M. le président. Monsieur le ministre, mes chers collègues, j’invite chacun à faire preuve de concision, car je suis tenu de lever la séance à une heure. Si nous n’avions pas alors achevé l’examen de ce texte, je serais contraint de renvoyer la suite de la discussion à une date que je ne peux pas préciser en cet instant.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

M. Victorin Lurel, ministre des outre-mer. Monsieur le président, j’ai entendu votre recommandation et je ferai de mon mieux !

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous touchons au but et c’est à mes yeux le fruit d’un remarquable travail collectif. Le projet de loi relatif à la régulation économique outre-mer, dont vous allez discuter le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire, poursuit son chemin vers son adoption définitive.

Je tiens à saluer la qualité du travail conduit au Parlement depuis septembre, tant en première lecture dans les deux chambres qu’au cours de la commission mixte paritaire. Les sénateurs, dans leur grande sagesse, ont su à la fois sécuriser le texte, tout en introduisant des points majeurs : je pense au « bouclier qualité-prix » ou encore au dossier du registre du commerce et des sociétés.

L’Assemblée nationale a produit un important travail d’amendements que je tiens à saluer.

Le texte qui résulte des travaux de la commission mixte paritaire est, en définitive, mieux établi dans sa sécurité juridique, il est mieux équilibré et davantage respectueux des intérêts des uns et des autres.

Sur la question du registre du commerce et des sociétés, les débats ont été nourris et parfois vifs. Le Gouvernement s’en est remis à la sagesse de la commission mixte paritaire, sur l’initiative, notamment, du président de votre commission des affaires économiques, Daniel Raoul.

En revanche, il me semble que, sur quelques points, le texte peut être encore explicité. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a déposé quatre amendements au texte adopté par la commission mixte paritaire. Trois d’entre eux sont purement rédactionnels.

À l’article 5 bis A, un premier amendement vise à tirer les conséquences de ce que, à la première phrase du deuxième alinéa de l’article L. 113-3 du code de la consommation, les mots « cette disposition », auxquels se rapportait le mot « Elle » de la deuxième phrase, ont été remplacés, par le quatrième alinéa de l’article 5 bis A, par les mots « Le premier alinéa du présent article ». Pour corriger cette erreur, il faut donc remplacer le pronom féminin par un pronom masculin.

À l’article 11 bis, un deuxième amendement vise à sécuriser juridiquement la conclusion éventuelle d’une convention avec la chambre consulaire interprofessionnelle de Saint-Martin ou la chambre économique multiprofessionnelle de Saint-Barthélemy.

Une telle convention ne viserait que le tribunal de grande instance de Basse-Terre, compétent pour la Guadeloupe, Saint-Barthélemy et Saint-Martin, mais elle produirait ses effets non seulement en Guadeloupe, mais aussi dans chacune des collectivités de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy. Or, les dispositions actuelles de l’article 11 bis ne mentionnent que les « départements d’outre-mer », et il est donc apparu nécessaire de préciser que seraient aussi concernées ces deux collectivités d’outre-mer, pour éviter toute difficulté ultérieure d’application.

À l’article 11 sexies, un troisième amendement rédactionnel vise à rectifier deux erreurs de l’amendement initial à l’origine de cet article. L’exposé des motifs de l’amendement explicite clairement quelles erreurs de plume il est proposé de corriger.

Le quatrième amendement, enfin, tend à compléter les dispositions de l’article 6 quater adoptées en commission mixte paritaire. En effet, ces dispositions ne permettent pas d’appréhender complètement le problème posé outre-mer : d’une part, seul l’octroi de mer est visé, alors qu’une action sur d’autres outils de la politique fiscale pourrait être envisagée ; d’autre part, seuls quatre départements d’outre-mer sont visés, alors que la thématique du niveau des prix de détail est tout aussi aiguë dans le département de Mayotte ou dans les trois collectivités d’outre-mer de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Vous le comprendrez, le Gouvernement tenait à ce que les dispositions adoptées en CMP puissent être complétées afin d’en renforcer la portée.

Cet amendement vise aussi à préciser sur quels opérateurs porterait l’obligation prévue à l’article 6 quater, en l’occurrence ceux qui bénéficient directement de la baisse de la fiscalité, mais aussi les intermédiaires entre ces bénéficiaires directs et le consommateur final, qui profitent indirectement de la baisse de la fiscalité.

Sans entrer dans les détails techniques, c’est, au final, un texte équilibré, fidèle en tout point aux intentions de départ du Gouvernement et enrichi par les travaux parlementaires qui est soumis à votre approbation, que j’espère aussi unanime que celle qui a prévalu ici en première lecture.

Le projet de loi relatif à la régulation économique outre-mer a pour objectif de répondre à une problématique – la vie chère – qui entrave le développement économique des outre-mer et pénalise fortement les ménages, en particulier les plus modestes.

C’est un texte volontariste et innovant, qui vise à favoriser la concurrence dans des économies de petite taille, éloignées des grands pôles d’activités, où l’on constate des prix anormalement élevés pour de nombreux biens et services.

En donnant à l’État, et plus largement aux pouvoirs publics, une véritable capacité d’intervention sur le fonctionnement et sur les structures mêmes de l’économie, cette loi est une traduction concrète de ce que peut être une politique de régulation économique au service de l’intérêt général.

Cette loi n’entraîne aucune dépense nouvelle ni pour l’État ni pour les collectivités. Elle fait le pari de réguler sans réglementer ni administrer. Surtout, elle est non un aboutissement mais bien un point de départ à partir duquel nous aurons tous à nous mobiliser afin d’utiliser les outils que le texte met à notre disposition. Les décrets d’application sont déjà prêts.

Un important travail de négociation nous attend, mais aussi de vigilance pour mesurer les progrès concrets qui seront enregistrés dans les territoires. J’ai bien noté que la délégation sénatoriale à l’outre-mer était prête à œuvrer.

Le travail jusqu’ici a été remarquable. À cet égard, je veux féliciter en particulier le président de la commission des affaires économiques, Daniel Raoul, ainsi que les rapporteurs, Serge Larcher et Thani Mohamed Soilihi.

Ensemble, nous avons tracé un cadre, nous avons créé des outils. À nous de nous en saisir pour traduire en actes sans délai les nécessaires changements bénéfiques pour le plus grand nombre et pour le développement de nos économies.

Les outre-mer ont repris espoir et nous avons à cœur de ne pas les décevoir. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam.

M. Gérard Le Cam. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte que nous étudions aujourd’hui sera, sans aucun doute, adopté par l’ensemble des sénatrices et des sénateurs.

Comme lors de la première lecture, nous allons approuver ce texte, tout en étant lucides sur sa portée, relativement limitée. Certes, il contient des avancées, notamment dans la lutte contre les monopoles. Néanmoins, comme on l’avait souligné lors de la première lecture, la question de la vie chère outre-mer touche tout le fonctionnement des économies et des sociétés d’outre-mer.

Nous avons bien compris qu’il s’agit d’un premier volet dans cette lutte contre les prix chers outre-mer, mais nous maintenons que ce projet de loi ne réglera pas tous les problèmes liés à la cherté de la vie, car il est indispensable que la question soit abordée dans sa globalité, c'est-à-dire en prenant également en compte la question des revenus.

Il nous faut souligner que le débat d’aujourd’hui intervient au moment où se déroule la Conférence économique et sociale dans chacun des territoires d’outre-mer. D’ici à quelques jours, les premières conclusions seront connues et les propositions concrètes de chaque département d’outre-mer seront formulées.

Il est bien évident que cette conférence économique et sociale ne permettra de régler certains problèmes de l’outre-mer qu’à la condition expresse qu’il y ait la volonté de réfléchir et d’agir dans le cadre d’une approche globale et cohérente. Cette réflexion doit ouvrir la possibilité de tout remettre à plat.

En ce qui concerne les prix, si la lutte contre les monopoles est l’un des leviers qui doit jouer pour les faire baisser, ce n’est pas le seul aspect à aborder. Il faut joindre, par exemple, la question des sources d’approvisionnement pour les territoires ultramarins, mais aussi celle de la fiscalité, tout comme celle du fret.

Pour ce qui est de la diversification des sources d’approvisionnement, il s’agit d’un immense chantier sur lequel on doit continuer à travailler. Deux paramètres doivent être pris en compte : d’une part, l’impérieuse nécessité de protéger la production locale et, d’autre part, l’intérêt de disposer de sources d’approvisionnement plus proches de l’environnement régional. Cette double préoccupation doit se traduire par la prise en compte de la situation spécifique de La Réunion dans le cadre des accords de partenariat économique, ou APE.

En ce qui concerne la fiscalité, la question se pose avec une acuité particulière au moment où les négociations sur l’octroi de mer vont débuter. Quelle sera la position du Gouvernement sur cette question et quelle va être la coordination entre le Gouvernement et les quatre régions d’outre-mer sur ce problème ? À partir de là, dans quelles conditions la négociation entre le Gouvernement et l’Europe va-t-elle se dérouler ?

En ce qui concerne le fret, force est de constater que le dispositif existant n’a pas produit sa pleine mesure. En effet, les crédits affectés à la prise en charge partielle du coût des intrants n’ont pas totalement été consommés. Or cette question du fret est un élément important de la formation des prix. Elle est également décisive à travers la question du coût des intrants pour la production locale, une production locale qui doit être non seulement préservée mais également renforcée, pour soutenir des prix supportables dans l’intérêt des consommateurs.

Cela pose donc la question de l’amélioration de ce dispositif et de son caractère opérationnel. En ce sens, quelles améliorations le Gouvernement envisage-t-il de proposer pour que la totalité des crédits affectés soient mobilisés ?

Lorsque l’on parle de pouvoir d’achat, la question des prix est inséparable de celle des revenus. Il est bien évident que toutes celles et tous ceux qui veulent réduire les inégalités ne peuvent s’accommoder de celles – criantes – qui existent outre-mer dans ce domaine.

Nous pensons à cette grande partie de la population réunionnaise qui vit, ou survit, avec des revenus faibles ou très faibles. Ces familles sont en prise directe avec la réalité de la vie chère outre-mer.

À la suite des manifestations de 2009, un complément de revenus avait été créé pour les travailleurs pauvres ; c’est le RSTA, le revenu supplémentaire temporaire d’activité. Le montant brut du RSTA est au maximum de 100 euros par mois pour les salariés travaillant à temps plein avec un revenu inférieur à 1,4 SMIC. Or le dispositif créant ces prestations expire à la fin de cette année ; s’il n’est pas prolongé, cela impliquera obligatoirement une baisse de revenus pour les salariés pauvres.

Le problème se pose de la même façon pour la prime versée par les employeurs. Mon collègue Paul Vergès était intervenu l’an dernier pour prolonger la période d’exonération des charges liées à cette prime. Le délai supplémentaire qui avait été accordé arrive aussi à expiration. Là encore, le dispositif doit de nouveau être prolongé.

Au moment où ce projet de loi vise à favoriser le pouvoir d’achat, on ne peut laisser une épée de Damoclès planer sur le maintien de ces compléments de revenus pour les salariés les plus défavorisés. On ne peut imaginer que l’entrée en vigueur de la loi contre la vie chère coïncide avec une baisse des revenus des travailleurs les plus pauvres. Il y aurait là une forte contradiction.

Les raisons qui avaient motivé l’instauration du RSTA sont toujours là : la crise s’est aggravée, les manifestations survenues en février dernier l’ont confirmé. C’est pourquoi nous pensons que le Gouvernement doit annoncer sans délai la prolongation de ce dispositif : c’est une question de cohérence et de justice.

Nous ne pouvons donc pas imaginer que le Gouvernement ne réponde pas positivement à la demande formulée par les représentants des salariés. En effet, comment refuser aux salariés du privé le maintien de ce revenu complémentaire de 100 euros destiné à atténuer les effets de la vie chère, alors que des salariés de la fonction publique bénéficient, eux, d’une indemnité de vie chère ?

Le problème de l’harmonisation des revenus est récurrent outre-mer. Nous avons bien noté, monsieur le ministre, que cette question ne figurait pas, pour l’instant, dans l’agenda du Gouvernement, mais, comme vous l’avez également souligné, cela ne doit pas empêcher le débat.

Comment peut-on justifier de tels écarts de revenus dans un même pays ? Comment peut-on construire un développement durable en faisant perdurer les inégalités ? C’est vrai pour La Réunion, mais aussi pour la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane, et le problème se pose déjà pour Mayotte.

Monsieur le ministre, vous avez évoqué ici des hypothèses lors de l’examen de ce projet de loi en première lecture. La question des revenus relève, en effet, de la compétence de l’État : c’est lui qui fixe les revenus de la fonction publique, le montant du SMIC, celui des minima sociaux. Or le coût de la vie est le même pour tous. On ne saurait légitimement en tenir compte pour certains et pas pour d’autres.

Le Président de la République ayant annoncé que son quinquennat serait placé sous le signe de la justice, la question des graves inégalités des revenus outre-mer doit être au cœur des préoccupations. Il s’agit non pas d’aborder le problème « par le petit bout de la lorgnette », nous en sommes d’accord, monsieur le ministre, mais de comprendre que le développement économique est inséparable de la cohésion sociale.

Le débat doit ainsi être mené avec sérieux pour aboutir à des mesures économiquement efficaces, socialement justes, réellement concertées et s’inscrivant dans la durée. C’est pour cela que nous pensons que la Conférence économique et sociale doit tirer les leçons des politiques menées depuis plus de soixante ans pour ouvrir la voie à un réel changement et tracer de vraies perspectives. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, quelques semaines avant son élection à la présidence de la République, François Hollande avait présenté trente engagements pour les outre-mer. Au terme de l’examen du projet de loi relatif à la régulation économique outre-mer, nous allons concrétiser trois de ces engagements visant à lutter contre la vie chère.

L’adoption de ce texte permettra ainsi de marquer une première étape en faveur du rétablissement de l’équité dans les territoires subissant des écarts de prix avec l’Hexagone, insoutenables pour beaucoup de nos concitoyens ultramarins. Ces derniers attendaient une action vigoureuse dans le domaine du contrôle des prix. Beaucoup d’orateurs l’ont rappelé, le problème de la « vie chère » était au cœur des mouvements de contestation sociale qui avaient éclaté en 2009 en Guadeloupe, en Martinique et à Mayotte, et qui se sont poursuivis dans d’autres collectivités en 2010.

Ce projet de loi est donc porteur d’espérances, et ce d’autant plus que les mesures visant à lutter contre la vie chère contenues dans la loi du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer n’ont pas produit les effets escomptés sur les prix. Davantage fondée sur un principe de réglementation des prix plutôt que sur le rétablissement d’une concurrence propice à la baisse de ces prix, la LODEOM a montré ses limites.

C’est pourquoi la nouvelle approche privilégiée par le Gouvernement me semble plus pertinente. Le projet de loi s’attaque au problème de la cherté outre-mer en amont, c’est-à-dire en agissant sur la formation des prix. Il s’agit en effet d’agir sur l’environnement concurrentiel, afin de mettre un terme aux dérives monopolistiques et oligopolistiques dont les conséquences sont bien mesurées sur les étals et dans les rayons des supermarchés ultramarins. Les prix des produits alimentaires outre-mer sont de 30 % à 50 % plus élevés que dans l’Hexagone. Le prix de l’eau minérale ordinaire, par exemple, est quelquefois deux à trois fois plus élevé.

Ce constat combiné à d’autres données, toujours en défaveur de l’outre-mer – je pense notamment au revenu médian et au taux de chômage –, justifie l’exaspération de nos concitoyens vivant dans les territoires concernés.

Certes, la distribution évolue dans un cadre aux multiples contraintes - elles se résument en quelques mots : insularité, éloignement et étroitesse des marchés -, mais, si l’on ne peut pas ignorer ces spécificités et leurs conséquences économiques, elles ne doivent pas non plus être le prétexte à des pratiques abusives, comme c’est malheureusement le cas.

Par exemple, la concentration n’est en rien incompatible avec la répercussion des marges arrière sur les prix. Or, forts de leurs positions économiques, les opérateurs ne font pas ces efforts commerciaux en direction des consommateurs. Par ailleurs, l’existence fréquente d’exclusivités territoriales est un autre frein à une saine concurrence.

Dans ces conditions, le projet de loi apporte des réponses adaptées, avec notamment l’encadrement des opérations de concentration, le renforcement des pouvoirs de l’Autorité de la concurrence et l’instauration d’un « bouclier qualité-prix ».

À cet égard, on a entendu parler de risque d’économie administrée. Je précise, comme l’ont fait avec talent nos collègues rapporteurs, qu’il s’agit avant tout de régulation. Quand tous les mécanismes classiques de la concurrence ne sont pas présents pour des raisons structurelles, il revient aux pouvoirs publics de mettre en œuvre des instruments pour faciliter le jeu de la concurrence. Compenser ce déficit de concurrence préjudiciable aux consommateurs ultramarins relève bien de notre responsabilité.

Nous avons longuement débattu en première lecture de tous les dispositifs du projet de loi. L’Assemblée nationale a apporté de nombreuses modifications, sans toutefois bouleverser l’esprit général du texte. Le constat d’une cherté de la vie outre-mer est partagé autant que la nécessité d’y remédier. Ce consensus a facilité le travail de la commission mixte paritaire, et je m’en félicite. Les sénateurs et les députés se sont accordés sur l’essentiel des dispositions restant en discussion, même si l’article 11 bis ouvrant aux chambres de commerce et d’industrie la possibilité de tenir le registre du commerce et des sociétés a suscité de vifs débats.

Sur ce point, une nouvelle rédaction devrait permettre de garantir à la fois l’efficacité de la tenue des registres du commerce là où elle fait défaut et la sécurité juridique d’un régime dérogatoire au droit commun.

Mes chers collègues, aussi bien dans mon département, le Lot, qu’au Sénat, je me bats, comme beaucoup d’entre vous, pour l’égal accès au service public ou encore aux soins. Alors, naturellement, en ma qualité de membre de la délégation sénatoriale à l’outre-mer, je veux être du combat pour un égal accès aux produits de consommation courante pour tous nos concitoyens ultramarins.

Le principe d’égalité est au cœur des valeurs républicaines de notre pays. C’est pourquoi, quand il est rompu dans certains de nos territoires, il est de notre devoir de tout mettre en œuvre pour le rétablir.

En conséquence, les membres du RDSE, et notamment les radicaux de gauche, voteront les conclusions de la CMP. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Joël Labbé.

M. Joël Labbé. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ce projet de loi nous rappelle que les territoires ultra-marins concentrent les inégalités : inégalités économiques, mais aussi inégalités sociales et environnementales. Les mesures proposées vont donc dans le bon sens.

Nous avons apprécié votre détermination, monsieur le ministre, à enfin avancer dans le bon sens. Le Gouvernement va maintenant pouvoir intervenir directement sur la structuration des marchés locaux pour mettre un terme à un certain nombre d’abus.

L’enjeu ici est bien d’empêcher ces acteurs de profiter de l’éloignement géographique et des particularités socio-économiques des outre-mer pour établir des situations de monopole, dont les victimes sont toujours les consommateurs.

Les écologistes ont été présents tout au long de l’élaboration de ce projet de loi. Nous avons, nous aussi, apprécié que le texte issu de la première lecture ait recueilli l’unanimité. Nous espérons que tel sera le cas également des conclusions de la CMP.

Évidemment, nos concitoyens ultramarins ont droit à un développement économique autonome aux fins de valoriser les richesses naturelles et humaines des outre-mer. Telle est la philosophie des amendements que nous avions portés tant au Sénat qu’à l’Assemblée nationale.

C’est la raison pour laquelle nous voterons ce texte, tout en regrettant que certaines problématiques n’aient pas été pleinement prises en considération.

À cet égard, nous regrettons vivement que notre amendement visant à créer un comité de suivi de l’application de la loi, associant tous les partenaires, ait été édulcoré. L’Observatoire des prix n’a pas tout à fait la même portée. Malgré tout, il y a là une avancée.

J’ai participé aux travaux de la mission commune d’information sur les pesticides et leur impact sur la santé et l’environnement. Le rapport qui vient d’être publié constitue une étape importante dans la reconnaissance, par le législateur, de leur nocivité, en premier lieu sur la santé.

Je réaffirme ici que les épandages aériens de pesticides, rendus possibles par des dérogations au droit commun, sont une réelle menace pour la santé des habitants et pour l’environnement des territoires ultramarins, mais aussi de la métropole. C’est d’ailleurs aux fins de respecter la législation à la fois européenne et nationale que le tribunal administratif de Basse-Terre a rendu, le 3 octobre dernier, une ordonnance visant à suspendre l’arrêté préfectoral qui autorise les épandages aériens de pesticides sur les bananeraies en Guadeloupe.

Ces dérogations sont en effet injustifiables, car il existe des techniques alternatives. Pour reprendre l’exemple de la culture de la banane en Guadeloupe, la lutte contre la cercosporiose jaune peut se faire par l’effeuillage-brûlage des feuilles de bananes ou encore par la réduction de la densité des plantations, afin de faciliter la circulation de l’air. On peut également éviter de mettre en culture les parcelles trop humides. Toutes ces méthodes doivent être mises en œuvre.

Un autre argument nous est opposé, celui de l’emploi. Rappelons que, malgré le recours aux épandages aériens de pesticides – ou peut-être à cause de lui ? –, le nombre des ouvriers dans les plantations de bananes a chuté depuis dix ans, de 47 % en Guadeloupe et de 38 % en Martinique, notamment. Ce secteur de la production de bananes est pourtant largement subventionné, à hauteur de 15 000 euros par hectare, soit environ vingt fois plus que la moyenne de ce que reçoivent les agriculteurs.

En outre, et la conséquence est loin d’être insignifiante, l’utilisation de ces pesticides a conduit à la fermeture de la moitié des exploitations aquacoles dans les Antilles.

Nous espérons vivement que ce rapport de la mission commune d’information aura des déclinaisons législatives et que la loi sera renforcée afin de mieux préserver la santé et l’environnement.

Comme je l’ai dit tout à l’heure, nous voterons avec conviction les conclusions de la CMP sur le projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Éric Doligé.

M. Éric Doligé. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, alors que nous achevons l’examen du projet de loi relatif à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives aux outre-mer, je tiens à rappeler, en premier lieu, que l’outre-mer est une part très importante de notre identité.

Sur tous les continents, sur tous les océans, les départements et les collectivités d’outre-mer portent les valeurs de la République : les valeurs de liberté, de dignité et d’égalité.

À l’heure de la mondialisation et du développement durable, l’outre-mer est, pour notre nation, un atout irremplaçable. Il apporte sa diversité, son dynamisme, ses talents et son ouverture sur un univers globalisé.

Vous le savez, je me passionne pour ces territoires depuis des années et que j’en suis un ardent - mais raisonnable - défenseur. Serge Larcher et moi avions, en 2009, rédigé un rapport qui fait désormais référence, intitulé Les DOM, défi pour la République, chance pour la France, 100 propositions pour fonder l’avenir. Ce rapport traitait des départements, mais nous aurions pu dire la même chose de toutes les collectivités d’outre-mer.

Donner un nouvel élan, valoriser les atouts spécifiques, permettre à chaque territoire de mieux affronter les grands défis de notre époque, autant d’objectifs qui doivent être prioritaires.

Le problème de la vie chère est récurrent dans les outre-mer et mérite une attention particulière, attention que le précédent gouvernement leur avait accordée en s’efforçant de répondre au problème par la loi du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer, la LODEOM, et par la mise en place d’un dialogue sans précédent, les états généraux de l’outre-mer. À l’issue de ces états généraux, le conseil interministériel de l’outre-mer du 6 novembre 2009 avait arrêté des mesures dont plusieurs visaient à diminuer le coût de la vie et dont un nombre significatif figuraient dans le rapport que j’ai déjà cité.

Nous en sommes tous bien conscients, la cherté de la vie est une préoccupation forte des populations ultramarines.

Permettez-moi aussi de rappeler que la LODEOM avait pour objectif de créer les conditions d’un développement économique en outre-mer en privilégiant la compétitivité des entreprises, notamment dans leur environnement régional.

La loi a ainsi créé des zones franches d’activité, ce qui se traduit par des exonérations fiscales significatives, en particulier pour ce qui est de l’impôt sur les bénéfices, de la taxe professionnelle et de la taxe foncière sur les propriétés bâties.

En outre, elle permet de réglementer par décret en Conseil d’État le prix de vente des produits de première nécessité dans les collectivités ultramarines où l’État détient cette compétence.

Entre mars et juillet 2009, après la crise sans précédent qui a frappé certains territoires d’outre-mer, se sont tenus les états généraux de l’outre-mer. Le conseil interministériel de l’outre-mer du 6 novembre 2009 a ainsi décidé de 137 mesures concrètes et opérationnelles couvrant tous les domaines.

La question de la baisse des prix et de la transparence des circuits de distribution a constitué un axe de réflexion majeur et a donné lieu à des mesures concrètes, que je me permettrai de rappeler ici.

L’Autorité de la concurrence a été dotée de pouvoirs renforcés lors des opérations de rachat de supermarchés ou d’hypermarchés.

Le seuil de notification des opérations de concentration pour le secteur du commerce de détail a été abaissé de 15 millions d’euros à 7,5 millions d’euros.

Des GIR-concurrence ont été créés en 2010 dans chaque collectivité d’outre-mer, par arrêté préfectoral. Ces groupements d'intervention régionaux spécialisés réunissent les compétences des services chargés de la concurrence et de la consommation, des douanes et des services fiscaux. Ils effectuent des enquêtes sur le fonctionnement des secteurs commerciaux et assurent une veille efficace du respect des règles de concurrence. Nous savons bien qu’il n’est jamais facile de mettre en œuvre de tels dispositifs, ni dans l’Hexagone ni dans les collectivités d’outre-mer.

Enfin, les présidents des observatoires des prix et des revenus, suite au recueil des données statistiques, peuvent donner leur avis à l’Autorité de la concurrence.

Comme nous vous l’indiquions lors de la discussion générale, le niveau des prix outre-mer reste une préoccupation majeure et sa diminution est une exigence qui nous oblige.

L’égalité républicaine doit, outre-mer, s’appliquer aussi en matière économique.

Avec ce projet de loi, vous avez choisi d’agir sur les mécanismes de formation des prix, en particulier en renforçant les pouvoirs d’intervention de l’Autorité de la concurrence.

Encore une fois, nous partageons l’objectif, mais nous tenons à souligner notre divergence sur la méthode.

La précédente majorité avait en effet préféré agir sur les coûts, instaurant des zones franches dans les secteurs d’activité exposés, afin de diminuer les charges et ainsi augmenter les bénéfices.

L’étroitesse des marchés de l’outre-mer est une évidence, une donnée structurelle, qui explique que ces économies ont une tendance à engendrer naturellement une organisation en oligopoles. Certes, les causes de la vie chère outre-mer tiennent, pour partie, au caractère oligopolistique de ces marchés, mais pour partie seulement.

À cela, il faut ajouter, entre autres choses, le coût du transport, inéluctable, tant que l’outre-mer entretiendra des relations économiques quasi exclusives avec la métropole et l’Europe.

Nous considérons donc que ce texte n’apporte qu’une réponse partielle aux problèmes de l’outre-mer et nous appelons de nos vœux une réforme structurelle, pour ne pas parler de la poursuite des réformes engagées par vos prédécesseurs.

Ainsi, lors de la présentation de ce projet de loi, nous avions émis des réserves, voire des inquiétudes. Aujourd’hui, nous considérons que le texte auquel est parvenu la commission mixte paritaire est un compromis a minima.

Je ne m’attarderai que sur les dispositions du texte qui me paraissent mériter des observations particulières.

En premier lieu, vous n’ignorez pas, monsieur le ministre, les nombreuses réactions suscitées par l’article 5 au sein du monde économique.

Cet article comporte à nos yeux un risque de découragement de l’initiative, surtout lorsqu’on l’associe à la faculté de blocage des prix dont dispose le Gouvernement. En combinant les deux dispositions, vous adressez un message, certes, mais plus sur le contrôle que sur la régulation.

Toutefois, in fine, si ces mesures se révèlent dans le temps bénéfiques aux consommateurs d’outre-mer, alors nous ne pourrons que nous en réjouir.

Quant à la fixation des tarifs des services bancaires, le texte adopté par l’Assemblée nationale prévoyait initialement l’obligation pour les établissements locaux de fixer des tarifs identiques à ceux qui sont pratiqués par leur maison mère en métropole. S’il avait été adopté en l’état, l’article aurait méconnu non seulement les avancées obtenues depuis 2009 en matière de tarifs bancaires, mais aussi les conséquences sur l’économie et l’emploi.

Les tarifs bancaires sont, en effet, en constante diminution depuis 2009 en outre-mer et les charges pesant sur les établissements bancaires implantés demeurent importantes.

Nous nous satisfaisons donc de la rédaction de l’article 6 ter A adopté par la commission mixte paritaire, rédaction que nous avons d’autant plus soutenue que nous l’avions proposée.

Le transfert du registre du commerce et des sociétés est une autre des dispositions de ce projet de loi qui ont suscité une certaine controverse.

L’engorgement des greffes civils d’outre-mer entraînant des délais de traitement des démarches souvent très longs, les chambres consulaires ont tout naturellement été conduites à solliciter le transfert de la tenue du registre du commerce et des sociétés à leur profit.

Il s’agissait donc bien d’une mesure de régulation économique, car que tout ce qui permet de simplifier les démarches des acteurs économiques contribue à fluidifier l’économie dans son ensemble.

En définitive, nous avons accepté la proposition de la commission mixte paritaire tendant à modifier le périmètre de gestion du registre du commerce et des sociétés confié aux chambres consulaires, le contrôle étant néanmoins conservé par les greffiers.

Cependant, le projet de loi que vous nous présentez manque selon nous d’une certaine ambition – des ambitions, nous en avons pour l’outre-mer – et passe à côté de certains des objectifs fixés.

En effet, ce projet de loi vise uniquement le contrôle des prix et la régulation économique. Sa portée est limitée, comme l’a indiqué M. Le Cam.

Or, pour nous, améliorer la situation de l’outre-mer ne doit pas se limiter à cela. Nous avons trop souvent pris dans nos assemblées la mauvaise habitude de travailler dans la précipitation, sans analyser un problème dans sa globalité. Je rappelle que, en ce moment, la délégation sénatoriale à l’outre-mer, que préside notre collègue Serge Larcher, effectue un travail sur la vie chère.

J’ai bien noté, monsieur le ministre, que ce texte est non pas un aboutissement, mais un départ, comme vous l’avez dit il y a quelques instants.

D’autres pans de l’économie méritent une action appropriée, mais les questions posées à cet égard ne trouvent pas de réponses dans ce texte.

Comment comptez-vous aider les PME à exporter et à conquérir de nouveaux marchés ? Peut-être nous le direz-vous à l’occasion de l’examen d’un autre texte ? Le développement de nos outre-mer ne se fera pas si les PME ne peuvent évoluer sur leur marché régional.

Comment comptez-vous aider les PME à exporter et à conquérir de nouveaux marchés ? Peut-être nous le direz-vous à l’occasion de l’examen d’un autre texte. En tout cas, le développement de nos outre-mer ne se fera pas si les PME ne peuvent évoluer au sein de leur marché régional.

Comment comptez-vous valoriser les filières de production locale, notamment l’agriculture et l’aquaculture ? Nous savons qu’il existe des capacités fortes dans ces différents domaines.

Que va faire le Gouvernement pour tenir compte des spécificités de l’outre-mer dans la réforme de la PAC ?

Quelles mesures comptez-vous adopter pour valoriser les espaces naturels et la biodiversité ? Cela permettrait, par exemple, de répondre à une nouvelle demande en matière de tourisme, celle de l’éco-tourisme. En effet, l’économie en outre-mer passe également par le tourisme. Or nous savons que celui-ci se porte actuellement fort mal dans certains des territoires ultramarins. Peut-être avez-vous vu, à ce sujet, quelques reportages sur la Polynésie française, notamment.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, vous l’aurez compris, nous sommes réservés sur le cœur de ce projet de loi.

Nous partageons, bien évidemment, votre objectif visant à rapprocher le coût de la vie outre-mer de celui de la métropole, car c’est pour nous une ambition républicaine, à laquelle nous ne saurions déroger. Nous ne parviendrons jamais à équilibrer les niveaux de vie en nous contentant d’une baisse des prix qui ne serait que relative. Il nous faudra également développer les ressources et valoriser les richesses.

Cependant, je ne vous surprendrai pas en vous disant que nous divergeons sur les moyens d’y parvenir.

Le groupe UMP a donc fait le choix de s’abstenir sur ce projet de loi, même si vous pouvez éventuellement considérer, monsieur le ministre, qu’il s’agit d’une abstention positive ! Dans l’intérêt des outre-mer, nous resterons extrêmement vigilants quant aux effets réels qu’aura votre texte.