Mme la présidente. En application de l’article 73 quinquies, alinéa 7, du règlement, la résolution que le Sénat vient d’adopter sera transmise au Gouvernement et à l’Assemblée nationale.

financement des régions ultrapéripheriques françaises

Mme la présidente. Nous passons à la discussion du texte de la proposition de résolution européenne sur l’Union européenne et le financement des régions ultrapériphériques françaises, élaboré par la commission des affaires économiques et dont je donne lecture :

Le Sénat,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu l’article 349 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,

Vu la décision du Conseil du 10 février 2004 relative au régime de l’octroi de mer dans les départements français d’outre-mer et prorogeant la décision 89/688/CEE,

Vu la décision de la Commission du 23 octobre 2007 autorisant le régime d’aide d’État de l’octroi de mer (C (2007) 5115 final),

Vu le rapport n° 519 (2008-2009) de la mission commune d’information outre-mer du Sénat « Les DOM, défi pour la République, chance pour la France, 100 propositions pour fonder l’avenir »,

Vu la résolution européenne du Sénat n° 65 (2011-2012) du 5 février 2012 sur les propositions de règlements relatifs à la politique européenne de cohésion 2014-2020,

Vu la proposition de règlement du Conseil fixant le cadre financier pluriannuel pour la période 2014-2020 présentée par la Commission européenne le 29 juin 2011 (COM (2011) 398 final) et sa modification en date du 6 juillet 2012 (COM (2012) 388 final),

Vu la communication de la Commission européenne : « Les régions ultrapériphériques de l’Union européenne : vers un partenariat pour une croissance intelligente, durable et inclusive » du 20 juin 2012 (COM (2012) 287 final),

Considérant le traitement spécifique que l’article 349 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne prévoit pour les régions ultrapériphériques, notamment en matière de politique fiscale et de conditions d’accès aux fonds structurels ;

Considérant l’importante contribution qu’apporte le soutien financier européen au développement des départements d’outre-mer français ;

Considérant le soutien que le différentiel entre les taux internes et externes de l’octroi de mer dans les RUP permet d’apporter à la production locale de ces territoires ;

Considérant la part prépondérante que représentent les recettes issues de l’octroi de mer dans les recettes fiscales des DOM ;

– Concernant la politique de cohésion et le cadre financier pluriannuel 2014-2020 :

Souhaite que le cadre financier pluriannuel 2014-2020 traduise concrètement la reconnaissance des régions ultrapériphériques (RUP) comme un atout pour toute l’Union européenne, conformément à la communication de la Commission de juin 2012 ;

Fait valoir que les taux de consommation des fonds structurels dans les DOM sont du même ordre que dans l’hexagone et que, de ce fait, la capacité des RUP à consommer les fonds européens ne peut être sérieusement invoquée pour justifier une baisse des crédits alloués à ces régions ;

Demande le maintien, dans le cadre financier pluriannuel 2014-2020, de l’allocation spécifique pour les régions ultrapériphériques et à faible densité de population au niveau qui est le sien dans l’actuelle période de programmation ;

Défend un régime dérogatoire permettant d’exonérer de toute conditionnalité et de tout fléchage l’utilisation de cette allocation spécifique destinée à compenser les handicaps des RUP au titre de l’article 349 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) ;

Propose d’aligner le taux de cofinancement de l’allocation spécifique aux RUP sur celui de 85 %, prévu pour les autres fonds structurels dans ces régions ;

Soutient un assouplissement de la concentration thématique pour l’emploi des fonds structurels dans les RUP, afin que ces fonds contribuent à l’investissement dans les infrastructures locales dont ces régions continuent d’avoir besoin, et propose que soit intégré dans le taux de concentration thématique un quatrième objectif prioritaire laissé au libre choix de chaque région et que ce taux soit abaissé à un niveau plus adapté aux réalités locales ;

Souligne la nécessité de faciliter la coopération transfrontière en permettant aux RUP insulaires de pouvoir mobiliser les crédits, qui y sont destinés, au-delà de la limite prévue de 150 kilomètres ;

Appelle à une meilleure articulation entre le FEDER et le Fonds européen de développement pour faciliter les projets de coopération territoriale entre les RUP et les États voisins de ces régions ;

Fait observer que la nécessité reconnue par la Commission européenne de promouvoir l’intégration régionale des RUP n’est pas cohérente avec l’application stricte des normes européennes dans ces régions et appelle en conséquence des adaptations de ces normes afin de mieux prendre en compte les réalités locales ;

Estime que le mécanisme pour l’interconnexion en Europe que la Commission propose de créer dans le cadre financier 2014-2020 pourrait opportunément être mobilisé au profit des RUP afin de soutenir le déploiement des réseaux de transport, d’énergie et de télécommunications dans ces régions ;

Insiste pour que l’enveloppe budgétaire qui sera consacrée à Mayotte, qui deviendra RUP au 1er janvier 2014, ne vienne pas en diminution de l’enveloppe aujourd’hui prévue pour les RUP françaises ;

Juge nécessaire de préparer Mayotte à l’utilisation des fonds structurels et, à cette fin, d’assister ce département dans l’élaboration d’un plan global de développement auquel contribueraient ces fonds ;

– Concernant l’octroi de mer :

Recommande d’améliorer les moyens statistiques des DOM afin de fiabiliser l’évaluation de l’efficacité de l’octroi de mer au regard de son objectif premier, le développement local ;

S’inquiète de l’incertitude qui règne à seulement vingt mois de l’échéance du 1er juillet 2014, date à laquelle s’éteindra la prorogation, accordée par le Conseil en 2004, du régime de l’octroi de mer ;

Appelle le Gouvernement à entreprendre sans délai un dialogue avec la Commission européenne pour assurer prioritairement, sur le fondement de l’article 349 du TFUE, la pérennisation de l’octroi de mer après le 1er juillet 2014 et, le cas échéant, prévoir la mise en place d’un régime fiscal dérogatoire alternatif permettant de soutenir le développement des DOM sans fragiliser les recettes fiscales des collectivités territoriales.

Mes chers collègues, je rappelle que la conférence des présidents a décidé que les interventions des orateurs valaient explication de vote.

Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de résolution européenne sur l’Union européenne et le financement des régions ultrapériphériques françaises.

(La proposition de résolution européenne est adoptée à l’unanimité des présents.) – (Applaudissements.)

Mme la présidente. En application de l’article 73 quinquies, alinéa 7, du règlement, la résolution que le Sénat vient d’adopter sera transmise au Gouvernement et à l’Assemblée nationale.

7

Nomination de membres d’une commission mixte paritaire

Mme la présidente. Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013.

La liste des candidats établie par la commission des affaires sociales a été affichée conformément à l’article 12 du règlement.

Je n’ai reçu aucune opposition.

En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :

Titulaires : Mme Annie David, MM. Yves Daudigny, Jean-Pierre Godefroy, Ronan Kerdraon, Alain Milon, René-Paul Savary et Jean-Marie Vanlerenberghe ;

Suppléants : Mmes Catherine Deroche, Muguette Dini, Catherine Génisson, M. Jacky Le Menn, Mmes Michelle Meunier, Isabelle Pasquet et Catherine Procaccia.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures quarante, est reprise à dix-sept heures.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

8

Débat sur le crédit à la consommation et le surendettement

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle, à la demande de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois, le débat sur le crédit à la consommation et le surendettement.

La parole est à M. le président de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois.

M. David Assouline, président de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la rapporteur, mes chers collègues, je suis heureux d’intervenir à cette tribune pour la quatrième fois en tant que président de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois. Notre débat de ce jour est relatif à la loi du 1er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation, dite « loi Lagarde », et concernant le surendettement, deux questions qui touchent un très grand nombre de nos concitoyens au quotidien, surtout en cette période de crise économique.

En liaison avec la commission des finances, la commission que je préside a travaillé sur ces thèmes durant le premier semestre de cette année. Il en est résulté, au mois de juin, la publication de l’excellent rapport – la formule n’est pas convenue, je le dis avec force et sincérité – de Mmes Anne-Marie Escoffier et Muguette Dini. Les récents développements de la vie politique nous ont privés de Mme Escoffier, puisqu’elle est membre du Gouvernement depuis maintenant près de six mois ; aussi reviendra-t-il à Mme Dini de présenter seule les grandes lignes de ce rapport, toujours d’actualité.

Comme vous l’aurez remarqué lors de nos précédents débats, la commission pour le contrôle de l’application des lois s’efforce, chaque fois que cela est possible, de confier la rédaction de ses rapports à un binôme de sénatrices ou de sénateurs de groupes politiques différents. Cette pratique a été menée en bonne harmonie jusqu’à présent ; elle me paraît saine, car elle permet de diversifier les analyses, les regards, et d’enrichir les contrôles que nous sommes amenés à effectuer.

Je constate d’ailleurs que, sauf exception, nos rapporteurs, bien que de sensibilités politiques différentes, voire opposées, ont souvent des points de vue qui se rejoignent quand il s’agit d’arrêter des conclusions, d’établir un état des lieux, tant il est vrai que, sur nombre de sujets, les faits parlent d’eux-mêmes, au-delà des clivages partisans. Tel est bien le cas dans le domaine du surendettement.

En la matière, il s’agit d’abord d’une détresse que le législateur de 2010 a tenté de prévenir ou de traiter. Y est-il parvenu ? En partie, seulement… Le rapporteur de l’époque indiquait déjà qu’il fallait compléter le dispositif. De surcroît, sa mise en application n’a pas toujours été au rendez-vous.

C’est l’avis de nos deux rapporteurs, qui voyaient dans la loi de 2010 « une reforme ambitieuse à compléter », comme le souligne le titre de leur rapport d’information. C’est aussi une conclusion largement partagée par les associations que nos rapporteurs ont auditionnées, et qui débouche en toute logique sur des propositions de réforme.

Je souscris à cette démarche « propositionnelle » car, à mes yeux, pour être réellement constructive, l’évaluation doit parfois conduire les pouvoirs publics à reconsidérer les régimes existants, à en identifier les faiblesses ou les lacunes et, d’une manière plus générale, à tendre vers ce que j’appellerais un meilleur « rendement législatif ».

Mieux contrôler pour mieux légiférer, en quelque sorte, c’est ce qu’a fait notre commission. Sur la base de leurs observations, nos deux rapporteurs ont émis vingt recommandations concrètes, que Mme Dini va certainement résumer dans quelques instants.

J’ai la satisfaction de constater que plusieurs de nos propositions rejoignent les préoccupations exprimées par l’actuel gouvernement. Je pense, en particulier, à un meilleur encadrement du crédit renouvelable, sujet sur lequel, monsieur le ministre, vous avez apporté d’intéressantes précisions au mois de septembre dernier.

Si, comme on peut le penser, le Parlement est appelé à réexaminer dans les prochains mois certaines dispositions de la loi de 2010 ou à légiférer de nouveau sur cette question, la commission que je préside sera fière d’avoir préparé le terrain d’un nouveau chantier législatif – c’est son rôle – et d’avoir apporté sa contribution aux travaux des commissions permanentes, qui seront, elles, saisies sur le fond du texte.

C’est la philosophie qui a inspiré la mise en place de la commission que j’ai l’honneur de présider et c’est, j’en suis convaincu, un progrès dans nos méthodes de travail parlementaire.

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteur.

Mme Muguette Dini, rapporteur de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, au nom de la commission sénatoriale pour contrôle de l’application des lois, Anne-Marie Escoffier et moi-même avons procédé à une évaluation de la loi du 1er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation, dite « loi Lagarde ».

Nous avons auditionné vingt personnes et effectué quatre déplacements à Lyon, à Lille, à Strasbourg et en Seine-Saint-Denis, au cours desquels nous avons rencontré des distributeurs de crédit sur les lieux de vente et des membres de commissions de surendettement.

Au terme de notre enquête, nous faisons trois constats.

Le premier concerne la mise en application de la loi.

Sur les trente-cinq mesures d’application que ce texte prévoyait, trente et une ont été prises ; dix décrets, cinq arrêtés et trois mesures non réglementaires les ont complétées. Les quatre mesures d’application qui restaient à prendre au moment de la publication de notre rapport ne portaient pas sur les aspects fondamentaux de la loi.

Atteignant un taux de près de 90 %, la mise en application de la loi a été bien maîtrisée par le Gouvernement. Elle a été accompagnée par un large dispositif de consultation des acteurs intéressés prolongeant le travail de consultation effectué lors de la discussion de la loi.

La publication des textes d’application s’est déroulée en trois étapes principales : immédiatement après la promulgation de la loi pour les obligations relatives à la publicité, à l’automne 2010 pour les obligations précontractuelles et contractuelles ainsi que pour la réforme du surendettement, au printemps 2011, enfin, pour la réforme de l’usure et celle des crédits renouvelables.

Le deuxième constat réalisé par la commission porte sur les importantes avancées permises par la loi en matière de crédit à la consommation et de traitement du surendettement.

En effet, la loi Lagarde a permis d’encadrer le crédit à la consommation, de responsabiliser les acteurs et d’améliorer les procédures de surendettement. Je vais revenir en détail sur ces trois points.

La loi a d’abord entraîné une restructuration profonde du crédit à la consommation, au travers, principalement, d’un encadrement des publicités, d’une refonte des contrats, d’une formation des vendeurs, d’une informatisation de la souscription du crédit et de la vérification de la solvabilité de l’emprunteur.

Voyons d’abord l’encadrement des publicités. Il a consisté à renforcer les mentions obligatoires, à imposer une police de taille plus importante que celle qui concerne les autres éléments publicitaires, à présenter un exemple représentatif et à faire figurer la mention : « Un crédit vous engage et doit être remboursé. Vérifiez vos capacités de remboursement avant de vous engager ».

La loi interdit également aux publicités d’indiquer ou de sous-entendre que le crédit améliore la situation financière ou le budget de l’emprunteur.

Elle a par ailleurs entraîné une refonte des modèles de contrats diffusés par les établissements de crédit. Les textes visent maintenant le « crédit renouvelable » et les termes « crédit permanent », « crédit revolving » ou « réserve d’argent » sont interdits.

Pour éviter le crédit qui n’est jamais remboursé, la loi a limité dans le temps la durée de remboursement du crédit renouvelable. Elle a ainsi instauré une durée maximale de remboursement et prévu que chaque échéance comprend obligatoirement un remboursement minimal du capital restant dû. Cette durée maximale de remboursement est de trente-six mois pour les montants inférieurs à 3 000 euros et de soixante mois pour les montants supérieurs.

Les offres de crédit doivent être plus lisibles et intégrer un encadré résumant les caractéristiques essentielles du crédit. Celles-ci doivent être plus complètes et prennent la forme de véritables liasses contractuelles. Le montant des cadeaux et des offres promotionnelles associés à la conclusion d’un crédit a été plafonné à quatre-vingts euros.

La loi a ensuite imposé la formation des responsables de vente, des vendeurs de crédit et des vendeurs en magasins, obligation que les organismes de crédit avaient largement anticipée. L’obligation de formation, confirmée par une attestation à présenter en cas de contrôle, est entrée en vigueur le 1er juillet 2012.

Pour ce qui concerne le contrat, la loi a entraîné l’informatisation du traitement de la vie du crédit. La souscription d’un contrat s’effectue en plusieurs étapes, franchies par le client avec le vendeur de crédit, au moyen d’un système informatique propre à chaque établissement de crédit. Les opérations informatiques sont donc particulièrement importantes et fréquentes pour un crédit renouvelable, dans lequel les échéances et la durée sont recalculées à chaque réutilisation.

La transformation des conditions de souscription et de vie du contrat de crédit, notamment du crédit renouvelable, a donné lieu à un important chantier informatique pour l’ensemble des établissements de crédit. La restructuration des systèmes informatiques a été d’autant plus complexe et coûteuse que la loi a imposé de traiter également le stock existant.

Pour mieux responsabiliser les acteurs, la loi du 1er juillet 2010 a introduit la vérification de la solvabilité de l’emprunteur. Celle-ci passe d’abord par une consultation obligatoire du fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers, le FICP.

Elle prévoit ensuite, pour tout crédit conclu sur le lieu de vente ou par Internet, l’obligation d’établir une fiche de dialogue, qui doit permettre d’évaluer la situation de l’emprunteur – niveau d’endettement, revenus, etc.

De plus, à partir de 1 000 euros, la production de pièces justificatives est nécessaire pour corroborer cette fiche de dialogue, autrement dit, en dessous de 1 000 euros, la situation est uniquement déclarative.

Après l’encadrement du crédit et la responsabilisation des acteurs, j’évoquerai maintenant le surendettement, qui résulte non plus essentiellement d’un abus de crédits, mais d’une faiblesse des revenus pour faire face aux charges courantes.

Au début des années 2000, on a observé une mutation d’un surendettement actif à un surendettement passif, caractérisés le premier par un excès de crédits et le second par des accidents de la vie. Depuis dix ans, ce virage a évolué. Désormais, le surendettement concerne une population qui, indépendamment de la survenance d’un accident de la vie, est très fragilisée et dispose structurellement de ressources trop faibles pour faire face à ses charges.

En matière de traitement du surendettement des particuliers, la première finalité de la loi Lagarde a été d’accélérer les procédures, afin d’éviter que la dette ne progresse durant le traitement du dossier de surendettement.

Avec la crise, le nombre de dossiers de surendettement déposés a progressé de 6 % entre 2010 et 2011, pour atteindre 232 000 pendant cette période, dossiers qui se sont ajoutés aux procédures en cours pour un total de 746 000 dossiers, ce chiffre visant 5 % des ménages acquittant l’impôt sur le revenu.

Le législateur a cherché à contrecarrer cette évolution, qu’il a pressentie, en confortant la loi Neiertz. C’est ainsi que la loi a imposé un délai d’examen de la recevabilité du dossier de surendettement de trois mois, contre six mois auparavant.

Elle a aussi prévu que les commissions de surendettement, dont le secrétariat est confié à la Banque de France et la présidence au préfet ou à son représentant, puissent décider directement un rééchelonnement de la dette ou un effacement des intérêts, sans passer par une procédure judiciaire.

Une procédure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire a été créée, lorsque la situation de la personne surendettée est « irrémédiablement compromise ». Celle-ci rend possible, de façon plus efficace, un effacement des dettes après une homologation par le juge.

La loi Lagarde a également prévu de mieux protéger le débiteur dès lors que son dossier est déclaré recevable.

Les premières dispositions de protection ont été la suspension des mesures d’exécution et le rétablissement rapide du droit aux allocations personnalisées au logement. Aujourd’hui, la suspension est d’un an maximal pour un plan conventionnel de redressement, des mesures imposées ou recommandées, ou elle court jusqu’à la procédure de rétablissement personnel, avec ou sans liquidation judiciaire.

D’autres dispositions de protection concernent la réduction à cinq ans de la durée maximale d’inscription au FICP tenu par la Banque de France, et à huit ans de celle des mesures de redressement.

Par ailleurs, grâce au travail minutieux de la Banque de France, le mode de calcul du budget « vie courante » est enfin harmonisé dans toute la France. Aujourd’hui, ce budget correspond en moyenne à 700 euros, hors logement, impôts, frais de garde, de scolarité et pension alimentaire, la grille étant cependant suffisamment souple pour être adaptée à la réalité du terrain. Il est évident que ce n’est pas la même chose d’être endetté à Paris et en province.

En dépit de toutes ces avancées, la loi Lagarde doit être complétée et améliorée. C’est là le troisième constat effectué par la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois.

L’encadrement de l’entrée dans le crédit reste inachevé. Les publicités sont certes encadrées, mais des sollicitations commerciales sont toujours possibles. La loi n’a pas suffisamment remis en cause la publicité passive que constitue le démarchage commercial. Les établissements de crédit ou leurs intermédiaires peuvent relancer leurs clients, en particulier lorsque ceux-ci n’ont pas atteint le plafond d’utilisation de leur ligne de crédit.

Ces sollicitations commerciales constituent une méthode récurrente, voire agressive, car elles laissent croire au consommateur qu’une certaine quantité d’argent est à sa disposition auprès de tel ou tel établissement. Elles prennent souvent pour cible des clients financièrement fragilisés.

Nous formulons donc deux recommandations : il faut interdire, d’une part, le démarchage commercial pour un crédit renouvelable et, d’autre part, la proposition, dans toute publicité, sous quelque forme que ce soit, de lots promotionnels et/ou de remises de prix liés à l’acceptation d’une offre de crédit.

La principale porte d’entrée dans le crédit demeure les cartes dites « confuses », qui sont à la fois des cartes de crédit et des cartes de fidélité. Elles concernent non seulement le crédit sur le lieu de vente, mais aussi le crédit offert dans le secteur de la vente par correspondance, particulièrement présente dans le crédit renouvelable.

Les cartes de crédit étant souvent adossées à des cartes de fidélité, les souscriptions de crédits renouvelables sont parfois liées à la simple volonté de disposer d’une carte de fidélité du magasin ou à celle d’obtenir un avantage promotionnel. Il convient donc de recentrer la carte de fidélité sur sa finalité première : récompenser la fidélité d’un client.

Nous recommandons d’interdire les cartes « confuses » en découplant les cartes de paiement, avec crédit renouvelable ou non, et les cartes de fidélité.

La loi a interdit que le vendeur soit rémunéré en fonction du type de crédit souscrit. Il s’agit d’éviter que les vendeurs n’orientent le client vers le crédit renouvelable plutôt que vers une offre amortissable.

La commission du vendeur doit être la même pour la vente d’un crédit renouvelable ou celle d’un crédit amortissable. C’est la loi. La souscription d’un crédit, amortissable ou renouvelable, ne doit pas être le résultat d’une pratique commerciale ; elle doit seulement être la solution proposée, par défaut, par le vendeur, lorsque le consommateur ne peut pas ou ne veut pas acheter au comptant.

Nous recommandons donc d’interdire toute rémunération du vendeur d’un bien en fonction des modalités de paiement choisies par l’acheteur.

En outre, la vérification de la solvabilité de l’emprunteur doit être renforcée.

Actuellement, la loi prévoit l’évaluation des ressources de l’emprunteur, mais non la prise en compte de ses charges. C’est pourquoi nous proposons de rendre obligatoire la présentation des trois derniers relevés de compte bancaire. Même si une personne a plusieurs comptes bancaires, elle n’a généralement qu’une seule source principale de revenus. Les transferts d’argent entre les différents comptes sont visibles et leur prise en considération permet de poser les bonnes questions.

Par ailleurs, les activités connexes au crédit à la consommation restent encore mal surveillées. Tel est ainsi le cas du regroupement de crédits, qui fait souvent figure de dernier recours avant le dépôt d’un dossier de surendettement. Il présente l’inconvénient majeur d’allonger les durées de remboursement, parfois jusqu’à dix ans. Or, durant cette longue période, le souscripteur peut connaître bien des aléas. Il faut donc limiter les durées de remboursement des opérations de regroupement de crédits.

On constate également que les découverts bancaires progressent à mesure que diminue l’utilisation des crédits renouvelables, ce qui contribue, mois après mois, à aggraver la situation de certains ménages.

Cette évolution fait l’objet d’un suivi attentif des services du Trésor et de la Banque de France, en particulier par le comité de suivi prévu dans le cadre de la réforme de l’usure.

Il nous paraît indispensable de prolonger de deux à cinq ans la durée d’existence de ce comité et d’étendre sa compétence au suivi de l’évolution des utilisations de découverts bancaires.

En matière de traitement des situations de surendettement, l’application de la loi Lagarde a incontestablement contribué à améliorer et à accélérer le déroulement des procédures de surendettement. Cependant, un certain nombre de problèmes procéduraux demeurent et nuisent à la fluidité du traitement de ces situations.

À cet égard, nous formulons plusieurs recommandations.

Premièrement, il faut prévoir que le montant des créances figurant dans l’état définitif du passif comprenne les intérêts échus entre la décision de recevabilité et la date d’arrêt du passif. Cette disposition garantira un apurement global des dettes du débiteur et complétera les mesures qui ont été prises dans la loi du 1er juillet 2010.

Il faut éviter que ne soient réclamés au débiteur, à l’issue des plans ou des mesures de redressement, des intérêts ou des pénalités ayant couru entre la date d’arrêt du passif et celle de la mise en œuvre des mesures d’apurement. Il est impératif que les créances figurant dans le passif ne produisent pas d’intérêts et ne génèrent pas de pénalités pendant ce délai.

Deuxièmement, il faut porter à dix-huit mois la durée maximale de suspension des mesures d’exécution après la déclaration de recevabilité. En effet, aux termes de la loi du 1er juillet 2010, ladite suspension est limitée à un an. Selon les commissions de surendettement, ce délai est souvent trop court, en particulier lorsque plusieurs recours judiciaires ont été formés contre les décisions successives.

Troisièmement, il faut fixer un délai précis pour la négociation du plan conventionnel, afin d’accélérer le traitement des situations de surendettement.

Quatrièmement, il faut aligner dans tous les cas la durée maximale d’inscription au FICP sur celle des mesures de redressement. En effet, la limitation à cinq ans de l’inscription au FICP peut inciter les débiteurs à souscrire de nouveaux crédits si les mesures de redressement sont prévues sur un temps plus long.

Cinquièmement, enfin, il faut intégrer systématiquement des représentants du conseil général et de la caisse d’allocations familiales au sein des commissions de surendettement. Cette présence permettra une approche plus humaine des dossiers. Actuellement, la personne qui dépose un dossier de surendettement n’a aucun contact avec la commission. Elle ne rencontre que l’employée de la Banque de France qui reçoit le dossier.

Il convient par ailleurs de mieux articuler la procédure de surendettement et le droit au logement.

Aujourd’hui, des ménages sont expulsés faute d’avoir pu payer leur loyer parce que la commission de surendettement, dans l’attente de ses décisions, leur interdit le paiement de toutes leurs dettes.

Il est donc essentiel de permettre au juge d’autoriser le débiteur à régler ses dettes de loyer ou les charges afférentes au remboursement de prêts contractés pour l’achat de son logement, malgré la décision de recevabilité et/ou l’ouverture d’une procédure de redressement personnel.

Le maintien dans le logement est primordial. Une expulsion, alors que le débiteur pourrait payer, ajoute à la détresse de la famille surendettée.

Par ailleurs, il ne faut pas oublier que les bailleurs sociaux ne sont pas les seuls concernés. Les propriétaires modestes, souvent des retraités, ont absolument besoin de percevoir leurs loyers, qui constituent pour eux un complément de revenus.

Il faut également poser le principe de l’accompagnement social obligatoire de tous ceux qui déposent un dossier de surendettement pour la deuxième, troisième, quatrième, cinquième, voire pour la sixième fois !

Les « redépôts » de dossier représentent près de 40 % des dossiers déposés en commission de surendettement, ce qui est considérable. Ils sont généralement le signe que la personne surendettée est très fragilisée socialement ou n’a pas su adapter et équilibrer son budget à l’issue de la première procédure de surendettement ou d’un moratoire de deux ans.

Dans les deux cas, le « redépôt » signale une forme d’échec. Il devrait donc obligatoirement comporter un suivi plus attentif et davantage personnalisé par le biais d’un référent social.

De même, il nous paraît indispensable de prévoir un module d’éducation à la gestion du budget familial dans les programmes scolaires des premier et second degrés.

Pour finir, j’évoquerai le registre national des crédits aux particuliers, dit « fichier positif ».

Dans le cadre de nos auditions et de nos déplacements sur le terrain, nous avons été systématiquement confrontés à des positions affirmées, diverses et souvent contradictoires, concernant le principe de la création de ce répertoire.

Sur ce sujet, nous formulons trois remarques principales.

Tout d’abord, le fichier positif doit être un élément, mais seulement un élément parmi d’autres, de la vérification de la solvabilité de l’emprunteur. Il ne doit remplacer ni les mesures existantes – la production de justificatifs de revenus – ni les mesures que nous proposons, à savoir la consultation des trois derniers relevés de compte bancaire. En effet, le fichier positif n’apportera qu’une partie des informations relatives au niveau d’endettement. Il ne donnera de renseignements ni sur les revenus, ni sur les charges, ni sur les habitudes de consommation de l’emprunteur.

Ensuite, si ce fichier vise à prévenir le surendettement en améliorant la vérification de la solvabilité de l’emprunteur, il pourrait aussi avoir un autre intérêt : faciliter l’accès au crédit d’une partie de la population qui en est aujourd’hui exclue, notamment les personnes en contrat à durée déterminée, en particulier les jeunes.

Enfin, notre troisième remarque porte sur le format ou le calibrage du fichier. Le rapport du comité Constans est complet et très utile, notamment d’un point de vue technique, mais il propose un choix binaire : accepter le fichier tel qu’il est proposé ou bien le rejeter.

Or le fichier proposé est assez maximaliste : il recenserait 25 millions de personnes, comprendrait les montants initiaux souscrits, la profondeur historique de six mois, etc.

Il nous paraît possible de restreindre l’ampleur de ce fichier. On pourrait imaginer, par exemple, un fichier positif limité au rythme de souscription des crédits, qui ne comprendrait pas le détail des crédits consommés ou remboursés. En effet, une accélération de la souscription de crédits en quelques mois est déjà un signal d’alerte.

Le fichier pourrait également ne recenser que les crédits actifs, dont les encours restant dus seraient supérieurs à 200 euros. Il ne conserverait les données que quelques mois, car cette photographie suffirait.

Grâce au travail de contrôle auquel j’ai procédé, ma position personnelle a évolué. À l’origine, j’étais plutôt favorable à l’instauration d’un fichier positif, car j’y voyais la solution à la vérification de la solvabilité, laquelle est toujours très lacunaire. Mais la prise en compte progressive de l’ensemble des éléments qui déterminent la conclusion d’un contrat de crédit, dont la vérification de la solvabilité n’est qu’une étape, m’a conduite à penser que ce n’était pas la solution miracle.

Ce fichier pose deux problèmes principaux relatifs au coût et à la protection des données personnelles. Ces deux questions ne doivent être ni négligées ni surévaluées, car elles peuvent être partiellement résolues par le choix du format du fichier.

Monsieur le ministre, si la loi de 1er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation a amélioré la protection du consommateur, elle n’est pas allée tout à fait au fond des choses.

À l’issue de la rédaction de notre rapport, Mme Escoffier et moi-même avions décidé de déposer une proposition de loi visant à compléter la loi Lagarde. Sa promotion au rang de ministre – vous l’avez rappelé, monsieur le président de la commission – ne lui a pas permis de concrétiser avec moi ce projet. Je l’ai donc fait seule, et avec son aval.

J’espère, monsieur le ministre, que nous pourrons travailler ensemble à l’amélioration de ce texte, afin de mieux protéger et de mieux responsabiliser les emprunteurs et leurs interlocuteurs dans leur relation avec le crédit renouvelable.