M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, contre la motion.

M. Martial Bourquin. À l’instar de nombre de mes collègues, je suis très heureux que nous ouvrions cette session extraordinaire, mais aussi ce quinquennat, avec l’examen d’un texte très attendu et nourri de l’expérience de nombreux élus de tous territoires.

La mise en œuvre des mesures contenues dans ce texte amènera un changement de vie pour beaucoup de nos concitoyens. Il est important que la majorité du Sénat ait fait de la discussion de ce projet de loi une priorité. Même si le recours à la procédure accélérée est contesté par certains, nous avons besoin d’un calendrier dense, à la hauteur des enjeux liés à la question du logement social, d’autant que le traitement de celle-ci a connu des échecs répétés.

Mes chers collègues, il y a deux urgences : une urgence sociale et une urgence économique.

En ce qui concerne l’urgence sociale, nous ne sommes pas dans le symbole politique. La France qui souffre attend avec la plus grande impatience des mesures efficaces, rapides et justes.

À cet égard, permettez-moi de rappeler quelques chiffres. En 2012, notre pays compte 3,6 millions de personnes mal ou très mal logées et 10 millions en situation de fragilité de logement. En dix ans, le montant des loyers a crû de 50 % dans certaines zones en tension. Certes, cette situation n’est pas nouvelle, mais elle s’est encore fortement dégradée et elle est en train de s’enkyster, de s’enliser. Cela est intolérable et inacceptable.

Mme Catherine Procaccia. C’est une discussion générale !

M. Martial Bourquin. Ma chère collègue, il faut parler de la vie des gens ! Il s’agit d’essayer de trouver des solutions ! Depuis dix ans, les échecs se sont succédé et la situation s’est aggravée.

M. Pierre Hérisson. Ce n’est pas vrai ! C’est de la mauvaise foi !

M. Martial Bourquin. Le Gouvernement essaie d’apporter des solutions. Les mal-logés que nous rencontrons dans nos mairies, dans nos permanences parlementaires, témoignent d’une urgence sociale de plus en plus prégnante.

M. Pierre Hérisson. C’est faux !

M. Martial Bourquin. Cela étant, l’urgence sociale n’est pas tout ; il y a aussi urgence économique.

La situation du secteur de l’artisanat et du bâtiment connaît une dégradation inquiétante. Ainsi, les chiffres communiqués par la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment sont très mauvais : de mars à mai 2012, le nombre des permis de construire délivrés a reculé de 3,1 % sur l’ensemble du territoire national, celui des mises en chantier de 18,7 %, tandis que les carnets de commandes ont connu une forte baisse, de 15 % environ, sur les six premiers mois de l’année.

M. Pierre Hérisson. Il n’y a pas de clients !

M. Martial Bourquin. Les professionnels de ce secteur s’interrogent : que se passera-t-il en 2013 ?

M. François-Noël Buffet. Pourquoi les mesures prévues ne s’appliqueront-elles qu’en 2016, alors ?

M. Martial Bourquin. Il y a donc à la fois urgence sociale et urgence économique.

Ce constat étant posé, deux exigences s’imposent à nous : être au côté des populations qui souffrent, dont les conditions de vie sont profondément dégradées et, parallèlement, donner du travail à nos artisans, à nos entrepreneurs du bâtiment, qui offrent des emplois non délocalisables.

Eu égard aux besoins immenses des mal-logés, aux difficultés majeures que rencontre le secteur du bâtiment et à la situation générale que connaît notre pays sur le front du chômage, nous devons ouvrir des perspectives, donner de l’espoir et, surtout, de l’espace, en mettant rapidement en chantier de nouveaux logements.

Je me souviens des débats extrêmement longs que nous avons eus dans cette assemblée, notamment en commission, à propos de la majoration de 30 % des droits à construire.

M. Martial Bourquin. La proposition que nous fait aujourd'hui le Gouvernement avait été débattue à cette occasion. J’ai l’impression que, en fait, nous discutons de la question du logement depuis des mois !

M. Roger Karoutchi. Pas de ce sujet !

M. Martial Bourquin. Il y a deux manières de répondre à la situation d’urgence à laquelle nous sommes confrontés : en agissant, comme nous le proposons, ou en attendant, comme le préconise l’opposition. (Protestations sur les travées de l'UMP.) Selon vous, chers collègues, il serait urgent d’attendre… Or il est temps de tourner une page, et de ce point de vue ce que propose Mme la ministre est très audacieux.

En ce qui concerne les délais qui nous sont impartis, nous étions tout à l'heure en commission et celle-ci se réunira encore demain matin. Nous allons certainement siéger en séance publique deux jours et deux nuits, et nous examinerons l’ensemble des amendements.

M. Philippe Dallier. Encore heureux ! Il ne manquerait plus que nous ne les examinions pas !

M. Martial Bourquin. Certains d’entre eux ont déjà été discutés lors de précédents débats parlementaires.

Nous revenons ici sur la question essentielle du foncier. À cet égard, la volonté de l’État de vendre ou de céder gratuitement des terrains à des collectivités en vue de la construction de logements sociaux est intéressante.

Le maire d’Antibes, qui s’était farouchement opposé à la loi SRU, reconnaît aujourd'hui dans Le Monde que son dispositif a constitué un levier extraordinaire pour dynamiser le logement social dans toutes les villes.

M. Alain Fouché. Tout à fait !

M. Martial Bourquin. Je suis directement intéressé par la proposition du Gouvernement de céder gratuitement des terrains. En effet, au cœur de la ville dont je suis le maire, RFF possède plusieurs hectares de terrains en friche, qu’il entendait vendre à un prix plus de dix fois supérieur à l’estimation réalisée par France Domaines, afin de combler son déficit. On constate cette situation dans de nombreuses autres villes. Or de tels terrains ont une importance stratégique au regard de la production de logements sociaux.

M. Alain Fouché. Ce n’est pas nouveau !

M. Martial Bourquin. Il s’agit donc d’un sujet majeur, dont le traitement a pris beaucoup de retard. Il faut maintenant agir, et c’est ce que propose le Gouvernement !

M. Roger Karoutchi. Faites-le par décret !

M. Martial Bourquin. C’est pourquoi nous voterons contre la motion tendant à opposer la question préalable. Nous entendons au contraire que le texte du Gouvernement, amendé sur plusieurs points par la commission, soit voté, pour que puisse être très rapidement mise en place une véritable politique du logement.

Mes chers collègues, nous le devons aux très nombreux mal-logés que compte notre pays, à tous ces ouvriers et ces employés qui consacrent une grande partie de leur salaire à leur loyer, leur pouvoir d’achat se trouvant dès lors lourdement amputé. Face à un bilan aussi catastrophique, n’y a-t-il pas urgence ? Ne faut-il pas, à un moment donné, prendre le problème à bras-le-corps ? C’est ce que nous propose le Gouvernement, c’est ce que vous avez négligé de faire pendant dix ans, c’est ce que nous allons faire ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste. –Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. Roger Karoutchi. Franchement pathétique !

M. Pierre Hérisson. C’est honteux de parler de cette façon ! C’est de la mauvaise foi caractérisée ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Claude Bérit-Débat, rapporteur. J’aurais pu relever certaines approximations dans les propos de M. Buffet, mais je préfère ne pas entrer dans une polémique et m’en tenir au fond de la question soulevée.

Au titre de l’article 44, alinéa 3, du règlement du Sénat, la question préalable a pour objet de faire décider soit que le Sénat s’oppose à l’ensemble du texte, soit qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération.

On le comprendra aisément, je ne peux qu’être défavorable à cette motion. Je souhaite bien entendu que le Sénat adopte le texte qui nous est aujourd'hui soumis, pour toutes les raisons que j’ai développées cet après-midi, mais aussi qu’il examine au préalable l’ensemble des amendements et les propositions de chacun visant à répondre à la crise du logement, dont nous connaissons tous les conséquences sur la vie quotidienne de nos concitoyens.

Je propose donc que nous passions à la discussion de ce projet de loi et des nombreux amendements qui ont été déposés. La commission émet un avis défavorable sur cette motion tendant à opposer la question préalable.

M. Alain Fouché. La procédure n’a pas été respectée !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Cécile Duflot, ministre. L’avis du Gouvernement est identique à celui de la commission : défavorable.

M. Alain Fouché. C’est bref !

M. le président. Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix la motion n° 2 rectifiée, tendant à opposer la question préalable, dont l'adoption entraînerait le rejet du projet de loi.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 131 :

Nombre de votants 346
Nombre de suffrages exprimés 346
Majorité absolue des suffrages exprimés 174
Pour l’adoption 170
Contre 176

Le Sénat n'a pas adopté.

Demande de renvoi à la commission

Question préalable
Dossier législatif : projet de loi relatif à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social
Articles additionnels avant l'article 1er

M. le président. Je suis saisi, par M. Zocchetto et les membres du groupe de l'Union Centriste et Républicaine, d'une motion n° 1.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l’article 44, alinéa 5, du règlement du Sénat, le Sénat décide qu’il y a lieu de renvoyer à la commission des affaires économiques le projet de loi relatif à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social (n° 750, 2011-2012).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

Aucune explication de vote n’est admise.

La parole est à M. François Zocchetto, auteur de la motion. (Applaudissements sur les travées de l'UCR et sur certaines travées de l'UMP.)

M. François Zocchetto. Pendant cinq ans, l’actuelle majorité n’a eu de cesse de critiquer le gouvernement précédent, au motif que le Parlement était selon elle maltraité…

M. Jean-Jacques Mirassou. C’est bien vrai !

M. François Zocchetto. Combien n’avons-nous pas entendu d’interventions, dans cet hémicycle, dénonçant de l’imprévision, de la précipitation, voire de la désinvolture – tels étaient les termes utilisés –, dans l’organisation des débats ?

M. Claude Bérit-Débat, rapporteur. Des critiques justifiées !

M. François Zocchetto. Certains d’entre vous, chers collègues de la majorité, n’hésitaient pas à parler de « passages en force » ou d’« examens à la hussarde ».

M. Jean-Jacques Mirassou. Exact ! Je m’en souviens très bien !

M. François Zocchetto. Aujourd’hui, en ce premier jour de la session extraordinaire, il n’est pas inutile de faire un rapide bilan du sort réservé au Parlement par le gouvernement que Mme Duflot représente ici.

À la fin de juillet, on nous avait annoncé que les travaux parlementaires reprendraient la dernière semaine de septembre. C’est donc avec une certaine surprise que nous avons appris, en lisant la presse, le 28 août dernier, la convocation du Parlement en session extraordinaire à partir du 10 septembre –date qui s’est d’ailleurs révélée approximative…

Plus fort encore : le décret de convocation n’a été publié au Journal officiel que le 5 septembre, c’est-à-dire cinq jours seulement avant le premier jour de séance !

Je vous accorde que le précédent gouvernement n’a pas toujours été irréprochable dans l’organisation des travaux du Parlement, mais convenez que la démonstration que vient de faire le gouvernement de M. Ayrault en ce début de session est sans précédent !

M. François Zocchetto. À ce sujet, je souhaiterais rappeler quelques faits incontestables : la session extraordinaire s’ouvrant le 6 septembre 2011 avait été convoquée le 1er août précédent et celle débutant le 7 septembre 2010, le 27 juillet ; il en a été de même en 2009 et en 2008.

Autrement dit, jamais la précédente majorité n’avait fait preuve d’une pareille imprévision !

On peut donc légitimement s’interroger, ce soir, sur la manière dont les parlementaires sont traités par le gouvernement de M. Ayrault, d’autant que les membres de celui-ci qui étaient précédemment parlementaires comptaient parmi les premiers, il y a quelques mois, à critiquer la « précipitation » de leurs prédécesseurs… On pourrait en sourire, mais, pour notre part, nous faisons partie de ceux qui souhaitent que les choses s’améliorent.

Le plus grave, dans cette affaire, n’est pas la question de la date de convocation du Parlement, encore qu’elle ne soit pas anodine. Nous sommes prêts à nous adapter à tout et nous savons bien qu’avec la mondialisation et l’évolution des nouvelles technologies, les choses vont de plus en plus vite !

L’essentiel tient aux délais d’examen du présent projet de loi. Le Sénat, qui a besoin de réfléchir, de travailler sur les textes législatifs et de les confronter à l’opinion des acteurs de terrain, aurait pu être saisi, en début de session extraordinaire, d’un projet de loi annoncé de longue date et dont chacun aurait connu les principales dispositions. Pourquoi cela n’a-t-il pas été le cas ?

Le jour où le décret de convocation du Parlement a été publié, le premier texte devant être soumis au Sénat, celui que nous examinons ce soir, n’avait même pas été adopté en conseil des ministres… C’est du jamais vu !

Cet état de fait a eu deux conséquences principales.

Première conséquence, la procédure parlementaire prévue par les textes de notre État de droit n’a pas été respectée.

En effet, depuis la révision constitutionnelle de 2008, tout projet de loi déposé devant le Parlement doit faire l’objet d’une étude d’impact répondant à un certain nombre de critères détaillés à l’article 8 de la loi organique du 15 avril 2009 relative à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution.

Or la Constitution, cette loi organique et le règlement du Sénat donnent à la conférence des présidents un délai de dix jours pour se prononcer sur le respect par l’étude d’impact de l’ensemble de ces prescriptions. Est-il besoin de répéter que le Sénat n’a disposé que de quelques heures à peine pour procéder à l’analyse de cette étude d’impact, puisque la conférence des présidents s’est réunie à 15 heures, le conseil des ministres s’étant tenu le matin même ? (Mme Catherine Troendle approuve.) Ceux de nos collègues qui ont participé à cette conférence des présidents pourront confirmer que nous n’avons reçu le texte du projet de loi qu’au moment même où nous entrions en réunion !

Nous ne manquerons pas, dès que cela sera possible, de soumettre au juge constitutionnel l’ensemble de ces éléments, concernant le respect des procédures relatives à l’inscription des textes à l’ordre du jour du Sénat. Il sera utile, en effet, de connaître l’opinion du Conseil constitutionnel sur ce point. S’il juge qu’il n’y a pas de problème et que les textes fondamentaux pouvaient être bafoués dans ces circonstances,…

M. Jean-Jacques Mirassou. Il ne le dira certainement pas comme cela !

M. François Zocchetto. … alors le Gouvernement pourra, fort de ce précédent, procéder de la même façon pour tous les textes.

Dans le cas contraire, vous devrez prendre vos responsabilités, soit en passant outre les décisions du Conseil constitutionnel, soit en modifiant votre manière de procéder, comme nous le souhaitons. Nous appelons en effet de nos vœux une démocratie apaisée, s’appuyant dans son fonctionnement sur les deux chambres de son Parlement.

Je profite de cette occasion pour rappeler de nouveau que les sages du Conseil constitutionnel n’ont pas hésité, dans un passé récent, à vérifier le respect de la procédure parlementaire : par leur décision du 9 août 2012, ils ont souligné que nous aurions dû disposer d’une séance supplémentaire de questions d’actualité au mois de juillet, confirmant ainsi la position que nous avions défendue en séance publique. Nous verrons ce qu’ils pensent de l’organisation de cette session extraordinaire…

On l’aura compris, cette motion, comme d’ailleurs les précédentes, ne vise pas à aborder le fond du projet de loi, mais porte sur la forme de nos débats.

La seconde conséquence de la situation qui nous est faite est la suivante.

L’article 28 ter de notre règlement prévoit que quinze jours séparent en principe la réunion de la commission de la séance publique, sauf dérogation – je vous le concède –accordée par la conférence des présidents.

Cette disposition vise à permettre le meilleur respect possible du droit d’amendement, qui, aux termes de l’article 44 de la Constitution, s’exerce non seulement en séance publique, mais aussi en commission.

En l’occurrence, outre que le délai de quinze jours n’a pas été respecté, nous allons – ce qui est de bien plus grande portée –, pour la première fois depuis l’entrée en vigueur de la nouvelle procédure législative attribuant un rôle renforcé aux commissions permanentes, revenir à l’ancienne procédure.

« Le changement, c’est maintenant » ? Eh bien, maintenant, c’est plutôt un formidable retour en arrière ! (Applaudissements sur les travées de l'UCR et de l'UMP. – M. François Rebsamen s’exclame.)

M. Claude Bérit-Débat, rapporteur. C’est un peu facile !

M. François Zocchetto. Il est tout de même incroyable qu’il ait fallu attendre l’arrivée de la gauche au pouvoir pour cela… Nous savions déjà que vous étiez plutôt conservateurs, mais, en l’espèce, c’est plus que du conservatisme !

Nous avons bien compris que, les uns et les autres, vous déplorez cette situation, mais le Gouvernement, agissant dans la précipitation et l’imprévision, n’a même pas pu préparer son projet de loi suffisamment en amont pour permettre son examen normal en commission.

Après tout, c’est peut-être une façon différente d’envisager l’élaboration de la loi…

M. François Rebsamen. Nous voulons aller vite !

M. François Zocchetto. Peut-être n’allez-vous plus travailler en amont ? Peut-être tout se fera-t-il désormais en séance publique ? Eh bien, sachez que nous serons au rendez-vous de la séance publique !

M. François Zocchetto. Le recours à cette méthode implique, à l’évidence, un recul de l’exercice de notre droit d’amendement et une négation du travail en commission.

Si j’étais président de commission, je serais plutôt inquiet et tenté de monter au créneau !

M. François Rebsamen. M. Raoul est-il inquiet ? (Sourires.)

M. François Zocchetto. Il exprimera sans doute son inquiétude tout à l’heure. S’il ne le fait pas, nous essaierons de l’éclairer dans les semaines qui viennent !

M. Jean-Pierre Caffet. C’est une menace ?

M. François Zocchetto. Finalement, pourquoi une telle urgence ? Sans aucun doute, les problématiques du logement, en particulier celles du logement social, sont éminemment importantes et nécessitent la poursuite des réformes – il ne faut pas croire qu’aucune réforme n’a été entreprise au cours des années précédentes –,…

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Quoique…

M. François Zocchetto. … mais l’urgence était-elle si pressante que l’on ne pouvait pas attendre quinze jours de plus, de façon à permettre aux commissions concernées d’analyser sereinement ce projet de loi ?

J’entends encore les propos tenus au mois de juillet par certains présidents de commission permanente – ils se reconnaîtront – qui s’inquiétaient, en conférence des présidents, du manque de temps laissé aux commissions pour examiner le premier texte de la session ordinaire… Avec le calendrier qui nous est imposé aujourd’hui, que devraient-ils dire !

La question s’était donc déjà posée en juillet, avec moins d’acuité il est vrai. Les droits du Parlement avaient été un peu mieux respectés.

En fait, l’explication de cet empressement est très simple : après une rentrée politique calamiteuse pour le Gouvernement, marquée notamment par le franchissement de la barre des 3 millions de chômeurs (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.),…

M. François Rebsamen. À qui la faute, après dix ans au pouvoir ?

M. Claude Bérit-Débat, rapporteur. Oui, la faute à qui ?

M. François Zocchetto. … il s’agissait, à travers la présentation de ce projet de loi, de détourner l’attention de l’opinion et des médias, et surtout de masquer l’inaction du Gouvernement face à la crise. (Applaudissements sur les travées de l’UCR et de l'UMP.)

À cette fin, vous avez donc élaboré un texte sur le logement, de façon précipitée,…

M. François Rebsamen. Pas du tout, c’était un projet de campagne !

M. François Zocchetto. … au point que certains documents ont dû être retirés des sites internet officiels du Gouvernement peu de temps après avoir été mis en ligne !

Les sénateurs du groupe de l’Union centriste et républicaine souhaitent que chaque projet de loi puisse faire l’objet d’un examen serein et approfondi,…

M. Claude Bérit-Débat, rapporteur. Comme si c’était le cas auparavant !

M. François Zocchetto. … tant en séance publique qu’en commission. Dans cette perspective, nous invitons le Sénat à adopter cette motion tendant au renvoi du texte à la commission.

M. Mézard a été écouté dans un silence impressionnant tout à l’heure, lorsqu’il s’est exprimé sur la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.

Avec toute la compétence, la sagesse et l’expérience qu’on lui connaît, il s’est permis de dire que s’il respectait le fait majoritaire, il déplorait néanmoins les conditions dans lesquelles nous travaillons.

J’engage donc tous ceux de nos collègues de la majorité qui pensent que nous travaillons dans de mauvaises conditions à soutenir cette motion : ils pourront voter le projet de loi une fois qu’il aura été bien examiné et amendé en commission, dans le respect de la procédure parlementaire voulant que soit discuté en séance publique un texte issu des travaux de la commission. (Applaudissements sur les travées de l'UCR et de l'UMP.)

M. Jean Desessard. Le logement, c’est maintenant ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Claude Dilain, contre la motion.

M. Claude Dilain. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je vais essayer de manifester mon respect pour le Sénat en ne prolongeant pas inutilement le débat par la répétition d’arguments qui ont déjà été présentés par d’autres orateurs.

Je vais essayer aussi de ne pas poursuivre la polémique qui s’est engagée avec les rappels au règlement du début de l’après-midi. Les échanges sur le thème : « qui a commencé ? », « vous avez fait pire que nous ! », etc., sont plus du niveau d’une cour de récréation !

Je tiens toutefois à rectifier certains propos qui ont été tenus à plusieurs reprises.

Nous allons battre aujourd’hui, paraît-il, un record de vitesse ; certains parlent même de précipitation. Que l’on me permette de rappeler que, au début de l’année 2009 – je n’étais pas encore sénateur, mais j’espère que cela ne m’enlève pas le droit d’évoquer cette période –, les chaînes de France Télévisions ont dû supprimer la publicité à partir de vingt heures dès le 5 janvier, alors que le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision n’a été examiné au Sénat qu’à partir du 7 janvier… Voilà un record que l’on ne pourra jamais battre !

M. Claude Bérit-Débat, rapporteur. C’est sûr !

M. Claude Dilain. Sur la forme, la procédure accélérée ayant été engagée, nous ne sommes pas tenus au respect des délais prévus aux articles 42 et 45 de la Constitution. Il faut aller plus vite, et les délais ont donc été comprimés.

Peut-on dire, pour autant, que la commission n’a pas travaillé ? Ce serait une erreur ! Le rapporteur a été désigné dès le mois de juillet et il a fait son travail. Il a procédé à quinze auditions, qui ont permis d’entendre tous les acteurs. Ces derniers se sont déclarés unanimement favorables au texte. Les rapports ont été rédigés et les amendements examinés. Par conséquent, la commission a travaillé. Voilà pour la forme.

Sur le fond, depuis un an, tant en commission que dans cet hémicycle, nous débattons de la question de la cession du foncier à titre gratuit et de celle de l’aggravation des pénalités pour ceux qui ne respectent pas les dispositions de la loi SRU. Pour ce qui me concerne, c’était tout à l’heure la troisième fois que je montais à la tribune pour aborder ces sujets ! Vous ne pouvez donc tout de même pas dire, chers collègues, que vous les découvrez aujourd’hui !

La loi SRU a été votée dans un climat de scandale et de contestation. Mais, aujourd’hui, on en convient sur toutes les travées, c’est du passé : la loi SRU s’est imposée, et c’est tant mieux !

Essayant de me projeter dans l’avenir, je me demande ce qu’il restera de notre séance d’aujourd’hui dans une dizaine d’années. Parlera-t-on encore de cette tentative de renvoyer le texte à la commission, ou de l’avancée qu’aura permise l’adoption de celui-ci en matière d’accès au logement ? Nul doute, chers collègues, que l’épiphénomène que représente cette motion aura disparu des mémoires, et qu’il ne sera plus question que des effets positifs de la mise en œuvre du texte ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur

M. Claude Bérit-Débat, rapporteur. J’indique tout d’abord aux auteurs de la motion que la procédure suivie pour l’examen de ce projet de loi par la commission des affaires économiques est celle qui est utilisée depuis mars 2009 pour les propositions de loi des groupes de l’opposition sénatoriale.

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. C’est vrai !

M. Claude Bérit-Débat, rapporteur. En outre, si nos collègues n’ont pu présenter des amendements en commission, chacun d’entre eux a été en mesure d’en déposer en vue de la discussion du texte en séance publique. Je note d’ailleurs que nous en aurons quelque 150 à examiner !

Enfin, comme l’a indiqué Claude Dilain, j’ai été en mesure de travailler très sérieusement. J’ai en effet auditionné une quinzaine de personnes, représentant notamment des associations d’élus et des organismes actifs dans le secteur du logement, dont la liste est annexée au rapport de la commission. Cela m’a permis d’entendre les principaux acteurs concernés par ce projet de loi.

Par conséquent, au nom de la commission, j’émets un avis défavorable sur la motion présentée par M. Zocchetto.