M. Jacques-Bernard Magner. Il est bon d’y revenir, d’une certaine manière.

Au reste, le dispositif ne préjuge évidemment en rien de ce qui sera décidé ultérieurement à l’occasion du débat sur le projet de loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école en matière de pré-recrutement et de formation initiale des enseignants. Je rappelle qu’un groupe de travail sénatorial se penchera sur le sujet dès le 3 octobre prochain. Il a été créé sur l’initiative de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, qui m’a fait l’honneur de me désigner pour en animer les travaux.

Mes chers collègues, pour conclure, je vous rappelle que le Président de la République a fait de la jeunesse la priorité de son quinquennat. Les emplois d’avenir professeur apportent une réponse à la désespérance des jeunes des zones urbaines sensibles et des zones de revitalisation rurale. Ils représentent une nouvelle richesse pour l’école, car la société ne peut pas tolérer que des talents soient gaspillés : il y a urgence. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Serge Dassault.

M. Serge Dassault. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, les emplois d’avenir ont pour objet, paraît-il, de faciliter l’insertion professionnelle des jeunes sans qualification et sans emploi. Je pense que l’objectif est bon, mais que vous vous y prenez mal. (Murmures sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Christiane Demontès. M. Dassault va nous donner des leçons à présent !

M. Serge Dassault. Il faut le noter, ce type de dispositifs ont déjà été utilisés par de nombreux gouvernements, de gauche comme de droite, sous diverses appellations : emplois jeunes, emplois aidés, contrat unique d’insertion… Chacun a pu constater leur efficacité très relative pour l’emploi non marchand, en dépit d’un coût très élevé.

Messieurs les ministres, depuis une dizaine d’années, chaque gouvernement, de gauche comme de droite, reprend l’idée des contrats aidés avec le même enthousiasme que vous : « Cela va marcher, on va résoudre définitivement le problème du chômage des jeunes. » Il n’en a rien été : chaque fois, ces contrats ont fini par être supprimés avant d’être remplacés par d’autres, qui ne se sont pas révélés plus efficaces.

Pour 2012, le précédent gouvernement prévoyait plusieurs centaines de contrats non marchands, avec une enveloppe de près de 2 milliards d’euros. Or les prévisions de succès sont très mauvaises, car le taux d’insertion durable à l’issue des CUI-CAE ne s’élevait qu’à 27 %. À quoi bon dépenser de l’argent pour rien quand on n’en a plus ?

Vous spécifiez que ces emplois seront non marchands. Pourquoi ? Pour éviter, dites-vous, des effets d’aubaine et des activités lucratives. Je pense ces contrats n’auront pas plus de succès que les anciens.

Vous prévoyez des CDD de trois ans – c’est long – et des CDI. Mais comment pourrez-vous créer des CDI de trois ans ? Normalement, un CDI n’a pas de limite.

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Très juste, monsieur Dassault ! À votre grand regret, d’ailleurs…

M. Serge Dassault. Et que se passera-t-il au cours de ces trois longues années si les jeunes n’accomplissent pas correctement leur travail ou leur formation ? Vous les garderez ? Vous les licencierez ? Qu’en ferez-vous ?

Vous devriez savoir qu’aucune entreprise n’a jamais embauché un salarié pour rien, même contre des subventions ; c’est ridicule ! Seuls les emplois marchands peuvent former les jeunes. De fait, ces emplois s’inscrivent dans le cadre d’activités professionnelles. Au terme du contrat, les entreprises peuvent embaucher ces jeunes, ce qui n’est pas le cas du secteur non marchand.

En effet, il me paraît normal que ces dispositifs puissent également être utilisés dans le secteur marchand, comme l’étaient les contrats aidés. Ces derniers offraient les deux possibilités. Pourquoi ne consacrez-vous pas ces contrats d’avenir à la fois aux emplois marchands et non marchands, en fonction des possibilités et des nécessités ? Force est de constater que seules les activités lucratives permettent d’offrir aux jeunes une véritable compétence professionnelle. Or c’est l’objectif que vous visez, un objectif que ni les associations ni les collectivités locales ne pourront atteindre.

Je ne suis pas opposé aux emplois d’avenir professeur ; au contraire, je considère même qu’il s’agit d’une excellente idée. Mais j’observe que le dispositif ne s’adresse pas uniquement aux jeunes non qualifiés.

Bref, en fermant la porte aux emplois marchands, vous condamnez les contrats d’avenir à une efficacité réduite pour les jeunes.

De surcroît, ce que vous nommez les contrats de génération n’auront pas la moindre efficacité pour les emplois marchands. Cela ne signifie rien. Ces contrats aidés coûteront encore plus cher ! Comment ferez-vous ?

Aussi, il serait utile de savoir, et vous vous gardez bien d’en parler, combien ces emplois d’avenir coûteront à notre budget et comment ils seront financés.

M. Michel Vergoz. Vous n’écoutez pas !

M. Serge Dassault. C’est tout de même extraordinaire : vous nous demandez, à nous parlementaires, d’adopter de nouveaux textes législatifs sans nous indiquer combien coûteront les mesures que vous prévoyez. Or le budget a été voté, et de semblables projets de loi ne font que créer des dépenses supplémentaires.

Il ne devrait pas être permis au Gouvernement de présenter un projet de loi sans en indiquer le coût, surtout compte tenu de la situation financière critique face à laquelle nous nous trouvons. On parle de 1,5 milliard d’euros à 2 milliards d’euros par an, soit près de 6 milliards d’euros sur trois ans : comment financerez-vous ces dépenses ?

M. Michel Vergoz. On achètera un Rafale de moins, voilà tout !

M. Serge Dassault. Vous allez encore creuser le déficit budgétaire !

Au fond, comme je le demande depuis longtemps, le Gouvernement devrait, à l’instar des parlementaires, être contraint d’appliquer l’article 40 de la Constitution à chaque projet de loi, ce qui l’empêcherait d’augmenter les dépenses déjà votées sans proposer un financement crédible via des économies.

Mme Christiane Demontès. Et la défiscalisation des heures supplémentaires, elle était financée ?

M. Serge Dassault. Les parlementaires sont soumis à une telle règle lorsqu’ils présentent des propositions de loi. Le Gouvernement devrait y être également astreint pour les projets de loi ! Ce serait à la fois plus normal et plus sérieux.

Vous le savez bien, il est très dangereux d’augmenter encore nos dépenses alors que l’on devrait faire des économies. Nous ne pouvons plus rien financer sans emprunter de nouveau, ce qui serait suicidaire !

En réalité, le véritable enjeu serait d’éviter qu’une partie de nos jeunes ne se retrouve chaque année, à la sortie du collège, du lycée, voire quelquefois de l’université sans aucune formation professionnelle. Ces jeunes traînent dans leur quartier, et ils y font souvent des bêtises au lieu de travailler. Voilà plus de dix ans que l’on parle de ce problème ! Tous les anciens ministres de l’éducation nationale le connaissent bien. Pourtant, rien n’a jamais été fait pour lutter contre le fléau. Chaque année, environ 150 000 jeunes quittent l’école sans la moindre formation professionnelle.

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Voilà des années que nous le disons, et vous semblez le découvrir !

M. Serge Dassault. Chers collègues de la majorité, votre enthousiasme est désarmant : « Tout va s’arranger ». On a déjà entendu ce discours trois ou quatre fois. Les précédents gouvernements ont toujours dit la même chose : « Cela va marcher ». Cela ne marche pas !

En réalité, c’est l’éducation nationale qui est responsable de la situation.

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Le précédent gouvernement a supprimé tant de postes d’enseignants !

M. Serge Dassault. Mais on n’en parle pas ! Voilà bien longtemps que l’on ambitionne d’enseigner à tous les enfants le même « socle de connaissances ». C’est ce que plusieurs ministres de l’éducation nationale m’ont affirmé. Or un grand nombre d’enfants ne s’intéressent pas du tout à ces enseignements ! Ce qu’ils souhaitent, c’est suivre une formation professionnelle. Le grand responsable du problème, c’est le collège unique, qui a été institué voilà bien plus de dix ans !

Il faudrait supprimer le collège unique. (Exclamations amusées sur les travées du groupe CRC.) Ce serait plus utile que de consacrer de l’argent à de nouveaux contrats. Il serait tout à fait préférable de distinguer deux filières d’enseignement, à l’image du système qui existe dans bien d’autres pays : l’une pour préparer des diplômes à l’université et dans les grandes écoles, pour ceux qui le peuvent ; l’autre pour apprendre un métier, à partir de quatorze ans, et non de seize ans, dans le cadre de l’apprentissage et de l’alternance. Un examen à la sortie de la sixième devrait opérer la sélection et jouer le rôle que remplissait auparavant le certificat d’études, qui a malheureusement été supprimé.

En effet, c’est uniquement en développant l’apprentissage et l’alternance que vous réussirez à réduire le nombre de jeunes sortant du système scolaire sans la moindre formation. Ces jeunes seraient embauchés dans les entreprises.

Mme Gisèle Printz. À quatorze ans !

M. Serge Dassault. Monsieur le ministre du travail, voilà pourquoi je vous propose d’ouvrir les contrats d’avenir à l’apprentissage, pour que le dispositif aide les chefs d’entreprise à embaucher des apprentis.

En effet, aujourd’hui, il est regrettable que les patrons n’aient pas suffisamment recours à l’apprentissage pour des raisons de coût. Ainsi employés, les contrats d’avenir permettraient aux apprentis d’acquérir véritablement les bases d’un métier pour, ensuite, de gagner leur vie.

Dès lors, les contrats d’avenir pourraient se révéler très utiles pour financer ces contrats d’apprentissage et permettre ce que vous souhaitez, ce que nous souhaitons tous : la diminution du chômage des jeunes. Ainsi, vous ferez œuvre utile. (M. Ronan Kerdraon s’exclame.)

M. le ministre délégué chargé de la formation professionnelle et de l’apprentissage a annoncé qu’il accorderait 30 millions d’euros aux missions locales, qui agissent dans ce sens. Je suis heureux de l’apprendre.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Serge Dassault. Monsieur le président, je suis le seul orateur à n’avoir que cinq minutes. (Rires et exclamations sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)

M. le président. C’est le règlement, mon cher collègue. (Sourires.)

Mme Christiane Demontès. Voyez donc cela avec votre groupe !

M. Ronan Kerdraon. On va faire une quête de minutes pour vous, monsieur Dassault !

M. Serge Dassault. Quoi qu’il en soit, laissez-moi finir !

Je propose deux amendements, monsieur le ministre. Le premier concerne les activités marchandes, seules capables de procurer des emplois durables ; l’autre vise à développer en priorité l’apprentissage pour les contrats d’avenir. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Maryvonne Blondin.

Mme Maryvonne Blondin. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le projet de loi dont nous débattons aujourd’hui rejoint le fil rouge de la campagne de François Hollande, la jeunesse, dont il a fait sa première priorité. « Cette jeunesse qui doit retrouver confiance en elle, trouver toute sa place dans son propre pays », selon les propres mots du Président de la République.

Comment atteindre cet objectif ? Il s’agit, en premier lieu, de proposer à ces jeunes une fenêtre d’entrée dans la vie professionnelle, une première expérience associée à une formation. Je parle d’une véritable formation, qui n’a rien à voir avec celle qui avait été promise aux auxiliaires de vie scolaire, les AVS.

Que les jeunes Français aient un avenir plus sombre et un niveau de vie inférieur à celui de leurs parents est inacceptable pour les uns et pour les autres.

Il nous faut absolument redonner un espoir à nos jeunes, qui représentent notre avenir. Et cet espoir passe par l’emploi. Les jeunes auront ainsi la possibilité de se projeter, de pouvoir accéder plus facilement à un logement autonome et de voir l’horizon s’éclaircir, tout en étant accompagnés dans leur parcours professionnel.

Les chiffres et les études sont en effet alarmants et donnent le vertige. Nous en avons déjà cité plusieurs, mais le dernier constat dressé par l’Organisation internationale du travail, l’OIT, dans un rapport du 22 mai, est sombre : dans le monde, plus de 75 millions de jeunes de quinze à vingt-quatre ans sont au chômage, soit une augmentation de plus de 4 millions depuis le début de la crise en 2007. Et c’est dans les économies développées et dans l’Union européenne que l’on observe l’augmentation la plus importante de ce taux de chômage.

Au fond, l’objectif de ces emplois d’avenir est simple : donner enfin une première expérience professionnelle solide à une partie de cette jeunesse, qui est aujourd’hui dans la situation la plus critique. « Vous avez le droit d’être exigeants », disait Jean Jaurès en s’adressant à la jeunesse. À nous, législateurs, d’être à la hauteur de cette exigence légitime.

Ce texte parle d’emplois, certes, mais il s’inscrit également au cœur de l’ambition républicaine. Car il exprime la volonté de justice et d’égalité sur notre territoire.

J’ai pour ma part été particulièrement attentive aux dispositions de l’article 2 du texte, qui a pour objet de faciliter l’accès au métier d’enseignant des jeunes lestés par les déterminismes sociaux ou économiques.

Les emplois d’avenir professeur permettront donc d’accompagner des jeunes qui, souhaitant poursuivre des études et se destiner aux métiers de l’enseignement, ne peuvent plus le faire faute de moyens.

C’est une mesure novatrice, qui vise à la fois à diversifier l’origine sociale du corps enseignant et à enrayer la désaffection à l’égard des concours de recrutement.

La première vertu de cet article est de créer un vivier de futurs enseignants. Il permet de rompre avec l’engrenage dont l’éducation nationale était prisonnière depuis une dizaine d’années, et qui a vu, au terme de coupes budgétaires dramatiques, la disparition de près de 90 000 postes d’enseignants.

L’autre exigence du dispositif répond à une forte ambition républicaine : mettre fin à l’exclusion dont sont victimes les jeunes issus de familles modestes, défavorisés face à l’enseignement supérieur.

Dans ses Regards sur l’éducation 2012, l’OCDE engage les gouvernements à faire des efforts pour « inciter les meilleurs talents académiques à devenir enseignants », considérant que « la qualité des enseignants est le facteur le plus déterminant de la performance des élèves ». Ce projet de loi leur permettra donc de se rendre compte de la réalité du métier d’enseignant, tandis que l’on a pu mesurer à l’inverse les dégâts provoqués par la suppression de la formation parmi les jeunes professeurs.

L’emploi d’avenir professeur devrait ainsi encourager les vocations chez les jeunes qui, malgré de bons résultats scolaires et universitaires, n’auraient peut-être jamais envisagé sans cela des études longues trop chères pour eux.

M. Michel Sapin, ministre. Absolument !

Mme Maryvonne Blondin. Cette mesure remet en marche l’ascenseur social ! Elle va d’abord permettre aux étudiants les plus modestes d’entrer progressivement dans le métier, en leur offrant un véritable projet professionnalisant, une véritable formation et une aide financière. Voilà une première réponse, concrète, à une angoisse profonde que partagent bon nombre de jeunes, mais aussi leurs familles.

La réforme de la mastérisation, mal pensée et trop hâtive, a en effet entraîné l’éviction des jeunes des catégories sociales les plus modestes, comme l’a exposé tout à l’heure notre collègue Jacques-Bernard Magner.

M. Roland Courteau. Avec talent !

Mme Maryvonne Blondin. Le corps professoral est devenu trop homogène : il n’est plus à l’image de la société ! Or il doit véritablement y avoir adéquation entre la composition sociologique du professorat et celle de la nation. Il convient également de masculiniser le corps enseignant, qui ne peut être composé majoritairement des seules filles de cadres supérieurs ou d’enseignants.

Enfin, ce dispositif revêt un aspect solennel non négligeable et repose sur un acte fort : le contrat. Par ce dernier, les parties s’obligent. C’est un engagement réciproque de responsabilité entre la République et ses jeunes. La confiance est au centre de ce rapport, à l’opposé de ce qui avait cours ces dernières années, des relations fondées sur la défiance et la méfiance.

Les jeunes doivent être considérés non pas comme un problème à résoudre, mais avant tout comme un atout !

Car, à défaut d’offrir des perspectives d’emploi durables à sa jeunesse, ce que propose en l’occurrence le Gouvernement, l’Europe risquerait « non seulement de voir une génération perdue, sacrifiée, mais aussi de mettre en péril sa stabilité politique, sa cohésion, sa justice et sa paix sociales ». Ce sont les termes d’un rapport du Conseil de l’Europe consacré au chômage des jeunes de seize à vingt-cinq ans en Europe, qui a fait l’objet d’une résolution et d’une recommandation adressée au Comité des ministres, adoptées au mois de juin dernier.

Faute de tels investissements et de telles initiatives, nous condamnerions notre propre avenir, et le vers d’Alfred de Musset prendrait tout son sens : « Alors s’assit sur un monde en ruines une jeunesse soucieuse. »

Voilà pourquoi c’est avec beaucoup d’enthousiasme et de responsabilité que le groupe socialiste défendra et votera ce premier texte d’une série de dispositifs en faveur de l’emploi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Alain Fouché.

M. Alain Fouché. Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le rapporteur, madame la rapporteur pour avis, mes chers collègues, le texte que nous examinons a, me semble-t-il, avant tout pour mission de favoriser des solutions d’insertion pour les jeunes pas ou peu qualifiés, qui sont les premières victimes du chômage.

La durée effective des contrats sera d’un à trois ans, et leur prise en charge sera assurée par l’État à hauteur de 75 %.

Certes, plusieurs questions se posent, notamment celle du financement au-delà de cette durée et de la continuité de ces emplois sous forme de contrats à durée indéterminée.

Ces emplois concernent, entre autres, le secteur du tourisme ou des services à la personne, des activités pour l’exercice desquelles les besoins et le potentiel de création d’emplois varient considérablement d’une zone à l’autre.

Pour ma part, je trouve très intéressant qu’une telle disposition ait été élargie aux zones rurales : comme de nombreux parlementaires ou maires, je vois chaque jour venir dans ma permanence des jeunes qui habitent la campagne et sont sans espoir de trouver un emploi.

Monsieur le ministre, vous avez annoncé le renforcement de Pôle emploi. Je souhaite toutefois que cela ne se fasse pas au détriment de la ruralité. J’habite un département, la Vienne, qui est proche du vôtre. Je constate que les efforts sont aujourd’hui davantage dirigés vers la capitale régionale que vers les petites villes, qui appartiennent au monde rural. Je vous demande simplement d’être vigilants sur ce point.

M. Michel Sapin, ministre. Nous serons vigilants à Argenton-sur-Creuse et à Montmorillon ! (Sourires.)

M. Alain Fouché. Toutefois, avec la logique des zones prioritaires apparaît le risque d’exclure du dispositif des jeunes sans qualification dont le seul tort serait de ne pas être domiciliés dans ces zones. Il faut veiller à ce que la répartition soit équitable.

De manière générale, je pense aussi qu’il faudrait prévoir de vraies mesures pour la formation professionnelle. À l’instar des contrats d’apprentissage, elles permettraient d’offrir une réelle expérience aux jeunes.

La bataille contre le chômage doit être l’affaire de tous, et je ne veux pas, pour ma part, pour telle ou telle raison, et surtout pas par idéologie, combattre un texte qui permettra de créer des emplois pour une partie de la population qui en a le plus besoin, et qui donnera à certains jeunes une première expérience dans la vie active.

Comme je l’ai indiqué à mes amis, à titre personnel, je voterai ce projet de loi.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Alain Fouché. J’estime que, si ce texte ne résout pas structurellement toutes les difficultés d’emploi auxquelles sont confrontés les jeunes, il va dans la bonne direction.

Certes, les contrats arriveront à échéance au bout de trois ans. Ils auront donc une durée plus courte que les emplois-jeunes, dont tous les élus, je le rappelle, ont très largement profité. Seule une partie de ces emplois seront pérennisés, mais ce sera déjà, me semble-t-il, un premier point positif.

Je voterai ces dispositions parce qu’elles me semblent susceptibles d’encourager l’insertion ou la réinsertion des jeunes sur le marché du travail. Dans la période très difficile que nous traversons actuellement, on ne peut pas s’en priver. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol.

Mme Laurence Rossignol. Monsieur le président, messieurs les ministres, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, cet après-midi a été riche en questionnements et en échanges. Se sont succédé des interrogations de bonne foi, des questions légitimes et des remarques plus pernicieuses.

Je voudrais d’abord saluer ceux de nos collègues de l’opposition qui, dans une démarche pragmatique et honnête, ont annoncé aujourd’hui qu’ils voteraient le texte.

Et comme je suis la dernière oratrice inscrite dans cette discussion générale, je voudrais répondre à un certain nombre de questions qui ont été posées.

Peut-être convient-il d’abord de rappeler en préambule le caractère exceptionnel du dispositif, en raison de la profondeur de la crise et du taux de chômage qui frappe la jeunesse en France, plus particulièrement les jeunes sans qualification. Ce dispositif, nous le voulons temporaire.

Nos collègues de l’opposition, qui étaient encore aux affaires voilà quelques mois et qui reprochent aujourd’hui à ce dispositif de ne pas frapper assez vite et assez fort, auraient pu mettre à profit leur temps de parole pour nous expliquer comment ils ont fait, pendant dix ans, pour laisser filer ainsi le chômage des jeunes et nous léguer une situation aussi douloureuse. Ils auraient pu aussi nous expliquer pourquoi, entre les emplois-jeunes de 1997 et les emplois d’avenir de 2012, il y a un grand blanc, un grand vide dans les politiques de l’emploi en faveur de la jeunesse.

L’opposition de 1997 n’aimait pas les emplois-jeunes ; l’opposition de 2012 n’aimera pas les emplois d’avenir. Telle pourrait être la conclusion de l’après-midi !

Car, pour notre part, nous n’avons pas eu le loisir d’aimer ou de ne pas aimer une quelconque politique de l’emploi en direction des jeunes au cours de ces dix années, tout simplement car il n’y en a pas eu ! Peut-être aurions-nous pu, nous aussi, voter des dispositifs.

Mme Chantal Jouanno. Regardez ce qui se passe en Europe !

Mme Laurence Rossignol. Plusieurs questions ont été posées.

La première concerne le ciblage. Un de nos collègues a demandé s’il s’agit d’un dispositif en faveur des territoires ou en faveur des jeunes. Quel est le critère : les difficultés du territoire ou les difficultés des jeunes ? Malheureusement, c’est souvent la même chose et il est bien rare que des jeunes aillent bien dans un territoire qui va mal ou qu’un territoire aille bien quand les jeunes qui y résident vont mal. Donc, ne nous inquiétons pas, tout le territoire est concerné par le dispositif des emplois d’avenir. Simplement, des zones prioritaires seront corrigées, bénéficieront d’un volume d’emplois d’avenir supérieur.

Deuxième question : les emplois d’avenir devraient-ils être ouverts au secteur marchand ou privé ? Il y a d’ailleurs une ambiguïté entre « marchand » et « privé » puisque, je le rappelle, il y a des activités marchandes dans le secteur associatif et dans le secteur de l’économie sociale et solidaire.

La question de l’ouverture au secteur privé, qui a été défendue cet après-midi par plusieurs de nos collègues, singulièrement par Serge Dassault, est une proposition récurrente, traditionnelle : c’est celle de la réduction de la masse salariale, de la réduction du coût du travail et des exonérations des charges sociales, qui – pardonnez-nous ! – n’est pas non plus, si l’on doit faire l’évaluation de nos originalités et de nos innovations respectives, un registre de propositions extrêmement modernes. Il a été maintes fois tenté, maintes fois expérimenté, avec des résultats assez peu probants.

Troisième question : les emplois seront-ils pérennes ? La question est chaque fois posée. Honnêtement, il n’est pas possible, me semble-t-il, de répondre à cette question, nous n’en savons rien.

Je voudrais en cet instant faire partager à notre assemblée mon expérience d’élue d’une région, qui a mis en place en 2004 – il y a maintenant huit ans – un dispositif, si ce n’est identique, du moins similaire, voisin, de soutien à la création d’emplois dans le secteur associatif. Il a permis, dans une région de 2 millions d’habitants, de créer 1 500 emplois dans le secteur associatif, avec un taux d’aide à l’emploi qui se situait entre 60 % et 75 % d’un SMIC avec les charges ; 1 500 emplois en Picardie, si j’ai bien calculé, cela fera avec les emplois d’avenir au moins 5 000 emplois, je dis « au moins » parce que 5 000, c’est le ratio strict et comme la Picardie est une région en grande difficulté, nous pensons avoir un peu plus.

Dans ce dispositif, nous n’avions mis aucune condition d’employabilité. Qu’avons-nous constaté au bout de huit ans avec un peu de recul ? Premièrement, la très grande majorité des bénéficiaires étaient des jeunes diplômés bac+2 ou bac+3 ou des jeunes ayant des brevets d’État dans le secteur sportif. Deuxièmement, comme dans le dispositif des emplois d’avenir, les conventions portaient non pas sur le contrat de travail, mais sur la création de l’emploi. Donc, les conventions étaient signées pour trois ans et dans ces conventions sur une même durée de trois ans se succédaient plusieurs salariés soit en CDD, soit qui partaient parce qu’ils avaient trouvé un emploi ailleurs et avaient ce pied à l’étrier que l’on attendait.

J’en ai déduit plusieurs choses par rapport aux amendements que nous examinerons tout à l’heure, c’est qu’il faut de la souplesse dans un tel dispositif. (M. le ministre opine.) La rigidité, c’est très probablement la mort du dispositif.

De nombreux amendements de protection à l’égard des salariés ont été déposés, mais ces amendements peuvent être contre-productifs pour la réussite de notre dispositif.

En effet, il faut avoir en tête que nous allons demander au secteur associatif et aux collectivités locales d’embaucher des jeunes en grande difficulté, parfois déscolarisés depuis longtemps, exclus du monde du travail depuis toujours, qui ont décroché. La remise au travail de ces jeunes demandera aux employeurs beaucoup d’énergie et une grande capacité d’adaptation. Il faut avoir cela en tête car la réussite du dispositif ne repose pas simplement sur l’offre que fera le Gouvernement, elle reposera aussi sur la demande qui émanera des territoires et des employeurs potentiels.

Je prendrai un exemple s’agissant de la question de la souplesse. On parle beaucoup de contrat de travail à temps plein ou à temps partiel très élevé. Dans ma région, nous avons développé grâce aux emplois tremplins ou solidaires – appelons-les ainsi – beaucoup de périscolaire dans le milieu rural. Les petites communes n’ont pas les moyens de mettre en place elles-mêmes du périscolaire et ces emplois-là leur ont permis l’accueil des enfants le matin et le soir. Bien entendu, ces emplois n’étaient pas à temps plein et il a fallu corriger le dispositif pour que l’adaptation soit possible.

En conclusion, je dirai trois choses.

Le dispositif exige beaucoup d’adaptabilité des pouvoirs publics, il faut donc un cadre législatif le plus souple possible, qui puisse être régulièrement réajusté, éventuellement par voie réglementaire.

Il faut évaluer tout le temps les dispositifs de ce type, il faut être pragmatique.

Première question que l’on se posera dans quelques mois : ce dispositif a-t-il profité également aux filles et aux garçons ? Tous les dispositifs qui sont généralistes peuvent soit corriger les inégalités, soit les accroître (M. le ministre opine.), cela dépend de l’attention que l’on y porte. Je suggère cela comme premier critère d’évaluation.

Deuxième question, – on n’en a pas parlé cet après-midi, mais on en a beaucoup parlé à l’Assemblée nationale et ici entre collègues – la place des jeunes un peu plus qualifiés que les moins qualifiés, je n’ose pas les appeler les jeunes vraiment qualifiés parce qu’il y a des jeunes bacheliers qui, pour autant, ne trouvent pas leur place dans le monde du travail.

Le projet de loi avait été modifié à l’Assemblée nationale, un amendement ici vise à le rapprocher du texte initial. Peut-être pourrions-nous un peu desserrer l’étau, messieurs les ministres. Desserrer l’étau, cela signifie assouplir l’ouverture à des jeunes bacheliers, par exemple, et peut-être aussi permettre des systèmes de primes, afin que des associations ou des collectivités qui embaucheront un jeune non qualifié puissent embaucher un jeune un peu plus qualifié avec lui. Cela fera deux embauches et, en même temps, cela permettra de soutenir le moins qualifié car il faudra de l’encadrement au côté des jeunes les moins qualifiés.

Enfin, il faut faire de la formation des employeurs. Beaucoup d’associations sont devenues primo-employeurs grâce à ces dispositifs de soutien. J’espère que ce sera le cas pour grand nombre d’entre elles. Or on ne s’improvise pas employeur. Les régions, en particulier, sont prêtes, avec l’État, à mettre en place des procédures de formation des néo-employeurs que fera naître ce dispositif.

Par ailleurs, je m’interroge : le Président de la République a dit, voilà quelques jours, lors de la conférence environnementale que le dispositif des emplois d’avenir serait également dévolu à la transition environnementale. Messieurs les ministres, pourriez-vous nous dire plus précisément sous quelle forme ? En effet, si j’associe jeunes non qualifiés et transition environnementale, dans la mesure où la transition environnementale ne consiste pas simplement à ramasser les papiers gras dans les forêts ou à nettoyer les berges des rivières, mais est tout un dispositif sur la transition énergétique, on a là un gros effort de formation à faire, voire on doit recourir à des jeunes déjà un peu formés.

Pour conclure, je voudrais mettre l’éclairage sur la cohérence de ce texte avec l’ensemble de la politique du Gouvernement (M. Jean-François Husson sourit.), en particulier avec celle qui est menée en faveur du redressement productif et de la réindustrialisation de la France.

Pour être moi-même élue d’une région en grande souffrance de désindustrialisation, il est clair que la pérennisation de l’emploi des jeunes, en particulier des jeunes les moins qualifiés, dépend en grande partie de la réussite de notre politique en matière de redressement industriel. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)