux contribuables » pour Peugeot. Simplement, toutes ces dépenses et toutes ces dépenses fiscales appelleront des financements. Et soit la dépense nouvelle évincera la dépense ancienne, par un effet d’éviction, comme disent les économistes, et les priorités que nous devrons honorer se paieront par plus de sacrifices dans d’autres domaines, soit l’on ne parviendra pas à respecter la norme de dépense globale. Alors le déficit dérapera et s’ensuivront toutes les conséquences qu’a excellemment décrites le rapporteur général et dont personne ne veut ici : défiance de l’extérieur, défiance des investisseurs, difficultés à se financer et fuite vers l’inconnu.

Enfin, mes chers collègues, je conclurai en évoquant un sujet qui sera peut-être l’un des plus complexes auxquels sera confrontée la nouvelle majorité.

Celle-ci exerce ses responsabilités. C’est la loi de la démocratie et il n’y a rien à y redire. Mais l’opposition exerce elle aussi ses responsabilités, lesquelles consistent à témoigner, à prendre date, à proposer, à relever des contradictions, à rechercher le défaut dans la cuirasse.

C’est ainsi que le veut le débat démocratique et c’est ainsi que vous avez pratiqué pendant tant d’années, mes chers collègues de la majorité.

Ce thème difficile que j’évoquais à l’instant, monsieur le ministre, c’est celui du traitement des questions relatives à la fonction publique, à savoir les rémunérations et les effectifs. Comment compenser les secteurs prioritaires par les autres ? Comment vous sortir de la contradiction intenable dans laquelle vous risquez à mon sens de vous enfermer ?

Enfin, il convient de rappeler une évidence : le respect de la trajectoire de redressement des comptes publics implique que la masse salariale de l’État soit stabilisée en valeur. La Cour des comptes nous l’a rappelé. À ce sujet, celle-ci souligne que cette stabilisation, conjuguée à celle des effectifs, nécessitera « outre la poursuite du gel du point d’indice, une réduction significative de l’avancement des fonctionnaires et un quasi-gel des mesures catégorielles ». Elle poursuit : « En réalité, seule une baisse des effectifs est à même de fournir des marges de manœuvre en matière de politique salariale. »

Monsieur le ministre, en conclusion, tout cela, c’est le problème de notre pays, c’est le problème de son gouvernement, c’est votre problème. Nous sommes dans notre rôle quand nous relevons les contradictions et les risques, quand nous prenons à témoin, quand nous interrogeons avant que le temps de la proposition ne revienne. Ici, au Sénat, ce débat d’orientation, le projet de loi de finances rectificative et même ce modeste projet de loi de règlement sont l’occasion pour l’opposition de faire en quelque sorte l’apprentissage de ce rôle indispensable à la démocratie. Pour autant, nous n’oublions pas les intérêts de notre pays, en particulier l’intérêt qui s’attache à maîtriser et à rembourser la dette publique et à promouvoir une gestion responsable. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR.)

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dernière intervenante dans ce débat d’orientation, je centrerai mon propos sur les comptes sociaux, qui figurent évidemment au cœur des préoccupations de la commission des affaires sociales et dont notre rapporteur général, Yves Daudigny, a dressé un tableau aussi précis qu’inquiétant.

J’en retiendrai quelques éléments saillants : tout d’abord, quatre années consécutives avec des niveaux de déficits sociaux exceptionnellement élevés ; ensuite, une dette sociale qui a doublé en quatre ans ; enfin, pas de réelles perspectives de retour à l’équilibre à moyen terme sur la base des tendances actuelles, contrairement à ce que le gouvernement précédent avait annoncé, notamment lors de la réforme des retraites.

Comme l’a souligné Yves Daudigny, la crise ne suffit pas à expliquer cette situation d’une gravité sans précédent. Le Premier président de la Cour des comptes, dont il a beaucoup été question ici, nous l’a d’ailleurs rappelé lors de son audition : « La France est entrée dans la crise avec une dette trop élevée et des comptes en déficit structurel. »

À cet égard en tout cas, on ne peut donc pas faire de reproche, aujourd’hui, à M. le ministre.

La crise n’a fait qu’accentuer un déséquilibre préexistant, en grande partie lié au refus systématique, des années durant, de dégager les ressources nécessaires. Le choix a ainsi été celui de faire porter l’effort d’abord sur les assurés, sans épargner – c’est un euphémisme – les moins favorisés d’entre eux.

Je pense à la hausse des forfaits et à l’instauration des franchises, avec les conséquences que l’on connaît pour l’accès aux soins des plus démunis – entre 25 % et 30 % de nos concitoyennes et de nos concitoyens ont déjà renoncé aux soins –, à un moment où le coût des mutuelles s’accentue, comme celui des dépassements d’honoraires. La ministre Marisol Touraine veut engager des négociations sur ce sujet. La commission des affaires sociales ne peut que l’y encourager.

Je pense également à la décision, dans la dernière loi de financement de la sécurité sociale, de limiter la revalorisation des allocations familiales et, bien entendu, à celle, particulièrement injuste, d’augmenter la TVA, plus lourdement ressentie par les foyers modestes, pour financer une baisse des cotisations patronales et faire ainsi plaisir, par exemple, à M. Delattre…

Aussi, il est temps de remettre à plat le financement de notre système de protection sociale, sans pour autant en revoir les fondements, à savoir la solidarité, mais afin de lui assurer des ressources suffisantes, de nature à répondre aux besoins des bénéficiaires.

Si la préservation de notre protection sociale passe en effet par un équilibre des comptes de la sécurité sociale, il n’est pas acceptable que les efforts soient si peu équitablement répartis, au détriment de celles et de ceux qui ont les revenus les plus faibles ou qui ont commencé à travailler le plus tôt.

Cet objectif est parfaitement atteignable et complètement réaliste. Il est, je vous l’assure, réalisable !

Que nous disent, depuis des années, la Cour des comptes et l’Inspection des finances, sinon que des marges de manœuvre très importantes gisent dans de nombreuses niches sociales et fiscales particulièrement coûteuses pour les finances publiques et, qui plus est, très contestables du point de vue de leur efficacité économique et sociale ?

M. Guy Fischer. Au moins 70 milliards d’euros !

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Les dispositifs d’exonération de cotisations sociales ont été multipliés ces quinze dernières années, jusqu’à représenter près de 30 milliards d’euros par an, c’est-à-dire environ 10 % des cotisations revenant à la sécurité sociale.

Les rapports les plus circonstanciés ont montré que ces dispositifs généraient bien souvent des effets d’aubaine, sans réel bénéfice pour l’emploi, quand ils ne jouent pas carrément contre l’emploi, comme les exonérations des heures supplémentaires instaurées par la loi TEPA.

Pourquoi ne pas avoir sérieusement réévalué ces exonérations et au contraire en avoir créé de nouvelles, alors que la sécurité sociale connaissait déjà des déficits importants, bien avant la crise et l’aggravation de la situation économique ? C’est bien la question que nous devons aujourd’hui nous poser.

Nous constatons, avec le projet de loi de finances rectificative, que nous examinerons la semaine prochaine, mais dont nous avons déjà commencé à débattre, qu’une inflexion est enfin amorcée, puisque les exonérations TEPA seront en grande partie abrogées et que le forfait social sera majoré, comme les prélèvements sur les stock-options.

C’est un bon premier pas.

Je pense, pour ma part, qu’il faut aller plus loin. En novembre dernier, le Sénat avait amendé le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour viser ces assiettes largement exemptées de contributions sociales : les retraites chapeaux, les parachutes dorés, etc. Cela influe également sur la compétitivité.

Nous avions aussi souhaité que les allégements généraux sur les bas salaires soient mieux ciblés. Nous visions en particulier les entreprises qui abusent du recours au temps partiel. Mes chers collègues, je vous rappelle que 80 % des salariés en temps partiel sont des femmes, souvent du temps partiel subi. (Mme Michèle André opine.) Bien souvent, elles élèvent seules leurs enfants.

Il faudra poursuivre dans cette direction, monsieur le ministre, et soyez assuré que vous aurez le soutien de notre commission.

Lors de la conférence sociale, le Gouvernement a précisé ses intentions quant aux nouveaux dispositifs en faveur de l’insertion professionnelle des jeunes : les emplois d’avenir, le contrat de génération. Veillons à ne pas recréer à cette occasion de nouvelles situations pénalisantes pour les finances publiques sans être pleinement justifiées au regard des objectifs visés.

Plus généralement, il faut rappeler, même si cela relève de l’évidence, que l’emploi est un déterminant essentiel pour nos finances sociales, puisque 84 % des ressources sont prélevées sur les revenus d’activité. Il est difficile d’imaginer rétablir les comptes sociaux sans agir prioritairement sur l’emploi. De ce point de vue, le gouvernement auquel vous appartenez doit avoir une action volontariste dans le traitement des plans sociaux qui se multiplient et dont une grande partie ne sont en rien des licenciements économiques, mais s’apparentent plutôt à des licenciements boursiers !

Vous avez parlé tout à l’heure de fiscalité plus juste, plus lisible. Ce ne sont pas vraiment les thèmes que la commission des finances a l’habitude d’examiner, mais sachez que nous serons malgré tout attentifs à cette nouvelle fiscalité en faveur des entreprises, qui devra en tout cas être au service de l’emploi. C’est notre souhait !

Voilà pourquoi, si un rééquilibrage du financement de notre protection sociale est nécessaire, il doit être équitablement réparti, comme je le disais à l’instant, mais, surtout, il ne doit pas s’effectuer au détriment de la consommation et du pouvoir d’achat des ménages, comme le gouvernement précédent a voulu le faire avec la TVA, mesure que nous devons évidemment abroger avant qu’elle n’entre en vigueur.

Chacun a en tête la question de la contribution sociale généralisée, bien que, à ce stade, aucune décision n’ait été arrêtée. Je rappelle que près de 70 % du produit de la CSG provient des revenus d’activité, et 18 % des revenus de remplacement tels que les retraites, les allocations chômage, les indemnités de maladie. On voit bien les conséquences qu’un éventuel relèvement pourrait entraîner sur le pouvoir d’achat des plus modestes et, je vous le disais à l’instant, le rééquilibrage nécessaire à notre protection sociale ne doit pas se faire au détriment du pouvoir d’achat des ménages...

Dans le même temps, les revenus du capital ne contribuent qu’à un peu plus de 4 % des ressources de la sécurité sociale. Les taux de prélèvement ont été relevés ces dernières années, mais de manière encore bien timide quand on constate qu’ils s’établissent à 15,5 %, alors que les prélèvements sociaux sur les salaires avoisinent les 50 %, et bien plus si l’on ajoute les cotisations aux régimes de retraite complémentaires et à l’assurance chômage.

Le Premier ministre a annoncé le lancement de travaux préparatoires, confiés au Haut conseil du financement de la protection sociale. Ils seront soumis aux partenaires sociaux avant une possible réforme législative au cours de l’année 2013. Le débat va donc s’intensifier dans les mois à venir. Sachez que vous pourrez compter sur la participation active et constructive des sénatrices et sénateurs de notre commission dans ces débats, dès cet automne lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

En conclusion, je rappelle que, si les finances sociales se trouvent aujourd’hui dans une situation si dégradée, ce n’est pas seulement sous l’effet de la crise. C’est aussi la conséquence de choix politiques qui ont fragilisé notre système de protection sociale, faute d’avoir cherché une répartition plus équitable des contributions. Cette situation ne peut perdurer et exige un profond changement de politique.

C’est à se demander, d’ailleurs, si l’objectif recherché n’a pas été de faire croire que notre système de protection sociale avait atteint ses limites et qu’il était donc nécessaire de le revoir en profondeur, un peu comme l’adage populaire – après M. du Luart tout à l’heure, c’est à mon tour d’en citer un – qui dit que, lorsqu’on veut tuer son chien, on prétend qu’il a la rage... En effet, pour vous, notre système de protection sociale tel qu’il existe aujourd’hui est totalement inacceptable et doit être combattu. C’est ce que vous avez fait pendant de nombreuses années. Sachez que nous ferons en sorte de lui redonner un peu de vigueur. (M. Jean-Paul Emorine hoche la tête.)

Au sein de la commission des affaires sociales, nous aurons à cœur, avec M. le rapporteur général, de rappeler notre attachement à ce système de protection sociale, tant à sa philosophie, fondée sur la solidarité, qu’à son financement, équitablement réparti !

Je tenais à insister sur les orientations qui doivent, à mon sens, être privilégiées pour donner une assise plus solide, et plus solidaire, à une sécurité sociale qui n’a jamais été aussi essentielle, eu égard aux situations difficiles que connaissent aujourd’hui nombre de nos concitoyennes et concitoyens.

Monsieur le ministre, vous parliez de trois principes, sur lesquels je crois pouvoir dire, au nom de la commission, que nous sommes d’accord.

Nous approuvons le principe de prudence, tout en ayant l’ambition de répondre aux besoins des assurés sociaux.

S’agissant de la concertation, je rejoindrai notre collègue Michèle André qui a déclaré ici même que vous pouviez compter sur la mise en œuvre de ce principe et, si besoin, sur l’appui des sénatrices et sénateurs ainsi que des rapporteurs de chacune de nos commissions, pour travailler ensemble au futur projet de loi de finances.

Enfin, vous parliez de pragmatisme. Peut-être est-ce le point commun à l’ensemble des sénatrices et sénateurs présents dans cet hémicycle. Nous sommes des élus et nous avons tous un certain sens du pragmatisme qui nous permet de régler nombre de situations qui, autrement, ne pourraient pas être résolues. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. François Marc, rapporteur général.

M. Francis Delattre. Il ne faut pas exagérer !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Je tiens tout d’abord à remercier les différents orateurs d’avoir utilement et abondamment exploité le rapport d’information que j’ai rédigé au nom de la commission des finances sur ce débat d’orientation des finances publiques, et d’y avoir puisé un certain nombre d’éléments. Je souhaiterais juste apporter quelques précisions, car j’ai l’impression que les chiffres qu’il comporte ont parfois été interprétés.

J’évoquerai tout d’abord l’effort à faire sur les recettes et les dépenses.

Ce débat sur les orientations des finances publiques porte sur une période de cinq ans, pour laquelle un certain nombre d’observations ont été émises dans le rapport d’information. C’est donc sur cette période que nous avons indiqué que l’effort consenti sur les 90 milliards d’euros devait être équitablement réparti entre les recettes et les dépenses : 40 milliards d’euros pour les recettes, autant pour les dépenses.

Par conséquent, à ceux qui prétendent que nous donnons notre agrément à un dispositif qui va solliciter les recettes à hauteur de 90 %, contre seulement 10 % pour les dépenses, je répondrai que, sur l’ensemble du dispositif validé, la commission des finances donne aujourd’hui son accord sur le principe d’un équilibrage.

Ensuite, concernant le « choc fiscal » dont a parlé M. Delattre ou le « matraquage fiscal » que d’autres sénateurs de droite ont évoqué dans leurs propos, je voudrais simplement rappeler que – cela figure dans le rapport d’information –, au cours des trois années passées, les recettes et les prélèvements obligatoires ont augmenté de 40 milliards d’euros.

Mme Michèle André. Effectivement.

M. Guy Fischer. Voilà la vérité !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Or nous avons l’intention, sur cinq ans et dans un contexte difficile, de solliciter la recette dans la même proportion : le procès en matraquage fiscal est difficilement recevable ! En tout cas, c’est ce que j’ai essayé de rappeler dans mon rapport d’information.

M. Guy Fischer. C’est la vérité !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Enfin, pour ce qui est des entreprises, vous avez raison, monsieur Delattre – M. de Montesquiou a aussi évoqué cette question –, de dire qu’il faut utiliser le levier fiscal pour favoriser l’emploi, le développement économique et aider les entreprises dans leur effort d’investissement.

M. Francis Delattre. Mais ce n’est pas ce que vous faites !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Nous sommes d’accord sur ce point, d’autant que vous avez vous-mêmes, durant toutes ces dernières années, utilisé ce levier fiscal, mais dans un sens qui ne nous paraît pas satisfaisant.

En effet, tout le monde le constate aujourd’hui, ce capitalisme financier exacerbé, qui a été un peu la toile de fond des actions engagées depuis dix ans, a conduit à une politique fiscale favorisant les très grandes entreprises, sociétés du CAC 40, qui ne payaient que 8 % d’impôt sur les sociétés, alors que le taux d’imposition des PME était de 22 % ou 23 %.

M. Francis Delattre. C’est un peu plus compliqué que ça !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Voilà le levier fiscal utilisé par la droite depuis dix ans ! Ce sont les petites et moyennes entreprises qui ont « casqué », ce sont elles qui ont été mises en difficulté et qu’il faut aujourd’hui remettre au premier plan en les favorisant dans leur effort d’investissement. Le crédit d’impôt recherche doit être davantage orienté vers les PME ; l’impôt sur les sociétés et d’autres prélèvements doivent davantage les favoriser. C’est dans cet esprit que nous souhaitons une réorientation du levier fiscal « entreprises ».

Pour conclure, face à certains propos parfois un peu forts – j’allais dire excessifs, mais chacun a droit de s’exprimer à sa guise et, au fond, toutes les idées sont recevables –, tenus par ceux qui ont défendu pendant dix ans les gouvernements en place, je tiens tout simplement à rappeler que la situation dans laquelle nous nous trouvons est la suivante : 90 milliards d’euros de déficit après dix ans de gouvernement, monsieur Delattre,…

M. Francis Delattre. Je n’étais pas là, cher ami !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. … et un endettement considérable.

Je n’en dis pas plus. C’est à cela que nous devons aujourd’hui nous atteler, en essayant de ramener le déficit de 90 milliards à zéro. Imaginez un peu l’effort qu’il va falloir entreprendre pour essayer de maîtriser l’endettement et, éventuellement, de le réduire au plus vite.

L’équation n’est pas simple, j’en conviens. Cependant, il ne faut pas à l’avance dire que les mesures préconisées seront défaillantes. On en jugera. Quoi qu’il en soit, une ambition est affichée par le Président de la République, et un programme comprenant un certain nombre d’initiatives a été annoncé par le Gouvernement. Pour ma part, j’encourage ce dernier à agir en ce sens, tel qu’il a été validé par le pays lors des élections récentes.

J’ose espérer, et je rejoins sur ce point le président de la commission des finances, que la situation de notre pays va s’améliorer. Nous partageons tous cet objectif et nous pouvons espérer, en exerçant ensemble notre travail parlementaire, contribuer à améliorer la copie autant qu’il le faudra au cours des débats à venir dans cet hémicycle. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur plusieurs travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Je voudrais tout d’abord me réjouir de cette forme de consensus, sur toutes les travées.

Nous estimons que la réduction des déficits et le retour à l’équilibre des comptes publics relèvent d’une priorité, même si nous avons des désaccords – c’est la politique – sur les voies et moyens à emprunter pour atteindre cet objectif. J’en dirai un mot en répondant à M. Delattre, dont l’intervention est très stimulante (M. Gérard Bailly opine.), tout en essayant d’éviter de sombrer dans les remarques de Bisounours.

Par conséquent, je le répète, une sorte de consensus s’est dégagé.

Comme l’a évoqué voilà quelques instants Mme la sénatrice Michèle André, je vous crois parfaitement sincère monsieur le président Marini – je n’ai d’ailleurs aucune raison d’en douter – quand vous déclarez avec MM. de Montesquiou et du Luart qu’il est aujourd’hui indispensable que la France redresse sa situation et que, à défaut de nous soutenir, vous exprimez votre volonté de vous réjouir de tout ce qui pourrait contribué à améliorer la situation.

Je me félicite de cet état d’esprit. Le Président de la République, ce n’était pas un vain mot, considère aujourd’hui que, à côté du travail de l’exécutif – un mandat précis nous a été conféré en ce sens par le suffrage universel –, le Parlement, mais aussi l’ensemble des contre-pouvoirs doivent contribuer d’une manière ou d’une autre à améliorer la copie de l’exécutif.

Nous ne prétendons pas à la perfection. Devant une situation difficile, dans un cadre budgétaire et un contexte macroéconomique contraints, avec un endettement public particulièrement important et une crise sociale extrêmement dure où s’additionnent les urgences et les attentes, nous devons à la fois répondre à la demande sociale et respecter la trajectoire de réduction des déficits, objectif sur lequel nous nous sommes engagés vis-à-vis de l’Union européenne, mais aussi des Français.

Permettez-moi d’ajouter que le point d’équilibre que nous devons trouver – c’est sans doute le principal reproche que nous faisions au gouvernement précédent – nous impose aujourd’hui d’avoir un objectif ambitieux en matière de réduction des déficits publics et simultanément une stratégie de croissance afin d’éviter que, par un effort trop brutal sur la réduction des dépenses publiques non compensé par une telle stratégie, un effet procyclique sur la croissance, voire sur la situation économique, ne précipite la récession dans notre pays, comme ailleurs en Europe.

C’est cet équilibre, cette combinaison entre la stratégie de croissance et la trajectoire que nous voulons respecter en matière de réduction des déficits, que nous recherchons, à travers tant les orientations que nous vous avons présentées pour les finances publiques que le projet de loi de finances rectificative et les prochains projet de loi de finances et projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Cette combinaison devra aussi nous amener à accepter – telle n’est peut-être pas votre orientation, bien que je pense que beaucoup d’entre vous partageront cet objectif – que l’on peut aujourd'hui encore conjuguer, au sein de l’Union européenne, une stratégie de croissance économique et de progrès social sans considérer que le seul moyen de restaurer la compétitivité est de sacrifier notre modèle social.

En tout cas, le Président de la République, pas plus que le Premier ministre, le Gouvernement ou la majorité, ne considère aujourd'hui que la restauration de la compétitivité de notre pays passera prioritairement par le sacrifice de notre modèle social, même si celui-ci, je le reconnais, peut être réformé, modernisé, amélioré.

Votre intervention, monsieur Delattre, m’a stimulé. Elle était à la fois talentueuse et sérieuse. Vous avez évoqué l’augmentation des impôts et le prélèvement à hauteur de 75 % que nous souhaitons instaurer sur les revenus supérieurs à 100 000 euros nets par mois et parlé de lutte des classes, me semble-t-il. À ce sujet, il faut toujours faire attention aux mots employés.

Je citerai en cet instant une anecdote. Un milliardaire américain, non des moindres puisqu’il s’agit de M. Warren Buffett, a considéré que les hauts revenus étaient largement sous-taxés. Et l’une de ses observations m’a beaucoup amusé. Il avait fait remarquer que la lutte des classes existait et que c’était la classe à laquelle il appartenait qui l’avait gagnée ! En fait, il a tenu ce propos pour encourager l’État fédéral américain à augmenter les prélèvements pesant sur les plus riches.

Mesdames, messieurs les sénateurs, mon objectif, en formulant cette remarque, est non pas de vous dire que la France se trouve dans la même situation que les États-Unis d’Amérique, mais de vous faire comprendre que le gouvernement actuel a le souci de la justice fiscale. À cette fin, il convient de demander à celui qui peut le plus de contribuer le plus (M. Serge Dassault s’exclame.), sans aucune obsession idéologique de faire payer les riches, comme vous le soutenez. (M. Serge Dassault s’exclame de nouveau.)

Pourquoi une telle observation ? M. le rapporteur général avait raison de rappeler que le Conseil des prélèvements obligatoires avait signalé que, en matière de prélèvements sur les entreprises, le taux effectif de l’impôt acquitté par les entreprises est inversement proportionnel à leur taille. Ainsi, plus une société est de petite taille, plus le montant de l’impôt sur les bénéfices qu’elle paie est élevé (Mme Michèle André opine.), plus elle est de grande taille, moins son imposition est lourde. In fine, une étude de la fiscalité portant sur les entreprises conduit à conclure que celles et ceux qui ont fragilisé la reprise, les conditions dans lesquelles les petites et moyennes entreprises peuvent recréer des emplois sont celles et ceux qui n’ont pas modifié la structure de l’impôt sur les sociétés. C’est pourquoi notre volonté est de distinguer ceux qui investissent et ceux qui distribuent des dividendes.

Oui, la crise a eu des conséquences sur les marges des entreprises : elle les a réduites. Elle a aussi altéré le pouvoir d’achat des ménages. Ce sont deux réalités incontestables.

Que constate-t-on en examinant l’excédent brut d’exploitation des entreprises ? Alors que la part consacrée aux investissements a diminué, la rémunération des actionnaires a continué d’augmenter.

M. Serge Dassault. Ce n’est pas vrai !

M. Guy Fischer. C’est vrai, monsieur Dassault !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Ce constat nous amène à nous poser des questions fondamentales sur la manière dont est distribué l’excédent brut d’exploitation. Cette donnée que je vous livre doit nous conduire à réfléchir à une plus grande justice fiscale.

J’en viens à la réforme des droits de succession que le Gouvernement veut engager. Je tiens à vous assurer que, au terme de cette réforme, 88 % des successions seront exonérées de droits. Cette mesure ne relève donc pas d’une stratégie de matraquage des classes moyennes, à moins que nous n’ayons pas la même définition de ces classes moyennes. À mon sens, elle démontre notre volonté de rester particulièrement modestes en ce domaine.

Par ailleurs, j’ai pris note de la dénonciation de l’augmentation du forfait social. En la matière, nous voulons rendre un arbitrage.

Lors de la conférence sociale, j’ai eu la chance d’animer la table ronde sur les salaires à laquelle ont assisté des organisations patronales, qu’il s’agisse de la CGPME, de l’UPA ou du MEDEF, qui ont démontré un excellent état d’esprit, et des organisations syndicales. Nous avons parlé du SMIC, de l’épargne salariale, des négociations de branches, de la rémunération des hauts dirigeants, ainsi que du forfait social.

Comme beaucoup de celles et ceux qui étudient les stratégies de rémunération des entreprises, j’observe que l’épargne salariale s’est quelquefois substituée à des politiques sociales.